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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.293/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_293/2019

Arrêt du 29 mars 2019

Cour de droit pénal

Composition

M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,

Jacquemoud-Rossari et Jametti.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

X.________, représentée par Me Alain Dubuis, avocat,

recourante,

contre

Ministère public central du canton de Vaud,

intimé.

Objet

Fixation de la peine; sursis à l'exécution,

recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 4 décembre 2018 (no 446 PE15.005427-JMU/TDE).

Faits :

A. 

Par jugement du 2 juillet 2018, le Tribunal de police de l'arrondissement de
Lausanne a condamné X.________, pour voies de fait qualifiées et violation du
devoir d'assistance ou d'éducation, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende
à 10 fr. le jour. Il a en outre instauré en sa faveur un traitement ambulatoire
au sens de l'art. 63 CP.

B. 

Par jugement du 4 décembre 2018, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud a très partiellement admis l'appel formé par X.________ contre
ce jugement et a réformé celui-ci en ce sens que la prénommée est libérée du
chef de prévention de voies de fait qualifiées. Elle a confirmé le jugement
pour le surplus.

La cour cantonale a retenu les faits suivants.

B.a. X.________ est née en 1978 à A.________. Elle est actuellement au bénéfice
du revenu d'insertion et a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité.

Le casier judiciaire de X.________ ne comporte aucune inscription.

B.b. X.________ a vécu un déni de grossesse jusqu'à la naissance de sa fille
B.________, en 2008. Durant les trois premiers mois de sa vie, cette dernière a
été placée, en vue d'adoption, dans un foyer. Sa mère s'est ensuite ravisée et
a souhaité assumer son rôle maternel. Un foyer éducatif mère-enfant a été mis
en place dès 2009, compte tenu des difficultés rencontrées par X.________ avec
sa fille. La même année, B.________ a à nouveau été placée dans un foyer puis
en famille d'accueil, à la suite de plusieurs constats inquiétants de la part
de l'Office des curatelles et tutelles professionnelles. B.________ est
retournée vivre avec sa mère en 2011. Divers soutiens ont été mis en place. En
2015, la prénommée a relaté à sa maîtresse d'école les mauvais traitements
qu'elle subissait de la part de sa mère et, la même année, a été derechef
placée en famille d'accueil.

B.c. A C.________ en 2009 et à D.________ entre 2011 et 2015, X.________ s'en
est régulièrement prise à sa fille, physiquement et psychologiquement. Elle lui
a, à plusieurs reprises, tiré les oreilles, l'a pincée avec ses ongles, l'a
poussée et frappée. Elle lui donnait des fessées et plaçait sa main dans la
bouche de B.________ pour l'empêcher de crier. A une reprise, X.________ a
attrapé sa fille par les pieds et l'a suspendue la tête en bas. La prénommée
faisait dormir sa fille par terre et sans couverture, verrouillait la porte des
toilettes et éteignait la lumière lorsque B.________ s'y trouvait. A plusieurs
reprises, X.________ a fait visionner à sa fille des films violents, non
appropriés à son jeune âge. Pour la punir, elle a placé du piment dans son nez
et du savon dans sa bouche. Elle a en outre régulièrement privé B.________ de
nourriture, notamment de lait. A plusieurs reprises, elle a réveillé sa fille
durant la nuit, sans raison particulière. A une occasion, X.________ a aussi
poussé celle-ci contre le mur du salon, contre lequel l'enfant a cogné sa tête.

A C.________, en 2015, au cours des rencontres organisées par l'Office des
curatelles et tutelles professionnelles entre X.________ et sa fille, la
prénommée a régulièrement dénigré et critiqué celle-ci, de sorte que les
visites ont dû être suspendues pour le bien-être de B.________.

B.d. Selon une expertise pédopsychiatrique mise en oeuvre par la justice de
paix et dont le rapport a été déposé en 2015, B.________ présente divers signes
et symptômes - faible estime de soi, grande insécurité, difficulté à établir
des relations étroites et confiantes avec autrui, peurs, cauchemars, angoisse
d'abandon - attestant d'une souffrance psychique en lien avec sa situation
familiale et personnelle. Les experts ont préconisé que le suivi thérapeutique
de l'enfant se poursuive à long terme.

B.e. Au cours de l'instruction, une expertise psychiatrique a été diligentée
sur X.________. Dans un rapport du 14 septembre 2017, les experts ont posé le
diagnostic de personnalité psychotique et ont considéré que l'intéressée
présentait un trouble chronique et sévère. La responsabilité pénale de
X.________ a été considérée comme moyennement diminuée. Les experts ont estimé
que cette dernière présentait un risque de récidive important d'actes de même
nature et ont recommandé un suivi psychiatrique ambulatoire.

C. 

X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le
jugement du 4 décembre 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens,
principalement à sa réforme en ce sens qu'elle est condamnée à une peine
pécuniaire de 180 jours-amende à 10 fr. le jour avec sursis durant deux ans,
subsidiairement à sa réforme en ce sens qu'elle est condamnée à une peine
pécuniaire de 100 jours-amende à 10 fr. le jour et, plus subsidiairement, à son
annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle
décision. Elle sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1. 

La recourante conteste la quotité de la peine pécuniaire qui lui a été
infligée.

1.1. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de
l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle
de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La
culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger
du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les
motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci
aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation
personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de
l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs
pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de
la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du
point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté
délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces
composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur
lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle
(état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque
de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le
comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137
consid. 9.1 p. 147; 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.). Le juge dispose d'un
large pouvoir d'appréciation dans le cadre de la fixation de la peine. Le
Tribunal fédéral n'intervient que lorsque l'autorité cantonale a fixé une peine
en dehors du cadre légal, si elle s'est fondée sur des critères étrangers à
l'art. 47 CP, si des éléments d'appréciation importants n'ont pas été pris en
compte ou, enfin, si la peine prononcée est exagérément sévère ou clémente au
point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid.
5.6 p. 61; arrêt 6B_1122/2018 du 29 janvier 2019 consid. 6.1).

1.2. La cour cantonale a exposé que les maltraitances physiques et
psychologiques commises sur B.________ n'étaient pas anodines. Elles avaient
été perpétrées durant plusieurs années et cela malgré l'intervention et l'aide
des services sociaux. Les sévices que la recourante avait infligés à sa fille
avaient engendré une symptomatologie de souffrances importante et avaient mis
en danger le développement mental de B.________ au point que, selon les
experts, cette dernière devrait subir plusieurs années de thérapie. En outre,
la recourante était loin d'avoir pris conscience de la réalité des faits et de
la gravité de ses actes. Comme devant le tribunal de première instance, elle
était demeurée dans le déni et avait refusé catégoriquement toute remise en
question. Même en tenant compte d'une responsabilité moyennement restreinte, la
culpabilité de l'intéressée restait importante. A décharge, une coopération
relativement bonne avec les services sociaux pouvait être retenue. Selon
l'autorité précédente, la peine pécuniaire de 180 jours-amende prononcée
demeurait modeste au vu de la culpabilité de la recourante.

1.3. La recourante soutient que la cour cantonale aurait dû réduire la peine
pécuniaire prononcée en première instance, dès lors qu'elle l'a libérée du chef
de prévention de voies de fait qualifiées. Selon elle, le maintien de cette
peine contreviendrait à l'interdiction de la reformatio in peius.

L'autorité précédente a indiqué que la peine n'avait pas été fixée correctement
par le tribunal de première instance, puisque, d'une part, celui-ci s'était
contenté de mentionner l'art. 49 CP et d'annoncer l'existence d'un "concours"
et que, d'autre part, il avait prononcé une peine pécuniaire de 180
jours-amende qui englobait la sanction relative à l'infraction de voies de fait
qualifiées, alors que l'art. 126 CP prévoit uniquement le prononcé d'une
amende. La cour cantonale a ainsi procédé à sa propre fixation de la sanction,
ce qu'elle pouvait faire avec un plein pouvoir d'examen (cf. art. 398 al. 2
CPP).

La recourante perd de vue que l'interdiction de la reformatio in peius n'impose
pas une réduction automatique de la peine infligée en première instance
lorsqu'un acquittement partiel est prononcé en deuxième instance. La
juridiction d'appel est libre de maintenir la peine infligée en première
instance, en devant alors motiver sa décision, par exemple en expliquant que
les premiers juges auraient mal apprécié les faits en fixant une peine trop
basse qu'il n'y aurait pas lieu de réduire encore (cf. ATF 118 IV 18 consid. 1c
/bb p. 21; 117 IV 395 consid. 4 p. 397; plus récemment arrêts 6B_461/2018 du 24
janvier 2019 consid. 11.2; 6B_335/2016 du 24 janvier 2017 consid. 3.3.1 et les
références citées). En l'occurrence, la cour cantonale a expliqué pourquoi le
seul abandon du chef de prévention de voies de fait qualifiées ne pouvait
conduire à une diminution de la peine, laquelle avait été mal fixée et
s'avérait en outre trop clémente. Enfin, la recourante ne prétend pas que le
dispositif du jugement aurait été modifié en sa défaveur (cf. sur ce point ATF
144 IV 35 consid. 3.1.1 p. 44), de sorte qu'aucune violation de l'interdiction
de la reformatio in peius ne saurait être retenue en l'espèce.

Le grief doit être rejeté.

2. 

La recourante reproche à l'autorité précédente de ne pas avoir assorti sa peine
pécuniaire du sursis à l'exécution.

2.1. Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur exigé par l'art.
42 CP, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des
circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et
de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit
qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer
l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut
accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui
sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s.; 134 IV 1 consid. 4.2.1
p. 5). Dans l'émission du pronostic, le juge dispose d'un large pouvoir
d'appréciation. Le Tribunal fédéral n'intervient que s'il en a abusé, notamment
lorsqu'il a omis de tenir compte de critères pertinents et s'est fondé
exclusivement sur les antécédents du condamné (ATF 134 IV 140 consid. 4.2 p.
143; 133 IV 201 consid. 2.3 p. 204).

Selon la jurisprudence, sursis et mesures sont incompatibles. En effet, la
mesure, y compris le traitement ambulatoire de l'art. 63 CP, doit être de
nature à écarter un risque de récidive et, partant, suppose qu'un tel risque
existe. Le prononcé d'une mesure implique donc nécessairement un pronostic
négatif. A l'inverse, l'octroi du sursis suppose que le juge n'ait pas posé un
pronostic défavorable et, partant, qu'il ait estimé qu'il n'y avait pas de
risque de récidive (ATF 135 IV 180 consid. 2.3; 134 IV 1 consid. 3.1; arrêt
6B_1227/2015 du 29 juillet 2016 consid. 1.2.4 et les références citées).

2.2. La cour cantonale a exposé que l'expertise psychiatrique mise en oeuvre
concernant la recourante avait révélé l'existence d'un risque de récidive,
lequel pourrait être diminué moyennant le suivi d'un traitement ambulatoire. Le
psychothérapeute actuel de la recourante avait indiqué qu'il entrevoyait des
"possibilités visant à faire prendre conscience [à] sa patiente que sa fille
est un sujet et non son objet" mais que l'intéressée restait pour l'heure dans
le déni. Ce déni était d'autant plus flagrant que, durant les débats d'appel,
la recourante avait mis en cause des familles d'accueil dans lesquelles sa
fille était placée. Le risque de récidive était important et le traitement
psychothérapeutique n'avait pas amélioré le pronostic défavorable, de sorte
qu'une peine ferme devait être prononcée.

2.3. La recourante ne conteste pas l'instauration d'une mesure ambulatoire au
sens de l'art. 63 CP non plus que l'existence d'un risque de récidive. Elle
soutient que l'autorité précédente aurait exclusivement fondé son pronostic sur
l'absence de reconnaissance des faits. Le jugement attaqué révèle toutefois que
tel n'est pas le cas, le risque de récidive ayant en particulier été considéré
par la cour cantonale. Pour le reste, l'autorité précédente pouvait à bon droit
tenir compte d'une absence de prise de conscience, puisque, conformément à la
jurisprudence du Tribunal fédéral, seul celui qui se repent de son acte mérite
la confiance que l'on doit pouvoir accorder au condamné bénéficiant du sursis
(cf. arrêts 6B_1030/2018 du 20 novembre 2018 consid. 4.3; 6B_276/2018 du 24
septembre 2018 consid. 3.1).

La recourante reproche encore à la cour cantonale d'avoir ignoré certains
éléments dans son pronostic, ainsi le fait qu'elle soit une mère seule et
qu'elle suive une psychothérapie. Ces aspects ressortent pourtant expressément
du jugement attaqué, étant rappelé que la décision forme un tout et que l'on
admet que le juge garde à l'esprit l'ensemble des points qui y figurent (cf.
arrêts 6B_143/2019 du 6 mars 2019 consid. 2.3; 6B_1269/2017 du 16 janvier 2019
consid. 9.3 et les références citées). Peu importe enfin que l'intéressée eût
reconnu avoir eu des gestes déplacés à l'encontre de sa fille, dès lors que
celle-ci ne conteste pas s'être trouvée, de manière générale, dans le déni
constaté tant par la cour cantonale que par les experts psychiatres ayant eu à
l'examiner.

Compte tenu de ce qui précède, l'autorité précédente n'a pas violé le droit
fédéral en infligeant une peine pécuniaire ferme à la recourante. Le grief doit
être rejeté.

3. 

Le recours doit être rejeté. Comme il était dépourvu de chances de succès, la
demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). La
recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF),
dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle
n'apparaît pas favorable.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 29 mars 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa