Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.453/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_453/2019

Arrêt du 3 octobre 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. les Juges fédéraux Denys, Président,

Oberholzer et Rüedi.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

A.________, représenté par Me Romain Jordan, avocat,

recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy,

intimé.

Objet

Frais de procédure; indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice
raisonnable des droits de procédure,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 6 mars 2019 (ACRP/187/2019 P/3513/2017).

Faits :

A. 

Par ordonnance pénale du 23 février 2017, le Ministère public de la République
et canton de Genève a condamné A.________ pour infraction à l'art. 116 al. 1
let. a LEtr (LEI depuis le 1er janvier 2019).

Ensuite de l'opposition formée par le prénommé contre ladite ordonnance pénale,
le ministère public a, par ordonnance du 21 juin 2018, classé la procédure en
question, mis les frais de procédure à sa charge et refusé de lui allouer une
indemnité à titre de l'art. 429 CPP.

B. 

Par arrêt du 6 mars 2019, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice
genevoise a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance de
classement du 21 juin 2018.

La cour cantonale a retenu les faits suivants. 

Le 26 janvier 2017, B.________ a été interpellé par la police et s'est légitimé
au moyen d'un titre de séjour échu depuis 2011. Il a alors expliqué à la police
qu'il logeait chez A.________. Sur une période d'une année, B.________ a été
hébergé par A.________ pendant plusieurs mois, dont certains consécutifs. Il
disposait d'une clé de l'appartement et y était nourri et blanchi. A.________
n'a jamais annoncé aux autorités administratives qu'il logeait B.________ dans
son appartement.

C. 

A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 6 mars 2019, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa
réforme en ce sens que les frais de la procédure pénale sont laissés à la
charge de l'Etat et que des indemnités à titre de l'art. 429 CPP lui sont
allouées à hauteur de 5'930 fr. 55 pour ses dépens et de 255 fr. pour son
dommage économique. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance
judiciaire.

D. 

Invités à se déterminer, la cour cantonale s'est référée à l'arrêt du 6 mars
2019, tandis que le ministère public a conclu au rejet du recours.

Considérant en droit :

1. 

Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir violé les art. 426 et 429
CPP en mettant à sa charge les frais de la procédure et en lui refusant toute
indemnité.

1.1. Conformément à l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet
d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie
des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite
et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la
conduite de celle-ci.

La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit
respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6
par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu
libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des
infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi
admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale
dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un
comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de
causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte. Pour déterminer si
le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge
peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite
résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens
d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait
reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement. Une
condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement
illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une
enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par
excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par
précipitation. La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement
ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV
202 consid. 2.2 p. 204 s. et les références citées).

Selon l'art. 430 al. 1 let. a CPP, l'autorité pénale peut réduire ou refuser
l'indemnité ou la réparation du tort moral prévues par l'art. 429 CPP, lorsque
le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure
ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci. L'art. 430 al. 1 let. a CPP
est le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais. La question de
l'indemnisation (art. 429 à 434 CPP) doit être traitée après celle des frais
(arrêts 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 5.1; 6B_373/2019 du 4 juin 2019
consid. 1.2). Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la
question de l'indemnisation (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211; 137 IV 352
consid. 2.4.2 p. 357).

1.2. Selon l'art. 5 al. 1 let. b de la loi genevoise d'application de la loi
fédérale sur l'harmonisation des registres des habitants et d'autres registres
officiels de personnes (LaLHR/GE; RS/GE F 2 25), est tenu de s'annoncer ou de
communiquer toute modification de données le concernant au sens de l'article 4
celui qui réside ou séjourne dans le canton. Aux termes de l'art. 7 al. 3 LaLHR
/GE, les personnes logeant chez elles, à titre onéreux, des adultes ou des
enfants, communiquent gratuitement à l'office, dans un délai de 14 jours, les
données des personnes habitant dans leur ménage, au sens de l'art. 6, let. e à
k, m et n, de la loi fédérale. Si le logement est mis à disposition à titre
gratuit, l'annonce par le logeur n'est obligatoire que si les personnes logées
ne l'ont pas déjà fait conformément à l'article 5.

1.3. La cour cantonale a exposé que B.________ était établi depuis plusieurs
années dans le canton de Genève, ce que savait le recourant qui le connaissait
depuis 2009. Ce dernier avait logé le prénommé pendant plusieurs mois - dont
certains consécutifs -, sur une période d'une année. Ainsi, B.________ avait eu
l'obligation de s'annoncer auprès de l'Office cantonal de la population et des
migrations (ci-après : OCPM), conformément à l'art. 5 LaLHR/GE. Comme il ne
l'avait pas fait, le recourant avait eu, au regard de l'art. 7 al. 3 in fine
LaLHR/GE, l'obligation de procéder à cette annonce. Ce dernier avait donc violé
une norme de droit administratif et avait ainsi adopté un comportement illicite
au sens de l'art. 426 al. 2 CPP. Son comportement avait été fautif, puisqu'il
n'avait pas agi conformément à ce que l'on pouvait attendre de lui, ce qui
relevait à tout le moins de la négligence. Selon l'autorité précédente, même si
B.________ avait caché son statut illégal à son logeur, les explications
nécessaires auraient pu être immédiatement fournies aux autorités pénales et
aucune instruction pénale n'aurait été ouverte contre le recourant si ce
dernier avait annoncé à l'OCPM qu'il hébergeait le prénommé.

1.4. Au vu des constatations de la cour cantonale, il apparaît que le recourant
ne s'est pas conformé à une norme de comportement du droit cantonal genevois,
en omettant d'annoncer à l'autorité compétente qu'il logeait B.________, étant
précisé que le prénommé n'avait pas lui-même procédé à une telle annonce.
Contrairement à ce que soutient le recourant, on ne voit pas en quoi l'art. 7
al. 3 LaLHR/GE - qu'il s'agisse ou non d'une règle d'ordre et indépendamment de
la question de savoir si cette disposition pourrait placer le logeur dans une
position de garant - ne pourrait être pris en compte à titre de norme dont la
violation procède d'un comportement illicite pouvant en principe être considéré
dans le cadre de l'application de l'art. 426 al. 2 CPP.

Le recourant soutient ensuite que, dès lors que les art. 16 LEI et 18 de
l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité
lucrative (OASA; RS 142.201) imposent uniquement de procéder à une déclaration
auprès de l'autorité cantonale compétente à celui qui loge un étranger à titre
lucratif, une disposition plus stricte de droit cantonal ne saurait être prise
en compte dans le cadre de l'application de l'art. 426 al. 2 CPP, qu'il
conviendrait de considérer à l'aune du "curseur fédéral". Ce raisonnement ne
saurait être admis. En effet, la disposition précitée implique notamment de
déterminer si le prévenu a pu adopter un comportement contraire à une règle
juridique, par analogie avec les principes découlant de l'art. 41 CO. De ce
point de vue, peut s'avérer illicite - au sens de l'art. 41 CO - le
comportement contraire à une norme de droit tant fédéral que cantonal. Le
recourant ne prétend aucunement que l'art. 7 al. 3 LaLHR/GE serait contraire au
droit fédéral ni n'explique pour quels motifs il conviendrait d'ignorer une
éventuelle violation de cette norme en matière d'application de l'art. 426 al.
2 CPP.

1.5. En revanche, force est d'admettre, avec le recourant, que le comportement
illicite de ce dernier - indépendamment de la question de savoir si celui-ci
était en outre fautif - ne s'est pas trouvé en lien de causalité avec
l'ouverture de l'instruction.

Une instruction a été ouverte contre le recourant et l'ordonnance pénale du 23
février 2017 rendue à son encontre car il était reproché à celui-ci d'avoir
facilité le séjour illégal de B.________, en mettant à sa disposition une
chambre dans l'appartement dont il était lui-même locataire. Le comportement
visé concernait l'hébergement du prénommé et non les démarches administratives
qui auraient été omises par le recourant. Par ailleurs, dès lors que ce dernier
a admis - dès l'audition de police du 2 février 2017 - avoir logé B.________
dans son appartement, l'aspect déterminant ayant dû être éclairci durant
l'instruction a été celui de la connaissance ou de l'ignorance, par
l'intéressé, du statut illégal en Suisse du prénommé.

La cour cantonale a indiqué que si le recourant avait annoncé à l'OCPM qu'il
logeait B.________, "toutes les explications auraient pu être immédiatement
fournies à l'autorité et cela aurait évité l'ouverture d'une instruction
pénale". On ne voit toutefois pas - et l'autorité précédente ne l'explique
aucunement - dans quelle mesure une telle annonce à l'OCPM aurait par la suite
permis aux autorités pénales d'exclure d'emblée que le recourant eût logé le
prénommé en connaissant son statut illégal en Suisse. Le comportement du
recourant ayant déclenché l'instruction pénale a consisté à loger B.________
entre l'année 2016 et l'interpellation de ce dernier en janvier 2017, nullement
à omettre une annonce à l'OCPM dans le délai légal ayant couru depuis
l'installation du prénommé.

Au vu de ce qui précède, la cour cantonale a violé le droit fédéral en mettant
les frais de la procédure à la charge du recourant nonobstant le classement
dont celui-ci a bénéficié. Le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé
et la cause renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle rende une nouvelle
décision en laissant les frais de la procédure à la charge de l'Etat. Il lui
appartiendra en outre, cela fait, de statuer à nouveau sur les prétentions
formulées par le recourant à titre de l'art. 429 CPP.

2. 

Le recours doit être admis. Le recourant, qui obtient gain de cause, ne
supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de
pleins dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, à la charge du
canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Sa demande d'assistance judiciaire est
donc sans objet (art. 64 al. 2 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. 

Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3. 

Le canton de Genève versera au conseil du recourant une indemnité de 3'000 fr.
à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 3 octobre 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa