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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.345/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_345/2019

Arrêt du 18 avril 2019

Cour de droit pénal

Composition

M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,

Jacquemoud-Rossari et Jametti.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

X.________,

représenté par Me Pierre-Dominique Schupp, avocat,

recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud,

intimé.

Objet

Arbitraire; violation grave des règles de la circulation routière,

recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 15 janvier 2019 (n° 5 PE16.013058-DSO).

Faits :

A. 

Par jugement du 26 septembre 2018, le Tribunal de police de l'arrondissement de
La Côte a condamné X.________, pour violation grave des règles de la
circulation routière, à une peine pécuniaire de 50 jours-amende à 30 fr. le
jour, avec sursis durant trois ans, ainsi qu'à une amende de 500 francs.

B. 

Par jugement du 15 janvier 2019, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud a rejeté l'appel formé par le prénommé contre ce jugement et a
confirmé celui-ci.

La cour cantonale a retenu les faits suivants.

B.a. Le 30 juin 2016, à 06 h 15, X.________ circulait au volant de sa voiture
sur la route principale entre A.________ et B.________. Ayant constaté qu'un
autre automobiliste violait des règles de la circulation routière, il a filmé
celui-ci au moyen des caméras fixées à bord de son véhicule, puis a accéléré
afin de rattraper l'intéressé et de lire ses plaques d'immatriculation.
X.________ a alors dépassé la limite de circulation de 50 km/h en localité.

B.b. Mandaté par le ministère public afin de déterminer la vitesse à laquelle
avait circulé X.________ lorsqu'il avait franchi le panneau de limitation de
vitesse à 50 km/h, le Centre de tests dynamiques a déposé un rapport
d'expertise technique de circulation le 23 novembre 2017. L'expert a indiqué
qu'il avait analysé les enregistrements effectués par X.________. Sur cette
base, il a estimé que le prénommé avait roulé à une vitesse moyenne comprise
entre 82 et 88 km/h sur un tronçon qui englobait le panneau de limitation de
vitesse. L'expert a précisé que, dans le virage qui suivait le panneau de
limitation de vitesse, on percevait, sur la vidéo, le crissement des pneus, ce
qui indiquait que la limite d'adhérence avait presque été atteinte.

Dans un rapport complémentaire du 23 février 2018, l'expert a notamment précisé
que, dans le meilleur des cas, la vitesse moyenne du véhicule de X.________ sur
le tronçon analysé avait été de 81,3 km/h.

C. 

X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le
jugement du 15 janvier 2019, en concluant, avec suite de frais et dépens,
principalement à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté et, subsidiairement,
à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle
décision.

Considérant en droit :

1. 

Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir établi les faits de manière
arbitraire. Il se plaint en outre, à cet égard, d'une violation de la
présomption d'innocence.

1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les
faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de
fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient
été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens
des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire
au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle
apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement
insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son
résultat (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). Le Tribunal fédéral n'entre pas
en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 142 III 364 consid.
2.4 p. 368 et les références citées). La présomption d'innocence, garantie par
les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi
que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau
de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345
consid. 2.2.3.1 p. 348 s.; 127 I 38 consid. 2a p. 40 s.). En tant que règle sur
le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de
la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu.
Comme règle d'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la
règle sous cet angle, cf. ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 p. 351 s.), la
présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu
de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif,
il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il
subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours
possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de
doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à
l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des
preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe
"in dubio pro reo", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de
l'arbitraire (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 p. 351 s.; 143 IV 500 consid. 1.1
p. 503; 138 V 74 consid. 7 p. 82).

1.2. La cour cantonale a exposé que les événements litigieux s'étaient produits
tandis que le recourant poursuivait à vive allure un autre automobiliste en
excès de vitesse, afin de filmer la plaque arrière du véhicule en question.
Selon les indications du GPS équipant la caméra fixée dans le véhicule du
recourant, la vitesse de ce dernier était de 114 km/h à l'entrée de la localité
de C.________. En procédant à une analyse détaillée de la configuration des
lieux et de toutes les données en sa possession, l'expert avait indiqué que,
sur une distance de 17,4 m - tronçon qui englobait l'emplacement du panneau
d'entrée dans le village de C.________ et le panneau de limitation de vitesse à
50 km/h -, le recourant avait roulé à une vitesse moyenne de 81,3 km/h selon le
calcul qui lui était le plus favorable. Si la vitesse exacte du recourant au
moment du passage du panneau de limitation de vitesse n'avait pu être
déterminée, celui-ci avait circulé à une vitesse supérieure à 50 km/h lorsqu'il
était entré dans la localité de C.________. La vitesse excessive était
confirmée par le fait que, dans le virage de près de 32 m de rayon situé
immédiatement après l'entrée de la localité, les pneus du véhicule avaient
crissé, ce qui révélait que la limite d'adhérence avait presque été atteinte à
cet endroit. Ainsi, selon la cour cantonale, la vitesse du recourant avait
avoisiné 81,3 km/h dans la localité de C.________.

1.3. Le recourant commence par expliquer les raisons pour lesquelles les
caméras telles que celle avec laquelle il filmait la route au moment des faits
ne peuvent être assimilées à des instruments officiels de contrôle de vitesse,
au vu de leur manque de précision sur ce point. Il en déduit que la
détermination de la vitesse d'un véhicule à partir d'images d'une telle caméra
doit s'effectuer à l'aide de repères au sol, ce qui a précisément été accompli
en l'espèce. Le recourant se réfère ensuite en vain aux exigences existant pour
la mesure officielle des vitesses de circulation des véhicules, dès lors que,
en l'occurrence, un expert a été chargé d'analyser en détail les images filmées
et de déterminer la vitesse de l'intéressé, en ne procédant précisément pas à
une mesure standardisée prévue par l'Office fédéral des routes.

Dans son rapport du 23 novembre 2017 (cf. pièce 28 du dossier cantonal),
l'expert a indiqué qu'il avait déterminé deux points caractéristiques où
s'était situé le véhicule du recourant. La distance entre ces deux points - le
premier situé avant le panneau de limitation de vitesse et le second sis après
celui-ci - était de 17,4 mètres. En calculant la vitesse moyenne entre un
repère peint sur la chaussée et le second repère situé après le panneau de
limitation de vitesse, l'expert avait déterminé une distance de 7,6 m parcourue
à une vitesse moyenne de 82 km/h, avec une marge de plus ou moins 5 km/h, de
sorte que la vitesse en question était inférieure à la vitesse moyenne sur
l'intégralité du tronçon considéré, au milieu duquel était placé le panneau de
limitation de vitesse. On peut certes admettre, comme le relève le recourant,
que, compte tenu des remarques formulées par l'expert dans son rapport
complémentaire du 23 février 2018 concernant le nombre variable d'images par
seconde sur la vidéo (cf. pièce 33/2 du dossier cantonal, p. 4), le précédent
calcul peut - en tenant compte des paramètres les plus favorables pour lui -
être complété afin d'arriver à une vitesse moyenne d'un peu plus de 80 km/h,
avec une marge de plus ou moins 5 km/h. On ne saurait en revanche entrer en
matière sur ses critiques purement appellatoires concernant les images retenues
à titre de limites pour ses calculs, l'expert ayant au demeurant tenu compte
d'une marge de tolérance dont le recourant ne démontre pas en quoi elle serait
inadéquate.

Compte tenu de ce qui précède, le recourant ne démontre pas en quoi l'autorité
précédente aurait établi les faits de manière arbitraire en se fondant sur les
conclusions de l'expertise. Il n'était pas insoutenable - eu égard à la vitesse
moyenne de 81,3 km/h à laquelle le recourant a parcouru le tronçon total pris
en compte et à la vitesse supérieure à 80 km/h, avec une marge de plus ou moins
5 km/h, adoptée sur la seconde portion dudit tronçon - de retenir que
l'intéressé avait circulé à une vitesse voisine de 81,3 km/h au moment de
franchir le panneau de limitation de vitesse à 50 km/h.

1.4. Le recourant conteste ensuite les éléments retenus à propos de sa vitesse
dans le virage suivant l'entrée dans la localité de C.________. Son
argumentation est cependant dénuée de pertinence, dès lors qu'on ne voit pas en
quoi la correction d'un éventuel vice concernant la détermination de sa vitesse
dans le virage serait susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art.
97 al. 1 LTF). En effet, dans ses considérations relatives à la violation grave
des règles de la circulation routière, la cour cantonale n'a pas tenu compte de
cette vitesse, mais du fait - incontesté par le recourant - que la limite
d'adhérence avait presque été atteinte dans le virage, ce qui, selon l'expert,
pouvait être déduit directement du crissement de pneus ressortant de
l'enregistrement vidéo (cf. pièce 28 du dossier cantonal, p. 7).

2. 

Le recourant conteste sa condamnation pour violation grave des règles de la
circulation routière.

2.1. Aux termes de l'art. 90 al. 2 LCR, celui qui, par une violation grave
d'une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d'autrui
ou en prend le risque est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au
plus ou d'une peine pécuniaire.

D'un point de vue objectif, la violation grave d'une règle de circulation au
sens de l'art. 90 al. 2 LCR suppose que l'auteur ait mis sérieusement en danger
la sécurité du trafic. Il y a création d'un danger sérieux pour la sécurité
d'autrui non seulement en cas de mise en danger concrète, mais déjà en cas de
mise en danger abstraite accrue (ATF 143 IV 508 consid. 1.3 p. 512; 142 IV 93
consid. 3.1 p. 96; 131 IV 133 consid. 3.2 p. 136). Subjectivement, l'état de
fait de l'art. 90 al. 2 LCR exige, selon la jurisprudence, un comportement sans
scrupules ou gravement contraire aux règles de la circulation, c'est-à-dire une
faute grave et, en cas d'acte commis par négligence, à tout le moins une
négligence grossière (ATF 142 IV 93 consid. 3.1 p. 96). Celle-ci doit être
admise lorsque le conducteur est conscient du caractère généralement dangereux
de son comportement contraire aux règles de la circulation. Une négligence
grossière peut également exister lorsque, contrairement à ses devoirs, l'auteur
ne prend absolument pas en compte le fait qu'il met en danger les autres
usagers, en d'autres termes s'il se rend coupable d'une négligence
inconsciente. Dans de tels cas, une négligence grossière ne peut être admise
que si l'absence de prise de conscience du danger créé pour autrui repose
elle-même sur une absence de scrupules (ATF 131 IV 133 consid. 3.2 p. 136;
arrêt 6B_1300/2016 du 5 décembre 2017 consid. 2 non publié aux ATF 143 IV 500).

Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence a été amenée à fixer des
règles précises afin d'assurer l'égalité de traitement. Ainsi, le cas est
objectivement grave au sens de l'art. 90 al. 2 LCR, sans égard aux
circonstances concrètes, notamment en cas de dépassement de la vitesse
autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités (ATF 143 IV 508
consid. 1.3 p. 512; 132 II 234 consid. 3.1 p. 237 s.; 124 II 259 consid. 2b p.
261 ss). 

Selon l'art. 27 al. 1 1ère phrase LCR, chacun se conformera aux signaux et aux
marques ainsi qu'aux ordres de la police. L'art. 4a al. 1 let. a de
l'ordonnance sur les règles de la circulation routière (OCR; RS 741.11) dispose
que la vitesse maximale générale des véhicules peut atteindre 50 km/h dans les
localités lorsque les conditions de la route, de la circulation et de
visibilité sont favorables.

2.2. La cour cantonale a considéré que le recourant avait circulé à une vitesse
moyenne de 81,3 km/h sur une distance incluant le panneau de limitation de
vitesse à 50 km/h situé à l'entrée de la localité de C.________. L'intéressé
connaissait très bien cette route, puisqu'il l'empruntait quotidiennement pour
se rendre au travail. Le jour des faits, il avait donc eu conscience de la
présence d'un virage "en épingle à cheveux" immédiatement après l'entrée dans
la localité de C.________. Il aurait dû réduire sa vitesse en conséquence. Or,
en poursuivant un chauffard dans cette localité et en empruntant un virage
serré à droite à une vitesse excessive, le recourant - obnubilé par le
comportement dangereux du chauffard qu'il pourchassait - avait lui-même adopté
une conduite périlleuse, au risque de perdre la maîtrise de son véhicule, ce
qui avait créé un danger sérieux pour la circulation et pour les usagers. Il
avait ainsi signalé un manque de scrupule. La vitesse exacte du recourant à la
hauteur du panneau de limitation de vitesse à 50 km/h n'avait pu être
déterminée. Cependant, celle-ci était de toute manière excessive compte tenu de
la présence d'un virage serré immédiatement après ce signal ainsi que du
crissement de pneus qui avait révélé que la limite d'adhérence avait presque
été atteinte. A supposer même que la vitesse du recourant fût inférieure à 75
km/h lors du franchissement du panneau de limitation de vitesse, sa faute
devait néanmoins être qualifiée de grave au vu du risque de perte de maîtrise
du véhicule engendré par une vitesse inadaptée au virage emprunté.

2.3. En l'occurrence, le cas était objectivement grave au sens de l'art. 90 al.
2 LCR, puisque le recourant a, même en tenant compte des chiffres lui étant les
plus favorables, circulé à une vitesse moyenne supérieure à 75 km/h sur la
portion du tronçon - suivant le panneau de limitation de vitesse à 50 km/h -
prise en compte par l'expert.

Subjectivement, comme l'a à juste titre relevé la cour cantonale, le recourant
connaissait les particularités de la route et l'existence d'un virage serré
immédiatement après l'entrée dans la localité de C.________. Il a néanmoins
volontairement circulé à une vitesse excessive, y compris dans ce virage en
atteignant presque la limite d'adhérence, au risque de perdre la maîtrise de
son véhicule. Peu importe, à cet égard, qu'il eût roulé de cette façon dans le
but de suivre "un autre véhicule circulant de manière manifestement trop rapide
afin d'éviter qu'un danger pour autrui ne se produise à l'avenir", puisqu'il
n'appartient pas aux particuliers de se substituer à l'Etat dans ses tâches de
police. Est seul déterminant en l'espèce le fait que le recourant eût sciemment
roulé à une vitesse excessive pour traquer une autre automobile qui pouvait lui
aussi circuler au-delà de la limite déterminante dans une localité.

Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas violé l'art. 90 al. 2 LCR en
condamnant le recourant pour violation grave des règles de la circulation
routière. Le grief doit être rejeté.

3. 

Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant,
qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 18 avril 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa