Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.386/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_386/2019

Arrêt du 25 septembre 2019

Cour de droit pénal

Composition

M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.

Greffière : Mme Bichovsky Suligoj.

Participants à la procédure

X.________,

représenté par Me Alain Berger, avocat,

recourant,

contre

1. Ministère public de la République et canton de Genève,

2. A.________,

représentée par Me Jean-Marie Crettaz, avocat,

intimés.

Objet

Voies de fait (art. 126 al. 1 CP),

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 25 janvier 2019 (AARP/39/2019
P/14803/2017).

Faits :

A. 

Par jugement du 22 mars 2018, le Tribunal de police de la République et canton
de Genève a acquitté X.________ des chefs de lésions corporelles simples
intentionnelles ou par négligence, ainsi que de séquestration et de contrainte,
mais l'a reconnu coupable de voies de fait et de contrainte, le condamnant à
une peine pécuniaire de 15 jours-amende à 140 fr. le jour, avec sursis durant
trois ans ainsi qu'à une amende de 1'000 fr., la peine privative de liberté de
substitution étant de 10 jours.

B. 

Par arrêt du 25 janvier 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise, statuant sur appels de X.________ et de A.________
ainsi que sur l'appel joint formé par le ministère public contre ce jugement, a
rejeté l'appel joint du ministère public et l'appel de A.________. Elle a en
revanche partiellement admis l'appel formé par X.________ en l'acquittant du
chef de contrainte et en le condamnant pour voies de fait à une amende de 1'000
francs.

En bref, les faits suivants sont reprochés à X.________.

Dans le contexte d'une dispute conjugale survenue le 14 juillet 2017 dans le
logement familial sis rue B.________ à C.________, X.________ a, entre 23h00 et
23h07, enlevé à trois reprises le téléphone portable des mains de A.________,
coupant les appels émis à la police, pour le lui rendre aussitôt. A raison de
ces faits, X.________ a été reconnu coupable de voies de fait.

Dans le même laps de temps, dans la cuisine, X.________ a de ses mains dirigé
la tête de A.________, contre sa volonté, vers un robinet du lavabo de la
cuisine afin qu'elle se rince le visage à la suite d'un saignement de nez.

C. 

X.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 25 janvier 2019. Il conclut, avec suite de frais et dépens,
principalement à son acquittement du chef de voies de fait, à la condamnation
de l'Etat de Genève à l'intégralité des frais de la procédure de première
instance et d'appel et au paiement du solde de ses frais de défense de 4'968
fr. 65. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au
renvoi de la cause à la Chambre pénale d'appel et de révision pour nouvelle
décision dans le sens des considérants.

D. 

Invités à se déterminer, le ministère public a conclu au rejet du recours, la
cour cantonale a indiqué qu'elle n'avait pas d'observations à déposer, tandis
que A.________ a conclu au rejet du recours et à l'octroi d'une indemnité
équitable en couverture de ses frais de défense. Les observations du ministère
public et de A.________ ont été communiquées à X.________, qui a répliqué et
persisté dans ses conclusions. Dite réplique a été transmise au ministère
public, à A.________ et à la cour cantonale pour information.

Considérant en droit :

1. 

Le recourant soulève plusieurs griefs sous l'angle de la constatation
manifestement inexacte des faits. En substance, il reproche à la cour cantonale
d'avoir omis de tenir compte de deux éléments de fait (durée durant laquelle
l'intimée a été empêchée d'utiliser son téléphone portable et attestation
médicale établie par son médecin traitant le 8 janvier 2018) et d'avoir
arbitrairement considéré qu'il avait fait subir un acte d'humiliation et de
domination à sa compagne. Ces éléments n'ont toutefois pas d'influence sur le
sort de la cause, dans la mesure où le recours doit de toute façon être admis
pour les motifs exposés ci-dessous.

2. 

S'agissant de l'épisode du téléphone portable, le recourant conteste sa
condamnation pour voies de fait, en l'absence de toute atteinte à l'intégrité
corporelle.

2.1. A teneur de l'art. 126 al. 1 CP, celui qui se sera livré sur une personne
à des voies de fait qui n'auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la
santé sera, sur plainte, puni d'une amende.

Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des
atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne
causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut
exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 consid.
1.2 p. 191; arrêt 6B_220/2019 du 12 avril 2019 consid. 3.1). L'atteinte au sens
de l'art. 126 CP présuppose une certaine intensité (arrêt 6B_798/2016 du 6 mars
2017 consid. 4.2; ROTH/KESHELAVA, in Basler Kommentar, Strafrecht, 4e éd.,
2019, n° 3 ad art. 126 StGB).

Peuvent être qualifiées de voies de fait, une gifle, un coup de poing ou de
pied, de fortes bourrades avec les mains ou les coudes (arrêt 6B_1405/2017 du
10 juillet 2018 consid. 2.1 et les références citées), l'arrosage d'une
personne au moyen d'un liquide, l'ébouriffage d'une coiffure soigneusement
élaborée, un " entartrage ", la projection d'objets durs d'un certain poids
(ATF 117 IV 14 consid. 2a/cc p. 17; arrêts 6B_163/2008 du 15 avril 2008 consid.
2; 6P.99/2001 du 8 octobre 2001 consid. 2b et 2c), le renversement dans un lieu
public d'un thé chaud et d'un sucrier sur la tête de la victime (arrêt 6B_1009/
2014 du 2 avril 2015 consid. 4), le fait de pousser une personne avec force à
l'aide des deux mains pour la faire sortir d'un appartement (arrêt 6B_1288/2016
du 8 novembre 2017 consid. 2), le fait de saisir le bras d'une personne et la
retenir par la force (arrêt 6B_693/2017 du 24 août 2017 consid. 2.1). De
simples bousculades telles qu'elles sont fréquentes dans les foules ou dans les
files d'attente ne dépassent pas le stade de ce qui est socialement toléré et
ne représentent dès lors pas des voies de fait (ATF 117 IV 14 consid. 2a/bb p.
16).

La question de savoir si l'atteinte dépasse ce qui est socialement toléré
s'apprécie au regard des circonstances propres à chaque situation (ATF 117 IV
14 consid. 2a/cc p. 17).

La jurisprudence reconnaît une certaine marge d'appréciation au juge dans
l'analyse de cette notion juridique indéterminée, dont l'interprétation est
intimement liée à l'établissement des faits. Dans ces circonstances, le
Tribunal fédéral s'impose une certaine réserve dans la critique de
l'appréciation faite par l'autorité cantonale, dont il ne s'écarte que si cela
s'avère nécessaire (ATF 134 IV 189 consid. 1.3; 119 IV 25 consid. 2a p. 26).

2.2. En l'espèce, la cour cantonale a retenu que le recourant avait, à trois
reprises, enlevé le téléphone des mains de l'intimée, coupant l'appel au numéro
117, pour le lui rendre aussitôt. Elle a jugé que cet événement était
constitutif de voies de fait. En effet, elle a considéré qu'empêcher sa
compagne, de façon réitérée, d'appeler la police ou tout autre interlocuteur de
son choix, en lui prenant le téléphone à cette fin, comme on le ferait avec un
enfant capricieux, relevait d'une forme de violence, en raison de la domination
et de l'humiliation imposées à la partenaire. Cela l'était en l'espèce d'autant
plus qu'à cette occasion aussi, les filles du couple étaient présentes et ont
ressenti que leur mère était placée dans une situation d'infériorité si bien
qu'elles ont regretté de ne pouvoir venir à son secours. Enfin, la cour
cantonale a considéré que le recourant, par son geste et dans un contexte de
dispute de couple, avait dépassé les limites de ce qui était socialement
acceptable.

2.3. Il ressort des constatations de fait de la cour cantonale que le recourant
s'est emparé d'un objet des mains de l'intimée, soit en l'occurrence d'un
téléphone portable. Ce faisant, il n'a exercé aucune violence physique directe
à l'encontre de l'intimée, contrairement au cas du renversement d'un sucrier et
de thé chaud sur la victime ou de bousculades par exemple. Dans cette mesure,
il ne peut être considéré que le recourant s'est livré à des voies de fait sur
la personne de l'intimée au sens de l'art. 126 al. 1 CP. Par ailleurs, même à
admettre, ainsi que l'a fait la cour cantonale, que par son comportement le
recourant a porté atteinte à l'intégrité psychique de l'intimée en raison de
l'humiliation et de la domination imposées à cette dernière (cf. sur ce point
arrêt 6B_1009/2014 précité consid. 4.4), dite violence psychique doit alors
revêtir, selon la jurisprudence précitée (cf. consid. 2.1 supra), une certaine
intensité. Or, l'arrêt attaqué ne contient aucun élément permettant de retenir
que l'humiliation et la domination exercées, supposées établies, revêtaient une
intensité suffisante pour retenir des voies de fait. L'intimée ne prétend
d'ailleurs pas que cela soit le cas. Au vu de ce qui précède, les faits retenus
par la cour cantonale ne sont pas constitutifs de voies de fait. La cour
cantonale a ainsi violé l'art. 126 CP.

3. 

S'agissant de l'épisode du lavabo, le recourant semble se plaindre de ce que la
cour cantonale a une nouvelle fois retenu un contexte d'humiliation et de
domination. Il omet cependant que la cour cantonale l'a acquitté du chef
d'accusation de voies de fait, le délai pour déposer plainte pénale étant
prescrit, de sorte que sa critique, autant que recevable, est sans objet.

4. 

Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, l'arrêt attaqué
annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale afin que celle-ci libère le
recourant de l'infraction de voies de fait et qu'elle statue sur les frais et
dépens, ce sans que les autres griefs soulevés par le recourant n'aient à être
examinés.

Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supportera pas de frais judiciaires
(art. 66 al. 1 LTF). Une partie des frais judiciaires est mise à la charge de
l'intimée, qui a conclu au rejet du recours et qui succombe, le canton de
Genève n'ayant pas, pour sa part, à en supporter (art. 66 al. 4 LTF). Le
recourant peut prétendre à de pleins dépens, à la charge pour moitié du canton
de Genève et pour moitié de l'intimée (art. 68 al. 1 LTF). L'intimée, qui
succombe, ne saurait prétendre à des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. 

Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'500 fr., est mise à la charge de
A.________.

3. 

Le canton de Genève et A.________ verseront, pour moitié chacun, une indemnité
de 3'000 fr. à X.________ pour ses dépens dans la procédure devant le Tribunal
fédéral.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 25 septembre 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Bichovsky Suligoj