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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.746/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_746/2019

Arrêt du 9 septembre 2019

Cour de droit pénal

Composition

Mme et MM. les Juges fédéraux Jacquemoud-Rossari, Juge présidant, Oberholzer et
Rüedi.

Greffière : Mme Klinke.

Participants à la procédure

X.________,

recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève,

intimé.

Objet

Indemnité du défenseur d'office,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 17 mai 2019 (ACPR/366/2019 P/17254/2015).

Faits :

A. 

Le 16 août 2016, le ministère public de la République et canton de Genève a
nommé l'avocat X.________ en qualité de défenseur d'office de A.________,
lequel avait été placé en détention provisoire le même jour. Il était
principalement reproché à ce dernier d'avoir encaissé des loyers pour le compte
de clients, à l'enseigne de sa raison individuelle "B.________", et d'en avoir
conservé la plus grande partie pour l'utiliser à des fins personnelles.

Par jugement du 30 juin 2017, le Tribunal de police genevois a condamné
A.________ pour abus de confiance (art. 138 CP), faux dans les titres (art. 251
CP) et conduite sans assurance-responsabilité civile (art. 96 LCR) à une peine
pécuniaire de 270 jours-amende, à 30 fr. l'unité, avec sursis pendant 3 ans. Il
a toutefois été acquitté s'agissant d'une partie des cas d'abus de confiance et
de faux dans les titres qui lui étaient reprochés. Le Tribunal de police a en
outre fixé à 23'904 fr. 65, TVA et débours inclus, l'indemnité due à X.________
pour son activité de défenseur d'office. Il a ainsi admis, en se fondant sur
l'état de frais produit par l'intéressé, la prise en compte de 97 heures 10 au
tarif horaire de chef d'étude (200 fr.) et de 8 heures 45 à celui de stagiaire
(65 fr.).

B. 

La Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le
recours formé par X.________ concernant son indemnisation d'office, par arrêt
du 30 octobre 2018.

C. 

Par arrêt du 20 mars 2019, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours
de X.________ contre l'arrêt du 30 octobre 2018 s'agissant de l'absence de
prise en compte du temps consacré à l'analyse et à l'extraction de données
informatiques de A.________ ainsi que du temps consacré à l'établissement d'une
facture par l'avocat stagiaire de X.________. Le Tribunal fédéral a annulé
l'arrêt cantonal sur ce point et a renvoyé la cause à la cour cantonale pour
qu'elle se prononce sur le temps à prendre en considération à ces titres. Pour
le surplus, le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa
recevabilité.

D. 

Statuant sur renvoi, la cour cantonale a rejeté le recours de X.________, par
arrêt du 17 mai 2019.

E. 

X.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral et
conclut, avec suite de frais et dépens, à la modification de l'indemnisation du
défenseur d'office en ce sens qu'elle s'élève à 44'303 fr. 74 (débours et TVA
compris), sous déduction des 23'904 fr. 65 déjà octroyés et payés.

F. 

Invités à se déterminer sur le mémoire de recours, la cour cantonale a renoncé
à présenter des observations, se référant à l'arrêt entrepris alors que le
ministère public a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt
querellé.

Considérant en droit :

1. 

L'indemnité litigieuse a été fixée par une autorité de première instance dont
la décision a ensuite fait l'objet d'un recours au plan cantonal. On ne se
trouve donc pas dans l'hypothèse visée par l'art. 135 al. 3 let. b CPP, qui
prévoit un recours devant le Tribunal pénal fédéral lorsque l'indemnité pour la
défense d'office est fixée par l'autorité de recours. Le recours en matière
pénale est ouvert (ATF 140 IV 213 consid. 1.7 p. 216).

2. 

L'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 20 mars 2019 (arrêt 6B_1231/2018)
circonscrit les questions encore litigieuses à deux postes, à savoir
l'extraction et l'analyse de données informatiques, d'une part, ainsi que
l'activité de l'avocat stagiaire relative à l'établissement d'une facture liée
à des travaux effectués par le prévenu, d'autre part. Le recourant critique
l'arrêt cantonal en tant qu'il exclut complètement l'indemnisation de ces deux
postes.

2.1. Aux termes de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé
conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du
procès. Dans le canton de Genève, l'art. 16 al. 2 du règlement sur l'assistance
juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en
matière civile, administrative et pénale (RAJ/GE; RS/GE E 2 05.04) prévoit que
seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction
notamment de la nature, de l'importance, et des difficultés de la cause, de la
valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

L'autorité cantonale dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation
de l'indemnité du défenseur d'office. Le Tribunal fédéral n'intervient qu'en
cas d'arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une
appréciation insoutenable des circonstances, est incompatible avec les règles
du droit et de l'équité, omet de prendre en considération tous les éléments
propres à fonder la décision ou, au contraire, tient compte de critères dénués
de pertinence (ATF 141 I 124 consid. 3.2 p. 126; 125 V 408 consid. 3a p. 409;
arrêts 6B_304/2018 du 5 octobre 2018 consid. 1.1; 6B_1410/2017 du 15 juin 2018
consid. 4.1). Il ne suffit pas que l'autorité ait apprécié de manière erronée
un poste de l'état de frais ou qu'elle se soit fondée sur un argument
déraisonnable; encore faut-il que le montant global alloué à titre d'indemnité
se révèle arbitraire (ATF 109 Ia 107 consid. 3d p. 112; arrêts 6B_304/2018 du 5
octobre 2018 consid. 1.1; 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2).

2.2. S'agissant du poste relatif à l'analyse et à la recherche de documents sur
l'ordinateur et le disque dur externe du prévenu, la cour cantonale a
considéré, en substance, qu'une durée de 32 heures était excessive pour des
faits principalement circonscrits au détournement de loyers perçus pour le
compte de sept lésés. La majeure partie de ce travail avait été effectuée avant
le dépôt de l'acte d'accusation qui cristallisait les faits dont le prévenu
avait à répondre. Alors même qu'il entendait opposer la compensation à
certaines parties plaignantes, il n'avait pas été en mesure d'étayer avant les
débats ses créances sur la base des recherches informatiques. Le dépouillement
des fichiers informatiques produit le 10 mai 2017, quelle que fût sa durée,
n'avait pas été utile à la défense du prévenu et ne devait donc pas être
indemnisée.

En l'espèce, le recourant était chargé de la défense d'office d'un prévenu
accusé de nombreux cas d'abus de confiance et de faux dans les titres, dans le
cadre de son activité d'agent immobilier. Pour sa défense, il s'agissait
notamment d'établir l'existence de différents contrats (bail, gérance, dépôt,
etc.) et montants (loyers, rétrocessions, garanties, commission, etc.; cf.
jugement du Tribunal de police du 30 juin 2017). En sa qualité de défenseur
d'office, le recourant a extrait et examiné les documents issus de deux
supports informatiques appartenant au prévenu (alors en détention). Ces
documents ont été déposés en procédure. Il ressort du premier arrêt de la cour
cantonale que, parmi les dizaines de documents répertoriés, six ont été
utilisés aux débats (selon bordereaux d'audiences des 9 et 30 juin 2017, cf.
arrêt du 30 octobre 2018, consid. 5.5 p. 10). Aussi, au vu de la nature de
l'affaire (impliquant un agent immobilier exerçant en raison individuelle) et
des infractions reprochées, il est insoutenable de considérer, a posteriori,
que le dépouillement des fichiers informatiques du prévenu n'était pas utile à
sa défense. Le fait que la majeure partie des recherches informatiques soit
antérieure au dépôt de l'acte d'accusation n'est pas pertinent. En effet, les
recherches ont été effectuées dès février 2017, alors que le prévenu, alors en
détention, faisait l'objet de plusieurs plaintes (déposées entre septembre 2015
et février 2016) et devait répondre de nombreuses infractions passibles de 5
ans de peine privative de liberté. L'indemnisation ne saurait donc être refusée
pour tous les actes de défense accomplis avant le dépôt de l'acte d'accusation.
Autre est la question de l'adéquation du nombre d'heures jugées utiles pour ce
poste.

Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis concernant le principe de
l'indemnisation du poste relatif à la recherche et à l'analyse des documents
informatiques du prévenu. L'arrêt entrepris doit être annulé sur ce point et la
cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle détermine le nombre d'heures à
indemniser pour ce poste.

2.3. La cour cantonale a relevé que la facture (datée du 22 juin 2017) établie
par le stagiaire du recourant, relative à des travaux prétendument entrepris
par le prévenu pour une partie plaignante, avait été qualifiée de " fantaisiste
" par le Tribunal de police. Celle-ci avait été créée a posteriori par
l'entremise du stagiaire, puis signée par le prévenu. Si les éléments à l'appui
de cette facture avaient existé dans les supports informatiques du prévenu, ils
seraient apparus lors des recherches effectuées par son avocat dès le mois de
février 2017. La cour cantonale a considéré que cette facture était impropre à
étayer la compensation que le prévenu avait soulevée plus tôt dans la
procédure. Ainsi, faute d'utilité, les 30 heures de travail consacrées par le
stagiaire du recourant à l'établissement de ce document n'avaient pas à être
indemnisées.

Ce faisant, la cour cantonale a exposé les motifs pour lesquels elle a
considéré que l'établissement de la facture en cause était impropre à rendre
vraisemblable l'existence d'une créance que le prévenu aurait pu faire valoir
contre la partie plaignante. Elle a ainsi jugé que ce travail n'était pas utile
à la défense du prévenu. Les motifs retenus ne sont pas insoutenables notamment
compte tenu de la nature de l'affaire, du travail fourni et du résultat obtenu.

En tant que le recourant se contente d'affirmer que l'établissement de la
facture pouvait permettre de chiffrer et établir les éléments utiles à prouver
les travaux et de démontrer que les éléments objectifs de l'infraction
n'étaient pas réunis, il oppose sa propre appréciation des faits à celle de la
cour cantonale. Son procédé est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF). Le recourant
échoue à démontrer que la décision entreprise reposerait sur une appréciation
insoutenable des circonstances.

Ses griefs dirigés contre le refus d'indemniser le travail de son stagiaire en
lien avec l'établissement de la facture doivent être rejetés dans la mesure de
leur recevabilité.

2.4. Faute de motivation suffisante, le grief déduit de l'art. 27 Cst. (liberté
économique) est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF). En tout état, il est rappelé
que le défenseur d'office accomplit une tâche étatique qui échappe au champ
d'application de l'art. 27 Cst. (ATF 141 I 124 consid. 4.1 p. 127). Par
ailleurs, le recourant ne tente pas de démontrer en quoi il serait
personnellement fondé à invoquer des dispositions relatives au droit à la
défense du prévenu (art. 32 al. 2 Cst., art. 6 par. 3 CEDH). Les griefs déduits
du droit fondamental à une défense efficace du prévenu sont irrecevables.

3.

Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis (cf. supra consid.
2.2), l'arrêt entrepris doit être annulé et la cause renvoyée à la cour
cantonale pour nouvelle décision sur ce point. Pour le surplus, le recours est
rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui n'obtient que
partiellement gain de cause, doit supporter une partie des frais judiciaires
(art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à des dépens réduits à la
charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF), lequel est dispensé de frais.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le
recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'500 fr., est mise à la charge du
recourant.

3. 

Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 1'500 fr. à titre de
dépens.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 9 septembre 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

La Juge présidant : Jacquemoud-Rossari

La Greffière : Klinke