Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.307/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_307/2019

Arrêt du 13 novembre 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari,
Oberholzer, Rüedi et Jametti.

Greffier : M. Tinguely.

Participants à la procédure

1. A.________,

2. B.________,

tous les deux représentés par Me Pierre Gabus, avocat,

recourants,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève,

intimé.

Objet

Qualité pour recourir,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 30 janvier 2019 (P/15340/2014 ACPR/92/
2019).

Faits :

A. 

Par ordonnance du 29 juin 2018, le Ministère public de la République et canton
de Genève a ordonné le classement de la procédure ouverte à la suite du décès
de C.________.

B. 

Par arrêt du 30 janvier 2019, la Chambre pénale de recours de la Cour de
justice genevoise a déclaré irrecevable le recours formé par A.________ et
B.________, père et mère de C.________, contre l'ordonnance du 29 juin 2018.
Elle a néanmoins considéré que, même s'il avait été recevable, le recours
aurait dû être rejeté.

En bref, les éléments suivants ressortent de cet arrêt.

B.a. Dans la soirée du 4 août 2014, C.________, née en 1992, a été amenée en
ambulance au Service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) à
la suite d'une crise violente survenue chez ses parents. Selon la mère de
l'intéressée, celle-ci avait tenu des propos peu cohérents lors du repas du
soir et avait semblé désorganisée. Au cours de la soirée, elle avait notamment
voulu mettre le feu au local du jardin et s'était saisie d'un couteau de
cuisine dans l'intention d'agresser sa mère. Elle avait également tenté
d'ingérer divers objets ainsi que du papier.

Le lendemain, C.________ a subi divers examens et traitements, acceptant alors
tant la prise des médicaments destinés à calmer son état d'agitation que le
fait de rester hospitalisée quelques jours. A l'occasion de ces examens, les
médecins de l'Unité d'accueil et d'urgences psychiatriques (UAUP) des HUG ont
diagnostiqué un trouble psychotique aigu polymorphe avec symptômes
schizophréniques.

En fin d'après-midi, la Dresse D.________ a demandé l'admission de C.________ à
l'Unité d'intervention et de thérapie brève (UITB) des HUG, spécifiant que la
patiente, qui souffrait d'un état dépressif moyen à sévère depuis 2 à 3 ans,
avait présenté une première décompensation psychotique, le médecin relevant,
entre autres éléments, l'absence d'idée suicidaire. Lors de l'examen
d'admission au sein de ce service, les Drs E.________ et F.________ avaient
décidé, après réflexion, de ne pas prescrire de médicament à C.________, l'état
de l'intéressée ne le justifiant pas.

Le 6 août 2014, vers 11 heures 30, C.________ a saisi l'occasion de l'ouverture
par une infirmière d'une porte sécurisée de l'UITB, pour s'enfuir sans être
vue, puis enjamber une fenêtre, sise dans la cage d'escaliers entre les 8 ^eet
9 ^e étages, et se jeter dans le vide. Les lésions consécutives à sa chute ont
provoqué son décès. 

B.b. En cours d'instruction, le ministère public a confié un mandat d'expertise
à G.________, professeur en psychiatrie et médecine légale à l'Hôpital de
H.________ (France), aux fins d'établir la cause ayant conduit au décès de
C.________ ainsi que de déterminer si ce décès était dû à une violation des
règles de l'art dans sa prise en charge médicale et, dans l'affirmative, à qui
cette violation était imputable.

Dans son rapport du 16 août 2016, l'expert a constaté que la prise en charge de
C.________ au Service des urgences s'était déroulée dans les règles de l'art,
aucun risque suicidaire n'ayant été mis en évidence et la patiente ayant été
correctement dirigée vers l'UITB. Par la suite, le risque suicidaire avait été
évalué et écarté au sein de cette unité, tant lors de l'examen d'admission que
durant la nuit passée dans le service, puis dans la matinée du 6 août 2014, à
l'occasion des différents contacts que la patiente avaient eus avec le
personnel soignant. Selon l'expert, la cause ayant conduit au décès de
C.________ était l'irruption d'un " raptus psychotique ", soit un envahissement
psychique brutal susceptible d'apparaître de manière quasi instantanée, sans
signe prémonitoire. Dans ces circonstances, aucun élément ne venait indiquer
que le geste fatal de C.________ aurait été prévisible. Par ailleurs, l'expert
n'avait pas décelé d'anomalie s'agissant du fonctionnement de l'UITB, la
fermeture de la porte du service tendant à assurer des conditions de soins
optimales et non à prévenir un risque suicidaire. Du reste, les mesures de
recherche urgentes avaient été mises en place immédiatement et aucune
défaillance n'avait été constatée dans ce cadre.

C. 

Contre cet arrêt, A.________ et B.________ forment un recours en matière pénale
au Tribunal fédéral. Ils concluent, avec suite de frais et dépens, à sa réforme
en ce sens que les personnes impliquées dans le décès de leur fille sont mises
en accusation et renvoyées en jugement.

Invité à se déterminer, le ministère public a conclu au rejet du recours dans
la mesure de sa recevabilité. La cour cantonale a pour sa part renoncé à
présenter des observations et s'est référée aux considérants de l'arrêt
attaqué. Les recourants ont par la suite persisté dans leurs conclusions.

D. 

Le Tribunal fédéral a délibéré sur le présent recours en séance publique le 13
novembre 2019.

Considérant en droit :

1. 

L'arrêt entrepris est fondé sur une double motivation. La première, principale,
conduit à l'irrecevabilité du recours cantonal, faute pour les recourants de
disposer de la qualité pour recourir au regard de l'art. 382 CPP (cf. arrêt
entrepris, consid. 2 pp. 19-23). La seconde, subsidiaire, conduit pour sa part
au rejet du recours sur le fond, les conditions d'un classement étant réunies
en l'absence de réalisation des éléments constitutifs de l'infraction réprimée
à l'art. 117 CP (cf. art. 319 al. 1 let. b CPP; arrêt entrepris, consid. 3-6 p.
23-35).

Dans une telle configuration, lorsque la décision attaquée comporte des
motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes
pour sceller le sort de la cause, il appartient au recourant, sous peine
d'irrecevabilité, de démontrer que chacune d'elles est contraire au droit (ATF
138 I 97 consid. 4.1.4 p. 100; arrêt 6B_122/2017 du 8 janvier 2019 consid.
6.2). Telest le cas en l'espèce, les recourants contestant tant
l'irrecevabilité de leur recours cantonal que son rejet sur le fond.

2. 

Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie
plaignante est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie
équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par
ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond
(cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5 et les références citées). En l'occurrence,
les recourants font grief à l'autorité précédente d'avoir violé les art. 121 et
382 CPP en leur déniant, sur le plan cantonal, la qualité pour recourir contre
l'ordonnance de classement.

2.1. La cour cantonale a estimé que les recourants ne disposaient pas de la
légitimation pour recourir, que ce soit en qualité de successeurs de leur fille
(transmission des droits de procédure aux proches du lésé décédé; art. 121 al.
1 CPP) ou à titre personnel (statut de proches de la victime; art. 116 al. 2 et
117 al. 3 CPP).

Elle a ainsi considéré, sous l'angle de l'art. 121 al. 1 CPP, que, si les
recourants étaient certes habilités, en tant qu'héritiers de leur fille décédée
à se constituer parties plaignantes durant la procédure préliminaire, ce statut
ne leur conférait pas, à lui seul, la qualité pour recourir. Ils devaient
ainsi, pour en disposer, justifier d'un intérêt juridiquement protégé propre au
sens de l'art. 382 al. 3 CPP. Or, les recourants n'avaient pas démontré
disposer d'un tel intérêt, à défaut d'être personnellement titulaires du bien
juridique protégé par l'art. 117 CP ou d'indiquer quel impact le classement
pouvait avoir sur leurs prétentions successorales ou sur celles qu'ils
entendaient faire valoir contre les HUG (cf. arrêt entrepris, consid. 2.1.2 p.
20 s.).

Ce raisonnement ne saurait être suivi.

2.2.

2.2.1. On entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir
participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118
al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits ont été touchés directement par
une infraction (art. 115 al. 1 CPP). Selon la jurisprudence, est atteint
directement dans ses droits le titulaire du bien juridique protégé par la
norme, même si ce bien n'est pas unique (ATF 139 IV 78 consid. 3.3.3 p. 81 s.;
138 IV 258 consid. 2.2 et 2.3 p. 262 s.; arrêt 6B_615/2015 du 29 octobre 2015
consid. 1.1 non publié aux ATF 141 IV 444). Celui qui succède à une partie
lésée dans ses droits n'est qu'indirectement atteint et ne peut pas, sous
réserve notamment du cas prévu à l'art. 121 al. 1 CPP, se voir reconnaître la
qualité de partie plaignante (ATF 140 IV 162 consid. 4 p. 164 ss).

Aux termes de l'art. 121 al. 1 CPP, si le lésé décède sans avoir renoncé à ses
droits de procédure, ceux-ci passent à ses proches au sens de l'art. 110 al. 1
CP, dans l'ordre de succession. En tant que les conditions ressortant de cette
disposition sont réunies, les proches sont alors autorisés à participer à la
procédure comme parties plaignantes en agissant à choix sur les plans pénal et
civil, cumulativement ou alternativement (cf. art. 119 al. 2 CPP; ATF 142 IV 82
consid. 3.2 p. 84 ss). L'art. 121 al. 1 CPP consacre dès lors une exception au
principe selon lequel seule la partie directement lésée peut revêtir la qualité
de partie plaignante.

2.2.2. Selon l'art. 322 al. 2 CPP, les parties peuvent attaquer l'ordonnance de
classement dans les dix jours devant l'autorité de recours. L'art. 382 al. 1
CPP dispose que toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à
l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre
celle-ci. La notion de partie visée à l'art. 382 CPP doit être comprise au sens
des art. 104 et 105 CPP, l'art. 104 al. 1 let. b CPP reconnaissant notamment
cette qualité à la partie plaignante.

L'articulation du CPP ne permet pas de déduire que le rôle procédural de la
partie plaignante doit être limité à la première instance. A cet égard,
l'exigence d'un intérêt juridiquement protégé que pose l'art. 382 al. 1 CPP n'a
pas à s'interpréter dans un sens étroit. En particulier, cette disposition
n'impose pas à la partie plaignante la prise effective de conclusions civiles
dans la procédure pénale, l'art. 119 al. 2 let. a CPP sous-tendant un intérêt
juridique indépendamment de toute prétention civile. Par conséquent, pour
justifier d'un tel intérêt, il suffit d'être lésé au sens de l'art. 115 al. 1
CPP (ATF 139 IV 78 consid. 3.3.3 p. 81 s.). Une autre approche aboutirait à une
interprétation incohérente du CPP. En envisageant par exemple le cas où le
prévenu serait un agent public, comme un policier ou un médecin, le lésé, qui
ne pourrait émettre aucune prétention civile à l'égard de celui-ci en raison de
la responsabilité primaire du canton concerné, pourrait participer à la
procédure de première instance, mais serait par la suite privé de voies de
droit. Une telle scission n'est en rien justifiée par la systématique du CPP
(ATF 139 IV 78 consid. 3.3.3 p. 82).

2.3. Il n'est pas contesté en l'espèce que les recourants, en tant que père et
mère de la personne lésée décédée, sont des proches au sens de l'art. 121 al. 1
CPP, respectivement de l'art. 110 al. 1 CP. Il n'est pas non plus contesté
qu'en l'absence de descendants, ils sont les héritiers légaux les plus proches
de leur fille (cf. art. 457 al. 1 et 458 al. 1 CC). Ainsi, conformément à la
règle de l'art. 121 al. 1 CPP, les recourants étaient légitimés à se constituer
parties plaignantes durant la procédure préliminaire (cf. art. 118 al. 1 CPP)
et étaient donc fondés à demander la poursuite et la condamnation des personnes
pénalement responsables de l'infraction dénoncée (cf. art. 119 al. 2 let. a
CPP; ATF 142 IV 82 consid. 3.2 p. 86).

Dans cette mesure, les recourants pouvaient justifier, au regard de l'art. 382
al. 1 CPP, d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de l'ordonnance de
classement qu'ils se sont vus notifier (cf. ATF 142 IV 82 consid. 3.4 p. 88).
Dès lors que, par l'effet de l'art. 121 al. 1 CPP, les recourants font valoir
les droits de procédure de leur fille décédée, qui a été directement lésée par
l'infraction dénoncée (cf. art. 115 al. 1 CPP et 117 CP), il n'est pas
nécessaire qu'ils puissent se prévaloir d'avoir eux-mêmes été personnellement
lésés par cette infraction.

Au surplus, contrairement à ce que retient la cour cantonale, on ne se trouve
pas dans le cas de figure décrit par l'art. 382 al. 3 CPP, selon lequel les
proches de la partie plaignante décédée doivent avoir été lésés dans leurs
intérêts juridiquement protégés propres pour recourir ou pour poursuivre la
procédure. En effet, dès lors qu'à teneur du texte légal, cette disposition
suppose le décès de la partie plaignante, elle apparaît sans pertinence à
l'égard des proches du lésé décédé qui, en application de l'art. 121 al. 1 CPP,
se sont déjà constitués eux-mêmes parties plaignantes lors de la procédure
préliminaire, leur qualité pour recourir devant être examinée dans ce cas à
l'aune de l'art. 382 al. 1 CPP.

2.4. Il s'ensuit que c'est à tort que la cour cantonale n'a pas reconnu aux
recourants la qualité pour recourir.

Le bien-fondé du grief ne conduit néanmoins pas encore à l'admission, même
partielle, du recours en matière pénale.

3. 

Avant d'examiner, le cas échéant, les griefs des recourants relativement à la
motivation subsidiaire de l'arrêt entrepris, par laquelle la cour cantonale
s'est concrètement prononcée sur les arguments développés dans le recours
cantonal, il y a lieu de déterminer si les recourants disposent, en leur
qualité de parties plaignantes, de la qualité pour recourir au Tribunal
fédéral.

3.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a
participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à
recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur
le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions
celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être
déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement
des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41
ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). En revanche, n'appartiennent pas à cette
catégorie les prétentions fondées sur le droit public (ATF 125 IV 161 consid.
2b p. 163). De jurisprudence constante en effet, la partie plaignante n'a pas
de prétention civile si, pour les actes reprochés au prévenu, une collectivité
publique assume une responsabilité de droit public exclusive de toute action
directe contre l'auteur (ATF 138 IV 86 consid. 3.1 p. 88; 133 IV 228 consid.
2.3.3 p. 234; 131 I 455 consid. 1.2.4 p. 461).

En l'espèce, les HUG forment un établissement de droit public doté de la
personnalité juridique et responsable des actes commis par ses employés dans
l'exercice de leurs activités (cf. art. 5 al. 1 et 2 de la loi genevoise sur
les établissements publics médicaux [LEPM; RS/GE K 2 05]). Conformément aux
art. 2 et 9 de la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes
(LREC, RS/GE A 2 40), l'Etat de Genève répond donc seul d'un éventuel dommage,
le lésé ne disposant d'aucune action directe contre le personnel soignant ou le
personnel médical de cet établissement.

Il s'ensuit que les recourants n'ont en principe pas qualité pour recourir en
application de l'art. 81 LTF, à défaut de pouvoir élever des prétentions
civiles contre les employés des HUG.

3.2. Les recourants contestent la pertinence de la jurisprudence précitée. Ils
font valoir qu'elle consacre une violation du principe de l'égalité de
traitement (art. 8 al. 1 Cst.), en la forme d'une différenciation injustifiée
selon que le personnel soignant mis en cause est constitué de personnes
oeuvrant dans des institutions publiques ou privées, les proches de victimes
décédées dans ces dernières disposant en principe de la qualité pour recourir
au Tribunal fédéral dans la mesure où ils peuvent faire valoir des prétentions
civiles au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF.

3.2.1. La problématique soulevée par les recourants, également mise en exergue
par certains auteurs (cf. MARC THOMMEN, Basler Kommentar, 3 ^e éd., 2018, n° 39
ss et 57 ad art. 81 LTF; CHARLOTTE SCHODER, Geschädigte, Opfer und Angehörige
mit Staatshaftungsansprüchen, in: Jusletter 17 décembre 2018, n° 10 ss, p. 2;
MORITZ OEHEN, Opfer zweiter Klasse: Opfer staatlicher Gewalt und die Beschwerde
in Strafsachen, in: sui-generis 2015, n° 19 ss p. 40 ss), a motivé en 2012 déjà
le dépôt d'une initiative parlementaire par le conseiller national Mauro Poggia
(n° 12.492; " Accès au Tribunal fédéral. Abolir une inégalité de traitement
injustifiée entre les victimes "), qui suggérait l'introduction d'un ch. 4
nouveau à l'art. 81 al. 1 let. b LTF, en ce sens que la qualité pour recourir
est également reconnue à la partie plaignante " si la décision attaquée peut
avoir des effets sur le jugement de ses prétentions à l'encontre d'une
collectivité ou d'une entité de droit public, lorsque celle-ci est seule
habilitée à réparer le dommage causé par le prévenu ". Après plusieurs reports,
le Conseil national a suivi le 14 décembre 2018 la proposition de sa Commission
des affaires juridiques tendant à une nouvelle prolongation du délai de mise en
oeuvre de cette initiative jusqu'à la session d'hiver 2020 (cf. Base de données
Curia Vista, ad objet n° 12.492, consultée le 13 novembre 2019 sur
www.parlement.ch). 

3.2.2. Compte tenu des critiques formulées, il y a lieu d'examiner la genèse du
texte de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF ainsi que la portée que la
jurisprudence a donnée à cette disposition.

On relève à cet égard que la teneur actuelle de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5
LTF et la notion de prétentions civiles qui y est consacrée trouvent leurs
origines dans l'adoption de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux
victimes d'infractions (aLAVI). Entrée en vigueur le 1er janvier 1993, cette
loi visait alors à fournir une aide efficace aux victimes d'infractions et à
renforcer leurs droits (cf. art. 1 al. 1 aLAVI). Elle conférait à la victime, à
l'art. 8 al. 1 aLAVI, le droit d'intervenir comme partie dans la procédure
pénale, en particulier en faisant valoir ses prétentions civiles (let. a), en
demandant qu'un tribunal statue sur le refus d'ouvrir l'action publique ou le
non-lieu (let. b) et en formant contre le jugement les mêmes recours que le
prévenu, si elle était déjà partie à la procédure auparavant et dans la mesure
où cette sentence touchait ses prétentions civiles ou pouvait avoir des effets
sur le jugement de ses dernières (let. c; cf. RO 1992 2467).

L'entrée en vigueur de l'ancienne LAVI avait par ailleurs impliqué la
modification d'autres lois fédérales, en particulier celle de la loi du 15 juin
1934 sur la procédure pénale (aPPF). Ainsi, alors que l'art. 270 al. 1 aPPF
permettait jusqu'alors au lésé de former un pourvoi en nullité au Tribunal
fédéral pour les seules infractions poursuivies sur plainte, la nouvelle
version de cette disposition offrait désormais au lésé la possibilité de se
pourvoir en nullité s'il était déjà partie à la procédure auparavant et dans la
mesure où la sentence pouvait avoir des effets sur le jugement de ses
prétentions civiles (RO 1992 2473). A compter du 1er janvier 2001, dans le
cadre de la révision partielle de l'organisation judiciaire en vue de décharger
le Tribunal fédéral (RO 2000 2722), ce droit était cependant depuis lors
réservé à la seule victime - et non plus au lésé - qui remplissait les
conditions précitées (participation à la procédure sur le plan cantonal et
effets de la sentence sur le jugement des prétentions civiles).

Appelé alors à déterminer si la notion de prétentions civiles contenue aux art.
8 aLAVI et art. 270 aPPF permettait à la victime, au bénéfice de créances de
droit public, de former un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral avait relevé
à plusieurs reprises que, lorsque la réglementation topique instituait une
responsabilité primaire de la personne morale de droit public pour le préjudice
causé aux tiers par ses agents, la victime d'une infraction reprochée à l'agent
était dépourvue de toute action directe contre ce dernier, de sorte que, faute
de prétentions civiles, elle ne remplissait pas les exigences posées par l'art.
270 let. e aPPF (ATF 128 IV 188 consid. 2.2 p. 191; 127 IV 189 consid. 2b p.
191; 125 IV 161 consid. 2 et 3 p. 163 s.). Ainsi, la protection accordée aux
victimes par l'ancienne LAVI perdait une grande partie de son importance
lorsque l'action était dirigée contre l'Etat qui répondait des actes de ses
agents. Le recouvrement devrait en effet s'avérer de toute manière plus aisé
dans ce contexte, l'Etat étant un débiteur plus solvable et habituellement plus
compréhensif que la plupart des auteurs d'actes à raison desquels la victime
bénéficie de la position privilégiée, alors instituée par l'ancienne LAVI. Il
ne se justifiait dès lors pas que la victime d'une infraction qui disposait
d'une action envers l'Etat cumulât le privilège procédural que lui offrait la
loi avec l'avantage matériel de disposer d'une action envers l'Etat plutôt
qu'envers un simple particulier dont la solvabilité n'était souvent pas
garantie. Dès lors, il n'apparaissait pas que l'art. 8 aLAVI fût dénué de toute
portée par le refus de la qualité de se pourvoir en nullité à la victime
lorsque c'était une personne morale de droit public qui répondait du dommage
(ATF 128 IV précité consid. 2.3 p. 192 et les références citées).

3.2.3. Si les dispositions en cause dans les arrêts précités ne sont
aujourd'hui plus en vigueur, elles ont néanmoins été reprises dans leur
principe lors de l'adoption de la LTF (cf. art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF) et
du CPP (cf. art. 122 al. 1 et 382 al. 1 CPP), sans que l'on observe que le
législateur avait pour autant entendu élargir, dans ce cadre, les droits des
parties plaignantes disposant, pour le préjudice subi en raison des infractions
dénoncées, d'une action contre une collectivité publique.

Ainsi, il n'apparaît pas que la notion de " prétentions civiles " contenue à
l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF devrait être comprise dans une acception plus
large que celle actuellement consacrée par la pratique. Dans ces circonstances,
il n'y a pas matière à modifier la jurisprudence (cf. sur les conditions
strictes d'une telle modification: ATF 144 IV 265 consid. 2.2 p. 269; 143 IV 1
consid. 5.2 p. 3; 141 II 297 consid. 5.5.1 p. 303). L'interprétation de la loi,
telle que développée dans l'arrêt publié aux ATF 128 IV 188, ne permet pas non
plus de déduire l'existence d'une lacune authentique (ou proprement dite) que
seule l'intervention du juge permettrait de combler (cf. sur cette notion: ATF
142 IV 389 consid. 4.3.1 p. 397 s.).

3.2.4. Ainsi, dès lors qu'en l'état actuel de la législation, l'art. 81 al. 1
let. b ch. 5 LTF persiste à viser les effets du jugement sur les prétentions
civiles de la partie plaignante, il y a lieu de s'en tenir à la jurisprudence
constante selon laquelle cette dernière n'a pas de prétention civile si, pour
les actes reprochés au prévenu, une collectivité publique assume une
responsabilité de droit public exclusive de toute action directe contre
l'auteur.

Comme cela a déjà été relevé, une telle situation est en effet suffisamment
spécifique pour justifier un traitement particulier (cf. ATF 128 IV 188 consid.
2.3 p. 192). Le grief tiré d'une violation du principe de l'égalité de
traitement doit par conséquent être rejeté.

4. 

Les recourants se prévalent par ailleurs d'un droit de recours qui serait fondé
directement sur le droit conventionnel.

4.1. Les art. 3 CEDH et 10 al. 3 Cst. interdisent la torture, ainsi que les
peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Convention des Nations Unies
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants oblige notamment les Etats parties à se doter d'une loi réprimant
les traitements prohibés et à instituer des tribunaux compétents pour appliquer
cette loi. La première phrase de l'art. 13 de la Convention oblige les Etats
parties à reconnaître aux personnes qui se prétendent victimes de traitements
prohibés, d'une part, le droit de porter plainte et, d'autre part, un droit
propre à une enquête prompte et impartiale devant aboutir, s'il y a lieu, à la
condamnation pénale des responsables (ATF 131 I 455 consid. 1.2.5 p. 462). La
jurisprudence considère que la victime de traitements prohibés peut fonder son
droit de recours sur les dispositions précitées (ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 p.
88; arrêt 6B_1135/2018 du 21 février 2019 consid. 1.2.1).

Pour tomber sous le coup de ces dispositions, un mauvais traitement doit en
principe être intentionnel et atteindre un minimum de gravité. Il sera qualifié
de dégradant s'il humilie ou avilit un individu, s'il témoigne d'un manque de
respect pour sa dignité humaine, voire la diminue, ou s'il suscite chez
l'intéressé des sentiments de peur, d'angoisse ou d'infériorité propres à
briser sa résistance morale et physique. Il y a également traitement dégradant,
au sens large, si l'humiliation ou l'avilissement a pour but, non d'amener la
victime à agir d'une certaine manière, mais de la punir (arrêts 6B_1135/2018
précité consid. 1.2.1; 6B_1120/2017 du 30 juillet 2018 consid. 1.3; 6B_695/2017
du 26 avril 2018 consid. 1.3; 6B_274/2009 du 16 février 2010 consid. 3.1.2.2 et
les références citées). La souffrance due à une maladie survenant
naturellement, qu'elle soit physique ou mentale, peut relever de l'art. 3 CEDH
si elle se trouve ou risque de se trouver exacerbée par un traitement - que
celui-ci résulte des conditions de détention, d'une expulsion ou d'autres
mesures - dont les autorités peuvent être tenues pour responsables (arrêt de la
CourEDH Pretty c. Royaume-Uni du 29 avril 2002, Recueil CourEDH, 2002 III § 52;
arrêt 6B_465/2016 du 17 mars 2017 consid. 1.2).

En l'espèce, les recourants ne prétendent pas que le décès de leur fille est
survenu à la suite d'un comportement du personnel médical qui pourrait être
qualifié d'intentionnel, l'intervention du personnel des HUG ayant eu comme
unique but de soulager l'intéressée et non de péjorer son état de santé, de lui
infliger un mauvais traitement, de l'humilier ou de porter atteinte à sa
dignité humaine. Pour le surplus, on ne se trouve pas dans l'hypothèse dans
laquelle la souffrance de la victime aurait été exacerbée en raison d'un
rapport particulier la liant à l'Etat et dont celui-ci pourrait être tenu pour
responsable. Dans cette mesure, les recourants ne peuvent pas se prévaloir d'un
droit de recours fondé sur l'art. 3 CEDH.

4.2. Le droit à la vie, tel qu'il est garanti à l'art. 2 CEDH, implique une
obligation positive pour les Etats parties de préserver la santé et la vie des
personnes placées sous sa responsabilité. La dimension procédurale de cette
obligation impose l'instauration d'un système judiciaire efficace et
indépendant permettant à bref délai d'établir la cause du décès d'un individu
se trouvant sous la responsabilité de professionnels de la santé et à obliger
les responsables éventuels à répondre de leurs actes (NATHANAËL PÉTERMANN, Les
obligations positives de l'Etat dans la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme, thèse, 2014, p. 232 et les arrêts de la CourEDH cités).

Dans un arrêt du 25 juin 2019 (arrêt Nicolas Virgiliiu Tanase c. Roumanie,
requête n° 41720/13 [affaire phare]), la CourEDH a précisé que le type
d'enquête exigé par l'obligation procédurale découlant de l'art. 2 CEDH variait
selon la nature de l'atteinte à la vie. Elle a ainsi relevé que cette
obligation devait comporter un mécanisme de répression pénale lorsque la mort
avait été infligée volontairement ou lorsqu'il y avait eu mise en danger
délibérée de la vie (arrêt Tanase c. Roumanie précité, § 158 et les références
citées). En revanche, en cas d'homicide involontaire ou de mise en danger
involontaire de la vie d'une personne, l'obligation relative à l'existence d'un
système judiciaire effectif était satisfaite si le système juridique offrait
aux victimes (ou à leurs proches) un recours devant les juridictions civiles,
seul ou conjointement avec un recours devant les juridictions pénales,
susceptible d'aboutir à l'établissement des responsabilités éventuelles et à
l'octroi d'une réparation civile adéquate (arrêt Tanase c. Roumanie précité, §
159 et les arrêts de la CourEDH cités; cf. également PÉTERMANN, op. cit., p.
234). Certaines circonstances exceptionnelles pouvaient néanmoins rendre
nécessaire aux fins de l'art. 2 CEDH qu'une enquête pénale effective fût menée,
même en cas d'atteinte involontaire au droit à la vie ou à l'intégrité
physique. Il pouvait en être ainsi lorsque le décès ou la mise en danger
résultait du comportement d'une autorité publique qui allait au-delà d'une
erreur de jugement ou d'une imprudence, lorsqu'un décès survenait dans des
circonstances suspectes ou lorsqu'un particulier avait délibérément ou
inconsidérément transgressé les obligations qui lui incombaient en vertu de la
législation applicable (arrêt Tanase c. Roumanie précité, § 160 et les arrêts
de la CourEDH cités).

En l'espèce, s'ils se prévalent d'une succession de négligences dans la prise
en charge médicale de leur fille, les recourants ne démontrent pas pour autant
en quoi les manquements allégués refléteraient des violations délibérées ou
inconsidérées des devoirs qui incombaient aux personnes dénoncées, ni en quoi
ces manquements seraient allés au-delà de ce qui relèverait d'actes
involontaires dans la prise en charge médicale. Dans cette mesure, la mise en
oeuvre d'une procédure pénale ne constitue pas en elle-même une obligation
positive de l'Etat découlant de l'art. 2 CEDH, de sorte que les recourants ne
sauraient déduire un droit de recours fondé sur cette disposition. Pour le
surplus, les exigences découlant de l'art. 2 CEDH sont satisfaites dès lors que
les recourants ont la faculté d'introduire une procédure judiciaire en
responsabilité contre l'Etat de Genève, dans le cadre de laquelle il pourra
être déterminé si le décès de la fille des recourants, et par conséquent le
dommage subi par ces derniers, résultent d'actes illicites réalisés par des
agents de l'Etat.

4.3. En définitive, les recourants, qui ne disposent pas de la qualité pour
recourir sur le fond, ne sont pas légitimés à contester le classement de la
procédure au Tribunal fédéral.

5. 

Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable. Il est néanmoins tenu
compte du bien-fondé du grief relatif à l'irrecevabilité du recours cantonal
(cf. consid. 2 supra) par la renonciation à mettre des frais judiciaires à
charge des recourants (cf. consid. 2 supra; art. 66 al. 1, 2 ^ème phrase).
Ceux-ci peuvent en outre prétendre à une indemnité pour leur dépens, à charge
du canton de Genève (cf. art. 68 al. 1 et 2 LTF). 

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est irrecevable.

2. 

Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3. 

Le canton de Genève versera aux recourants, conjointement et solidairement
entre eux, une indemnité de 3000 fr. à titre de dépens.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 13 novembre 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Tinguely