Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Sozialrechtliche Abteilung, Subsidiäre Verfassungsbeschwerde 8D.4/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

8D_4/2019

Arrêt du 5 août 2019

Ire Cour de droit social

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Wirthlin et Viscione.

Greffière : Mme Castella.

Participants à la procédure

A.________,

représentée par Me Boris Perrod, avocat,

recourante,

contre

Direction de l'économie et de l'emploi du canton de Fribourg (DEE),

boulevard de Pérolles 25, 1700 Fribourg,

intimée,

1.       B.________,

       représenté par Me Eric Bersier, avocat,

2.       C.________,

       

Objet

Droit de la fonction publique (récusation),

recours contre le jugement de la Ière Cour administrative du Tribunal cantonal
du canton de Fribourg du 11 juin 2019 (601 2019 43 & 45).

Faits :

A. 

A.a. Par décision du 4 juillet 2018, la Direction de l'économie et de l'emploi
du canton de Fribourg (DEE) a mandaté M ^e C.________ en qualité d'enquêteur
pour conduire l'instruction d'une "procédure OHarc" (en référence à une
ordonnance cantonale relative au harcèlement et aux difficultés relationnelles
sur le lieu de travail) opposant A.________, née en 1975, collaboratrice
scientifique universitaire au Service D.________, à son supérieur hiérarchique,
B.________. 
Par lettre du 21 novembre 2018, l'enquêteur a notifié aux parties le
procès-verbal d'une audition de B.________ du 20 novembre précédent et leur a
imparti un délai au 3 décembre 2018 pour requérir d'éventuelles mesures
d'instruction complémentaires. Le 23 novembre suivant, M ^e Boris Perrod,
mandataire de A.________, a requis une prolongation de délai, informant
l'enquêteur qu'il serait à l'étranger du 26 novembre au 10 décembre 2018. 
Le matin du 26 novembre 2018, l'enquêteur et M ^e Boris Perrod se sont
rencontrés fortuitement à la poste. Par courriel du même jour, l'enquêteur a
prévenu le Secrétaire général de la DEE que la procédure OHarc ne pourrait pas
être close avant la fin de l'année, vu la demande de prolongation annoncée. Il
lui signalait également qu'il avait croisé M ^e Boris Perrod le matin même,
alors qu'il le croyait en vacances, et que ce dernier semblait ne pas avoir
particulièrement apprécié qu'il exprime sa surprise. Une trentaine de minutes
plus tard, M ^e Boris Perrod s'est adressé à l'enquêteur par courriel (et pli
postal). Se référant à leur discussion, il prenait acte que, conformément à sa
demande, il s'adresserait désormais à lui "non pas en tant que 'Confrère' mais
en tant que représentant de l'autorité". Il s'étonnait en outre de l'intention
de l'enquêteur de peut-être refuser la demande de prolongation de délai, motif
pris de "prétendus velléités de [sa] part de vouloir faire durer
artificiellement la procédure, soit un prétendu comportement dilatoire", et a
produit une copie de ses billets d'avion pour le soir même. Enfin, il a précisé
qu'un refus de prolonger le délai entraînerait une demande de récusation. 

Le 27 novembre 2018, l'enquêteur a accordé la prolongation de délai requise.

A.b. Le 13 décembre 2018, A.________ a demandé la récusation de l'enquêteur, au
motif qu'il avait fait preuve d'impartialité et d'inimitié à l'endroit de son
mandataire.

Par décision du 8 février 2019, la DEE a rejeté la demande de récusation et
ordonné la reprise de la procédure OHarc.

B. 

Saisie d'un recours contre la décision du 8 février 2019, la I ^ère Cour
administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg l'a rejeté dans la
mesure de sa recevabilité (jugement du 11 juin 2019). 

C. 

A.________ forme un recours constitutionnel subsidiaire. Elle conclut, sous
suite de frais et dépens, à la récusation de l'enquêteur avec effet immédiat et
répétition des actes accomplis par celui-ci, et à ce que la conduite de
l'instruction soit confiée à M ^e E.________. Subsidiairement, elle demande le
renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision dans le
sens des considérants. Préalablement, elle requiert la suspension de la
procédure OHarc jusqu'à droit connu sur son recours. 

Le Tribunal fédéral n'a pas procédé à un échange d'écritures.

Considérant en droit :

1. 

1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours qui lui sont soumis (ATF 142 IV 196 consid. 1.1 p. 197).

1.2. Selon l'art. 92 LTF, les décisions préjudicielles et incidentes qui sont
notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de
récusation peuvent faire l'objet d'un recours (al. 1). Ces décisions ne peuvent
plus être attaquées ultérieurement (al. 2). En l'espèce, on est en présence
d'une décision incidente qui porte sur la récusation et qui est donc
susceptible de faire l'objet d'un recours immédiat (cf. arrêt 8C_217/2011 du 1
^er juillet 2011 consid. 2.2). Par ailleurs, le recours contre une décision
incidente n'est ouvert que si, sur le fond, la cause peut être portée devant le
Tribunal fédéral (ATF 137 III 589 consid. 1.3 p. 592). 

1.3. Selon l'art. 83 let. g LTF, en matière de rapports de travail de droit
public (lorsque, comme en l'espèce, la question de l'égalité des sexes n'est
pas en cause), le recours en matière de droit public est irrecevable contre des
décisions qui concernent une contestation non pécuniaire. En matière
pécuniaire, le recours n'est en principe recevable que si la valeur litigieuse
atteint 15'000 fr. (art. 85 al. 1 let. b LTF). En cas de recours contre une
décision préjudicielle ou incidente, la valeur litigieuse est déterminée par
les conclusions restées litigieuses devant l'autorité compétente sur le fond
(art. 51 al. 1 let. c LTF).

1.4. En l'espèce, la recourante a formé un recours constitutionnel subsidiaire,
considérant être en présence d'une contestation non pécuniaire. Cette question
peut toutefois demeurer indécise en l'état. En effet, en l'absence de plus
amples explications et de toute décision sur le fond de la cause, il n'est pas
possible d'admettre que la valeur litigieuse atteindrait le seuil de 15'000 fr.
ouvrant la voie du recours en matière de droit public. Il s'ensuit que le
recours constitutionnel subsidiaire est donc en principe recevable.

2. 

2.1. Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits
constitutionnels (art. 116 LTF). Aux termes de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable
par renvoi de l'art. 117 LTF, le Tribunal fédéral n'examine la violation de
droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant.
Cette disposition reprend le principe strict de l'allégation (Rügeprinzip)
selon lequel l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un
exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés
et démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation (ATF
142 V 577 consid. 3.2 p. 579).

2.2. Saisi d'un recours constitutionnel subsidiaire, le Tribunal fédéral statue
sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF).
Il ne peut rectifier les constatations de celle-ci que si les faits ont été
établis en violation de droits constitutionnels (art. 118 al. 2 LTF en relation
avec l'art. 116 LTF), soit en particulier s'ils ont été établis de manière
arbitraire, ce qui correspond à la notion de "manifestement inexacte" figurant
à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244; 140 III 115
consid. 2 p. 117).

3. 

Les juges cantonaux ont retenu, en résumé, que la demande de l'enquêteur de ne
plus s'adresser à lui en tant que "Confrère" n'est pas de nature à faire naître
un doute sur son impartialité, ni à témoigner d'une quelconque antipathie à
l'égard du mandataire de la recourante. La rectification était du reste
compréhensible et justifiée dans son principe. En outre, la même remarque avait
été adressée par oral au mandataire de la partie adverse. En ce qui concernait
l'intention éventuelle de refuser la demande de prolongation de délai en raison
du caractère dilatoire de sa motivation, l'intervention de l'enquêteur était
inopportune et regrettable. Cette irrégularité procédurale ne revêtait
toutefois pas une gravité telle qu'elle justifiait la récusation de son auteur.
Les juges cantonaux ont relevé en particulier qu'immédiatement après leur
entrevue, alors qu'il n'avait pas encore reçu le courriel de M ^e Boris Perrod,
l'enquêteur avait avisé la DEE du fait qu'il allait accepter la prolongation de
délai requise. Enfin, les premiers juges n'ont pas non plus suivi le point de
vue de la recourante, selon lequel l'enquêteur aurait fait preuve de partialité
lorsque, au cours de l'audition de B.________, il a déclaré que ce dernier
était "assez diplomatique" dans ses remarques lors des évaluations. Relevant
que l'enquêteur ne disposait pas d'un pouvoir décisionnel, ils ont considéré
que ce qualificatif était pour le moins ambivalent et excluait toute
manifestation de prévention à l'égard de la recourante. 

4. 

4.1. Se plaignant d'un établissement arbitraire des faits, la recourante
reproche à la juridiction cantonale de n'avoir pas retenu plusieurs éléments de
fait, lesquels auraient permis de démontrer une apparence de prévention et un
comportement contraire à la bonne foi de la part de l'enquêteur. Elle en déduit
une violation de l'art. 29 al. 1 Cst. en lien avec l'art. 9 Cst.

A l'appui de ces griefs, elle fait valoir que la mission confiée à l'enquêteur
comprend la rédaction d'un projet de décision au fond, de sorte que les
premiers juges ne pouvaient pas retenir qu'il ne disposait pas d'un pouvoir
décisionnel. De son avis, l'enquêteur est en réalité un membre de facto de
l'autorité ou, à tout le moins, un expert. En outre, la recourante soutient que
l'injonction de l'enquêteur de ne pas s'adresser à lui par le terme "Confrère"
était injustifiée (car faite hors du cadre formel de la procédure OHarc),
inappropriée, rabaissante et dédaigneuse. Elle invoque également deux
tentatives, par l'enquêteur, de "dissimulation de son comportement litigieux",
parce qu'il n'aurait pas daigné transmettre à l'avocat de la partie adverse son
courriel du 26 novembre 2018, puis parce qu'il aurait nié les propos tenus lors
de la rencontre. La recourante soutient enfin qu'en qualifiant de diplomatiques
les remarques de B.________ lors des entretiens d'évaluation, l'enquêteur a
porté un jugement de valeur incontestablement positif sur celui-ci en relation
avec la problématique centrale d'harcèlement moral. Elle fait ensuite valoir
que ce jugement de valeur est mal fondé.

4.2. En l'occurrence, la recourante ne fait aucune démonstration du caractère
arbitraire de l'état de fait du jugement attaqué mais se contente de substituer
sa propre appréciation à celle de la juridiction précédente. Tel est le cas en
particulier lorsqu'elle soutient que la demande de l'enquêteur sur la manière
de l'interpeller est rabaissante ou dédaigneuse. Dans tous les cas, comme l'ont
retenu les premiers juges, cette remarque ne reflète pas une antipathie à
l'égard de la recourante ou de son mandataire dès lors qu'elle a également été
formulée au mandataire de la partie adverse. On ne peut pas non plus voir un
parti pris hostile à la recourante ni une opinion arrêtée sur les conclusions
de l'enquête du fait que l'enquêteur a qualifié certaines remarques de
B.________ d'assez diplomatiques. Quant au arguments selon lesquels l'enquêteur
aurait un pouvoir décisionnel ou devrait être considéré comme un expert, ils ne
sont pas de nature à démontrer l'existence d'un motif de prévention. On peine
également à saisir la portée de l'argumentation en tant que la recourante
invoque une "tentative de dissimulation de l'enquêteur de son comportement
litigieux" parce qu'il n'aurait pas daigné transmettre à l'avocat de la partie
adverse son courriel du 26 novembre 2018. Quoi qu'il en soit et contrairement à
ce qu'elle prétend, son argumentation repose sur une interprétation subjective
des circonstances. Il en va de même lorsque la recourante soutient que
l'enquêteur a nié le contenu de la discussion parce que les propos qu'elle lui
attribue ne ressortent pas expressément de la détermination de celui-ci sur la
demande de récusation. Enfin, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur les
arguments qui ont trait au harcèlement moral, dans la mesure où ils concernent
le fond de la cause et outrepassent l'objet du présent litige. En conclusion,
il n'y a pas de motif de s'écarter des faits constatés par la juridiction
précédente en tant qu'elle a nié l'existence d'un motif de prévention de
l'enquêteur.

Le jugement attaqué n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle
manifestement infondé, de sorte qu'il convient de liquider la cause selon la
procédure simplifiée prévue à l'art. 109 al. 2 let. a LTF.

5. 

La cause étant tranchée, la requête tendant à la suspension de la procédure
OHarc devient sans objet.

6. 

La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties, à B.________, à C.________ et à la
Ière Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg.

Lucerne, le 5 août 2019

Au nom de la Ire Cour de droit social

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Maillard

La Greffière : Castella