Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.943/2019
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2019
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2019


TypeError: undefined is not a function (evaluating '_paq.toString().includes
("trackSiteSearch")') https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/de/php/aza/http/
index.php?highlight_docid=aza%3A%2F%2Faza://07-02-2020-6B_943-2019&lang=de&zoom
=&type=show_document:1925 in global code 
 

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_943/2019

Arrêt du 7 février 2020

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari,
Muschietti, van de Graaf et Koch.

Greffière : Mme Musy.

Participants à la procédure

A.________,

représenté par Me Aba Neeman, avocat,

recourant,

contre

1. Ministère public de la République et canton de Genève,

2. B.________,

intimés.

Objet

Enregistrements non autorisés de conversations,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 28 juin 2019 (P/24393/2017
AARP/212/2019).

Faits :

A. 

Par jugement du 10 janvier 2019, le Tribunal de police de la République et
canton de Genève a déclaré A.________ coupable d'enregistrements non autorisés
de conversations (art. 179 ^ter al. 1 et 2 CP) et l'a condamné à une peine
pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis et délai d'épreuve
de trois ans. 

B. 

Par arrêt du 28 juin 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour
de justice de la République et canton de Genève a rejeté l'appel formé par
A.________ à l'encontre du jugement du Tribunal de police. Elle s'est fondée en
substance sur les faits suivants.

Le 11 juillet 2017, un individu s'est présenté au Poste de police de
C.________. Il avait été sorti d'un parc par des agents de surveillance durant
la nuit et souhaitait récupérer les affaires qu'il leur avait laissées.
L'agente présente sur place a contacté la société de surveillance F.________
afin de clarifier les faits. Son interlocutrice, D.________, épouse de
A.________, directeur de la société, n'ayant pas été en mesure de la
renseigner, l'agente a demandé conseil au sergent-chef B.________, qui a
proposé de contacter lui-même la société. Comme il avait expliqué à D.________
qu'il était important qu'il puisse s'entretenir avec les agents de
surveillance, A.________ l'a rappelé sur sa ligne téléphonique directe quelques
minutes plus tard. Au cours de la conversation, A.________ a indiqué qu'il
disposait d'images filmées de l'intervention et a accepté de les remettre à la
police. Plus tard dans la matinée, A.________ a rappelé B.________ sur sa ligne
directe pour lui indiquer qu'il avait visionné les images de vidéosurveillance,
qui confirmaient que personne n'était présent sur le site lors du passage de
ses agents. Il a ajouté souhaiter porter plainte car il se sentait calomnié.
A.________ a enregistré les deux conversations téléphoniques sans en avertir
B.________.

Le lendemain, A.________ a adressé un courriel comprenant les enregistrements
des conversations à un lieutenant de la Police de la Navigation ainsi qu'à
trois autres personnes, dont le responsable du site où les événements seraient
intervenus, accompagné du rapport de l'agent de surveillance et d'un
compte-rendu établi par lui-même relatif notamment aux échanges téléphoniques
avec B.________. Informé de ce courriel par le lieutenant de la Police de la
Navigation, B.________ a porté plainte.

C. 

A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut,
avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi
de la cause à la Chambre pénale d'appel et de révision pour nouvelle décision
dans le sens des considérants.

D. 

Invités à se déterminer sur le recours, la Chambre pénale d'appel et de
révision et le Ministère public n'ont pas formulé d'observations, ce dernier se
référant aux considérants de l'arrêt attaqué, tandis que B.________ n'a pas
présenté d'observations dans le délai imparti.

Considérant en droit :

1. 

Le recours en matière pénale est une voie de réforme (art. 107 al. 2 LTF). Le
recourant ne peut se borner à demander l'annulation de la décision et le renvoi
de la cause à l'autorité cantonale, mais doit également, sous peine
d'irrecevabilité, prendre des conclusions sur le fond du litige. Il n'est fait
exception à ce principe que lorsque le Tribunal fédéral, s'il admettait le
recours, ne serait pas en mesure de statuer lui-même sur le fond et ne pourrait
que renvoyer la cause à l'autorité cantonale (ATF 137 II 313 consid. 1.3 p.
317; 134 III 379 consid. 1.3 p. 383; arrêts 6B_471/2019 du 13 septembre 2019
consid. 1; 6B_111/2015 du 3 mars 2016 consid. 1.7 non publié aux ATF 142 IV
196).

En l'espèce, le recourant conclut uniquement à l'annulation du jugement attaqué
et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale de deuxième instance. Une telle
manière de faire n'est en principe pas admissible. Les motifs du recours
permettent toutefois de comprendre que le recourant souhaite être acquitté du
chef d'infraction de l'art. 179 ^ter CP. Cela suffit pour satisfaire aux
exigences de forme déduites de l'art. 42 al. 1 et 2 LTF (cf. ATF 137 II 313
consid. 1.3 p. 317; arrêt 6B_471/2019 précité consid. 1). 

2. 

Le recourant se plaint de la violation de l'art. 179 ^ter CP. Il soutient que
que les conversations qu'il a enregistrées ressortaient d'une mission
officielle du sergent-chef B.________, de sorte qu'elles ne tombaient pas sous
le coup de l'art. 179 ^ter CP. 

2.1. L'art. 179 ^ter CP prévoit que celui qui, sans le consentement des autres
interlocuteurs, aura enregistré sur un porteur de son une conversation non
publique à laquelle il prenait part, celui qui aura conservé un enregistrement
qu'il savait ou devait présumer avoir été réalisé au moyen d'une infraction
visée à l'al. 1, ou en aura tiré profit, ou l'aura rendu accessible à un tiers,
sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou
d'une peine pécuniaire. 

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, n'importe quelle conversation non
publique ne bénéficie pas encore de la protection pénale au sens de cette
disposition. Il faut qu'elle touche au domaine privé. Il en est ainsi des
communications de nature personnelle ou commerciale. La situation est
différente s'agissant de questions posées officiellement par un policier ou un
juge d'instruction dans le cadre d'une enquête en cours. Une audition conduite
conformément à la mission officielle d'un des interlocuteurs ne concerne pas le
domaine privé; son enregistrement ne viole pas " le droit de s'entretenir
librement avec autrui " (ATF 108 IV 161 consid. 2a et 2c p. 162 s., in JdT 1983
IV 140; voir aussi: arrêt 6B_925/2018 du 7 mars 2019 consid. 1.5). Le Tribunal
fédéral a ainsi jugé que lorsque des policiers, agissant dans l'exercice de
leurs fonctions, procédaient à un interrogatoire dans le cadre d'une enquête
préliminaire et que leurs questions ne concernaient pas le domaine privé de
leur interlocuteur, l'art. 179ter CP n'était pas applicable (ATF 108 IV 161
consid. 2d p. 163 s.).

2.2. La conception de " conversation non publique " exposée dans l'arrêt publié
aux ATF 108 IV 161 a été largement critiquée par la doctrine majoritaire, qui
la juge trop restrictive et estime que les conversations non publiques des
fonctionnaires devraient également être protégées par l'art. 179 ^ter CP
(Andreas Donatsch, Strafrecht III: Delikte gegen den Einzelnen, 11ème éd. 2018,
p. 423; voir aussi: Michel Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, 2ème
éd. 2017, n° 7 ad art. 179 ^bis; Stratenwerth/Jenny/Bommer, Schweizerisches
Strafrecht, Besonderer Teil I, Straftaten gegen Individualinteressen, 7ème éd.,
2010, § 12 n° 25; José Hurtado Pozo, Droit pénal; partie spéciale, 2009, § 81
n° 2203; Henzelin/Massrouri, in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n° 6
ad art. 179 ^bis CP; Trechsel/Lieber, Schweizerisches Strafgesetzbuch,
Praxiskommentar, 3ème éd. 2018, n° 4 ad art. 179 ^bis; Ramel/Vogelsang, in
Basler Kommentar, Strafrecht II, 4ème éd. 2019, n° 13 ad art. 179 ^bis CP; Omar
Abo Youssef, Materielles Strafrecht / Die Nichtöffentlichkeit des Gesprächs
i.S.v. Art. 179ter Abs. 1 StGB bei polizeilichen Einvernahmen des
Beschuldigten, in Festschrift für Andreas Donatsch, 2017, p. 1 ss.; cf. arrêt
6B_925/2018 précité consid. 1.4). 
S'il en a pris acte, le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé à ce jour sur
les critiques de la doctrine (cf. arrêt 6B_925/2018 précité consid. 1.4). Dans
cet arrêt, il a jugé que celui qui avait enregistré sa conversation, ne
ressortant pas du domaine privé, avec la conseillère d'un office régional de
placement, pouvait se fonder sur la jurisprudence en vigueur depuis 1982 pour
en déduire qu'aucune violation de droit civil au sens de l'art. 28 CC ne
pouvait lui être reprochée, ce qui excluait l'application de l'art. 426 al. 2
CPP (arrêt 6B_925/2018 précité consid. 1.5; dans cette affaire, une
condamnation du chef de l'art. 179 ^ter CP était exclue dans la mesure où la
plainte avait été retirée). 

Compte tenu des nombreuses critiques dont l'arrêt publié aux ATF 108 IV 161
fait l'objet, il convient d'examiner dans le cas présent si un revirement de
jurisprudence se justifie.

3. 

Un changement de jurisprudence doit reposer sur des motifs sérieux et
objectifs, lesquels, sous l'angle de la sécurité du droit, doivent être
d'autant plus importants que la pratique considérée comme erronée, ou désormais
inadaptée aux circonstances, est ancienne. Un changement ne se justifie que
lorsque la solution nouvelle procède d'une meilleure compréhension du but de la
loi, repose sur des circonstances de fait modifiées, ou répond à l'évolution
des conceptions juridiques. Le motif sérieux et objectif d'un changement de
jurisprudence peut notamment résulter d'une connaissance plus précise ou
complète de la volonté du législateur (ATF 144 IV 265 consid. 2.2; 143 IV 1
consid. 5.2. p. 3; 141 II 297 consid. 5.5.1 p. 303; 139 V 307 consid. 6.1 p.
313).

3.1. Il convient en premier lieu d'exposer les motifs qui sous-tendent la
jurisprudence contestée (cf. consid. 3.2) avant d'examiner les décisions
rendues ultérieurement (consid. 3.3), puis les critiques exprimées par la
doctrine (cf. consid. 3.4), afin de déterminer s'il se justifie de s'écarter de
cette jurisprudence (cf. consid. 3.5 - 3.6).

3.2. Pour interpréter la notion de conversation " non publique " de l'art. 179
^ter CP, le Tribunal fédéral a, dans l'arrêt discuté, commencé par examiner la
genèse de la loi. Il a relevé qu'à teneur du Message relatif à l'adoption des
art. 179 ^bis à 179 ^septies CP, seules les conversations non publiques sont
protégées, qui font partie du domaine personnel secret (Message du Conseil
fédéral à l'Assemblée fédérale concernant le renforcement de la protection
pénale du domaine personnel secret du 21 avril 1968, FF 1968 I 609). C'est la
Loi fédérale du 20 décembre 1968 concernant le renforcement de la protection
pénale du domaine personnel secret qui a introduit les art. 179bis à 179septies
dans le Code pénal. Simultanément à l'introduction de ces dispositions, les
titres marginaux touchés par la révision ont été modifiés. C'est ainsi que le
titre troisième: « Délits contre l'honneur. Violation de secrets privés » est
devenu « Infractions contre l'honneur et contre le domaine secret ou le domaine
privé ». Le sous-titre 2 a reçu la teneur suivante: « Infractions contre le
domaine secret ou le domaine privé. Violation de secrets privés ». Le Tribunal
fédéral d'en conclure que le bien protégé par l'art. 179ter CP était le domaine
secret et le domaine privé. Il importait peu que seul l'art. 179quater CP
l'indique expressément. Aussi la protection du droit pénal ne devait-elle pas
être accordée à n'importe quelle conversation non publique, mais uniquement à
celles touchant au domaine privé. Il en découlait qu'une audition conduite
conformément à la mission officielle d'un des interlocuteurs ne concernait pas
le domaine privé (ATF 108 IV 161 consid. 2b et 2c p. 162 s.). 

3.3. Dans sa jurisprudence ultérieure, le Tribunal fédéral a indiqué que quand
bien même seules des personnes physiques peuvent participer à une conversation,
il pouvait arriver qu'elles y prennent part en tant qu'organes, employés ou
auxiliaires d'une personne morale, dont la sphère privée peut alors être
concernée. Ce type de conversation bénéficiait dès lors également de la
protection pénale. Le Tribunal fédéral a cependant laissé ouverte la question
de savoir si les art. 179bis ss CP visent à protéger la sphère privée des
personnes morales privées à l'exclusion des corporations de droit public,
respectivement celle de savoir si une assemblée d'une commune ecclésiastique
est une assemblée publique, et donc si la conversation dans le cadre de cette
assemblée est publique ou non (ATF 111 IV 63 consid. 2 p. 66 s.).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs constaté que la notion de caractère public
dans le Code pénal était utilisée dans plusieurs cas de figure et ne devait pas
être interprétée de façon identique pour toutes les infractions. Ainsi, savoir
si un acte a été commis publiquement ou non dépendait principalement du bien
juridique protégé et du motif pour lequel le caractère public avait été érigé
en élément constitutif. L'art. 179 ^bis CP protégeait le domaine secret et
privé. Un individu devait pouvoir s'exprimer verbalement en toute liberté dans
le cercle de ses relations personnelles, sans craindre que ses propos ne soient
écoutés à l'aide d'un appareil d'écoute ou enregistrés sur un porteur de son
contre sa volonté. Dans ce contexte, il fallait également tenir compte du lieu
où se déroule la conversation. Le caractère public ou non public d'une
conversation dépendait donc aussi principalement du fait qu'elle avait lieu
dans un cercle privé ou accessible à tous (ATF 133 IV 249 consid. 3.2.2 p. 253
et les références citées). 
Dans un arrêt non publié au recueil officiel, le Tribunal fédéral a considéré
qu'il n'était pas pertinent, s'agissant de déterminer si la conversation était
publique ou non, que celle-ci n'ait pas porté sur le domaine secret ou privé de
l'intimé. Les art. 179 ^biset 179 ^ter CP s'inscrivaient certes dans le titre
troisième du Code pénal concernant les " Infractions contre l'honneur et contre
le domaine secret ou privé " (art. 173-179 ^novies CP). Cela ne signifiait pas
encore qu'une conversation ne tombait dans le champ d'application des art. 179
^biset 179 ^ter CP que lorsqu'elle portait sur le domaine secret ou privé d'un
participant qui n'a pas consenti à l'enregistrement. Les art. 179bis et 179ter
CP protégeaient une conversation qui n'était pas publique également lorsqu'elle
ne contenait aucun élément qui se rapportait au domaine secret ou privé de l'un
des interlocuteurs. Les art. 179 ^biset 179 ^ter CP se distinguaient ainsi de
l'art. 179 ^quater CP qui ne visait que le domaine secret ou privé. Aussi la
conversation entre la recourante et l'intimé, qui s'était déroulée dans
l'appartement privé d'une collègue de la recourante et n'était pas perceptible
par un nombre indéterminé et important de personnes, n'était-elle pas publique
(arrêt 6B_225/2008 du 7 octobre 2008 consid. 2.2). 

Plus récemment, le Tribunal fédéral a rappelé que les art. 179bis et 179ter CP
protégeaient la communication humaine dans la sphère privée, comprise comme
composante de la personnalité protégée par le droit, respectivement le droit de
s'exprimer de manière spontanée dans cette sphère, autrement dit la
confidentialité des conversations privées. L'art. 179ter CP protégeait plus
spécifiquement la teneur orale de la conversation dans le sens d'une protection
contre la retranscription des propos tenus en-dehors du cercle des personnes
avec lequel l'orateur a choisi de partager ses opinions (arrêt 6B_1128/2017 du
23 mai 2018 consid. 1.4.3 et les références citées). Devaient être considérées
comme « non publiques » les conversations qui avaient lieu dans un cadre privé,
en particulier dans le cadre familial ou dans un groupe d'amis, ou encore dans
un environnement de relations personnelles ou empreint d'une confiance
particulière. Il convenait également de tenir compte du lieu où la conversation
se tenait, car son caractère public ou non dépendait en bonne partie de savoir
s'il s'agissait d'un lieu privé ou d'un lieu généralement ouvert au public
(arrêt 6B_406/2018 du 5 septembre 2018 consid. 2.3, in SJ 2018 I p. 454).

Il résulte de ce qui précède que la définition de conversation " non publique "
retenue dans l'arrêt publié aux ATF 108 IV 161, laquelle se rapporte au contenu
privé (personnel ou commercial) de la conversation, n'a pas été reprise dans la
jurisprudence ultérieure. En effet, l'arrêt publié aux ATF 133 IV 249 retient
que l'art. 179bis CP protège le domaine secret et privé, mais précise que le
caractère public ou non public d'une conversation dépend aussi principalement
du fait qu'elle a lieu dans un cercle privé ou accessible à tous. L'arrêt
6B_225/2008 exprime clairement une conception opposée à celle de l'arrêt publié
aux ATF 108 IV 161, à savoir que les art. 179bis et 179ter CP protègent une
conversation qui n'est pas publique également lorsqu'elle ne contient aucun
élément qui se rapporte au domaine secret ou privé des participants. Enfin, les
décisions les plus récentes se fondent sur le critère du cercle des personnes
avec lequel l'orateur a choisi de partager ses opinions (arrêts 6B_406/2018 et
6B_1128/2017 précités).

3.4. De l'avis généralement partagé en doctrine, il ne s'agit pas d'exiger une
conversation à proprement parler privée. Le critère, en termes de " non
publique ", est en effet plus large. Il convient d'analyser l'ensemble des
circonstances (Michel Dupuis, op. cit., n° 7; cf. aussi: Trechsel/Lieber, op.
cit., n° 4; Andreas Donatsch, op. cit., § 46 p. 423, Stratenwerth/Jenny/Bommer,
op. cit., § 12 n° 25; José Hurtado Pozo, op. cit., § 81 n° 2202 s.; Bernard
Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd. 2010, n° 6 ad art. 179
^bis CP; Henzelin/Massrouri, op. cit., n° 6 et 9; Ramel/Vogelsang, op. cit., n°
13; Martin Schubarth, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, partie
spéciale, vol. 3, 1984, n° 20 ss ad art. 179ter CP; Omar Abo Youssef, op. cit.,
p. 7 s.). Par exemple, une discussion à voix normale dans un bus ou un café
n'est pas publique. Elle cessera de l'être à partir du moment où les
participants la rendent accessible à tout un chacun. Un grand nombre de
participants n'exclut pas l'application de l'art. 179 ^bis CP, si une
organisation a été mise en place pour éviter la présence de tiers. Inversement,
un tout petit nombre pourra parfois suffire à conférer une dimension privée à
la discussion, même si les participants ne sont pas des proches (Dupuis, op.
cit., n° 7). La publicité dépend non seulement du contexte dans lequel la
conversation a lieu (circonstances concrètes du cas), mais également de
l'intention des participants. La conversation n'est pas publique lorsque ses
participants s'entretiennent dans l'attente légitime que leurs propos ne soient
pas accessibles à tout un chacun (Henzelin/ Massrouri, op. cit., n° 9). 

3.5. Comme vu ci-dessus (cf. consid. 3.2), l'interprétation proposée dans
l'arrêt publié aux ATF 108 IV 161 prenait tout d'abord appui sur le Message à
teneur duquel les dispositions légales visées avaient pour but de protéger le
domaine personnel secret. Le Tribunal fédéral se livrait ensuite à une
interprétation systématique de la loi, constatant essentiellement que les art.
179bis et 179ter figurent dans la deuxième section du titre troisième de la
partie spéciale du Code pénal intitulé " Infractions contre le domaine secret
ou privé ". Il en déduisait que les conversations tombant sous le coup des art.
179bis et 179ter CP devaient se rapporter au domaine privé ou secret, et non à
des conversations d'une autre nature. Cette approche peut être nuancée pour
deux raisons. D'une part, les termes de domaine secret ou privé ne figurent ni
dans le titre marginal ni parmi les éléments constitutifs des art. 179bis et
179ter CP, à la différence de l'art. 179quater CP qui reprend la notion de "
violation du domaine secret ou du domaine privé " aussi bien dans son titre
marginal que dans son texte. D'autre part, le Message définit le domaine
personnel secret en se référant non au contenu de la conversation, mais à sa
perceptibilité par des tiers: ainsi, sont exclues de la protection pénale "
[...] les déclarations verbales qui peuvent être perçues par un large cercle de
personnes qui n'ont pas de rapports personnels entre elles; de telles
déclarations ne concernent en effet pas le domaine personnel secret " (Message
du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant le renforcement de la
protection pénale du domaine personnel secret du 21 avril 1968, FF 1968 I p.
617; dans ce sens également: Omar Abo Youssef, op. cit., p. 8 s.).

A cela, on peut encore ajouter ce qui suit. La jurisprudence retient que l'art.
179ter CP poursuit le but qu'un individu puisse s'exprimer verbalement en toute
liberté, sans craindre que ses propos ne soient enregistrés contre sa volonté
et qu'ainsi des paroles prononcées sans arrière-pensée se trouvent abusivement
perpétuées (cf. ATF 111 IV 66 consid. 2). Sous l'angle d'une interprétation
téléologique, il importe donc peu de savoir si les propos se rapportent au
domaine secret ou privé, ou encore en quelle qualité les interlocuteurs
s'expriment. Un fonctionnaire de police est atteint dans sa liberté personnelle
de s'exprimer librement et objectivement s'il doit craindre que ses propos
soient enregistrés sans son consentement (Omar Abo Youssef, op. cit., p.
11-14). Les auditions menées par la police étant protocolées, il n'y a pas lieu
de craindre que leur contenu demeure secret ou encore que les agents de police
ne doivent plus rendre de compte sur la manière dont ils procèdent aux
interrogatoires. Enfin, la possibilité réservée à l'agent de police dans
l'arrêt publié aux ATF 108 IV 161 d'interrompre l'enregistrement dans l'intérêt
de l'enquête n'est pas convaincante, dans la mesure où seuls entrent en ligne
de compte, sous l'angle de l'art. 179ter CP, des enregistrements effectués sans
le consentement des interlocuteurs, ce qui suppose qu'ils le soient à leur
insu.

3.6. En conclusion, l'analyse qui précède commande d'abandonner
l'interprétation restrictive retenue dans l'arrêt publié aux ATF 108 IV 161, à
savoir que la conversation " non publique " figurant à l'art. 179ter CP devait
se rapporter au domaine secret ou privé de ceux qui y prennent part et
intervenir dans un contexte de relations personnelles ou commerciales, à
l'exclusion de l'exercice d'un devoir de fonction. Une interprétation plus
large de la disposition légale, plébiscitée unanimement par la doctrine et
soutenue par la jurisprudence plus récente, apparaît fondée au regard de la
genèse de la loi, de sa systématique, ainsi que des buts qu'elle poursuit.
Aussi, on retiendra désormais que pour déterminer si une conversation est " non
publique " au sens des art. 179bis et 179ter CP, il faut examiner, au regard de
l'ensemble des circonstances, dans quelle mesure elle pouvait et devait être
entendue par des tiers. La conversation n'est pas publique lorsque ses
participants s'entretiennent dans l'attente légitime que leurs propos ne soient
pas accessibles à tout un chacun. La nature de la conversation peut constituer
un indice à cet égard, mais n'est pas seule décisive. Cette solution permet
ainsi de protéger l'individu contre la diffusion de ses propos en-dehors du
cercle des personnes avec lequel il a choisi de partager ses opinions, peu
importe en quelle qualité il s'est exprimé.

3.7. Sur le vu de ce qui précède, il faut conclure que les conversations
téléphoniques entre l'intimé et le recourant n'étaient pas publiques. En effet,
comme la cour cantonale l'a constaté, les paroles échangées entre le recourant
et l'intimé l'avaient été dans un contexte dans lequel elles n'étaient pas
destinées à être entendues par des tierces personnes. Il est en particulier
sans importance que l'intimé ait agi dans le cadre de ses devoirs de fonction,
cette circonstance ne permettant pas de lui dénier le droit de pouvoir
s'exprimer librement sans craindre que ses propos ne soient enregistrés à son
insu. Les conditions objectives de l'art. 179ter CP étaient donc réalisées.

4. 

Le recourant soutient qu'il n'avait pas conscience de réaliser les éléments
constitutifs d'une infraction pénale en enregistrant une conversation découlant
d'une démarche officielle d'un agent de la force publique. Il invoque également
l'erreur sur l'illicéité.

4.1. En vertu de l'art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une
appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui
est favorable. Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas
connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément
constitutif d'une infraction pénale. L'intention de réaliser la disposition
pénale en question fait alors défaut. Dans une telle configuration, l'auteur
doit être jugé selon son appréciation erronée, si celle-ci lui est favorable.
Par opposition, l'erreur sur l'illicéité (art. 21 CP) vise le cas où l'auteur
agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction,
et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite (cf.
ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241).

La délimitation entre erreur sur les faits et erreur de droit ne dépend pas du
fait que l'appréciation erronée porte sur une question de droit ou des faits.
Il s'agit au contraire de qualifier d'erreur sur les faits, et non d'erreur de
droit, non seulement l'erreur sur les éléments descriptifs, mais également
l'appréciation erronée des éléments de nature juridique constitutifs de
l'infraction. Ainsi celui qui, en raison d'une appréciation erronée, ignore que
la chose acquise sous réserve de propriété reste une chose appartenant à
autrui, ne peut pas avoir l'intention de commettre un abus de confiance. Il
ignore l'état de fait au sens de l'art. 13 CP (ATF 129 IV 238 consid. 3.2 p.
241). Agit également sous l'empire d'une erreur de fait la personne qui est
faussement convaincue que les fonds provenant d'un trafic de drogue ne peuvent
en raison de l'écoulement du temps plus être séquestrés (ATF 129 IV 238). Une
erreur de fait a également été admise en faveur de personnes fabriquant en
Suisse des pièces d'or d'Arabie Saoudite et qui avaient de bonne foi pensé à
tort que la monnaie fabriquée ne constituait pas un moyen de paiement général
dans ce pays et qu'elle n'avait pas non plus cours légal, de sorte qu'elle ne
constituait pas une monnaie au sens des art. 240 CP (fabrication de fausse
monnaie) et 242 CP (mise en circulation de fausse monnaie). Dans le cadre de
cette dernière cause, le Tribunal fédéral a précisé qu'au regard de l'art. 19
aCP (actuel art. 13 CP) est uniquement déterminant ce que les prévenus se sont
représentés et non ce qu'ils auraient dû se représenter (ATF 129 IV 238 consid.
3.4 p. 245; plus récemment: arrêt 6B_220/2015 du 10 février 2016 consid. 3.4.1,
qui retient que celui qui ignore que le Dormicum est un stupéfiant se trouve
dans une erreur sur les faits s'agissant de la qualification juridique de cette
substance).

Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève des
constatations de fait (ATF 142 IV 137 consid. 12 p. 152; 141 IV 369 consid. 6.3
p. 375).

4.2. Le recourant soutient qu'en déclarant qu'il trouvait " délicat d'informer
ses interlocuteurs ", il voulait seulement dire que ceux-ci auraient pu se
sentir gênés ou s'offusquer d'apprendre qu'ils étaient enregistrés, non qu'il
connaissait le caractère illégal de son comportement. Ce faisant, il cherche à
se prévaloir d'une erreur sur les faits. Cependant, son argumentation consiste
à opposer son interprétation des moyens de preuve à celle de la cour cantonale,
mais ne démontre pas le caractère insoutenable de l'appréciation cantonale.
Certes, comme il le souligne, il a immédiatement transmis ces enregistrements à
un autre policier. Cela ne signifie pas encore qu'il était persuadé de la
légalité de son action, dès lors qu'il pouvait penser que le destinataire de
l'enregistrement ne se poserait pas la question de savoir s'il avait bien été
effectué avec le consentement de l'intimé. Enfin, le recourant affirme qu'il ne
pouvait avoir conscience de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction
pénale dès lors qu'il pensait qu'il prenait part à une conversation découlant
d'une démarche officielle. Or la cour cantonale n'a pas constaté ce fait, et le
recourant ne démontre pas le caractère arbitraire de cette omission. Il a
d'ailleurs admis qu'il lui arrivait régulièrement d'enregistrer ses
conversations téléphoniques puisque l'un de ses téléphones portables est équipé
d'une application d'enregistrement de conversation automatique.

Partant, la cour cantonale pouvait exclure l'erreur sur les faits et retenir
l'intention du recourant de réaliser l'infraction. Pour le surplus, l'erreur de
droit n'entre pas en considération dans le cas d'espèce, puisqu'il est question
de l'appréciation d'un élément de nature juridique constitutif de l'infraction.

Le grief est dès lors rejeté dans la mesure où il est recevable.

Ainsi, pour les motifs qui précèdent, la condamnation du recourant pour la
commission de l'infraction réprimée à l'art. 179ter CP ne viole pas le droit
fédéral.

5. 

Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF). B.________, qui ne s'est pas déterminé, n'a pas droit au paiement de
dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 7 février 2020

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Musy