Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.673/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_673/2019

Arrêt du 31 octobre 2019

Cour de droit pénal

Composition

M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.

Greffière : Mme Musy.

Participants à la procédure

A.________,

représenté par Me Olivier Peter, avocat,

recourant,

contre

1. Ministère public de la République et canton de Genève,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

5. E.________,

intimés.

Objet

Ordonnance de non-entrée en matière (injures et menaces homophobes),

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 2 mai 2019 (ACPR/311/2019 P/20039/2018).

Faits :

A. 

Le 29 août 2018, A.________ a déposé plainte pénale contre B.________,
C.________, D.________ et E.________ pour injures (art. 177 CP) et menaces
(art. 180 CP). A son appui, il expliquait avoir commencé à travailler en tant
que serveur au restaurant " F.________ " le 28 juin 2018. Ses collègues avaient
fait à plusieurs reprises des commentaires déplacés quant à ses manières jugées
" efféminées " et avaient proféré des insultes à caractère homophobe à son
encontre. Le chef de cuisine s'était en outre montré agressif en criant sur lui
et en le menaçant. Il avait dès lors quitté son emploi le 17 août 2018.

Par ordonnance du 23 octobre 2018, le Ministère public du canton et République
de Genève a refusé d'entrer en matière sur la plainte de A.________.

B. 

Par arrêt du 2 mai 2019, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de
la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ à
l'encontre de l'ordonnance précitée.

C. 

A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 2 mai 2019. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'il
est constaté une violation de l'obligation de procéder à une enquête effective
découlant des art. 8 et 14 CEDH, à son annulation et au renvoi de la cause à la
Chambre pénale de recours de la Cour de justice pour nouvelle décision.
Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt précité et au renvoi de
la cause à l'autorité précédente. Il sollicite également le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

D. 

Par ordonnance du 27 juin 2019, le Tribunal fédéral a rejeté la demande
d'assistance judiciaire de A.________.

E. 

Invités à se déterminer sur le recours, la Chambre pénale de recours de la Cour
de justice s'est référée à son arrêt et le Ministère public a renoncé à
présenter des observations, tandis que les autres intimés se sont brièvement
déterminés. A.________ a renoncé à répliquer.

Considérant en droit :

1.

1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a
participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à
recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur
le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions
celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être
déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement
des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41
ss CO.

En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer
les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir.
Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou
de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement
déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait
déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en
reste pas moins que le ministère public qui refuse d'entrer en matière ou
prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3
CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante
d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles
elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie
plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de
vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte
que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon
suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées
sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans
ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141
IV 1 consid. 1.1 p. 4). Lorsque la partie plaignante se plaint d'infractions
distinctes, elle doit mentionner, par rapport à chacune d'elles, en quoi
consiste son dommage (arrêts 6B_1077/2019 du 30 septembre 2019 consid. 2.1;
6B_959/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2.1).

Les mêmes exigences sont requises à l'égard de celui qui se plaint
d'infractions attentatoires à l'honneur (cf. parmi d'autres: arrêts 6B_637/2019
du 8 août 2019 consid. 1.2; 6B_576/2019 du 20 mai 2019 consid. 2.1; 6B_414/2019
du 5 avril 2019 consid. 4.1). N'importe quelle atteinte légère à la réputation
professionnelle, économique ou sociale d'une personne ne justifie pas une
réparation. L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49
al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et
qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance
morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans
ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation (arrêts 6B_637/2019
précité consid. 1.2; 6B_576/2019 précité consid. 2.1; 6B_1202/2018 du 11
janvier 2019 consid. 1.1; 6B_1244/2018 du 7 janvier 2019 consid. 1.1).

1.2. En l'espèce, le recourant soutient qu'il dispose de prétentions civiles à
l'encontre des personnes visées par sa plainte, à tout le moins s'agissant
d'obtenir une indemnité pour tort moral tant pour les infractions d'injures que
de menace. Il décrit un climat d'hostilité à caractère discriminatoire sur son
lieu de travail, ses collègues l'ayant injurié à réitérées reprises et menacé
en raison de son orientation sexuelle. ll explique avoir souffert de ces
persécutions au point de quitter son emploi 14 jours avant l'échéance
contractuelle. Dans cette configuration particulière, si ses allégations
s'avéraient bien-fondées, il apparaît probable que des prétentions en
réparation de son tort moral puissent être élevées.

Dans la mesure où le recourant se plaint d'infractions découlant d'un seul et
même complexe de faits et en déduit un tort moral pour l'ensemble, on ne
saurait exiger qu'il indique son dommage pour chaque infraction prise
séparément. Le recourant dispose, partant, de la qualité pour recourir à
l'encontre de l'arrêt cantonal en tant qu'il retient que les éléments
constitutifs des infractions dénoncées ne sont manifestement pas réunis.

2. 

Le recourant affirme que la cour cantonale aurait dû constater la violation de
son droit d'être entendu, attendu que le ministère public ne lui a jamais
offert la possibilité de formuler des réquisitions de preuve complémentaire, ni
de se déterminer sur son intention de rendre une ordonnance de classement. Il
soutient d'ailleurs que la cour cantonale a transformé l'ordonnance de
non-entrée en matière du ministère public en une ordonnance de classement, et
ce sans échange d'écriture.

2.1. Le recourant n'explique pas ce qui lui laisse penser que la cour cantonale
a converti la décision de non-entrée en matière en un classement, ce qui
n'apparaît pas être le cas. A toutes fins utiles, il est précisé que l'art. 310
al. 1 let. c CPP, par le renvoi à l'art. 8 CPP, couvre aussi les cas
d'application de la renonciation à la poursuite pénale lorsque le droit fédéral
le prévoit (art. 52, 53 et 54 CP). L'application, à titre subsidiaire, de
l'art. 52 CP par la cour cantonale n'a donc pas eu pour effet de convertir
l'ordonnance de non-entrée en matière en une ordonnance de classement.

2.2. Avant l'ouverture d'une instruction, le droit de participer à
l'administration des preuves ne s'applique en principe pas (art. 147 al. 1 CPP
a contrario), et ce y compris en cas d'investigations policières diligentées à
titre de complément d'enquête requis par le ministère public en vertu de l'art.
309 al. 2 CPP (arrêts 6B_810/2019 du 22 juillet 2019 consid. 2.1; 6B_854/2018
du 23 octobre 2018 consid. 3.1; 6B_496/2018 du 6 septembre 2018). En outre,
avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le ministère public
n'a pas à informer les parties ni n'a l'obligation de leur fixer un délai pour
présenter d'éventuelles réquisitions de preuve, l'art. 318 CPP n'étant pas
applicable dans ce cas. Le droit d'être entendu des parties est en effet
assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre
l'ordonnance de non-entrée en matière (cf. art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 ss
CPP). Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs -
formels et matériels - auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition
en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP; arrêts 6B_810/2019
précité consid. 2.1; 6B_239/2019 du 24 avril 2019 consid. 2.1; 6B_854/2018
précité consid. 3.1).

Sur le vu de ce qui précède, le recourant ne disposait pas d'un droit à
participer à l'administration des preuves ou à se déterminer sur la volonté du
ministère public de rendre une ordonnance de non-entrée en matière. Pour le
surplus, en tant qu'il considère que le choix du ministère public de rendre une
décision de non-entrée en matière l'a privé de son droit de participer à une
instruction, son grief n'a pas de portée propre et se confond avec celui de
violation du principe " in dubio pro duriore " traité ci-après.

Le grief tiré d'une violation de son droit d'être entendu est ainsi infondé.

3. 

Se prévalant des art. 8 et 14 CEDH, le recourant soutient que le princi pe " in
dubio pro duriore " a été violé.

3.1.

3.1.1. Selon la jurisprudence de la CourEDH, lorsqu'elles enquêtent sur des
incidents violents, les autorités de l'État ont l'obligation, au regard de
l'art. 3 CEDH, de prendre toutes les mesures raisonnables pour déterminer s'il
existait un mobile raciste et si des sentiments de haine ou des préjugés fondés
sur l'origine ethnique ont pu jouer aussi un rôle dans les événements (arrêts
de la CourEDH R. B. c. Hongrie du 12 avril 2016 [requête n° 64602/12], § 83; 
Abdu c. Bulgarie du 11 mars 2014 [requête n° 26827/08], § 44). Un traitement
qui n'est pas suffisamment grave pour relever de l'art. 3 CEDH peut néanmoins
nuire à l'intégrité physique et morale du requérant au point d'enfreindre
l'art. 8 CEDH sous son volet relatif à la vie privée (arrêts de la CourEDH Khan
c. Allemagne du 23 avril 2015 [requête n° 38030/12], § 35; Costello-Roberts c.
Royaume-Uni du 25 mars 1993, § 36, série A no 247-C). La CourEDH a ainsi jugé
que lorsqu'une personne soutient de manière défendable qu'elle a subi un
harcèlement à caractère raciste, notamment des insultes et des menaces
physiques, les États se doivent, en vertu de l'art. 8 CEDH, de prendre toutes
les mesures raisonnables pour déterminer s'il existait un mobile raciste et si
des sentiments de haine ou des préjugés fondés sur l'origine ethnique avaient
pu jouer aussi un rôle dans les événements, cela même lorsque le traitement
n'atteint pas le degré de gravité requis par l'art. 3 CEDH (arrêt de la
CourEDH R.B. c. Hongrie précité, §§ 83-84).

Selon l'art. 14 CEDH, " [l]a jouissance des droits et libertés reconnus dans la
présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée
notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les
opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale,
l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute
autre situation ". Selon la jurisprudence de la CourEDH, l'orientation sexuelle
relève de la protection de l'article 14 (arrêt de la CourEDH X c. Turquie 
[requête n°24626/09 du 9 octobre 2012], § 57; parmi d'autres affaires; Kozak c.
Pologne du 2 mars 2010 [requête n° 13102/02], § 83, Alekseyev c. Russie du 21
octobre 2010 [requêtes n° 4916/07, 25924/08 et 14599/09], § 108). Insulter ou
ridiculiser une personne en raison de son orientation sexuelle constitue une
discrimination aussi grave que celles fondées sur la race, l'origine ou la
couleur (arrêt de la CourEDH Vedjeland et autre c. Suède du 9 février 2012
[requête n°1813/07], § 55; parmi d'autres affaires: Smith et Grady c.
Royaume-Uni [requêtes n° 33985/96 et 33986/96], § 97, ECHR 1999-VI).

3.1.2. En droit interne, l'extension de la norme antiraciste de l'art. 261bis
CP aux discriminations fondées sur l'orientation sexuelle, adoptée par le
Parlement le 14 décembre 2018, traduit la volonté de réprimer de la même
manière les actes discriminatoires fondés sur l'appartenance raciale, ethnique
ou religieuse, et ceux fondés sur l'orientation sexuelle (modification du Code
pénal du 14 décembre 2018, FF 2018 7867). Un référendum est pendant.

Au regard de la législation en vigueur, les expressions, gestes ou images
dépréciatifs portant sur l'orientation sexuelle peuvent être constitutifs
d'injure (art. 177 CP), dans la mesure où ils expriment le mépris (cf.
Alexandre Curchod, Droit pénal, in Droit LGBT, 2ème éd., 2015, p. 664 s.; voir
aussi les arrêts de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de
justice du canton de Genève n° AARP/192/2018 du 12 juin 2018 consid. 2.2.1 et
de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de Fribourg n° 501 2017 177 du 24
septembre 2018 consid. 3.1 et les références citées, à teneur desquelles le
terme " pédé " constitue une injure formelle). L'infraction d'injure est en
effet réalisée notamment lorsque l'auteur a, en une forme répréhens ible,
témoigné de son mépris à l'égard de la personne visée et l'a attaquée dans le
sentiment qu'elle a de sa propre dignité (arrêts 6B_938/2017 du 2 juillet 2018
consid. 5.1; 6B_557/2013 du 12 septembre 2013, consid. 1.1 et les références
citées, in SJ 2014 I 293). Par ailleurs, celui qui aura volontairement fait
redouter à sa victime la survenance d'un préjudice réalise l'infraction de
menace au sens de l'art. 180 CP (ATF 122 IV 97 consid. 2b p. 100). Enfin, le
droit suisse réprime la contrainte par " stalking " (art. 181 CP), soit la
persécution obsessionnelle d'une personne durant une période prolongée (ATF 141
IV 437 consid. 3p. 438 s.; 129 IV 262 consid. 2 p. 263 s.).

3.1.3. Conformément à l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend
immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la
dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de
l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont
manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il y a lieu de renoncer à l'ouverture
d'une poursuite pénale lorsque les conditions de l'art. 52 CP sont remplies
(let. c).

L'art. 310 al. 1 let. a CPP doit être appliqué conformément à l'adage " in
dubio pro duriore ". Cela signifie qu'en principe, un classement ou une
non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que
lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les
conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. En cas de doute
s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité
d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il
appartient de se prononcer. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une
condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les
probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en
particulier en présence d'une infraction grave. Le ministère public et
l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que
le Tribunal fédéral revoit avec retenue. Cela étant, déterminer si l'autorité
précédente a correctement compris la portée du principe " in dubio pro duriore
" est une question de droit, soumis au libre examen du Tribunal fédéral (ATF
143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les
références citées).

3.2. Le recourant a expliqué que dès sa prise d'emploi au sein du restaurant,
il s'était senti mis à l'écart par les autres employés. Une dizaine de jours
plus tard, à l'occasion d'une soirée organisée par un collègue, D.________,
responsable adjoint du restaurant, lui avait confié qu'il risquait de perdre
son travail à cause de ses manières " efféminées ", étant précisé que le
précité n'avait pas utilisé ce terme mais fait un geste qu'il avait compris en
ce sens. Son collègue l'avait également traité de " folle " durant un service.
Plusieurs jours plus tard, E.________, le maître d'hôtel, lui avait fait des
commentaires déplacés quant à ses manières et une blague homophobe, dont il ne
pouvait préciser les termes, à l'exception de " PD ". En présence d'une partie
des employés, C.________, le chef de cuisine, lui avait demandé s'il ne pouvait
pas marcher comme tout le monde, ce qui avait fait rire le personnel présent,
qui s'était moqué de lui. Le précité lui avait également dit plusieurs fois
d'arrêter de faire sa " folle " et, à une reprise, il s'était montré agressif
en criant sur lui et en le menaçant " Je vais te buter la gueule! ".
B.________, le directeur, n'avait pas participé mais n'avait également rien
fait pour que cela cesse, alors qu'il était au courant.

Le recourant a expliqué avoir ressenti un isolement et une profonde injustice
du fait qu'il était homosexuel. Ces événements avaient eu une répercussion
négative sur son travail et il avait donc quitté l'établissement le 17 août
2018, soit avant la date prévue, son contrat se terminant le 31 suivant.

A l'appui de sa plainte, le recourant a requis l'audition de G.________ et
H.________ en qualité de témoins, dont il a fourni les coordonnées. Seul
H.________ a été entendu.

3.3. La cour cantonale a constaté que selon le recourant, C.________ lui avait
dit: " Je vais te buter la gueule! " alors que le mis en cause reconnaissait
avoir dit " Si je fais le tour du passe, je viens t'en mettre une! ",
expliquant qu'ils étaient en plein service au restaurant et que le recourant
errait sans emporter les plats qui étaient prêts pour les clients, ce qui
l'avait énervé. C.________ s'en était par la suite excusé. La cour cantonale a
considéré, dans ce contexte, que les propos n'apparaissaient pas être d'une
nature telle qu'ils puissent objectivement alarmer une personne de sensibilité
moyenne, placée dans les mêmes circonstances, condition nécessaire pour
admettre l'existence d'une menace au sens de l'art. 180 CP. Même si tel avait
été le cas, la culpabilité du prévenu devait être sensiblement relativisée,
compte tenu du contexte dans lequel ces paroles sont intervenues - aux dires de
C.________, il entendait uniquement presser le recourant alors qu'ils étaient
en plein service, et non le menacer - et du fait que cet acte était demeuré
isolé. Par ailleurs, il n'avait été ni allégué ni rendu vraisemblable que le
recourant en aurait subi des conséquences autres que bénignes, celui-ci ayant
continué normalement son service après cet incident. Partant, les conditions de
l'art. 52 CP seraient réalisées.

En ce qui concernait les propos et gestes homophobes dont se plaignait le
recourant et qui auraient conduit à sa démission, la cour cantonale a observé
que de telles injures étaient contestées par les mis en cause, E.________
précisant seulement avoir pu faire des blagues, sans méchanceté ni caractère
homophobe. H.________, le témoin auditionné, avait certes déclaré avoir entendu
et " vu " " des commentaires homophobes ", mais il les avait aussi qualifiées
de blagues innocentes. De plus, il ne pouvait désigner une personne en
particulier, ni rapporter les termes utilisés, à l'exception du mot " folle ".
S'agissant du contexte, le recourant soutenait que ses collègues l'avaient mis
à l'écart dès son engagement en raison de son homosexualité, ce que ceux-ci
réfutaient, soutenant qu'il était intégré, et avoir tout fait pour, lui
proposant notamment de se joindre à eux après le service, ce qu'il refusait
systématiquement, et le conseillant sur sa tenue vestimentaire afin qu'il n'ait
pas de problème. Le témoin confirmait également que le recourant était intégré.
Les prévenus s'accordaient enfin à dire que le recourant ne cachait pas son
homosexualité et, au contraire, en jouait. H.________ avait ajouté que le
recourant en riait parfois et le directeur avait affirmé ne pas avoir eu
connaissance de problèmes entre ses employés, le recourant ne soutenant du
reste pas s'en être plaint à son supérieur. Il n'apparaissait donc pas que les
prévenus avaient eu la volonté délibérée de porter atteinte à l'honneur du
recourant en utilisant le terme " folle ", ou tout geste inapproprié.

Enfin, la cour cantonale relevait que selon le recourant, E.________ l'aurait
traité de " PD ", ce que le mis en cause contestait. A teneur du dossier,
personne n'avait pu confirmer ces propos. Cependant, même si le second témoin,
qui n'avait pas été entendu par la police, venait à corroborer ce terme
injurieux, force était de constater que l'art. 52 CP s'imposerait. En effet, la
culpabilité de l'auteur et les conséquences pour le recourant ne sauraient être
considérées comme importantes, vu le contexte précité.

3.4. Lorsque, comme en l'espèce, un individu se plaint d'avoir subi un
harcèlement (injures répétées, menace) à caractère discriminatoire, il y a lieu
de tenir compte, dans l'application du principe " in dubio pro duriore ", des
principes dégagés par la jurisprudence de la CourEDH en lien avec les art. 8 et
14 CEDH (consid. 3.1.1 supra).

Il ressort de ce qui précède (consid. 3.3 supra) que selon la cour cantonale,
C.________ n'avait pas eu l'intention de menacer le recourant, l'acte était
demeuré isolé et le recourant n'en avait subi que des conséquences bénignes.
L'autorité précédente a également fait sienne la version des faits des mis en
cause qualifiant leurs propos de simples plaisanteries et niant toute volonté
discriminatoire. Elle a encore considéré que personne n'avait pu confirmer
l'usage du terme " PD ", au demeurant sans importance compte tenu du contexte
retenu, notamment le fait que le recourant était intégré au sein de l'équipe du
restaurant et que les prévenus n'avaient pas voulu porter atteinte à son
honneur.

L'état de fait cantonal diffère ainsi de celui présenté par le recourant, qui a
décrit une situation de mise à l'écart et d'insultes répétées, à caractère
discriminatoire, qui l'ont touché au point qu'il a quitté son emploi
prématurément. Il apparaît donc que la cour cantonale a relativisé les propos
du recourant et écarté sa version des faits au profit de celle des mis en
cause, sans pourtant avoir constaté que le recourant aurait fait des
déclarations contradictoires qui le rendaient moins crédible que ses opposants.
Certes, la personne appelée à donner des renseignements a déclaré qu'elle
pensait que le recourant était intégré dans l'équipe et que les blagues le
visant n'étaient pas méchantes. Cependant, cet élément ne dénie pas toute
crédibilité aux accusations du recourant. Il est rappelé à cet égard que la
question de savoir si une déclaration est attentatoire à l'honneur relève d'une
interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu
doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer, soit une question de
droit (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 p. 315 s.). Aussi, si l'administration des
preuves doit permettre d'établir les circonstances du cas d'espèce, en revanche
la question du caractère attentatoire à l'honneur d'un propos doit être résolue
par le juge et ne dépend pas de l'appréciation de témoins. En tous les cas,
H.________ a confirmé l'existence de commentaires homophobes adressés au
recourant. Par ailleurs, le second témoin proposé par le recourant n'a pas été
entendu. L'autorité précédente admet qu'elle ne peut exclure que cette
personne, si elle avait été entendue, aurait corroboré l'usage de termes
injurieux à l'endroit du recourant.

En bref, alors que l'ordonnance de non-entrée en matière se limitait à
constater que des déclarations contradictoires s'opposaient sans éléments
matériels permettant de retenir une version plutôt qu'une autre, la cour
cantonale a entrepris d'apprécier les déclarations des parties pour établir les
faits, bien qu'aucune instruction n'ait encore été menée. Elle a fait une
fausse application du principe " in dubio pro duriore " en procédant en réalité
à une appréciation des preuves qui relève de la compétence du juge du fond.

Dès lors que les développements de la cour cantonale, contraires au principe "
in dubio pro duriore ", sous-tendent également l'application de l'art. 52 CP,
cette argumentation subsidiaire ne peut davantage subsister.

4. 

Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, l'arrêt attaqué
annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supportera pas de frais judiciaires
(art. 66 al. 1 LTF). Le canton de Genève n'a pas non plus à en supporter (art.
66 al. 4 LTF). Le recourant a droit à des dépens à la charge du canton de
Genève (art. 68 al. 1 LTF). Compte tenu de leurs très brèves déterminations,
auxquelles le recourant n'a pas répondu, il n'y a pas lieu de condamner les
intimés au paiement de frais judiciaires ou de dépens (art. 66 al. et 68 al. 1
LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. 

Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3. 

Une indemnité de 3000 fr., à verser au recourant à titre de dépens pour la
procédure devant le Tribunal fédéral, est mise à la charge du canton de Genève.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 31 octobre 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Musy