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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.704/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_704/2019

Arrêt du 28 juin 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,

Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

X.________,

représenté par Me Samir Djaziri, avocat,

recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud,

intimé.

Objet

Expulsion (art. 66a CP),

recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale

du Tribunal cantonal du canton de Vaud

du 28 mars 2019 (no 92 PE18.000416-OPI).

Faits :

A. 

Par jugement du 8 novembre 2018, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement
de la Broye et du Nord vaudois a condamné X.________, pour vol en bande et par
métier, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et
tentative d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, à une peine privative de
liberté de 24 mois. Il a en outre ordonné son expulsion du territoire suisse
pour une durée de huit ans.

B. 

Par jugement du 28 mars 2019, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud a rejeté l'appel de X.________ ainsi que l'appel joint formé par
le ministère public contre le jugement du 8 novembre 2018 et a intégralement
confirmé celui-ci.

Il en ressort notamment ce qui suit.

X.________ est né en 1977 en Algérie. Il a gagné la Suisse en 2003, afin d'y
demander l'asile. Sa demande a été refusée, mais l'intéressé est néanmoins
demeuré en Suisse. Dans ce pays, il a travaillé en qualité de boucher, avant de
perdre son emploi en janvier 2018. Sans enfants, le prénommé a divorcé en 2018.
En Algérie, il dispose encore de sa mère, de trois frères et quatre soeurs.

Son casier judiciaire fait état d'une condamnation, en 2011, pour vol et
dommages à la propriété, d'une condamnation, la même année, pour recel, d'une
condamnation, toujours en 2011, pour vol, vol par métier, dommages à la
propriété, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, conduite sans permis, délit
manqué de vol et délit manqué de vol par métier, d'une condamnation, en 2012,
pour vol et dommages à la propriété, d'une condamnation, en 2013, pour
violation de domicile et tentative de vol, d'une condamnation, en 2014, pour
violations simple et grave des règles de la circulation routière, d'une
condamnation, en 2015, pour vol et dommages à la propriété, d'une condamnation,
en 2016, pour injure et menaces, d'une condamnation, en 2017, pour vol,
dommages à la propriété et tentative d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur,
ainsi que d'une condamnation, la même année, pour tentative de vol et vol.

C. 

X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le
jugement du 28 mars 2019, en concluant, avec suite de frais et dépens,
principalement à sa réforme en ce sens que son expulsion du territoire suisse
n'est pas ordonnée et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la
cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il sollicite par ailleurs
le bénéfice de l'assistance judiciaire ainsi que l'octroi de l'effet suspensif.

Considérant en droit :

1. 

Le recourant conteste son expulsion du territoire suisse.

1.1. Aux termes de l'art. 66a al. 1 let. c CP, le juge expulse de Suisse
l'étranger qui est condamné pour vol qualifié (art. 139 ch. 2 et 3 CP), quelle
que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de
cinq à quinze ans. Selon l'art. 66a al. 2 CP, le juge peut exceptionnellement
renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une
situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne
l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. A cet
égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né
ou qui a grandi en Suisse.

En l'espèce, le recourant a commis des infractions qui tombent sous le coup de
l'art. 66a al. 1 let. c CP. Il remplit donc a priori les conditions d'une
expulsion, sous la réserve d'une application de l'art. 66a al. 2 CP, voire
également des normes de droit international.

1.2. Les conditions pour appliquer l'art. 66a al. 2 CP sont cumulatives. Afin
de pouvoir renoncer à une expulsion prévue par l'art. 66a al. 1 CP, il faut,
d'une part, que cette mesure mette l'étranger dans une situation personnelle
grave et, d'autre part, que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent
pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. Le juge doit faire
usage du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par une norme potestative
dans le respect des principes constitutionnels. S'il devait refuser de renoncer
à l'expulsion alors que les conditions de la clause de rigueur sont remplies,
le principe de proportionnalité ancré à l'art. 5 al. 2 Cst. serait violé. Le
juge doit ainsi renoncer à l'expulsion lorsque les conditions de l'art. 66a al.
2 CP sont réunies, conformément au principe de proportionnalité (ATF 144 IV 332
consid. 3.3 p. 339 s.).

1.3.

1.3.1. La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par une "situation
personnelle grave" (première condition cumulative) ni n'indique les critères à
prendre en compte dans la pesée des intérêts (seconde condition cumulative).

En recourant à la notion de cas de rigueur dans le cadre de l'art. 66a al. 2
CP, le législateur a fait usage d'un concept ancré depuis longtemps dans le
droit des étrangers. Compte tenu également du lien étroit entre l'expulsion
pénale et les mesures du droit des étrangers, il est justifié de s'inspirer, de
manière générale, des critères prévus par l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance
relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative
(OASA; RS 142.201) et de la jurisprudence y relative, dans le cadre de
l'application de l'art. 66a al. 2 CP. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une
autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême
gravité. Elle commande de tenir compte notamment de l'intégration du requérant,
du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant, de la situation
familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la
scolarité des enfants, de la situation financière ainsi que de la volonté de
prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, de la durée de la
présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de
réintégration dans l'Etat de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA
n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra
également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de
réinsertion sociale du condamné (ATF 144 IV 332 consid. 3.3.2 p. 340 s.; arrêt
6B_143/2019 du 6 mars 2019 consid. 3.3.1). En règle générale, il convient
d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP
lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une
certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale
garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit
international, en particulier l'art. 8 CEDH (arrêts 6B_143/2019 précité consid.
3.3.1; 6B_1329/2018 du 14 février 2019 consid. 2.3.1; 6B_1262/2018 du 29
janvier 2019 consid. 2.3.1).

1.3.2. Selon la jurisprudence, pour se prévaloir du respect au droit de sa vie
privée, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels
spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui
résultent d'une intégration ordinaire. Le Tribunal fédéral n'adopte pas une
approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée
de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un
droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des
intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un
élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées
en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance
(cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3 p. 24; plus récemment arrêt 6B_143/2019 précité
consid. 3.3.2 et les références citées).

En l'espèce, malgré la présence - pour partie illicite - du recourant en Suisse
depuis plus de 15 années, on ne voit pas sur quelles bases celui-ci pourrait se
prévaloir d'un droit au respect de sa vie privée, au sens des art. 13 al. 1
Cst. et 8 par. 1 CEDH, dès lors qu'il ne présente pas des liens sociaux ou
professionnels spécialement intenses avec la Suisse et que son intégration dans
ce pays n'est pas particulièrement forte. A cet égard, l'intéressé se borne à
signaler l'existence, en Suisse, de son "cercle de connaissances", à propos
duquel on ignore tout.

Par ailleurs, le recourant se prévaut de la présence, en Suisse d'une "amie
intime", avec laquelle il aurait des projets de mariage. Or, cette allégation
s'écarte de l'état de fait de la cour cantonale, par lequel le Tribunal fédéral
est lié (cf. art. 105 al. 1 LTF) et dont l'intéressé ne prétend ni ne démontre
- sur ce point - qu'il serait entaché d'arbitraire (cf. art. 97 al. 1 LTF). Au
demeurant, les relations visées par l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui
concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux
ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 144 II 1
consid. 6.1 p. 12; 135 I 143 consid. 1.3.2 p. 146). Sous réserve de
circonstances particulières, les concubins ne sont donc pas habilités à
invoquer l'art. 8 CEDH. D'une manière générale, il faut que les relations entre
les concubins puissent, par leur nature et leur stabilité, être assimilées à
une véritable union conjugale pour bénéficier de la protection de l'art. 8 par.
1 CEDH (cf. arrêt 6B_143/2019 précité consid. 3.3.2 et les références citées).
En l'occurrence, le recourant ne prétend ni ne démontre qu'une éventuelle
relation intime pourrait être assimilée à une union conjugale.

Enfin, la cour cantonale a signalé que le recourant était retourné quelques
temps en Algérie en 2017, qu'il avait gardé des attaches avec ce pays et que
les membres de sa famille y vivaient. Ainsi, compte tenu de la médiocre
intégration du recourant en Suisse, de l'absence de relations professionnelles,
sociales ou familiales dans ce pays et des liens conservés avec l'Algérie, il
n'apparaît pas que l'expulsion ordonnée pourrait placer l'intéressé dans une
situation personnelle grave. La première condition cumulative permettant au
juge de renoncer exceptionnellement à l'expulsion fait donc défaut. Partant,
une application de l'art. 66a al. 2 CP ne pouvait entrer en ligne de compte.

Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était
dépourvu de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être
rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais
judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera fixé en tenant compte de
sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable.

La cause étant jugée, la demande d'effet suspensif n'a plus d'objet. Au
demeurant, le recours en matière pénale interjeté contre un prononcé
d'expulsion déploie de  lege un effet suspensif.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 28 juin 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa