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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.578/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_578/2019

Arrêt du 4 juillet 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,

Jacquemoud-Rossari et Rüedi.

Greffière : Mme Kistler Vianin.

Participants à la procédure

X.________,

représenté par Me Kevin Saddier, avocat,

recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève,

intimé.

Objet

Réintégration (art. 62a CP), mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59
CP).

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 6 mars 2019 (AARP/85/2019 P/
3065/2017).

Faits :

A. 

Par jugement du 17 septembre 2018, le Tribunal correctionnel de Genève a
reconnu X.________ coupable de tentative de meurtre et d'infractions aux art.
19 al. 1 et 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances
psychotropes. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de trois ans et
demi, sous déduction de la détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de
100 fr., la peine de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende
étant d'un jour. Il a ordonné la réintégration de l'intéressé dans la mesure
institutionnelle de traitement des troubles mentaux prononcée le 15 juin 2010
par le Tribunal de police, dont le délai d'épreuve avait été prolongé la
dernière fois le 2 mars 2015. Il a renoncé à prononcer la révocation des sursis
octroyés le 1 ^er mars 2013 et le 2 mars 2015. Enfin, il a ordonné l'expulsion
de Suisse de l'intéressé pour une durée de cinq ans. 

B. 

Par arrêt du 6 mars 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour
de justice genevoise a rejeté l'appel formé par X.________ et ordonné son
maintien en détention pour des motifs de sûreté.

En substance, elle a retenu les faits suivants:

B.a. Le 22 décembre 2016, à l'Hôtel T.________, à U.________, alors que
X.________ réparait la porte de sa chambre, une dispute a éclaté entre lui et
A.________ qui était venu rendre visite à une connaissance à l'hôtel.
X.________ s'est saisi d'une masse dont la tête pesait 1250 grammes et mesurait
4 x 4.1 x 10 et a porté deux coups violents sur l'arrière du crâne de
A.________ qui lui tournait le dos, lui occasionnant des lésions ayant
nécessité une opération et la pose de plaques en titane.

Du 30 septembre 2016 et jusqu'au 13 février 2017, X.________ a vendu une
quantité minimale de 30 grammes d'héroïne, à tout le moins à A.________ ainsi
qu'à l'un de ses voisins. Lors de son interpellation, il détenait 9 grammes
d'héroïne dont une partie était destinée à la vente et l'autre à sa propre
consommation. En outre, il a consommé quotidiennement de l'héroïne.

B.b.

B.b.a. Le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) a rendu le xxx
2017 une expertise psychiatrique en relation avec les faits du 22 décembre
2016. L'expert a diagnostiqué un trouble de la personnalité psychotique, une
séquelle d'un trouble du développement de type dysharmonie évolutive et des
troubles cognitifs résiduels sur abus d'opiacés. Selon l'expert, l'expertisé
souffrait également d'un syndrome de dépendance à l'héroïne et à l'alcool
(actuellement abstinent), tout comme d'une utilisation nocive pour la santé de
cocaïne (actuellement abstinent).

S'agissant du risque de récidive, l'expert a analysé deux échelles. La première
conduisait à un risque de récidive modéré et la seconde à un risque élevé en
raison des items de gestion du risque vu l'absence de travail, le manque
d'adhésion dans la continuité du traitement et le faible soutien familial. Pour
diminuer le risque de récidive, l'expertise préconisait, outre des mesures
thérapeutiques, des mesures de réinsertion, notamment socioprofessionnelles et
financières. Il convenait de prendre en charge la toxicomanie de l'expertisé,
greffée sur une personnalité hautement psychotique. Selon l'expert, une mesure
de soins en milieu institutionnel spécialisé dans le traitement des addictions
permettrait de soigner à la fois les dépendances et le trouble de la
personnalité par une structure cadrante avec des objectifs thérapeutiques pas
trop exigeants, mais offrant des possibilités de réinsertion. Cette structure
devait disposer d'unités plus fermées au début des soins avec une ouverture
progressive. Dans l'idéal, la Fondation du Levant pouvait correspondre.

B.b.b. Dans un complément du 12 février 2018, l'expert a constaté que le risque
de récidive était inchangé, le facteur majeur étant toujours le milieu
toxicomane. Il préconisait toujours une mesure thérapeutique institutionnelle
dans un centre de cure pour toxicomanes, comprenant une unité fermée, dite "
d'observation ".

B.b.c. Devant le ministère public, l'expert a souligné que l'aspect
psychiatrique qui n'avait pas été pris en charge par le passé primait désormais
l'aspect addictologique. Il a expliqué qu'une ouverture de la mesure était
peut-être intervenue trop rapidement. Il a déclaré qu'outre la Fondation du
Levant, le Centre d'accueil pour adultes en difficulté (CAAD) en Valais
proposait le même type de structure et de soins.

B.b.d. Devant la Cour d'appel pénale genevoise, l'expert a confirmé que le
risque de récidive était élevé. Il a exposé que la personnalité psychotique
expliquait en partie le phénomène d'addiction, mais que l'inverse n'était pas
vrai; la personnalité fragile dont il souffrait ne pouvait pas être le produit
de ses addictions. Selon lui, une approche psychothérapeutique était
nécessaire. Même si l'expertisé présentait une comorbidité avec un trouble
mental, auquel se jouxtait un trouble addictologique important, le placement en
milieu ouvert dans un centre de traitement pour addictologie lui paraissait
opportun dans la mesure où une double prise en charge, avec la visite d'un
psychiatre une à deux fois par semaine, pouvait être effectuée.

C. 

Contre l'arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale devant
le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme du jugement
attaqué en ce sens qu'une mesure thérapeutique institutionnelle relative au
traitement des addictions prévue à l'art. 60 CP est ordonnée. A titre
subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la
cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. En outre, il sollicite
l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1. 

Le recourant conteste sa réintégration dans l'exécution de la mesure
institutionnelle de traitement des troubles mentaux prononcée par le Tribunal
de police le 15 juin 2010. Il soutient que la cour cantonale s'est
arbitrairement écartée de l'expertise.

1.1. Si, durant le délai d'épreuve, la personne libérée conditionnellement
commet une infraction dénotant la persistance du danger que la mesure devait
écarter, le juge qui connaît de la nouvelle infraction peut, après avoir
entendu l'autorité d'exécution, ordonner la réintégration, lever la mesure et
en ordonner une autre pour autant que les conditions soient réunies ou, encore,
lever la mesure et ordonner l'exécution d'une peine privative de liberté pour
autant que les conditions soient réunies (art. 62a al. 1 CP).

La réintégration dans une mesure suppose que les conditions de celle-ci soient
réalisées. Cela résulte de l'art. 56 al. 6 CP qui prévoit qu'une mesure, dont
les conditions ne sont plus remplies, doit être levée (MARIANNE HEER, in Basler
Kommentar, Strafrecht I, 4 ^ème éd., 2019, n° 14 ad art. 62a CP). La
possibilité d'ordonner une autre mesure prévue à l'art. 62a al. 1 let. b CP est
utilisée avec retenue en pratique. En effet, lors du prononcé initial de la
mesure, il n'y avait souvent qu'un seul type de mesure qui paraissait
approprié; une indication pour plusieurs mesures constituerait ici une
exception. Il n'existe ainsi que peu d'alternatives au traitement
institutionnel: un traitement des addictions (art. 60 CP) ou une mesure
applicable aux jeunes adultes (art. 61 CP) n'entrent en principe pas en
considération, dans la mesure où ces mesures n'offrent pas un traitement très
différent pour les troubles psychiques du traitement institutionnel effectué
dans une clinique psychiatrique (HEER, op. cit., n° 23 ad art. 62a CP). 

1.2.

1.2.1. Aux termes de l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave
trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel si l'auteur
a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et s'il est
à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation
avec ce trouble (let. b). Cette dernière condition est réalisée lorsque, au
moment de la décision, il est suffisamment vraisemblable qu'un traitement
institutionnel entraînera dans les cinq ans de sa durée normale une réduction
nette du risque de récidive (ATF 140 IV 1 consid. 3.2.4 p. 9; 134 IV 315
consid. 3.4.1 p. 321 s.).

Le traitement institutionnel s'effectue dans un établissement psychiatrique
approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (art. 59 al. 2 CP).
Le législateur n'a pas défini les conditions que doivent remplir ces "
établissements ". Selon la jurisprudence, le traitement doit être donné par un
médecin ou sous contrôle médical (ATF 103 IV 1 consid. 2 p. 3 à propos de
l'art. 43 aCP), mais il suffit que l'établissement bénéficie des services d'un
médecin qui le visite régulièrement. En outre, il faut qu'il dispose des
installations nécessaires ainsi que d'un personnel disposant d'une formation
appropriée et placé sous surveillance médicale (ATF 108 IV 81 consid. 3c à
propos de l'art. 43 aCP; MARIANNE HEER, op. cit., n° 93 ad art. 59 CP). Le
traitement institutionnel peut aussi s'effectuer dans un établissement fermé
s'il y a lieu de craindre que l'auteur ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles
infractions (art. 59 al. 3 CPP).

1.2.2. En l'espèce, l'expert a constaté que le recourant souffrait d'un grave
trouble mental au moment des faits (personnalité psychotique, séquelle d'un
trouble du développement de type dysharmonie évolutive et troubles cognitifs
résiduels) (expertise p. 22, ch. VI,I,1). Selon les conclusions de l'expertise,
le recourant présente un risque de commettre à nouveau des actes de violence
(expertise p. 22, ch. VI,II,2) et un traitement médical et des soins spéciaux
sont susceptibles de diminuer le risque de récidive (expertise p. 22, ch.
VI,II,3). Par conséquent, les conditions d'application d'une mesure
thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP sont remplies.

1.3. L'art. 60 CP prévoit que lorsque l'auteur est toxico-dépendant ou qu'il
souffre d'une autre addiction, le juge peut ordonner un traitement
institutionnel si l'auteur a commis un crime ou un délit en relation avec cette
addiction et qu'il est à prévoir que ce traitement le détournera d'autres
infractions en relation avec cette addiction.

En l'espèce, cette mesure est aussi envisageable, dès lors que le recourant
souffre d'une dépendance à l'héroïne et à l'alcool et d'un mésusage de cocaïne
(expertise p. 22, ch. VI,I,2) et que l'expert préconise également une prise en
charge addictologique (expertise, p. 22, ch. VI,II,5).

1.4. Il convient donc de déterminer si les deux mesures peuvent être ordonnées
conjointement ou si l'une doit être préférée à l'autre et, dans ce dernier cas,
laquelle.

1.4.1. L'art. 56a CP prévoit que si plusieurs mesures s'avèrent nécessaires, le
juge peut les ordonner conjointement. La doctrine déconseille toutefois au
tribunal de fonder un traitement sur deux dispositions (MARIANNE HEER, op.
cit., n° 121 ad art. 59 CP). En effet, les différentes mesures sont soumises à
des règles distinctes, notamment en ce qui concerne leur durée, et il convient
de définir clairement sous quel régime le traitement doit être exécuté. Le
tribunal devra ordonner la mesure qui paraît la plus adéquate au vu de l'état
de l'auteur (MARIANNE HEER, op. cit., n° 121 ad art. 59 CP; JÖRG REHBERG,
Fragen bei der Anordnung und Aufhebung sichernder Massnahmen nach StrGB Art.
42-44, in RPS 93 (1977), p. 164 ss, 196). Il appartiendra au juge d'examiner si
toutes les mesures entrant en ligne de compte sont effectivement adéquates et
nécessaires et, dans un tel cas, d'ordonner celle qui porte à l'auteur les
atteintes les moins graves (art. 56a al. 1 CP; arrêt du 2 décembre 2010 6B_784/
2010 consid. 2.2.5; ATF 102 IV 234). Lors de cet examen, entreront en ligne de
compte, outre la nécessité d'un traitement spécialisé dans une clinique
psychiatrique, aussi des critères tels que la durée nécessaire du traitement,
les chances de succès d'un traitement dans un établissement spécialisé, les
possibilités d'exécution, la dangerosité de l'auteur (MARIANNE HEER, op. cit.,
n° 3 ad art. 56a CP, n° 121 ad art. 59 CP et n° 57 ad art. 60 CP avec référence
à l'ATF 102 IV 234 consid. 1 p. 235). Dans le cadre d'un traitement selon
l'art. 59 CP, il est également possible d'inclure un traitement des addictions
(arrêt du 23 septembre 2014 6B_631/2014 consid. 2.2).

1.4.2. En ordonnant une mesure institutionnelle thérapeutique (art. 59 CP), la
cour cantonale ne s'est pas écartée de l'expertise qui exige une prise en
charge psychiatrique et addictologique. Il appartient en effet au juge (et non
à l'expert) de déterminer sur la base des résultats de l'expertise si une
mesure doit être ordonnée et, le cas échéant, laquelle (arrêt du 28 décembre
2016 6B_289/2016 consid. 4.1.3). Il ressort de l'expertise et de ses
compléments qu'un traitement des seules addictions n'est pas suffisant. Selon
l'expert, l'aspect psychiatrique prime l'aspect addictologique; c'est le
trouble mental qui a contribué, au moins en partie, au phénomène d'addiction
(procès-verbal d'audience de l'expert devant la cour cantonale p. 7). En outre,
comme l'a relevé la cour cantonale, les placements précédents en milieu ouvert
pour traitement addictologique, à la Fondation des Oliviers, bien que
multidisciplinaire, puis à Montfleury, ont été un échec. Ne disposant pas de
structures assez cadrantes ni de médecin psychiatre sur place (déplacements du
recourant en ville), ces institutions n'ont pas réussi à empêcher le recourant
de consommer des substances toxiques (cf. procès-verbal d'audition de l'expert
devant la cour cantonale, p. 8). Dans ces conditions, la cour cantonale a
considéré à juste titre qu'un traitement des troubles mentaux (art. 59 CP), qui
incluait une prise en charge des addictions, était plus adéquat qu'un seul
traitement des addictions (art. 60 CP). En outre, le recourant avait déjà été
soumis à un traitement thérapeutique institutionnel et il ne s'agissait que
d'ordonner sa réintégration dans cette mesure.

Des institutions assurant une prise en charge psychiatrique et addictologique
existent. L'expert propose de placer le recourant à la Fondation du Levant, qui
dispose d'unités plus fermées au début des soins, avec une ouverture
progressive, ou au Centre d'accueil pour adultes en difficulté (CAAD), en
Valais. Ces institutions répondent aux conditions posées à l'art. 59 al. 2 CP.
Le choix du lieu d'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle
constitue toutefois une modalité d'exécution de la mesure qui relève de la
compétence de l'autorité d'exécution (ATF 142 IV 1 consid. 2.5 p. p. 10). Il
appartiendra donc à celle-ci de choisir l'établissement approprié.

2. 

Le recours doit être rejeté.

Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut
pas être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les
frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en
tenant compte de sa situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 4 juillet 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Kistler Vianin