Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.220/2019
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2019
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2019


 

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_220/2019

Arrêt du 12 avril 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,

Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

X.________,

représenté par Me Alexandre Reil, avocat,

recourant,

contre

1. Ministère public central du canton de Vaud,

2. A.________,

intimés.

Objet

Renonciation au dépôt de plainte; arbitraire; lésions corporelles simples,

recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 8 novembre 2018 (n° 371 PE14.023884/MTK/Jgt/lpv).

Faits :

A. 

Par jugement du 4 juillet 2018, le Tribunal de police de l'arrondissement de
Lausanne a condamné X.________, pour lésions corporelles simples, à une peine
pécuniaire de 90 jours-amende à 40 fr. le jour, avec sursis durant trois ans.

B. 

Par jugement du 8 novembre 2018, rectifié par prononcé du 24 janvier 2019, la
Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a très partiellement
admis l'appel formé par le prénommé contre ce jugement et a réformé celui-ci
concernant la répartition des frais judiciaires. Elle a confirmé le jugement
pour le surplus.

La cour cantonale a retenu les faits suivants.

A B.________, durant la nuit du 15 au 16 novembre 2014, en rentrant d'un
établissement dans lequel ils avaient consommé de l'alcool, X.________ et son
amie A.________ se sont disputés. Durant l'altercation, les deux prénommés se
sont empoignés et X.________ a asséné un coup au visage de son amie, la faisant
saigner du nez.

Par la suite, A.________ a chuté et est restée étendue au sol. X.________ a
néanmoins quitté les lieux. Interpellé peu après, ce dernier présentait une
alcoolémie de 1,23 o/oo. A.________ a quant à elle été découverte consciente,
étendue au sol, avec du sang sur le visage et une fracture à la jambe gauche.
Elle présentait une alcoolémie de 2,76o/oo. Selon un constat médical établi le
24 novembre 2014 par des médecins du CHUV, A.________ présentait, au niveau de
la tête, deux érosions muqueuses blanchâtres à la face postérieure de
l'hémilèvre inférieure gauche.

C. 

X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le
jugement du 8 novembre 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens,
principalement à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté et qu'une indemnité
de 13'706 fr. 30 lui est allouée à titre de l'art. 429 CPP. Subsidiairement, il
conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour
nouvelle décision. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance
judiciaire.

Considérant en droit :

1. 

Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir établi les faits de manière
arbitraire et violé l'art. 30 CP en considérant que l'intimée n'avait pas
renoncé à déposer plainte pénale à son encontre.

1.1. Aux termes de l'art. 30 al. 5 CP, si l'ayant droit a expressément renoncé
à porter plainte, sa renonciation est définitive. Seule est valable la
renonciation claire et inconditionnelle à déposer plainte (ATF 79 IV 97 consid.
2 p. 100; 75 IV 15 consid. 4 p. 20; 74 IV 81 consid. 5 p. 87). Il existe une
condition lorsque la renonciation est subordonnée à l'arrivée d'un événement
incertain (cf. art. 151 al. 1 CO; arrêt 6S.439/2003 du 11 août 2004 consid. 4).

1.2. La cour cantonale a exposé que, lors de l'audition tenue le 5 décembre
2014 par le ministère public, l'intimée avait déclaré ce qui suit :

"Je confirme ne pas vouloir déposer plainte. La mère [du recourant] m'a appelée
et s'est excusée pour le comportement de son fils. Je lui ai dit que je ne
souhaitais pas déposer plainte s'il s'engageait à ne pas m'approcher et à me
laisser tranquille. J'ai peur de lui. J'ai expliqué à sa mère que s'il
recommençait, je déposerais plainte et j'irais beaucoup plus haut que ce qu'il
m'a fait. Cela signifie que je le dénoncerais au tribunal. J'agirai ainsi s'il
me touche ou s'il me menace."

Ainsi, l'autorité précédente a considéré que si l'intimée avait tout d'abord
indiqué qu'elle renonçait à déposer plainte, elle avait immédiatement précisé
ses propos en déclarant qu'elle ne porterait pas plainte pour autant que le
recourant ne l'approche plus et la laisse tranquille. Il s'agissait en
l'occurrence d'une renonciation conditionnelle à déposer plainte, dépourvue de
validité. Le 11 décembre 2014, l'intimée avait déposé plainte pénale contre le
recourant.

1.3. Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du
contenu de la pensée, à savoir de faits "internes", qui en tant que tels, lient
le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été retenus de
manière arbitraire (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375).

En l'occurrence, le recourant ne démontre pas en quoi il aurait été
insoutenable, de la part de la cour cantonale, de retenir que l'intimée avait
entendu subordonner la renonciation à déposer plainte à l'attitude qu'il
adopterait, à l'avenir, à son égard. Il tente, de manière purement appellatoire
et, partant, irrecevable, de substituer sa propre interprétation des propos de
l'intimée à celle de l'autorité précédente. Au demeurant, le seul fait que les
propos de l'intimée sur ce point eussent pu être ambigus suffirait à exclure
une renonciation valable.

Dès lors que l'intimée n'a renoncé à déposer plainte contre le recourant que de
manière conditionnelle, ladite renonciation n'était pas définitive ni valable
(cf. consid. 1.1 supra). Elle a ainsi valablement pu déposer plainte pénale
contre le recourant le 11 décembre 2014. Le grief doit être rejeté dans la
mesure où il est recevable.

2. 

Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié les preuves et
établi les faits de manière arbitraire. Il se plaint en outre, à cet égard,
d'une violation du principe "in dubio pro reo".

2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les
faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de
fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient
été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens
des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire
au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle
apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement
insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son
résultat (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). Le Tribunal fédéral n'entre pas
en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 142 III 364 consid.
2.4 p. 368 et les références citées). La présomption d'innocence, garantie par
les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi
que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau
de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345
consid. 2.2.3.1 p. 348 s.; 127 I 38 consid. 2a p. 40 s.). En tant que règle sur
le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de
la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu.
Comme règle d'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la
règle sous cet angle, cf. ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 p. 351 s.), la
présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu
de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif,
il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il
subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours
possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de
doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à
l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des
preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe
"in dubio pro reo", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de
l'arbitraire (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 p. 351 s.; 143 IV 500 consid. 1.1
p. 503; 138 V 74 consid. 7 p. 82).

2.2. La cour cantonale a exposé que la version des événements présentée par le
recourant n'était pas convaincante. S'il avait relevé des contradictions dans
les déclarations de l'intimée, il avait lui aussi varié dans ses propos. Les
fluctuations dans les explications de l'intimée pouvaient s'expliquer par son
état d'alcoolisation, dont découlait nécessairement une difficulté à se
souvenir précisément des événements. En outre, des témoins avaient confirmé que
les disputes entre l'intimée et le recourant étaient fréquentes et que ce
dernier pouvait alors s'emporter. Enfin, le fait que le recourant eût laissé
l'intimée seule alors qu'elle s'était blessée, prétendument pour aller
s'acheter des cigarettes, démontrait le peu d'importance qu'il accordait à
l'intégrité physique de son amie.

2.3. Le recourant développe une argumentation purement appellatoire et,
partant, irrecevable, par laquelle il rediscute intégralement l'appréciation
des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité précédente, sans démontrer en
quoi celle-ci serait arbitraire. Il en va ainsi lorsqu'il tente de dénier toute
crédibilité aux déclarations de l'intimée car celle-ci était fortement
alcoolisée au moment de l'altercation - aspect dont on ne voit pas, au
demeurant, en quoi il devrait conduire à retenir que l'intéressée aurait menti
concernant l'agression -, ou de relativiser la portée des témoignages relatifs
aux disputes du couple, la cour cantonale ayant uniquement, à cet égard, retenu
que le recourant pouvait s'emporter en ces occasions. On ne voit pas pourquoi
il aurait été insoutenable, pour la cour cantonale, de retenir la version des
événements présentée par l'intimée, au détriment de celle du recourant selon
laquelle il aurait involontairement heurté le nez de son amie lors de la
dispute. Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.

3. 

Le recourant fait grief à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 123 ch. 1
CP.

3.1. Aux termes de l'art. 123 ch. 1 al. 1 CP, celui qui, intentionnellement,
aura fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à
la santé sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans
au plus ou d'une peine pécuniaire. Pour justifier la qualification de lésions
corporelles, l'atteinte doit revêtir une certaine importance. Afin de
déterminer ce qu'il en est, il y a lieu de tenir compte, d'une part, du genre
et de l'intensité de l'atteinte et, d'autre part, de son impact sur le
psychisme de la victime. Une atteinte de nature et d'intensité bénignes et qui
n'engendre qu'un trouble passager et léger du sentiment de bien-être ne suffit
pas (ATF 134 IV 189 consid. 1.4 p. 192; arrêt 6B_1204/2017 du 17 mai 2018
consid. 3.1). Dans une affaire traitant d'un coup de poing au visage impliquant
notamment un hématome sous-orbitaire avec palpation douloureuse de l'os malaire
chez la victime, le Tribunal fédéral a retenu qu'un hématome, résultant de la
rupture de vaisseaux sanguins, qui laisse normalement des traces pendant
plusieurs jours, devait être qualifié de lésion corporelle (ATF 119 IV 25
consid. 2a p. 25 ss).

Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des
atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne
causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut
exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 consid.
1.2 p. 191; arrêt 6B_1339/2018 du 21 février 2019 consid. 2.2).

La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer
délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des
écorchures, des griffures ou des contusions. Dans les cas limites, il faut
tenir compte de l'importance de la douleur provoquée (ATF 134 IV 189 consid.
1.3 p. 192; sur cette distinction, cf. ATF 119 IV 25 consid 2a p. 26 s.). Comme
les notions de voies de fait et d'atteinte à l'intégrité corporelle, qui sont
déterminantes pour l'application des art. 123 et 126 CP, sont des notions
juridiques indéterminées, la jurisprudence reconnaît, dans les cas limites, une
certaine marge d'appréciation au juge du fait car l'établissement des faits et
l'interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés.
Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral s'impose une certaine réserve dans
la critique de l'interprétation faite par l'autorité cantonale, dont il ne
s'écarte que si cela s'avère nécessaire (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 192; 119
IV 25 consid. 2a p. 27 et les références citées).

3.2. La cour cantonale a considéré que, selon le rapport médical du 24 novembre
2014 - établi à la suite d'un examen effectué le même jour -, une lésion de
l'hémilèvre inférieure gauche avait été constatée sur l'intimée. Cette lésion -
encore visible plus d'une semaine après l'altercation - avait été causée par le
coup porté à cette dernière par le recourant.

3.3. L'argumentation du recourant tombe à faux. Contrairement à ce qu'il
affirme, la cour cantonale n'a pas fondé sa condamnation pour lésions
corporelles simples sur le saignement du nez présenté par l'intimée au moment
de l'altercation, mais en considérant la lésion de l'hémilèvre, visible plus
d'une semaine après l'échauffourée. Ce faisant, l'autorité précédente n'a
aucunement excédé la marge d'appréciation dont elle bénéficiait à cet égard
(cf. consid. 3.2 supra). La cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
condamnant le recourant pour lésions corporelles simples. Le grief doit être
rejeté.

4. 

Le recourant soutient qu'il aurait dû être mis au bénéfice de l'art. 15 CP.

Son argumentation s'écarte, sur ce point, de manière inadmissible de l'état de
fait de la cour cantonale, par lequel le Tribunal fédéral est lié (cf. art. 105
al. 1 LTF) et dont il n'a pas démontré l'arbitraire (cf. consid. 2 supra),
ainsi lorsque le recourant affirme, de manière purement appellatoire, qu'il se
serait senti "menacé" et aurait voulu "se protéger de [l'intimée] lorsqu'elle
s'est précipitée sur lui". Pour le reste, le recourant ne présente aucun grief
recevable à cet égard.

5. 

Le recourant réclame une indemnité à titre de l'art. 429 CPP en cas
d'acquittement, ce qu'il n'obtient pas. Son argumentation sur ce point est donc
sans objet.

6. 

Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était
dépourvu de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être
rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais
judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera fixé en tenant compte de
sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable. L'intimée, qui n'a
pas été invitée à se déterminer, ne saurait prétendre à des dépens.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 12 avril 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa