Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.995/2019
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2019
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2019


TypeError: undefined is not a function (evaluating '_paq.toString().includes
("trackSiteSearch")') https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/de/php/aza/http/
index.php?highlight_docid=aza%3A%2F%2Faza://25-10-2019-6B_995-2019&lang=de&zoom
=&type=show_document:1869 in global code 
 

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_995/2019

Arrêt du 25 octobre 2019

Cour de droit pénal

Composition

M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.

Greffière : Mme Klinke.

Participants à la procédure

A.________,

représenté par Me Christophe Emonet, avocat,

recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève,

intimé.

Objet

Indemnité pour le dommage économique (art. 429 al. 1 let. b CPP),

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 5 août 2019 (P/2055/2012 ACPR/592/2019).

Faits :

A. 

Par ordonnance du 1er avril 2019, le ministère public genevois a classé la
procédure ouverte à l'encontre de A.________, des chefs d'escroquerie (art. 146
CP) et de blanchiment d'argent (art. 305bis CP). Il l'a indemnisé à concurrence
63'000 fr. pour les frais de défense (art. 429 al. 1 let. a CPP), 4'000 fr.
pour les frais de déplacements à Genève et 26'352 fr. correspondant aux 15
jours que A.________ n'a pas pu consacrer au travail (art. 429 al. 1 let. b
CPP).

B. 

A.________ a formé recours contre cette ordonnance, concluant au versement
d'une indemnité à titre de frais de défense à hauteur de 479'015 fr. 80 et une
indemnité à titre de perte de gain correspondant à 7 années multiplié par
946'547 euros (moyenne des revenus annuels y compris bonus), subsidiairement
317'251 euros (bonus exclus). Les montants devaient être assortis d'intérêts
moyens à 5% l'an dès le 1er mai 2015.

Par arrêt du 5 août 2019, la Cour de justice genevoise, Chambre pénale de
recours, a partiellement admis le recours et a porté l'indemnité accordée au
titre de frais de défense à 135'000 fr. et a assorti l'indemnité retenue par le
ministère public en vertu de l'art. 429 al. 1 let. b CPP (26'352 fr. + 4'000
fr.) d'intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2015. Elle a rejeté le recours pour
le surplus, en particulier s'agissant de l'indemnisation de la perte de gain
alléguée par A.________.

B.a. En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants.

A.________, ressortissant français né en 1966, titulaire de plusieurs diplômes
universitaires a, dès 1992, travaillé pour différents intermédiaires
financiers, aux États-Unis, en Egypte et aux Émirats Arabes Unis. Il a
également siégé dans les conseils d'administration de divers sociétés et fonds.

Entre 2006 et 2008, il a principalement été employé par la société C.________.
Il a ensuite oeuvré, en qualité d'indépendant (contrat de mandat), pour
l'entité américaine D.________ jusqu'au mois de juillet 2011. Sans emploi
depuis lors, il a toutefois perçu, en 2011 et 2012, une rémunération accessoire
pour sa participation dans certains conseils d'administration.

B.b. Le 10 juillet 2009, C.________ a porté plainte, en France, contre
A.________ du chef d'abus de confiance, le suspectant d'avoir commis une fraude
à son détriment. Cette procédure a été classée en février 2011, puis réouverte
en juillet de la même année. A.________ a été mis en examen au printemps 2016.

B.c. Le 9 février 2012, C.________ a déposé plainte pénale, à Genève, contre
divers protagonistes, dont A.________, en raison d'autres faits que ceux visés
par la procédure française, constitutifs, selon elle, d'escroquerie par métier,
de gestion déloyale et de blanchiment d'argent.

En substance, elle reprochait aux mis en cause de l'avoir astucieusement amenée
à opérer, aux fins de favoriser la conclusion d'un projet immobilier de
construction, un versement de 14'750'000 euros sur un compte bancaire à Genève.

B.d. Entre 2009 et 2012, C.________ a initié d'autres procédures (tant civiles
que pénales), l'une contre deux des mis en cause visés dans la plainte déposée
à Genève et l'autre, à Abu Dhabi, contre A.________.

B.e. Le 10 février 2012, le ministère public genevois a ouvert une procédure du
chef des faits dénoncés. En septembre 2012, les mis en cause ont été prévenus
d'infractions aux art. 146 et 305bis CP.

A.________ a contesté les faits qui lui étaient reprochés, insistant, à
plusieurs reprises, sur le fait que C.________ s'acharnait à utiliser tant
l'existence de la procédure helvétique que les pièces y relatives pour ternir
sa réputation dans différents pays. Il a ajouté que cette société avait, à
force de pressions exercées sur son dernier mandant, amené celui-ci à mettre un
terme à leur collaboration, en été 2011.

C. 

A.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre
l'arrêt cantonal. Il conclut avec suite de frais et dépens, principalement, à
ce qu'une indemnité de 7'416'621 fr. 70 plus intérêts ainsi qu'une somme de
3'621 fr. plus intérêts lui soient accordées pour le dommage économique subi au
titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (art. 429 al. 1
let. b CPP). Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la cour
cantonale pour nouvelle décision.

Considérant en droit :

1. 

Le recours est circonscrit à la seule question de l'indemnisation de la perte
de gain alléguée. Le recourant invoque l'arbitraire dans l'établissement des
faits sur ce point ainsi qu'une violation de l'art. 429 al. 1 al. b CPP.

1.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. b CPP, le prévenu acquitté a le droit
d'obtenir une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa
participation obligatoire à la procédure pénale.

1.1.1. Cette disposition instaure une responsabilité causale de l'État, qui est
tenu de réparer l'intégralité du dommage en rapport de causalité adéquate avec
la procédure pénale (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 239 et les références
citées). Elle vise essentiellement des pertes de salaires et de gains liées à
l'impossibilité de réaliser une activité lucrative en raison du temps consacré
à la participation aux audiences ou d'une mise en détention avant jugement.
Elle concerne également l'éventuelle atteinte à l'avenir économique consécutif
à la procédure, de même que les autres frais liés à la procédure, comme les
frais de déplacement ou de logement (arrêts 6B_814/2017 du 9 mars 2018 consid.
1.1.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.1 non publié aux ATF 142 IV 163
et les références citées).

L'évaluation du dommage économique se fait en application des règles générales
en matière de responsabilité civile (art. 41 ss CO; ATF 142 IV 237 consid.
1.3.1 p. 239; arrêt 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.2 non publié aux
ATF 142 IV 163). Selon la jurisprudence constante, le dommage se définit comme
la diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la différence
entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même
patrimoine atteindrait si l'événement dommageable ne s'était pas produit. Il
peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation
du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif
(ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 239 s. et les références citées). Le droit à
des dommages et intérêts fondés sur l'art. 429 al. 1 let. b CPP suppose en
outre l'existence d'un lien de causalité adéquat entre le dommage subi et la
procédure pénale (arrêt 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.2 non publié
aux ATF 142 IV 163). Un fait est la cause naturelle d'un résultat s'il en
constitue l'une des conditions sine qua non. En d'autres termes, il existe un
lien de causalité naturelle entre deux événements lorsque, sans le premier, le
second ne se serait pas produit, ou du moins pas de la même manière.
L'existence d'un lien de causalité naturelle est une question de fait. Il y a
rapport de causalité adéquate lorsqu'un fait est non seulement la condition 
sine qua non du dommage, mais est également propre à entraîner, d'après le
cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, un effet du genre de
celui qui s'est produit, de sorte que la survenance de ce résultat paraît
favorisée par le fait en question de manière essentielle. La causalité adéquate
est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 142 IV
237 consid. 1.5.1 et 1.5.2 p. 244; 139 V 176 consid 8.4.1 à 8.4.3 p. 189 s.).

En vertu de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine d'office les
prétentions du prévenu et peut l'enjoindre de les chiffrer et de les justifier.
S'il lui incombe, le cas échéant, d'interpeller le prévenu, elle n'en est pas
pour autant tenue d'instruire d'office l'ensemble des faits pertinents
concernant les prétentions en indemnisation. C'est au contraire au prévenu
(totalement ou partiellement) acquitté qu'il appartient de prouver le
bien-fondé de ses prétentions, conformément à la règle générale du droit de la
responsabilité civile selon laquelle la preuve du dommage incombe au demandeur
(art. 42 al. 1 CO; ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 240). Il doit ainsi prouver
non seulement l'existence et l'étendue du dommage, mais également le lien de
causalité entre celui-ci et l'événement à la base de son action (arrêts 6B_19/
2018 du 13 juin 2018 consid. 1.6.1; 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 5.1;
6B_1026/2013 du 10 juin 2014 consid. 3.1).

1.1.2. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la
violation de droits fondamentaux, dont la prohibition de l'arbitraire, que
s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les
critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4
p. 368; 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253).

1.2. La cour cantonale a relevé que le recourant avait exercé une activité
lucrative qui s'était terminée en été 2011, à savoir plusieurs mois avant
l'ouverture de la procédure genevoise. Elle a constaté que le recourant n'avait
pas entrepris la moindre démarche en vue de rechercher une nouvelle activité
depuis lors.

Elle a nié l'assertion du recourant selon laquelle il serait notoire qu'une
personne ne pourrait oeuvrer dans le domaine de la finance tant et aussi
longtemps qu'elle est prévenue d'infractions aux art. 146 et 305bis CP. Selon
elle, il était concevable qu'un actuel employeur/ mandant, par hypothèse
informé de l'ouverture d'une procédure pénale, continue de faire confiance à
son employé/mandataire, éventuellement décide de lui confier temporairement
d'autres tâches. Il n'était donc pas exclu que le recourant, à supposer qu'il
eût recherché, et trouvé un emploi dès l'été 2011, eût pu le conserver. De
même, un futur employeur/mandant pouvait-il décider d'engager/de requérir les
services d'une personne qu'il savait mise en cause. La cour cantonale a relevé
que le fait de disposer d'expectatives professionnelles réduites n'équivalait
nullement à en bénéficier d'aucune. Faute d'être certaine, l'impossibilité de
travailler alléguée n'était pas un fait notoire.

La cour cantonale a retenu que le recourant n'avait pas rendu vraisemblable que
sa perte de gain résultait de l'ouverture de la procédure, et non de son
omission de rechercher une activité. Il avait échoué à établir l'existence d'un
lien de causalité entre son préjudice et l'enquête pénale. En conclusion, la
cour cantonale a retenu que le recourant ne pouvait prétendre au versement
d'une quelconque perte de gain. Les 26'352 fr. que le ministère public lui
avait alloués (pour 15 jours de participation aux audiences) lui étaient
toutefois acquis, au vu de l'interdiction de la reformatio in pejus. 

1.3. Le recourant prétend que l'analyse de la cour cantonale n'est pas claire
et indique ne pas comprendre pour quel motif elle a refusé l'indemnisation de
la perte de gain alléguée. Or on ne discerne aucune incertitude ou ambiguïté
dans la motivation de l'arrêt entrepris dont il ressort expressément que le
recourant " échoue à établir l'existence d'un lien de causalité entre son
préjudice et l'enquête pénale " (arrêt entrepris consid. 5.2 p. 11).

1.4. Contestant l'établissement de certains faits, le recourant reproche à la
cour cantonale de ne pas avoir constaté l'impossibilité générale pour une
personne faisant l'objet d'une procédure pénale (pour escroquerie et
blanchiment d'argent) de trouver un emploi dans le domaine de la finance. Selon
lui, il est notoire, " dans le sens qu'il est évident ", qu'il y a un lien de
causalité entre la mise en prévention d'une personne active dans la finance et
l'impossibilité de trouver un emploi dans son domaine de compétence. Il affirme
ensuite que, dans son cas, la poursuite d'une activité dans la finance était
impossible.

L'essentiel de l'argumentation du recourant consiste à rediscuter librement
l'appréciation de la cour cantonale relative à ce constat et à présenter son
profil académique, ses expériences professionnelles et ses perspectives
salariales annuelles de plus d'un million d'euros. Largement appellatoire, son
procédé est irrecevable.

1.4.1. En tout état, s'agissant de la causalité naturelle, il y a lieu de
relever d'une part, que le recourant a arrêté de travailler en juillet 2011, à
savoir plus de 6 mois avant l'ouverture de la procédure genevoise et plus d'un
an avant sa mise en prévention (cf. supra let. B.e). A ce propos, il ressort
expressément de l'arrêt entrepris que, selon le recourant, c'est en raison des
pressions exercées par C.________ sur son dernier mandant, que ce dernier avait
mis un terme à leur collaboration en été 2011. D'autre part, le recourant n'a
pas cherché de nouveau mandat ou emploi depuis cette même date et n'a pas tenté
de démontrer que certains clients auraient résilié ou refusé des accords de
collaboration à la suite de l'ouverture de la procédure pénale (cf. sur ce
point, arrêt 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.5 non publié aux ATF 142 IV
163). Ces seuls faits, établis par la cour cantonale et dont le recourant ne
tente pas de démontrer l'arbitraire, suffisent à exclure le lien de causalité
naturelle entre la perte de gain alléguée et l'ouverture de la procédure
pénale.

Il ne saurait rien déduire en sa faveur d'un arrêt du TPF concernant un cadre
de banque qui, contrairement au recourant, a été licencié précisément au motif
qu'une procédure pénale (pour blanchiment d'argent et soutien à une
organisation criminelle) avait été ouverte contre lui (arrêt du TPF BB.2018.87
du 11 septembre 2018 let. B et E et consid. 4.3.2).

Dans la mesure où la motivation cantonale ne suggère d'aucune manière que le
recourant aurait pu trouver un poste en passant sous silence l'ouverture de la
procédure pénale, c'est en vain qu'il expose les obligations précontractuelles
en matière de renseignements à fournir à d'éventuels mandants ou employeurs, en
droit suisse et français.

1.4.2. Pour le surplus, le recourant ne saurait être suivi en tant qu'il
prétend que l'impossibilité d'exercer une activité dans le domaine de la
finance pour une personne mise en prévention d'infractions patrimoniales graves
serait " évidente voire notoire "et en déduit un lien de causalité adéquate.
Son raisonnement ne trouve aucune assise dans les affaires qu'il cite,
celles-ci ne fixant aucun principe en la matière et reflétant, au contraire, la
possibilité de continuer d'exercer dans le domaine de la finance malgré une
procédure pénale dans les cas concrets (arrêt 6B_928/2014 du 10 mars 2016
consid. 4.4.1 et 4.5 non publié aux ATF 142 IV 163 et arrêt du TPF BB.2018.87
du 11 septembre 2018 let. B et E et consid. 4.1, 4.2, 4.3.2 et 4.3.5, dont il
ressort que, malgré l'éventuelle atteinte à la probité d'un cadre de banque,
celui-ci avait fondé sa société et perçu un salaire après l'ouverture d'une
procédure pénale pour blanchiment d'argent et soutien à une organisation
criminelle).

1.4.3. Faute de lien de causalité entre l'ouverture de la procédure pénale et
la perte de gain alléguée par le recourant, c'est en vain que ce dernier
prétend que les procédures ouvertes en France et à Abu Dhabi à son encontre ne
constitueraient pas des facteurs interruptifs de causalité.

Si la cour cantonale a mentionné l'obligation de tout lésé de diminuer son
dommage, ce n'est pas pour ce motif qu'elle a refusé l'indemnité requise pas le
recourant. Aussi, les développements du recourant concernant la réduction du
dommage ne sont pas pertinents.

2. 

Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 25 octobre 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Klinke