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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.516/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_516/2019

Arrêt du 21 août 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,

Jacquemoud-Rossari, Oberholzer, Rüedi et Jametti.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

Ministère public de l'Etat de Fribourg,

recourant,

contre

X.________,

intimé.

Objet

Fixation de la peine; sursis à l'exécution de la peine,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel
pénal, du 18 février 2019 (501 2018 128).

Faits :

A.

Par jugement du 25 janvier 2018, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la
Broye a condamné X.________, pour escroquerie par métier, faux dans les titres
et contravention à la loi fribourgeoise sur la santé (LSan/FR; RS/FR 821.0.1),
à une peine privative de liberté de 24 mois, dont 14 mois avec sursis durant
cinq ans, ainsi qu'à une amende de 100 francs. Il a en outre mis le prénommé au
bénéfice d'un traitement ambulatoire à titre de l'art. 63 CP.

B.

Par arrêt du 18 février 2019, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du
canton de Fribourg a partiellement admis l'appel formé par X.________ contre ce
jugement et a réformé celui-ci en ce sens que la peine privative de liberté de
24 mois est intégralement assortie du sursis durant cinq ans.

C.

Le Ministère public de l'Etat de Fribourg forme un recours en matière pénale au
Tribunal fédéral contre l'arrêt du 18 février 2019, en concluant, avec suite de
frais, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour
"nouvel examen de la question du sursis et de la suspension de peine au profit
de la mesure ambulatoire".

D.

Invités à se déterminer, la cour cantonale a renoncé à formuler des
observations, tandis que X.________ a présenté des déterminations et a
sollicité le bénéfice de l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1.

1.1. En application de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF, l'accusateur public a
qualité pour former un recours en matière pénale. Formé et signé par le
Procureur général du canton de Fribourg, le recours est recevable sous cet
angle (cf. ATF 142 IV 196 consid. 1.6 p. 200).

1.2. Le recours en matière pénale est une voie de réforme (art. 107 al. 2 LTF).
Le recourant ne peut se borner à demander l'annulation de la décision et le
renvoi de la cause à l'autorité cantonale, mais doit également, sous peine
d'irrecevabilité, prendre des conclusions sur le fond du litige. Il n'est fait
exception à ce principe que lorsque le Tribunal fédéral, s'il admettait le
recours, ne serait pas en mesure de statuer lui-même sur le fond et ne pourrait
que renvoyer la cause à l'autorité cantonale (cf. arrêt 6B_111/2015 du 3 mars
2016 consid. 1.7 non publié aux ATF 142 IV 196; ATF 137 II 313 consid. 1.3 p.
317; 134 III 379 consid. 1.3 p. 383).

En l'occurrence, le recourant n'a pas pris de conclusions sur le fond, mais a
uniquement sollicité l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à
l'autorité précédente.

Une telle manière de faire n'est pas admissible, ce que le Ministère public
fribourgeois s'est d'ailleurs vu rappeler à plusieurs reprises (cf. arrêts
6B_204/2019 du 15 mai 2019 consid. 5; 6B_376/2019 du 16 avril 2019 consid. 1;
6B_1108/2015 du 4 août 2016 consid. 2.2; 6B_111/2015 précité consid. 1.7 non
publié aux ATF 142 IV 196).

On comprend de la motivation du recourant qu'il aimerait que la peine privative
de liberté infligée à l'intimé ne soit pas assortie du sursis, ou soit
éventuellement seulement assortie d'un sursis partiel à l'exécution. On ignore
en revanche si, le cas échéant, le recourant souhaiterait qu'une peine ferme ou
partiellement ferme soit suspendue sur la base de l'art. 63 al. 2 CP, celui-ci
indiquant uniquement que l'autorité précédente devrait alors "examine[r]" la
question. Les conclusions du recourant, non plus que sa motivation, ne
permettent donc de saisir s'il voudrait en définitive voir l'intimé exécuter sa
peine privative de liberté - en tout ou partie -, ou voir ladite peine
suspendue au profit du traitement ambulatoire prononcé.

Dès lors que les considérations développées par le recourant permettent à tout
le moins de comprendre qu'il conteste l'octroi du sursis complet à l'exécution
de la peine privative de liberté infligée à l'intimé, il convient d'entrer en
matière sur cet aspect (cf. arrêt 6B_111/2015 précité consid. 1.7; ATF 137 II
313 consid. 1.3 p. 317).

2.

Le recourant soutient que la cour cantonale aurait violé le droit fédéral en
assortissant la peine privative de liberté infligée à l'intimé d'un sursis
complet à l'exécution.

2.1. Concernant la fixation de la peine, l'autorité précédente a indiqué qu'une
peine privative de liberté de 26 mois aurait été justifiée pour sanctionner les
infractions d'escroquerie par métier et de faux dans les titres. Elle a précisé
que les faits pour lesquels l'intimé était jugé s'étaient déroulés entre
décembre 2012 et avril 2016, période durant laquelle l'intéressé avait été
condamné à 60 heures de travail d'intérêt général, le 11 janvier 2013, à une
peine privative de liberté de 60 jours, le 10 juillet 2013, ainsi qu'à une
peine privative de liberté de 60 jours le 7 septembre 2015. La cour cantonale a
indiqué, en faisant référence à l'art. 49 al. 2 CP, que, si elle avait eu à
juger toutes les infractions commises entre 2012 et 2016 qui devaient donner
lieu au prononcé d'une peine privative de liberté, elle aurait fixé la sanction
totale à 28 mois. De cette quotité, il convenait de déduire les quatre mois de
peine privative de liberté qui avaient déjà été infligés à l'intimé les 10
juillet 2013 et 7 septembre 2015, de sorte que la peine prononcée par la cour
cantonale atteignait 24 mois.

Par ailleurs, la cour cantonale a indiqué que le pronostic n'était pas
"hautement incertain" et qu'il se justifiait d'octroyer à l'intéressé un sursis
complet à l'exécution de cette peine privative de liberté.

2.2. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine privative de
liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire
pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Il peut
suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au
moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la
faute de l'auteur (art. 43 al. 1 CP).

Selon la jurisprudence, en cas de concours rétrospectif, soit lorsque le juge
doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise
avant d'avoir été condamné pour une autre infraction (cf. art. 49 al. 2 CP), la
durée déterminante pour l'octroi du sursis - ou du sursis partiel - est celle
résultant de l'addition de la peine de base ( Grundstrafe) et de la peine
complémentaire ( Zusatzstrafe) (cf. ATF 142 IV 265 consid. 2.4.6 p. 273; 109 IV
68 consid. 1 p. 69 s. et les références citées; arrêts 6B_109/2014 du 25
septembre 2014 consid. 3.2; 6B_295/2012 du 24 octobre 2012 consid. 5.7 et les
références citées).

2.3. En l'occurrence, le problème du sursis - seul mis en avant par le
recourant - ne peut être résolu sans examiner la fixation de la peine.

2.3.1. Dans une récente décision, le Tribunal fédéral a clarifié la manière
dont une peine devait être fixée en cas de concours rétrospectif partiel, en
indiquant qu'il convenait d'opérer une séparation entre les infractions
commises avant le premier jugement et celles perpétrées postérieurement à
celui-ci, pour, en définitive, additionner la peine complémentaire ou la peine
cumulative retenue pour sanctionner la ou les infractions commises
antérieurement au jugement précédent à celle retenue pour sanctionner les
infractions commises postérieurement à cette décision (cf. ATF 145 IV 1 consid.
1 p. 4 ss).

2.3.2. En l'espèce, l'autorité précédente a eu à juger des actes commis entre
décembre 2012 et l'année 2016. Durant cette période, l'intimé a été condamné à
trois reprises, le 11 janvier 2013, le 10 juillet 2013 puis le 7 septembre
2015. Entre chacune de ces condamnations, il a commis des infractions.

Au regard de la jurisprudence précitée en matière de concours rétrospectif
partiel (cf. consid. 2.3.1 supra), le juge devrait en principe - en matière de
fixation de la peine - procéder à des séparations concernant chaque
condamnation antérieure. Concrètement, il devrait examiner les infractions
commises avant la première condamnation et fixer une peine complémentaire ou
cumulative à celle alors prononcée, puis répéter cette opération s'agissant des
infractions commises avant la deuxième puis la troisième condamnation, avant
enfin de fixer la peine relative aux infractions postérieures à cette dernière
condamnation.

2.3.3. La cour cantonale n'a pas procédé de la sorte, en relevant que l'intimé
devait être condamné pour escroquerie par métier - des actes d'escroquerie
ayant été commis de décembre 2012 jusqu'en 2016 - et en ajoutant que "face à
une infraction concernée par l'aggravante du métier, qui fait nécessairement
référence à une certaine durée, le découpage de la peine en plusieurs phases
[était] peu adapté et artificiel".

On peut certes admettre, avec la cour cantonale, qu'une condamnation pour
escroquerie par métier pose des difficultés particulières à l'égard du concours
rétrospectif partiel. Selon la jurisprudence en la matière (cf. consid. 2.3.1
supra), le juge devrait fixer des peines en opérant une séparation entre chaque
condamnation précédente. Il se trouverait alors dans la situation paradoxale de
devoir fixer une peine concernant un ou plusieurs actes constitutifs
d'escroquerie qui, non pour eux-mêmes mais considérés avec d'autres agissements
antérieurs ou postérieurs, fondent une infraction qualifiée élargissant le
cadre de la peine (cf. art. 146 al. 2 CP). A cet égard, compte tenu de la
systématique du CP, en particulier de la place tenue par l'art. 49 CP dans une
section intitulée "fixation de la peine", on peut d'emblée exclure que cette
disposition puisse permettre au juge, en cas de concours rétrospectif partiel,
de qualifier les faits en fonction des groupes d'infractions considérés. En
d'autres termes, si le juge estime que l'auteur doit être condamné pour
escroquerie par métier en raison de diverses escroqueries, le fait que certains
actes eussent été commis avant une précédente condamnation ne saurait conduire
à remettre en cause leur qualification juridique, par exemple en considérant
qu'ils ne suffiraient pas, en eux-mêmes, à fonder une aggravante du métier. Il
convient donc, en matière de fixation de la peine, de regarder une infraction
d'escroquerie par métier comme un tout. En cas de concours rétrospectif
partiel, il se justifie de considérer qu'une telle infraction s'insère dans le
groupe d'infractions dans lequel prend place le dernier acte d'escroquerie
retenu. De la sorte, si un auteur a commis plusieurs escroqueries - justifiant
l'application de l'art. 146 al. 2 CP - entrecoupées par une condamnation
indépendante, l'intéressé doit uniquement se voir condamné pour escroquerie par
métier et l'art. 49 al. 2 ne trouve pas application. Il n'y a pas lieu, dans
une telle configuration, de condamner l'auteur dans un premier temps pour les
escroqueries - cas échéant par métier - commises antérieurement à la
condamnation précédente puis, dans un second temps, pour les escroqueries - cas
échéant par métier - commises postérieurement à celle-ci.

2.3.4. Ainsi, en l'espèce, le dernier acte d'escroquerie par métier date de
2016. Il était donc postérieur à la dernière condamnation de l'intimé,
remontant au 7 septembre 2015. Une peine pour l'infraction d'escroquerie par
métier devait en conséquence être fixée sans faire application de l'art. 49 al.
2 CP.

Pour le reste, l'intimé a commis des infractions de faux dans les titres en
décembre 2013 et avril 2014, ainsi qu'une contravention à la LSan/FR en
septembre 2015, postérieurement à la condamnation du 7 septembre 2015. Partant,
outre la peine retenue pour l'infraction d'escroquerie par métier et celle
résultant de l'infraction à la LSan/FR, la cour cantonale aurait dû fixer une
peine pour les infractions de faux dans les titres. Dès lors que celles-ci ont
été commises avant la condamnation du 7 septembre 2015, l'autorité précédente
aurait dû - en fonction du genre de peine retenu - fixer une peine
complémentaire ou cumulative à la peine privative de liberté de 60 jours alors
prononcée (cf. sur ce point ATF 142 IV 265).

2.4. En définitive, après avoir fixé une peine sanctionnant l'infraction
d'escroquerie par métier et une autre concernant les infractions de faux dans
les titres, l'autorité précédente aurait dû envisager la question du sursis.

2.4.1. Dans une telle situation, malgré les séparations opérées dans le cadre
de la fixation de la peine eu égard au concours rétrospectif partiel, on ne
saurait exiger du juge qu'il formule un pronostic en matière de sursis pour
chaque groupe d'infractions. Celui-ci doit plutôt émettre un pronostic au jour
du jugement, en considérant la situation du prévenu au moment où ce dernier est
condamné.

Afin de déterminer si la peine privative de liberté qu'il va prononcer peut
être assortie du sursis ou du sursis partiel à l'exécution, le juge doit,
conformément à la jurisprudence sur ce point en cas de concours rétrospectif
(cf. consid. 2.2 supra), additionner toutes les peines complémentaires, peines
de base et peines cumulatives, puis définir si cette peine globale hypothétique
peut donner lieu à l'application de l'art. 42 ou 43 CP.

2.4.2. Ainsi, en l'espèce, après avoir fixé une peine sanctionnant l'infraction
d'escroquerie par métier et une autre relative aux infractions de faux dans les
titres, l'autorité précédente aurait dû - à supposer qu'il se fût agi à chaque
fois de peines privatives de liberté - considérer leur durée totale, en y
ajoutant les peines privatives de liberté prononcées les 10 juillet 2013 et 7
septembre 2015. Si la durée globale ainsi calculée dépassait deux ans, le
sursis à l'exécution de la peine devait être exclu (cf. art. 42 al. 1 CP),
tandis qu'un sursis partiel pouvait entrer en ligne de compte si ladite durée
ne dépassait pas trois ans (cf. art. 43 al. 1 CP).

2.5. Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué
annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Cette dernière devra fixer la ou les peines sanctionnant les infractions
commises par l'intimé, en observant le cheminement relevant d'une correcte
application de la jurisprudence relative au concours rétrospectif partiel (cf.
consid. 2.3.4 supra). Cela fait, elle devra examiner dans quelle mesure
l'octroi d'un sursis - complet ou partiel - peut être envisagé.

2.6. Le recourant soutient encore que la cour cantonale aurait violé le droit
fédéral en considérant que le pronostic formulé à l'égard de l'intimé
permettait l'octroi du sursis à l'exécution de la peine privative de liberté,
tout en confirmant le prononcé d'un traitement ambulatoire à titre de l'art. 63
CP. En l'occurrence, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué qu'un tel grief
aurait été soulevé devant l'autorité précédente, de sorte que celui-ci est
irrecevable à défaut d'épuisement des instances cantonales (cf. art. 80 al. 1
LTF). En outre, dès lors que l'intimé avait été condamné, par le tribunal de
première instance, à une peine privative de liberté de 24 mois avec sursis
partiel portant sur 14 mois, la cour cantonale, saisie d'un appel de celui-ci
uniquement, ne pouvait de toute manière revenir sur le sursis accordé, eu égard
à l'interdiction de la reformatio in peius (art. 391 al. 2 CPP).

3.

Le recours doit être admis (cf. consid. 2.5 supra), l'arrêt attaqué annulé et
la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Il peut être
statué sans frais. Compte tenu des brèves déterminations présentées par le
défenseur de l'intimé et de l'absence de chances de succès à cet égard, il n'y
a pas lieu d'accorder l'assistance judiciaire ou des dépens à l'intéressé.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. 

La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est rejetée.

3. 

Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'Etat
de Fribourg, Cour d'appel pénal.

Lausanne, le 21 août 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa