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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.694/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_694/2019

Arrêt du 11 juillet 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi.

Greffier : M. Tinguely.

Participants à la procédure

X.________,

recourant,

contre

Ministère public de l'Etat de Fribourg,

intimé.

Objet

Ordonnance de non-entrée en matière (abus d'autorité, violations du secret de
fonctions etc.),

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Chambre
pénale, du 9 mai 2019 (502 2019 5).

Faits :

A.

A.a. Par courrier du 1 ^er novembre 2018 adressé au Ministère public de l'Etat
de Fribourg, complété le 28 novembre 2018, X.________ a dénoncé pénalement les
membres du Conseil communal de A.________ ainsi que trois employés communaux.
Il leur reprochait de nombreux actes d'abus de confiance (art. 138 CP), d'abus
d'autorité (art. 312 CP) ainsi que de violation du secret de fonction (art. 320
CP), qui auraient été commis dans le contexte de conflits de voisinage qui
avaient débuté dès 2013 lors de son installation dans le quartier et de la
construction de sa villa. 

X.________ a ainsi relevé les circonstances par lesquelles la Commune et les
employés communaux en cause auraient cherché à lui nuire, au travers de
certaines décisions et prises de position, et à protéger des intérêts
illégitimes de certains de ses voisins. Il reprochait en outre à B.________,
employée communale en charge de l'urbanisme et des constructions, d'avoir violé
son secret de fonction en témoignant auprès de la police, sans y avoir été
déliée, dans le cadre d'une procédure pénale ouverte contre lui pour injure, à
la suite d'une plainte pénale de sa voisine C.________. Les membres du Conseil
communal auraient également violé leur secret de fonction en notifiant une
décision le concernant à une personne non intéressée. Enfin, le plaignant
reprochait aux membres du Conseil communal d'avoir commis un abus de confiance
en mandatant aux frais du contribuable un avocat dans le cadre d'une procédure
qui l'opposait à ses voisins, ceci dans le but de trouver une issue qui leur
serait favorable.

A.b. Par ordonnance du 8 janvier 2019, le ministère public a décidé de ne pas
entrer en matière sur la dénonciation de X.________.

B. 

Statuant le 9 mai 2019, la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois a
rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours formé par X.________
contre l'ordonnance du 8 janvier 2019.

La cour cantonale a considéré, s'agissant des violations du secret de fonction
(art. 320 CP) reprochées à B.________ et aux membres du Conseil communal, que
les éléments constitutifs de l'infraction n'étaient manifestement pas réunis
(cf. art. 310 al. 1 let. a CPP), de sorte que le recours devait être rejeté
dans cette mesure. Elle a relevé par ailleurs que le recours était irrecevable
en tant qu'il concernait les infractions d'abus de confiance (art. 138 CP) et
d'abus d'autorité (art. 312 CP), faute pour le plaignant de disposer d'un
intérêt juridiquement protégé et partant de la qualité pour recourir contre
l'ordonnance de non-entrée en matière (cf. art. 382 al. 1 CPP).

C. 

X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 9 mai 2019. Il conclut, avec suite de frais et dépens,
principalement à sa réforme en ce sens que la cause est renvoyée au Procureur
général du canton de Fribourg pour instruction, laquelle comprendra "
l'extension à l'abus d'autorité en concours idéal avec la dénonciation
calomnieuse pour dénonciation à la Préfecture du 25 septembre 2018 ".
Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de
la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

Considérant en droit :

1. 

Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1 p. 358).

1.1.

1.1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a
participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à
recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur
le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions
celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être
déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement
des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41
ss CO.

En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer
les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir.
Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou
de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement
déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait
déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en
reste pas moins que le ministère public qui refuse d'entrer en matière ou
prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3
CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante
d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles
elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie
plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de
vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte
que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon
suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées
sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans
ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141
IV 1 consid. 1.1 p. 4).

1.1.2. En l'espèce, le recourant expose pour chacune des infractions invoquées
dans sa plainte les prétentions qu'il entend faire valoir contre les membres du
Conseil communal ainsi que les employés communaux mis en cause.

Il omet cependant de prendre en considération qu'aux termes de la loi
fribourgeoise sur la responsabilité civile des collectivités publiques et de
leurs agents (RS/FR 16.1), les collectivités publiques répondent du préjudice
que leurs agents causent d'une manière illicite à autrui dans l'exercice de
leurs fonctions (art. 6 al. 1), le lésé ne pouvant faire valoir aucune
prétention contre l'agent (art. 6 al. 2). Le canton de Fribourg ayant ainsi
fait usage de la faculté réservée à l'art. 61 al. 1 CO, le recourant ne
disposerait, le cas échéant, que d'une prétention de droit public à faire
valoir non pas contre les présumés auteurs contre lesquels il a dirigé sa
dénonciation, mais contre la collectivité publique en cause, à savoir la
Commune de A.________. Selon la jurisprudence constante, de telles prétentions
ne peuvent être invoquées dans le procès pénal par voie d'adhésion et ne
constituent dès lors pas des prétentions civiles au sens de l'art. 81 LTF (ATF
138 IV 86 consid. 3.1 p. 88; 133 IV 228 consid. 2.3.3 p. 234; 128 IV 188
consid. 2 p. 190 ss; arrêt 6B_605/2019 du 13 juin 2019 consid. 1.3).

A défaut de prétentions civiles à raison des infractions dénoncées, le
recourant ne dispose pas de la qualité pour recourir au regard de l'art. 81 al.
1 let. b ch. 5 LTF.

1.2. L'hypothèse visée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre pas en
considération, le recourant ne soulevant aucun grief quant à son droit de
porter plainte.

2. 

Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie
plaignante est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie
équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par
ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond
(cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5).

Le recourant a ainsi la faculté de contester l'irrecevabilité de son recours
cantonal en relation avec les infractions d'abus de confiance (art. 138 CP) et
d'abus d'autorité (art. 312 CP), que la cour cantonale a justifiée au motif
qu'il ne disposait pas de la qualité pour recourir au sens de l'art. 382 al. 1
CPP.

2.1. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement
protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour
recourir contre celle-ci. Tel est, en particulier, le cas du lésé qui s'est
constitué demandeur au pénal, indépendamment d'éventuelles conclusions civiles
(ATF 139 IV 78 consid. 3 p. 80 ss).

Selon l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare
expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal
ou au civil. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute
personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En
règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du
bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 141
IV 1 consid. 3.1 p. 5 s.). Celui dont les intérêts privés ne sont atteints
qu'indirectement par une infraction qui ne lèse que des intérêts publics n'est
pas lésé au sens du droit de procédure pénale (ATF 141 IV 454 consid. 2.3.1 p.
457). Pour être directement touché, le lésé doit en outre subir une atteinte en
rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les
dommages par ricochet (arrêts 6B_1274/2018 du 22 janvier 2019 consid. 2.1;
6B_256/2018 du 13 août 2018 consid. 2.4.1; 6B_671/2014 du 22 décembre 2017
consid. 1.2).

2.2. Le patrimoine constitue, de façon générale, le bien juridique protégé par
l'infraction d'abus de confiance (art. 138 CP; MICHEL DUPUIS ET AL., Petit
commentaire du Code pénal, 2e éd., 2017, n° 3 ad art. 138 CP). S'agissant plus
spécifiquement de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, cette disposition tend à préserver
le droit de celui qui a confié des valeurs patrimoniales à ce que celles-ci
soient utilisées dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions
qu'il a données (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259).

En tant que le recourant soutient que les membres du Conseil communal
pourraient s'être rendus coupables d'abus de confiance en consacrant indûment
des deniers publics aux honoraires d'un avocat qui avait été mandaté par la
Commune pour la rédaction d'une décision le concernant, il apparaît quoi qu'il
en soit que les actes dénoncés n'ont pas été commis au préjudice du patrimoine
du recourant, mais, tout au plus, à celui de la Commune en tant que
collectivité publique. Sa qualité de contribuable de cette dernière ne saurait
suppléer le fait que le recourant n'a pas été directement lésé par l'infraction
dénoncée. Il n'y avait ainsi rien de critiquable à considérer qu'il ne
disposait pas de la qualité pour recourir s'agissant de cette infraction.

2.3.

2.3.1. Aux termes de l'art. 312 CP, les membres d'une autorité et les
fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un
avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des
pouvoirs de leur charge, seront punis d'une peine privative de liberté de cinq
ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Cette norme protège tant l'intérêt de l'Etat à pouvoir compter sur des
fonctionnaires fiables faisant un usage raisonné du pouvoir de puissance
publique qui leur a été conféré que celui des citoyens à n'être pas en but à un
exercice incontrôlé, arbitraire, du pouvoir ainsi confié (ATF 127 IV 209
consid. 1b p. 212; arrêts 6B_1318/2017 du 9 février 2018 consid. 7.2.3; 6B_761/
2016 du 16 mai 2017 consid. 3.4.2). Il appartient toutefois à celui qui entend
déduire de la lésion d'un intérêt privé par une infraction à l'art. 312 CP
d'alléguer les faits déterminants et d'exposer précisément en quoi consiste
l'atteinte affirmée à un droit juridiquement protégé de nature privée, sous
peine de se voir dénier la qualité pour recourir au sens de l'art. 382 al. 1
CPP (arrêt 6B_1318/2017 précité consid. 7.3).

2.3.2. Les développements du recourant en relation avec l'infraction d'abus
d'autorité (cf. mémoire de recours, p. 42-74) consistent en un descriptif des
situations, pour lesquelles il estime avoir été victime depuis 2013 de
décisions arbitraires et d'actions injustes de la part des membres de
l'autorité exécutive communale et des employés communaux, qui sont toutes en
lien avec des litiges relatifs à la construction de sa villa et aux relations
conflictuelles entretenues avec ses voisins.

Il apparaît toutefois que, pour l'essentiel, les actes dénoncés ont fait
l'objet de procédures administratives en matière de droit public des
constructions, lors desquelles ont été rendues des décisions motivées et
susceptibles de faire l'objet de voies de droit prévues par la loi. Il en va
ainsi de la décision communale portant sur l'abattage d'un arbre situé en
bordure de route, de celle lui demandant un relevé de terrain aménagé dans le
cadre de la procédure d'autorisation de construire une piscine ou encore du
refus de la Commune de donner suite à une dénonciation du recourant quant à des
constructions illégales qui auraient été construites par ses voisins ou quant
au bruit occasionné par le tintement d'une cloche installée par sa voisine pour
éloigner les oiseaux de ses cerisiers. Cela étant, il n'appartient pas au juge
pénal d'examiner l'opportunité des verdicts rendus dans ce cadre ou de procéder
à une nouvelle appréciation de leur bien-fondé. A lui seul, le fait que des
décisions ont été rendues en défaveur du recourant ne suffit pas à rendre
vraisemblable l'existence d'actes d'abus de pouvoir qui l'auraient atteint dans
ses intérêts juridiquement protégés.

Les autres actes dénoncés ne dénotent pas non plus un acharnement caractérisé à
l'égard du recourant ou un exercice de la puissance publique qui puisse être
qualifié d'incontrôlé ou d'arbitraire. Il n'apparaît ainsi pas que les intérêts
privés du recourant puissent avoir été lésés par les exigences formulées, en
2013, puis en 2015, par des employés communaux tendant à ce que l'intéressé
fasse évacuer du chantier de sa villa les engins qui empêchaient le passage des
véhicules d'urgence ou encore pour qu'il appose sur sa propriété la plaquette
portant le numéro d'assurance-incendie, s'agissant de démarches qui paraissent
justifiées dans le cadre d'une construction. On ne distingue rien de plus dans
le fait que son cabanon de jardin aurait été cadastré en 2016 dès la délivrance
du permis de construire y relatif conformément à la législation cantonale, au
contraire de celui de ses voisins, qui ne l'aurait été que trois ans après sa
construction.

Faute pour le recourant d'avoir suffisamment rendu vraisemblable que les actes
d'abus d'autorité dénoncés avaient concrètement porté atteinte à des droits de
nature privée, la cour cantonale pouvait considérer qu'il ne disposait pas d'un
intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 382 al. 1 CPP.

3. 

Pour le surplus, le recourant ne saurait conclure, à ce stade de la procédure,
à l'extension de l'instruction à l'infraction de dénonciation calomnieuse (art.
303 CP), les faits dénoncés à cet égard n'ayant de surcroît pas fait l'objet de
l'arrêt attaqué, pas plus que de l'ordonnance de non-entrée en matière ou des
plaintes adressées au ministère public.

4. 

Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la faible mesure de sa
recevabilité. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art.
66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Commune de A.________ et au
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Chambre pénale.

Lausanne, le 11 juillet 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Tinguely