Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.107/2020
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

1B_107/2020

Arrêt du 24 mars 2020

Ire Cour de droit public

Composition

MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,

Fonjallaz et Kneubühler.

Greffière : Mme Arn.

Participants à la procédure

A.________, représenté par Me Malika Belet, avocate,

recourant,

contre

Ministère public du canton de Vaud, Procureur cantonal Strada, p.a. Ministère
public

central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.

Objet

Refus d'exécution anticipée de peine,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des
recours pénale, du 7 janvier 2020 (15 PE18.018211-JUA).

Faits :

A. 

Une instruction pénale est ouverte notamment contre A.________ pour brigandage
qualifié et actes préparatoires à brigandage. Il est reproché au prévenu et à
ses comparses de s'être rendus, le 18 septembre 2018, dans la bijouterie
B.________, munis d'une arme de poing, et d'avoir menacé et violenté les
employés, avant de forcer des vitrines et d'emporter des objets de valeur,
notamment des montres pour plus de 100'000 francs. Il est également reproché à
A.________ d'avoir effectué, durant quatre jours, plusieurs repérages afin
d'obtenir les informations nécessaires à l'exécution du braquage de la
bijouterie C.________, et d'avoir creusé un trou dans le Parc de l'Hermitage, à
Lausanne, dans le but d'y cacher le butin espéré après le méfait prévu. Le
braquage n'a finalement pas pu être exécuté, en raison d'une trop grande
présence policière dans les environs de la bijouterie précitée.

A.________ est en détention provisoire depuis le 18 septembre 2018.

Le 13 décembre 2019, le Procureur a engagé l'accusation devant le Tribunal
criminel de l'arrondissement de l'Est vaudois contre D.________, E.________,
F.________, A.________ et G.________; une audience devrait avoir lieu devant ce
Tribunal les 28 et 29 avril 2020.

Le 19 décembre 2019, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la
détention pour des motifs de sûreté de tous les prévenus précités; celle de
A.________ était motivée en raison des risques de fuite et de collusion.

B. 

A.________ a sollicité à deux reprises d'être mis au bénéfice de l'exécution
anticipée de peine, la dernière fois le 27 juin 2019, ce qui lui a été refusé
par ordonnance du 12 juillet 2019 du Procureur cantonal Strada; cette décision
a été confirmée par arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal
vaudois du 29 juillet 2019.

Par ordonnance du 10 décembre 2019, le Ministère public a refusé une nouvelle
demande de A.________ tendant à l'exécution anticipée de peine en raison du
risque très concret de collusion. Le recours formé par l'intéressé contre cette
décision a été rejeté par arrêt du 7 janvier 2020 de la Chambre des recours
pénale.

C. 

A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 7 janvier 2020. Il conclut, avec suite de frais et dépens,
principalement à sa réforme en ce sens que l'exécution anticipée de la peine
est immédiatement ordonnée, le cas échéant avec les restrictions appropriées
que justice dira. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt
entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue
dans le sens des considérants. Il sollicite en outre le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

Invités à se déterminer sur le recours, la cour cantonale et le Ministère
public renoncent à présenter des observations et se référent aux considérants
de l'arrêt entrepris.

Considérant en droit :

1. 

Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision
relative à la demande d'exécution anticipée des peines et mesures au sens de
l'art. 236 CPP (arrêts 1B_186/2018 du 8 mai 2018 consid. 1; 1B_127/2017 du 20
avril 2017 consid. 1.1). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre un
prononcé pris en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le
recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b
ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable.

2. 

Le recourant invoque une violation des art. 236 CPP et 9 Cst. Il soutient en
substance que le risque de collusion invoqué par l'instance précédente serait
très abstrait, de sorte que le refus de l'exécution anticipée de peine
constituerait une violation crasse de l'art. 236 CPP. Il invoque notamment le
fait qu'il a été entendu à cinq reprises, qu'il a pleinement collaboré et que
l'enquête est terminée. Il relève également qu'il est peu probable que les
comparses non identifiés ou non interpellés le soient au vu des 17 mois
d'enquête écoulés; en outre, il lui serait impossible de communiquer avec les
coprévenus détenus puisque ceux-ci ne bénéficient pas d'une exécution anticipée
de peine.

2.1. Selon l'art. 236 al. 1 CPP, la direction de la procédure peut autoriser le
prévenu à exécuter de manière anticipée une peine privative de liberté ou une
mesure entraînant une privation de liberté si le stade de la procédure le
permet. Le but de la disposition est d'offrir au détenu un régime d'exécution
tenant compte notamment de sa situation et de lui assurer, cas échéant, de
meilleures chances de resocialisation (ATF 143 IV 160 consid. 2.1 p. 162). Dès
l'entrée du prévenu dans l'établissement, l'exécution de la peine ou de la
mesure commence et le prévenu est soumis au régime de l'exécution, sauf si le
but de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté s'y
oppose (art. 236 al. 4 CPP).

L'art. 236 al. 1 in fine CPP suppose de plus que le " stade de la procédure "
concernée permette une exécution anticipée de la peine. Ce stade correspond au
moment à partir duquel la présence du prévenu n'est plus immédiatement
nécessaire à l'administration des preuves : tel est en principe le cas lorsque
l'instruction est sur le point d'être close. Cette restriction répond
principalement à des besoins pratiques, en raison de l'éventuel éloignement
géographique entre les lieux d'exécution de peine et ceux où se déroule
l'administration des preuves (arrêt 1B_189/2014 du 28 juillet 2014 consid. 2.3
et les références citées).

Même après ce stade, l'exécution anticipée de la peine doit être refusée
lorsqu'un risque élevé de collusion demeure de sorte que le but de la détention
et les besoins de l'instruction seraient compromis si le régime de l'exécution
anticipée devait être mis en oeuvre (arrêt 1B_449/2015 du 15 janvier 2016
consid. 2.3). Il appartient alors à l'autorité de démontrer que les
circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret
et sérieux de manoeuvres, propres à entraver la manifestation de la vérité, en
indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à
conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en
quoi le régime d'exécution de peine du prévenu, même avec les mesures possibles
de l'art. 236 al. 4 CPP, en compromettrait l'accomplissement (arrêts 1B_186/
2018 du 8 mai 2018 consid. 2.1; 1B_400/2017 du 18 octobre 2017 consid. 2.1;
1B_127/2017 du 20 avril 2017 consid. 2.1).

2.2. La cour cantonale a considéré qu'il existait en l'espèce un risque très
concret de collusion. Elle a retenu que le brigandage qualifié et les actes
préparatoires dont est prévenu le recourant avaient été exécutés par une bande
de malfrats professionnels, vu les antécédents de chacun d'eux, qui concernent
des actes du même genre commis non seulement en Suisse, mais dans les pays
environnants. L'organisation de cette bande et sa structure devaient encore
être déterminées avec certitude. A cet égard, l'instance précédente a relevé
que, selon l'acte d'accusation, F.________ a joué un rôle dirigeant et que,
avec H.________, il a donné des directives aux autres comparses. Or, F.________
a nié toute implication dans les faits incriminés et H.________, mis en cause
notamment par G.________, a pu fuir avant d'être interpellé par la police
française, puis libéré; en outre, un dénommé Bavaras, mis en cause notamment
par G.________, a participé à la préparation de l'infraction, avant de
disparaître le jour des faits; enfin, D.________ a également refusé de
répondre, prétendant avoir été en Suisse pour faire du tourisme. La cour
cantonale a retenu qu'il fallait éviter que les coprévenus puissent communiquer
avant les débats, d'une part, et qu'ils puissent prendre contact avec les
membres de la bande non encore identifiés ou interpellés, d'autre part. Il
était primordial que les coprévenus puissent s'exprimer devant le Tribunal
criminel sans avoir été influencés; il en allait de même des comparses non
identifiés ou non interpellés, mais qui pourraient l'être d'ici aux débats.

La juridiction précédente a ensuite estimé que les mesures préconisées par le
recourant - surveillance de sa correspondance et restriction des communications
téléphoniques - n'étaient pas suffisantes. Il n'était pas exclu que le
recourant tente par des moyens détournés, par exemple en utilisant des messages
codés lors de ses conversations téléphoniques ou en nouant des contacts avec
des détenus soumis à un régime plus souple de communiquer avec l'extérieur de
manière illicite et compromettante pour l'enquête. Par ailleurs, une
surveillance drastique du contenu de toutes les communications du détenu et de
tous ses contacts en régime d'exécution de peine serait, pour les autorités
pénitentiaires, excessivement compliquée, voire impossible, à assurer de
manière fiable, sauf à engager des moyens disproportionnés. Les limitations au
sens de l'art. 236 al. 4 CPP ne suffiraient ainsi pas à parer au risque élevé
de collusion.

2.3. En l'occurrence, on peut certes admettre avec le recourant que la
procédure en est à un stade avancé, dès lors que l'acte d'accusation a été
rédigé (art. 325 CPP) et que le tribunal a fixé les débats (art. 331 CPP). Cela
étant, le Ministère public a relevé, dans son ordonnance du 10 décembre 2019,
que si le recourant ainsi que E.________ et G.________ s'étaient expliqués sur
les faits, leurs versions n'étaient pas dénuées de contradictions sur bien des
points (notamment l'identité de l'organisateur; le rôle de H.________; les
circonstances de l'indication des instructions, etc.) et que F.________ et
D.________ avaient refusé de s'exprimer sur les faits, indiquant ne vouloir
s'expliquer que devant le Tribunal criminel. Au vu de ces éléments, la cour
cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, retenir l'existence d'un
risque élevé de collusion, nonobstant le renvoi des intéressés en jugement.

Par ailleurs, dans ce contexte, la cour cantonale pouvait à bon droit
considérer que l'administration des preuves sera très certainement réitérée
lors des débats devant ledit tribunal (art. 343 al. 3 CPP). Le Tribunal fédéral
a à cet égard insisté sur le principe de l'oralité et de l'immédiaté des
débats, lesquels conduisent à l'instruction définitive de l'affaire par le
biais de l'intime conviction du juge (art. 10 al. 1 CPP) : celui-ci doit non
seulement tenir compte du contenu des déclarations des prévenus et des témoins,
mais aussi de la manière dont ceux-ci s'expriment (cf. ATF 140 IV 196 consid.
4.4.2 p. 199 s.; arrêts 1B_144/2019 du 16 avril 2019 consid. 2.1; 1B_400/2017
du 18 octobre 2017 consid. 2.3). Aussi, pour permettre au juge du fond d'avoir
une connaissance directe et non altérée des moyens de preuve en cause, il est
primordial que les coprévenus puissent s'exprimer sans avoir été influencés
d'une quelconque manière par des pressions extérieures.

La cour cantonale pouvait en l'espèce retenir que le risque de collusion était,
encore à ce stade de la procédure, trop élevé pour permettre un assouplissement
des conditions de détention du recourant. Comme relevé par le Ministère public,
le régime plus souple de l'exécution anticipée de peine lui permettrait de
prendre contact avec les coprévenus, certes de manière indirecte par
l'intermédiaire de leurs familiers ou d'amis communs, ou encore avec des
membres non encore identifiés ou interpellés de leur organisation. Le fait que
les coprévenus se trouvent eux aussi actuellement en détention pour des motifs
de sûretés ne permet pas d'exclure un tel risque. Ce risque est en l'occurrence
d'autant plus concret que le recourant - qui paraît avoir été dans une position
de subordination par rapport à d'autres co-prévenus - a évoqué à plusieurs
reprises la crainte de représailles; une telle peur pourrait en effet l'inciter
à communiquer avec l'extérieur et mettre en péril l'établissement de la vérité
par l'autorité de jugement, en particulier en faveur des membres de la bande
qui y auraient occupé une position dirigeante. Il sied à cet égard de relever
que si le recourant s'est certes déterminé dès la première audition sur les
faits survenus à Vevey, il a toutefois refusé de donner le nom de ses comparses
et il est revenu sur certaines de ses déclarations concernant les actes
préparatoires qui lui sont également reprochés.

Enfin, les juges cantonaux ont à bon droit considéré qu'une surveillance
efficace des contacts du recourant en régime d'exécution de peine était
excessivement compliquée, voire impossible, sauf à engager des moyens
disproportionnés, ce que ne conteste pas le recourant.

2.4. Au vu de ces considérations, la Chambre des recours pénale n'a pas violé
le droit fédéral en confirmant le refus d'ordonner l'exécution anticipée de
peine.

3. 

Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il convient de
mettre le recourant au bénéfice de l'assistance judiciaire, de lui désigner Me
Malika Belet en tant qu'avocate d'office et de lui allouer une indemnité à
titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du tribunal. Il n'est
pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art.
68 al. 3 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

2. 

La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Malika Belet est désignée
comme avocate d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est
allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il
n'est pas perçu de frais judiciaires.

3. 

Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère
public du canton de Vaud, Procureur cantonal Strada, et au Tribunal cantonal du
canton de Vaud, Chambre des recours pénale.

Lausanne, le 24 mars 2020

Au nom de la Ire Cour de droit public

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Chaix

La Greffière : Arn