Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.207/2019
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2019
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2019


 

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_207/2019

Arrêt du 13 juin 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,

Oberholzer et Jametti.

Greffière : Mme Cherpillod.

Participants à la procédure

X.________,

recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève,

intimé.

Objet

Ordonnance pénale, retrait d'opposition

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 8 janvier 2019 (P/7531/2018 ACPR/16/
2019).

Faits :

A. 

Par ordonnance pénale du 12 juillet 2018, le Ministère public de la République
et canton de Genève a reconnu X.________ coupable de tentative de violence ou
menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 22 al. 1 et 285 ch. 1
al. 1 CP). Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 150 jours, sans
sursis.

B. 

Par ordonnance du 17 septembre 2018, le ministère public, invoquant l'art. 355
al. 2 CPP, a constaté le retrait de l'opposition formée par X.________ contre
l'ordonnance du 12 juillet 2018.

C. 

Par arrêt du 8 janvier 2019, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice
de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé contre
l'ordonnance du 17 septembre 2019 par X.________.

D. 

Ce dernier forme un recours auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il
conclut, avec suite de frais et dépens, à la révocation des décisions qui
précèdent et au classement de la procédure pénale. Il sollicite également le
bénéfice de l'assistance judiciaire.

Invités à se déterminer sur le recours, l'autorité précédente y a renoncé, le
ministère public a conclu à son rejet. Le recourant a déposé des observations.

Considérant en droit :

1. 

Dans la mesure où elles ne résultent pas de l'arrêt attaqué, les pièces
produites à l'appui du recours en matière pénale sont irrecevables (art. 99 al.
1 LTF).

2. 

Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, faute
d'avoir pu consulter son dossier malgré ses demandes répétées auprès du
ministère public.

Le recourant invoque avoir requis de consulter le dossier pénal dans son
opposition du 23 juillet 2018 et dans son courrier au ministère public du 10
septembre 2018. Le ministère public ne semble y avoir donné suite que le 29
janvier 2019, soit après l'ordonnance par laquelle il constatait le retrait de
l'opposition et après l'arrêt attaqué. Ce grief a été porté devant l'autorité
précédente qui ne l'a pas examiné, omission que le recourant critique dans son
recours en matière pénale. La question d'une violation du droit d'être entendu
du recourant s'agissant de la consultation de son dossier peut toutefois
demeurer indécise au vu de ce qui suit.

3. 

Le recourant conteste avoir fait défaut sans excuse valable à l'audience fixée
par le ministère public le 17 septembre 2018. Il reproche à l'autorité
précédente de n'avoir pas tenu compte du fait qu'il avait été soumis à un
placement à des fins d'assistance au moment de l'audience du 17 septembre 2018
et qu'il n'était dès lors pas dans des conditions lui permettant de se défendre
lors de celle-ci.

3.1. Aux termes de l'art. 355 CPP, en cas d'opposition, le ministère public
administre les autres preuves nécessaires au jugement de l'opposition (al. 1).
Si l'opposant, sans excuse, fait défaut à une audition malgré une citation, son
opposition est réputée retirée (al. 2). En vertu de l'art. 355 al. 3 CPP, après
l'administration des preuves, le ministère public décide de maintenir
l'ordonnance pénale (let. a), de classer la procédure (let. b), de rendre une
nouvelle ordonnance pénale (let. c) ou de porter l'accusation devant le
tribunal de première instance (let. d).

L'ordonnance pénale n'est compatible avec la garantie constitutionnelle de
l'accès au juge (art. 29a Cst.), respectivement avec le droit à ce qu'une cause
soit entendue par un tribunal jouissant d'un plein pouvoir d'examen (art. 6
par. 1 CEDH), que dans la mesure où il appartient en dernier lieu à la personne
concernée de l'accepter ou de faire usage, par le biais de l'opposition, de son
droit à un examen par un tribunal. Contrairement à ce que prévoit l'art. 205
CPP, le défaut au sens de l'art. 355 al. 2 CPP peut conduire à la perte totale
de la protection légale, alors même que la personne concernée a expressément
formé opposition, revendiquant ainsi précisément cette protection légale devant
les autorités compétentes (ATF 142 IV 158 consid. 3.2 p. 160 s.; 140 IV 82 c.
2.4 p. 84 s.). Selon une interprétation conforme à la Constitution et compte
tenu de l'importance fondamentale que revêt le droit d'opposition, la fiction
légale du retrait prévue par l'art. 355 al. 2 CPP ne peut ainsi s'appliquer que
si l'on peut déduire de bonne foi (art. 3 al. 2 let. a CPP) du comportement
général de la personne concernée et de son désintérêt pour la suite de la
procédure pénale qu'elle a renoncé en connaissance de cause à la protection
dont elle jouit en vertu de la loi (ATF 142 IV 158 consid. 3.1 p. 159 s. et
consid. 3.3 p. 161; 140 IV 82 consid. 2.5 p. 85 s.).

La jurisprudence a toutefois précisé que l'art. 355 al. 2 CPP ne saurait être
interprété de sorte à permettre au condamné de choisir la manière dont sa cause
sera traitée. Ce dernier ne peut ainsi faire fi de l'organisation voulue par le
législateur, en particulier des compétences accordées au ministère public à la
suite d'une opposition (art. 355 CPP), avant toute saisie éventuelle du
tribunal de première instance (art. 356 CPP). En d'autres termes, le condamné
ne peut choisir, sans disposer de motifs l'en empêchant, de ne pas se présenter
à une audience fixée par le ministère public dans le cadre des compétences que
l'art. 355 al. 1 CPP lui accorde (arrêt 6B_1244/2017 du 29 mai 2018 consid.
2.3).

3.2. En l'espèce, le recourant ne s'est pas présenté à l'audience du 17
septembre 2018 du ministère public, alors que sa présence avait été requise par
le biais d'un mandat de comparution (art. 205 CPP), ce qui n'est pas contesté.
Il y a donc bien eu défaut.

L'autorité précédente a constaté que le recourant avait reçu la convocation à
l'audience du 17 septembre 2018 mais avait manifesté son refus d'y donner suite
par courrier du 10 septembre 2018. Le ministère public lui avait toutefois
répondu aussitôt qu'il ne pouvait pas s'abstenir de se présenter, lui rappelant
les conséquences d'un défaut. L'autorité précédente retient ensuite que
lorsqu'il s'est agi de convoyer le recourant de l'établissement pénitentiaire
de Curabilis vers le ministère public, les gardiens ont rappelé au recourant
lesdites conséquences mais que le recourant a persisté à ne pas vouloir
comparaître. Il n'existait aucun motif d'excuse valable. Partant, l'absence du
recourant à l'audience du 17 septembre 2018 ne pouvait être considérée comme
valablement excusée et c'était à bon droit qu'il avait été fait application de
l'art. 355 al. 2 CPP.

3.3. Il ressort de l'arrêt attaqué qu'au moment des ordonnances litigieuses le
recourant séjournait à Curabilis. Le 10 septembre 2018, il avait indiqué au
ministère public ne pouvoir se présenter invoquant notamment des anomalies
affectant l'ordonnance pénale du 12 juillet 2018.

Par pli du 12 septembre 2018, le ministère public avait indiqué au recourant
que cette ordonnance était parfaitement valable, que sa présence à l'audience
du 17 septembre 2018 était obligatoire et qu'en cas d'absence, l'opposition
faite à l'ordonnance pénale du 12 juillet 2018 serait considérée comme retirée.
Contrairement à ce que soutient le ministère public dans ses déterminations,
l'arrêt attaqué ne constate pas que cet envoi, par pli simple, serait parvenu
au recourant avant l'audience précitée. Cette décision ne comprend de plus
aucun constat s'agissant de l'état du recourant le jour de l'audience du 17
septembre 2018, alors même que celui-ci séjournait à Curabilis. On ignore en
outre les raisons invoquées par lui pour refuser d'être convoyé à dite
audience. Or sans connaître ces éléments, il n'est pas possible de vérifier si
le recourant pouvait être considéré comme ayant fait défaut sans excuse valable
au sens de l'art. 355 al. 2 CPP, respectivement comme ayant renoncé en
connaissance de cause à la protection dont il jouit en vertu de la loi. Cela
suffit pour admettre le recours.

3.4. A noter au demeurant que le recourant invoque dans son recours en matière
pénale qu'il avait été mis sous placement à des fins d'assistance au moment de
l'audience. Ce fait n'a pas été constaté par l'autorité précédente. Il ressort
néanmoins de l'arrêt 6B_371/2019 de la Cour de céans du 28 mars 2019 que, le 11
septembre 2018, le recourant a fait l'objet d'un placement à des fins
d'assistance en milieu psychiatrique en raison d'une décompensation psychotique
et d'un risque de passage à l'acte auto-hétéro-agressif. L'expertise réalisée
dans ce cadre relevait que l'hospitalisation était tout à fait indiquée, que le
patient refusait toute médication, que son état était loin d'être stabilisé,
que la poursuite de l'hospitalisation s'imposait dans le but de lui faire
accepter la prise d'un traitement neuroleptique, qu'à défaut de placement son
état psychique se serait dégradé et que cela aurait conduit à la répétition
d'actes hétéro-agressifs envers les gardiens et l'équipe soignante. Le
placement avait été interrompu le 18 septembre 2018 ensuite de l'amélioration
de l'état clinique (consid. 4.2.2). Ces éléments, en supposant qu'ils puissent
être pris en compte - ce qui n'y a pas lieu d'approfondir ici, le recours
devant de toute façon être admis (cf. supra consid. 3.3) -, excluraient
l'application de l'art. 355 al. 2 CPP.

4. 

Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis et l'arrêt attaqué
annulé. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision.

Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supportera pas de frais judiciaires
(art. 66 al. 1 LTF). Cela rend sans objet sa demande d'assistance judiciaire.
Le canton de Genève n'a pas non plus à en supporter (art. 66 al. 4 LTF). Il n'y
a pas lieu d'allouer des dépens au recourant qui a procédé seul (ATF 133 III
439 consid. 4 p. 446).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité précédente pour nouvelle décision.

2. 

Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens.

3. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 13 juin 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Cherpillod