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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.236/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_236/2019

Arrêt du 19 mars 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,

Oberholzer et Jametti.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

A.________, représenté par Me Ronald Asmar, avocat,

recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève,

intimé.

Objet

Principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi; indemnité du défenseur d'office,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 12 février 2019 (P/15771/2013 ACPR/124/
2019).

Faits :

A. 

Par ordonnance du 7 avril 2014, le Tribunal de police de la République et
canton de Genève a indemnisé l'avocat A.________ à hauteur de 1'227 fr.,
correspondant à 1 heure au tarif de chef d'étude, soit 200 fr. de l'heure,
ainsi qu'à 11 heures 30 au taux horaire de l'avocat stagiaire, soit 65 fr. de
l'heure, à l'indemnité forfaitaire de 20% pour les courriers et téléphones et à
la TVA par 8%.

Par arrêt du 2 juillet 2014, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice
genevoise a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par
A.________ contre l'ordonnance du 7 avril 2014.

Par arrêt du 10 juillet 2015 (6B_856/2014), le Tribunal fédéral a admis le
recours en matière pénale formé par A.________ contre l'arrêt du 2 juillet
2014, a annulé celui-ci et a renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision.

Par arrêt du 21 décembre 2015, la Chambre pénale de recours a rejeté, dans la
mesure de sa recevabilité, le recours formé par A.________ contre l'ordonnance
du 7 avril 2014.

Par arrêt du 9 février 2017 (6B_102/2016), le Tribunal fédéral a annulé cet
arrêt et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

Par arrêt du 25 avril 2017, la Chambre pénale de recours a rejeté le recours
formé par A.________ contre l'ordonnance du 7 avril 2014. A.________ a formé un
recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en réclamant
que le tarif de l'avocat stagiaire soit fixé à 180 fr. de l'heure.

Par arrêt du 27 avril 2018 (6B_643/2017), le Tribunal fédéral a partiellement
admis le recours formé par A.________ contre l'arrêt du 25 avril 2017, a annulé
celui-ci et a renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Pour le surplus, il a rejeté le recours.

B. 

Par arrêt du 12 février 2019, la Chambre pénale de recours de la Cour de
justice genevoise, statuant à la suite de l'arrêt de renvoi du 27 avril 2018, a
partiellement admis le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du 7
avril 2014 et a réformé celle-ci en ce sens que l'indemnité accordée au
prénommé est augmentée de 647 fr. 25, TVA comprise, la somme totale, de 1'875
fr. 20, correspondant à 1 heure d'activité au tarif de chef d'étude, soit 200
fr. de l'heure, à 11 heures 30 au taux horaire de l'avocat stagiaire de 110
fr., plus une indemnité forfaitaire de 20% pour les courriers et téléphones et
la TVA par 8%.

C. 

A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 12 février 2019, en concluant à son annulation et au renvoi de la
cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision, le tarif horaire de
l'avocat stagiaire devant être fixé à 180 fr. et l'indemnité allouée pour la
procédure de première instance s'élevant à 3'641 fr. 75.

Considérant en droit :

1. 

Le recours en matière pénale est une voie de réforme (art. 107 al. 2 LTF). Le
recourant ne peut se borner à demander l'annulation de la décision et le renvoi
de la cause à l'autorité cantonale, mais doit également, sous peine
d'irrecevabilité, prendre des conclusions sur le fond du litige. Il n'est fait
exception à ce principe que lorsque le Tribunal fédéral, s'il admettait le
recours, ne serait pas en mesure de statuer lui-même sur le fond et ne pourrait
que renvoyer la cause à l'autorité cantonale (ATF 137 II 313 consid. 1.3 p.
317; 134 III 379 consid. 1.3 p. 383; arrêt 6B_111/2015 du 3 mars 2016 consid.
1.7 non publié aux ATF 142 IV 196). Lorsque le litige ou l'un des aspects de
celui-ci porte sur le paiement d'une somme d'argent, les conclusions doivent
également être chiffrées (ATF 134 III 235 consid. 2 p. 236 s.). Des conclusions
non chiffrées suffisent exceptionnellement lorsque la somme à allouer est
d'emblée reconnaissable au regard de la motivation du recours ou de la décision
attaquée, voire du rapprochement des deux actes (ATF 134 III 235 consid. 2 p.
236 s. et les références citées).

En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions sur le fond, mais a
uniquement sollicité l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à
l'autorité précédente pour nouvelle décision, le tarif de l'avocat stagiaire
devant être fixé à 180 fr. de l'heure, ce qui devrait porter l'indemnité de
première instance à 3'641 fr. 75.

Une telle manière de faire est admissible s'agissant du grief de violation du
droit d'être entendu, respectivement de déni de justice (cf. arrêt 6B_111/2015
précité consid. 1.7 non publié aux ATF 142 IV 196). En revanche, elle n'est en
principe pas suffisante s'agissant des griefs portant sur la fixation du
montant de l'indemnité qui lui a été allouée pour la procédure de première
instance. Le recourant conclut certes à l'allocation d'une somme de 3'641 fr.
75, sans expliquer, dans son recours, à quoi correspond ce montant. La lecture
du courrier adressé par celui-ci à l'autorité précédente le 19 novembre 2018
(cf. dossier cantonal) permet de comprendre qu'une telle somme comprend
notamment 14 heures 30 d'activité d'avocat stagiaire au tarif horaire de 180
francs. Or, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal fédéral ayant
donné lieu à l'arrêt de renvoi du 27 avril 2018, le recourant ne contestait pas
le nombre d'heures retenues à ce titre par la cour cantonale, soit 11 heures 30
(cf. arrêt 6B_643/2017 précité consid. 1.2), de sorte que la conclusion est
irrecevable dans cette mesure, la décision de renvoi du 27 avril 2018 ayant -
sur ce point - fixé le cadre du nouvel état de fait et de la nouvelle
motivation juridique pour la cour cantonale (cf. ATF 135 III 334 consid. 2 p.
335). En définitive, le recours peut également être considéré comme recevable
dans la mesure où le recourant conclut à la fixation d'un tarif horaire de 180
fr. pour l'avocat stagiaire dans le calcul de l'indemnité de première instance
comprenant 1 heure d'activité d'avocat chef d'étude et 11 heures 30 d'activité
d'avocat stagiaire, indemnité forfaitaire de 20% pour les courriers et
téléphones et TVA par 8% en sus.

2. 

L'indemnité litigieuse a été fixée par une autorité de première instance dont
la décision a ensuite fait l'objet d'un recours au plan cantonal. On ne se
trouve donc pas dans l'hypothèse visée par l'art. 135 al. 3 let. b CPP, qui
prévoit un recours devant le Tribunal pénal fédéral lorsque l'indemnité pour la
défense d'office est fixée par l'autorité de recours. Le recours en matière
pénale est ouvert (ATF 140 IV 213 consid. 1.7 p. 216).

3. 

Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être
entendu et d'avoir commis un déni de justice formel. Il se plaint également
d'une violation des art. 107 et 112 LTF.

Selon lui, la cour cantonale aurait ignoré les injonctions comprises dans
l'arrêt de renvoi du 27 avril 2018, n'aurait pas procédé au calcul préconisé
par le Tribunal fédéral ni répondu à ses griefs.

3.1. Aux termes de l'art. 107 al. 2 1ère phrase LTF, si le Tribunal fédéral
admet le recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à
l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Conformément
au principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi - qui découle du droit fédéral
non écrit - l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par le
Tribunal fédéral est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants
de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral (ATF 143 IV 214 consid. 5.2.1 p. 220 et
5.3.3 p. 222; 135 III 334 consid. 2.1 p. 335).

3.2. Il ressort de l'arrêt attaqué qu'ensuite de l'arrêt de renvoi du 27 avril
2018, la cour cantonale a laissé au recourant la possibilité d'"actualiser" ses
conclusions en raison de l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2018, de la
modification de l'art. 16 al. 1 let. a du règlement genevois du 28 juillet 2010
sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et
défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ/GE; RS/GE
E 2 05.04), aux termes duquel le tarif horaire applicable à l'activité de
l'avocat stagiaire s'élève à 110 fr., au lieu de 65 fr. auparavant. Le
recourant a répondu qu'il persistait dans ses conclusions, selon lesquelles le
tarif horaire concernant l'avocat stagiaire devait être fixé à 180 francs.

La cour cantonale a indiqué qu'il convenait d'appliquer l'art. 16 al. 1 let. a
RAJ/GE dans sa teneur au 1er octobre 2018 concernant l'indemnité litigieuse,
"dans la mesure où le recourant ne remet[tait] pas en cause l'application de ce
nouveau tarif". Elle a ainsi, sans autres développements, fixé ladite indemnité
en appliquant un tarif horaire de 110 fr. aux heures d'activité effectuées par
l'avocat stagiaire du recourant.

3.3. Dans son arrêt de renvoi du 27 avril 2018, le Tribunal fédéral avait
rappelé que les tribunaux cantonaux ont l'obligation, sur demande du recourant,
de contrôler à titre préjudiciel la compatibilité du droit cantonal applicable
avec la Constitution fédérale. En l'occurrence, la constitutionnalité de l'art.
16 al. 1 let. a RAJ/GE, qui, dans sa teneur antérieure au 1er octobre 2018,
prévoyait un tarif horaire de 65 fr. pour l'activité accomplie par un avocat
stagiaire, était contestée par le recourant. Le Tribunal fédéral a estimé qu'il
ne pouvait se fonder sur le calcul du coût horaire de l'activité d'un avocat
stagiaire effectué par la cour cantonale - eu égard au nombre d'heures
facturées quotidiennement par un avocat stagiaire excessif qui avait été retenu
- ni, partant, vérifier la conformité de l'art. 16 al. 1 let. a RAJ/GE avec les
exigences déduites de la Constitution fédérale.

Le fait que, dès le 1er octobre 2018, l'art. 16 al. 1 let. a RAJ/GE eût porté
le tarif horaire applicable à l'activité de l'avocat stagiaire à 110 fr. ne
permet en rien de conclure, sans autre examen, à la constitutionnalité de la
rémunération litigieuse. Par ailleurs, si, comme l'a relevé la cour cantonale,
le recourant n'a pas contesté que le nouveau tarif fût applicable aux
indemnités dont la taxation n'était pas définitive lors de son entrée en
vigueur, on ne pouvait en conclure, comme l'a fait l'autorité précédente, que
l'intéressé aurait sans autre renoncé à ses conclusions formulées devant le
Tribunal fédéral dans le cadre du recours ayant donné lieu à l'arrêt de renvoi
du 27 avril 2018, aux termes desquelles le tarif horaire litigieux devait être
fixé à 180 fr., à peine de violer diverses exigences déduites de la
Constitution fédérale.

En définitive, la cour cantonale ne pouvait nullement tirer argument de la
modification du tarif horaire litigieux pour renoncer à calculer quel était le
coût horaire de l'activité d'un avocat stagiaire, comme le lui avait demandé le
Tribunal fédéral, ce qui devait permettre d'examiner si ledit tarif, que
celui-ci s'élevât à 65 fr. ou 110 fr., permettait de couvrir les charges
correspondantes. Force est de constater qu'en l'occurrence le Tribunal fédéral
ne peut toujours pas statuer sur les griefs soulevés par le recourant à cet
égard, l'autorité précédente ne s'étant pas pliée aux injonctions comprises
dans l'arrêt de renvoi du 27 avril 2018. Le recours doit, en conséquence, être
admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour
qu'elle procède à de nouveaux calculs et vérifie si et dans quelle mesure le
tarif horaire découlant de l'art. 16 al. 1 let. a RAJ/GE, dans sa teneur au 1er
octobre 2018, permet de couvrir les charges relatives à l'activité déployée par
l'avocat stagiaire et de dégager un éventuel bénéfice.

Le Tribunal fédéral peut ainsi, en l'état, se dispenser d'examiner les
critiques du recourant concernant le tarif horaire litigieux. Il convient
cependant de relever que plusieurs arguments présentés par le recourant sur ce
point - qui figuraient dans son recours en matière pénale formé contre l'arrêt
du 25 avril 2017 - ont déjà été écartés par le Tribunal fédéral dans son arrêt
du 27 avril 2018. La cour cantonale n'aura, partant, pas à examiner à nouveau
ces griefs.

4. 

Le recours doit être admis dans la mesure où il est recevable (cf. consid. 1
supra). Le recourant, qui n'obtient que partiellement gain de cause, supportera
une partie des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à des
dépens réduits, à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF), lequel n'a
pas à supporter de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le
recours est irrecevable.

2. 

Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'000 fr., est mise à la charge du
recourant.

3. 

Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 19 mars 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa