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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.706/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_706/2019

Arrêt du 13 août 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,

Rüedi et Jametti.

Greffière : Mme Paquier-Boinay.

Participants à la procédure

A.________,

représentée par Me Léonard Micheli-Jeannet, avocat,

recourante,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève,

intimé.

Objet

Travail illégal (art. 115 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les étrangers et
l'intégration),

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 8 mai 2019 (AARP/155/2019 P/
12273/2018).

Faits :

A. 

Par jugement du 13 décembre 2018, le Tribunal de police de la République et
canton de Genève a acquitté A.________ du chef de séjour illégal; il l'a en
revanche déclarée coupable de travail illégal et condamnée à 30 jours-amende à
10 fr. le jour, avec sursis pendant 3 ans, peine partiellement complémentaire à
celle prononcée le 10 octobre 2017 par la Chambre pénale d'appel et de révision
de la Cour de justice genevoise, dont elle a renoncé à révoquer le sursis.

B. 

Par arrêt du 8 mai 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de
justice genevoise a admis partiellement l'appel formé par la condamnée contre
ce jugement, qu'elle a réformé en ce sens que la peine a été ramenée à 20
jours-amende et confirmé pour le surplus.

Les faits à l'origine de cette condamnation sont en substance les suivants.

A.________, ressortissante éthiopienne, réside en Suisse depuis le 30 octobre
2012.

L'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a
signalé avoir été informé le 29 octobre 2012 de la présence à Genève de
A.________, son mandataire ayant annoncé une possible problématique de traite
d'êtres humains. A la suite du dépôt d'une plainte pénale par celle-ci pour ce
chef d'accusation, elle s'est vue délivrer, le 25 février 2013, une
autorisation de séjour de courte durée valable jusqu'au 15 octobre 2013. A
cette date, elle en a sollicité le renouvellement, mentionnant une prise
d'activité comme garde d'enfants à raison de 13 heures par semaine. A la suite
de cette demande, l'OCPM lui a fait part le 21 janvier 2014 de son intention de
prononcer son renvoi dans la mesure où le ministère public n'était pas entré en
matière sur sa plainte. La cause ayant été renvoyée au ministère public dans le
cadre d'un recours contre la décision de non-entrée en matière, celui-ci a, le
24 mars 2014, indiqué à l'OCPM que la procédure pénale était en cours d'enquête
pour une durée imprévisible et que la présence de la plaignante était
nécessaire.

A la suite de l'intervention de l'OCPM, A.________ a rempli et signé le 23
octobre 2014, avec son employeur d'alors, un formulaire annonçant une activité
de garde d'enfants à raison de 13 heures par semaine depuis le 16 septembre
2013 pour une durée indéterminée et un salaire brut annuel de 14'025 francs.
Elle précisait que la procédure pénale était toujours en cours d'instruction. A
nouveau sur interpellation de l'OCPM, le conseil de A.________ a indiqué, par
courrier du 2 mai 2017, que la Chambre pénale de recours avait confirmé par
arrêt du 7 juin 2016 le classement de la plainte pénale au motif que les
explications fluctuantes de la plaignante n'étaient pas crédibles et infirmées
par les éléments du dossier. A ce courrier étaient joints deux formulaires
faisant état respectivement d'une activité de femme de ménage pour un salaire
annuel brut de 2'078 fr. 70 et de 12 heures hebdomadaires de garde d'enfants
pour un salaire annuel brut de 12'567 fr. ainsi qu'une attestation selon
laquelle elle était déclarée aux assurances depuis septembre 2013 par
l'intermédiaire de " chèques service ".

Le 7 août 2018, l'OCPM a signifié formellement à A.________ son refus de
renouveler son autorisation.

La cour cantonale n'a confirmé la condamnation de A.________ qu'en ce qui
concerne la période de juin 2016 au 2 mai 2017, à savoir celle qui part de la
notification de la confirmation par la Chambre pénale de recours du classement
de la procédure pénale et prend fin avec le courrier du mandataire de
l'intéressée à l'OCPM.

C. 

A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre
l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision. Elle conclut, avec suite
de frais et dépens, principalement à son acquittement intégral pour la
prévention d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. c LEI et subsidiairement au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau. Elle
sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1. 

La recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits et
l'appréciation des preuves. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir retenu
que son conseil avait, à la suite du courrier du 27 mars 2017, profité pour
solliciter le renouvellement de son autorisation de séjour, ce qui, selon elle,
sous-entendait qu'il n'existait aucune demande précédente.

Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les
faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de
fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient
été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens
des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon
arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244), ce
qu'il appartient à la recourante d'alléguer et d'étayer conformément aux
exigences de motivation strictes posées par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 143 IV
500 consid. 1.1 p. 503). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables
(ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368 et les références citées).

Non seulement la recourante ne montre pas que l'interprétation de la cour
cantonale serait contraire à des pièces ou éléments du dossier mais de surcroît
il ressort clairement de l'arrêt attaqué qu'à l'échéance de son autorisation de
séjour de courte durée en octobre 2013 la recourante en a sollicité le
renouvellement, procédure qui était toujours en cours d'examen au moment de la
rédaction du rapport. Cet élément n'a donc pas été méconnu par la cour
cantonale de sorte que le grief est mal fondé dans la mesure où il est
recevable.

2. 

La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 21 CP et le
principe " in dubio pro reo ".

2.1. Conformément à l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment
d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le
juge atténue la peine si l'erreur était évitable. La réglementation relative à
l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout
son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans
des cas exceptionnels (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241 et les références
citées). Pour qu'il y ait erreur sur l'illicéité, il faut que l'auteur ne sache
ni ne puisse savoir que son comportement est illicite. Le fait que l'auteur ait
eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit ou qu'il
eût dû avoir ce sentiment suffit pour exclure l'erreur de droit (ATF 129 IV 6
consid. 4.1 p. 18; 104 IV 217 consid. 2 p. 218; arrêt 6B_216/2018 du 14
novembre 2018 consid. 2.3). La possibilité théorique d'apprécier correctement
la situation ne suffit pas à exclure l'application de l'art. 21 1ère phrase CP.
Ce qui est déterminant c'est de savoir si l'erreur de l'auteur peut lui être
reprochée (ATF 116 IV 56 consid. II.3a p. 68; arrêt 6B_716/2018 du 23 octobre
2018 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que seul celui qui
avait des " raisons suffisantes de se croire en droit d'agir " pouvait être mis
au bénéfice de l'erreur sur l'illicéité. Une raison de se croire en droit
d'agir est " suffisante " lorsqu'aucun reproche ne peut être adressé à l'auteur
du fait de son erreur, parce qu'elle provient de circonstances qui auraient pu
induire en erreur toute personne consciencieuse (ATF 128 IV 201 consid. 2 p.
210; 98 IV 293 consid. 4a p. 303). Le caractère évitable de l'erreur doit être
examiné en tenant compte des circonstances personnelles de l'auteur, telles que
son degré de socialisation ou d'intégration (arrêt 6B_1102/2015 du 20 juillet
2016 consid. 4.1 et les références citées). Déterminer ce que l'auteur d'une
infraction a su, cru ou voulu et en particulier l'existence d'une erreur relève
de l'établissement des faits (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 p. 343).

La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14
par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "
in dubio pro reo ", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation
des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 p. 348 s.; 127 I 38
consid. 2a p. 40 s.). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle
signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à
l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle
d'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la règle sous
cet angle, cf. ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 p. 351 s.), la présomption
d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de
l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il
existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste
des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une
certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et
irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de
la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation
des faits sont critiquées en référence au principe " in dubio pro reo ",
celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF
144 IV 345 consid. 2.2.3.3 p. 351 s.; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; 138 V 74
consid. 7 p. 82).

2.2. La recourante soutient que rien ne permet, à teneur du dossier, de
considérer qu'elle aurait pu avoir connaissance du caractère potentiellement
illicite de son activité lucrative à la suite du classement définitif de sa
plainte.

Il ressort de l'arrêt attaqué que la recourante est arrivée en Suisse en
octobre 2012 et qu'un permis de séjour de courte durée, valable jusqu'au 15
octobre 2013, lui a été délivré, permis dont elle a ensuite sollicité le
renouvellement. Cette demande a fait l'objet d'un préavis défavorable de l'OCPM
et n'a pas été tranchée durant toute la période litigieuse. Le 21 janvier 2014,
l'OCPM a informé la recourante de son intention de refuser le renouvellement
sollicité et de prononcer son renvoi de Suisse dans la mesure où le ministère
public n'était pas entré en matière sur sa plainte. Toutefois, la Chambre
pénale de recours du Tribunal cantonal a renvoyé la procédure au ministère
public pour complément d'instruction et le conseil de la recourante a fait
valoir que la présence de sa mandante était nécessaire pour la suite de la
procédure, ce qui a été confirmé par le ministère public, de sorte qu'aucune
décision n'a été prise.

Dans ces circonstances, la recourante, au demeurant assistée d'un mandataire,
ne pouvait ignorer que sa présence en Suisse était tolérée en relation avec la
procédure pénale. La cour cantonale pouvait par conséquent admettre que dès la
notification de la confirmation du classement de sa plainte au début juin 2016
la recourante devait avoir le sentiment de ne plus être en droit de séjourner
et a fortiori de travailler en Suisse et qu'elle ne pouvait donc pas de bonne
foi poursuivre son activité sans se renseigner sur la légalité de sa situation
ni informer l'autorité de l'issue de la procédure pénale.

3. 

Mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Vu
l'issue de la procédure, les frais de la cause doivent être mis à la charge de
la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Comme les conclusions étaient
dépourvues de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut être accordée
(art. 64 al. 1 LTF); le montant des frais judiciaires sera toutefois fixé en
tenant compte de la situation financière de la recourante, qui n'apparaît pas
favorable.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale d'appel et
de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève.

Lausanne, le 13 août 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Paquier-Boinay