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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.177/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_177/2019

Arrêt du 18 mars 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,

Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

A.________,

représenté par Maître Laurent Moreillon et Maître Miriam Mazou, avocats,

recourant,

contre

1. Ministère public de la République et canton de Genève,

2. X.________,

représenté par Me Saverio Lembo, avocat,

intimés.

Objet

Qualité de partie plaignante; extension de l'accusation,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 3 décembre 2018 (AARP/406/
2018 P/4010/2009).

Faits :

A. 

Par jugement du 11 décembre 2015, le Tribunal de police de la République et
canton de Genève a acquitté X.________ du chef de prévention de gestion
déloyale et a débouté A.________ de ses prétentions civiles, après lui avoir
dénié les qualités de lésé et de partie plaignante.

Par arrêt du 6 juillet 2017, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise a constaté que A.________ n'avait pas la qualité de
partie plaignante et a déclaré son appel formé contre le jugement du 11
décembre 2015 irrecevable.

Par arrêt du 3 avril 2018 (6B_857/2018), le Tribunal fédéral a partiellement
admis le recours formé par A.________ contre l'arrêt du 6 juillet 2017. Pour le
surplus, il a rejeté celui-ci dans la mesure de sa recevabilité. En substance,
le Tribunal fédéral a considéré que la Chambre pénale d'appel et de révision
n'avait pas violé le droit fédéral en déniant au prénommé les qualités de lésé
et de partie plaignante dans la procédure en lien avec l'infraction de gestion
déloyale. Il a en revanche estimé que la cour cantonale devait se prononcer sur
une éventuelle extension de l'accusation au chef de prévention d'escroquerie
et, cas échéant, juger X.________ pour une telle infraction, en restant libre
de se prononcer sur la qualité de lésé et de partie plaignante de A.________
sur ce point.

B. 

Par arrêt du 3 décembre 2018, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise, statuant à la suite de l'arrêt de renvoi du 3 avril
2018, a constaté qu'il n'y avait pas lieu d'étendre l'accusation contre
X.________ au chef de prévention d'escroquerie et a, pour le surplus, confirmé
son arrêt du 6 juillet 2017.

C. 

A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 3 décembre 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens,
principalement à sa réforme en ce sens que la qualité de lésé et de partie
plaignante lui est reconnue, que l'accusation contre X.________ est étendue au
chef de prévention d'escroquerie et que le ministère public est invité,
subsidiairement autorisé à modifier son acte d'accusation et à l'étendre à
l'infraction d'escroquerie. Subsidiairement, il conclut à sa réforme en ce sens
que :

- sa qualité de lésé et de partie plaignante doit être examinée au terme des
débats d'appel, subsidiairement au cours des débats d'appel, plus
subsidiairement à l'ouverture des débats d'appel;

- que ce n'est que lors des débats d'appel, subsidiairement au cours des débats
d'appel, plus subsidiairement à l'ouverture des débats d'appel que la cour
cantonale décidera si elle entend s'écarter de l'appréciation juridique faite
par le ministère public dans l'acte d'accusation et s'il y a lieu de renvoyer
la cause devant le tribunal de première instance pour nouveau jugement,
celui-ci étant enjoint de renvoyer à son tour le dossier au ministère public
afin que ce dernier complète son acte d'accusation et renvoie X.________ pour
être jugé concernant les chefs de prévention de gestion déloyale et
d'escroquerie;

- subsidiairement en ce sens que la cour cantonale décidera si elle entend
s'écarter de l'appréciation juridique faite par le ministère public dans l'acte
d'accusation et s'il y a lieu de renvoyer le dossier directement au ministère
public afin qu'il complète son acte d'accusation et renvoie X.________ pour
être jugé concernant les chefs de prévention de gestion déloyale et
d'escroquerie;

- plus subsidiairement en ce sens que ce n'est qu'au terme des débats d'appel,
le cas échéant après avoir été saisie de l'acte d'accusation complémentaire,
respectivement du nouvel acte d'accusation dressé par le ministère public, que
la cour cantonale statuera sur la question de savoir si le prénommé s'est rendu
coupable d'escroquerie.

Plus subsidiairement, il conclut à son annulation et au renvoi de la cause à
l'autorité précédente pour nouvelle décision.

Considérant en droit :

1. 

Aux termes de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a
participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à
recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur
le jugement de ses prétentions civiles. Indépendamment de cette disposition, la
partie recourante peut se plaindre d'une violation de ses droits de partie à la
procédure, lorsque cette violation équivaut à un déni de justice formel (ATF
141 IV 1 consid. 1.1 p. 5; 136 IV 29 consid. 1.9 p. 40).

Tel est le cas en l'espèce, dès lors que le recourant reproche à la cour
cantonale de lui avoir dénié les qualités de lésé et de partie plaignante dans
la procédure. Le recourant a, dès lors, qualité pour former un recours en
matière pénale au Tribunal fédéral.

2. 

Le recourant fait grief à l'autorité précédente d'avoir violé les art. 403,
405, 406 CPP et 107 al. 2 LTF en mettant en oeuvre une procédure écrite à la
suite de l'arrêt de renvoi du 3 avril 2018.

La cour cantonale a indiqué, à cet égard, qu'il convenait d'examiner si le
recourant avait qualité pour former un appel contre le jugement du 11 décembre
2015 - s'agissant d'une éventuelle infraction d'escroquerie -, ce qui pouvait
être réalisé en procédure écrite puisqu'une décision d'irrecevabilité, au sens
de l'art. 403 CPP, pouvait - cas échéant - être rendue sans la mise en oeuvre
d'une procédure orale.

Dans son arrêt de renvoi du 3 avril 2018, le Tribunal fédéral a enjoint
l'autorité cantonale de se prononcer sur une éventuelle extension de
l'accusation au chef de prévention d'escroquerie et, cas échéant, de juger
l'intimé pour celle-ci, en précisant que ladite autorité pourrait se prononcer
sur la qualité de lésé et de partie plaignante du recourant s'agissant d'une
telle infraction - et donc sur la recevabilité de son appel à cet égard -, dès
lors que cette question n'avait pas été abordée dans l'arrêt du 6 juillet 2017.
Le Tribunal fédéral a motivé son arrêt en exposant en substance que la cour
cantonale ne pouvait, en tirant argument de l'absence de qualités de lésé et de
partie plaignante du recourant relativement à la prévention de gestion
déloyale, s'interdire d'examiner la question d'une extension de l'accusation à
l'infraction d'escroquerie.

Ainsi, contrairement à ce que semble penser le recourant, le Tribunal fédéral
n'a nullement enjoint l'autorité cantonale de tenir - de manière
inconditionnelle - des débats d'appel. De tels débats ne pouvaient être
envisagés que si, d'une part, une extension de l'accusation de l'intimé à
l'infraction d'escroquerie devait intervenir et si, d'autre part, le recourant
devait se voir reconnaître les qualités de lésé et de partie plaignante à cet
égard, sans quoi un appel de sa part devait être exclu au regard de l'art. 382
al. 1 CPP.

Dans la mesure où la cour cantonale a considéré qu'une extension de
l'accusation au chef de prévention d'escroquerie ne devait pas intervenir et
que l'intimé ne devait pas être jugé, en appel, pour une telle infraction, la
tenue d'une procédure orale, au sens de l'art. 405 CPP, était exclue. On ne
saurait en effet admettre qu'une partie prétendant revêtir les qualités de lésé
et de partie plaignante en relation avec une infraction qui n'a pas été jugée
en première instance puisse contraindre l'autorité d'appel à juger la cause au
fond sans pouvoir, préalablement, se prononcer sur la recevabilité de l'appel
au sens de l'art. 403 al. 1 let. a CPP. Cela vaut même si, en principe, l'art.
350 al. 1 CPP trouve application au terme des débats d'appel.

Au vu de ce qui précède, l'autorité précédente n'a pas violé le droit fédéral
en rendant la décision attaquée - laquelle ne constitue pas un jugement d'appel
- en procédure écrite. Le recourant ne prétend pas que l'occasion de se
prononcer, prévue par l'art. 403 al. 2 CPP, ne lui aurait pas été donnée. Il
convient ainsi d'examiner si la cour cantonale pouvait renoncer à une extension
de l'accusation et refuser, partant, d'entrer en matière sur l'appel du
recourant à cet égard.

3. 

Dans son arrêt de renvoi du 3 avril 2018, le Tribunal fédéral a indiqué qu'il
appartiendrait à l'autorité cantonale d'examiner si l'accusation devait être
renvoyée au ministère public pour complément ou correction sur la base de
l'art. 329 al. 2 2ème phrase CPP, si la possibilité devait être donnée au
ministère public de modifier l'acte d'accusation au sens de l'art. 333 al. 1
CPP, ou si l'état de fait de l'acte d'accusation permettait de retenir une
appréciation juridique différente de celle du ministère public, impliquant une
infraction d'escroquerie, comme le prévoyait l'art. 350 al. 1 CPP.

3.1. A certaines conditions, les art. 329 et 333 CPP dérogent à la maxime
accusatoire en permettant au tribunal saisi de donner au ministère public la
possibilité de modifier ou de compléter l'acte d'accusation (arrêt 6B_585/2018
du 3 août 2018 consid. 1.1 et les références citées).

3.2. L'art. 329 al. 1 CPP prévoit que la direction de la procédure examine si
l'acte d'accusation et le dossier sont établis régulièrement (let. a), si les
conditions à l'ouverture de l'action publique sont réalisées ( let. b) et s'il
existe des empêchements de procéder (let. c). S'il apparaît lors de cet examen
ou plus tard durant la procédure qu'un jugement au fond ne peut pas encore être
rendu, le tribunal suspend la procédure; au besoin, il renvoie l'accusation au
ministère public pour qu'il la complète ou la corrige (art. 329 al. 2 CPP).

En l'occurrence, la cour cantonale a eu à connaître, au stade de l'appel, une
procédure dans le cadre de laquelle l'intimé avait été renvoyé en jugement pour
gestion déloyale, selon l'acte d'accusation du 25 septembre 2015. Partant, il
lui appartenait notamment, en application de l'art. 329 al. 1 let. a CPP,
d'examiner si l'acte d'accusation et le dossier étaient établis régulièrement
s'agissant de l'infraction de gestion déloyale faisant l'objet de l'accusation.
Indépendamment de la question de la qualité pour former appel du recourant
concernant ce volet de l'affaire - qui a conduit à bon droit la cour cantonale
à refuser d'entrer en matière sur l'appel dans cette mesure (cf. arrêt 6B_857/
2017 précité consid. 2) -, l'autorité précédente a examiné l'acte d'accusation
et considéré que rien ne justifiait de renvoyer l'accusation au ministère
public pour complément ou correction au sens de l'art. 329 al. 2 CPP.

Contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale n'a nullement
violé l'art. 329 al. 2 CPP en ne renvoyant pas l'accusation au ministère public
- quand bien même ce dernier l'aurait demandé -, dès lors que cette disposition
ne fonde aucune prétention, de la part du ministère public, à se voir retourner
l'accusation. L'art. 329 CPP doit en effet permettre d'éviter qu'une accusation
clairement insuffisante ne conduise à des débats inutiles (cf. arrêt 1B_302/
2011 du 26 juillet 2011 consid. 2.2.2 et les références citées), mais ne vise
pas à laisser au ministère public le loisir de modifier son accusation parce
qu'il estimerait que celle-ci aurait, à la réflexion, pu être différente.

3.3. Aux termes de l'art. 333 al. 1 CPP, le tribunal donne au ministère public
la possibilité de modifier l'accusation lorsqu'il estime que les faits exposés
dans l'acte d'accusation pourraient réunir les éléments constitutifs d'une
autre infraction, mais que l'acte d'accusation ne répond pas aux exigences
légales. L'art. 333 al. 1 CPP vise les situations dans lesquelles un acte
d'accusation expose un état de fait qui ne se rapporte qu'à une seule
infraction en faisant abstraction des éléments qui permettraient de conclure
que le même état de fait est constitutif d'une autre infraction (cf. Message du
21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF
2006 1263 ad art. 334 al. 1; arrêts 6B_688/2017 du 1er février 2018 consid.
2.3; 6B_963/2015 du 19 mai 2016 consid. 1.5). Cette disposition ne peut
contraindre le tribunal à donner au ministère public l'occasion de modifier ou
d'étendre l'accusation (arrêts 6B_318/2016 du 13 octobre 2016 consid. 2.7;
6B_963/2015 précité consid. 1.5).

En l'espèce, la cour cantonale a estimé que l'acte d'accusation du 25 septembre
2015 ne décrivait pas les éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie,
si bien qu'elle n'envisageait pas d'apprécier l'état de fait décrit dans ledit
acte différemment du ministère public, comme le lui auraient permis les art.
344 et 350 al. 1 CPP. Partant, la poursuite d'une infraction d'escroquerie
aurait nécessité une modification et un complément de l'accusation fondé sur
l'art. 333 al. 1 CPP. La cour cantonale a considéré qu'il n'y avait pas lieu de
faire application de cette norme, car, selon elle, les faits exposés dans
l'acte d'accusation ne pourraient réunir les éléments constitutifs d'une
infraction d'escroquerie.

Le recourant ne pouvait, quant à lui, aucunement contraindre l'autorité
précédente à faire application de l'art. 333 al. 1 CPP, en tentant, comme il le
fait devant le Tribunal fédéral, de rediscuter les divers éléments figurant au
dossier afin d'obtenir une nouvelle accusation, fondée sur un état de fait
différent. On relèvera que le recourant, qui avait déposé plainte pénale pour
escroquerie en 2009, aurait pu contester le refus d'entrer en matière,
respectivement le classement - éventuellement implicite - prononcé par le
ministère public s'agissant de cette infraction.

3.4. Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que la cour cantonale a
respecté les injonctions ressortant de l'arrêt de renvoi du 3 avril 2018, en
examinant, comme l'avait requis le recourant dans son appel formé contre le
jugement du 11 décembre 2015, s'il convenait de faire application de l'art. 329
al. 2 CPP, de l'art. 333 al. 1 CPP ou de l'art. 350 al. 1 CPP. Dès lors que
l'autorité précédente a estimé qu'il ne convenait pas d'étendre l'accusation de
l'intimé à l'escroquerie et a considéré qu'elle ne pourrait, en se fondant sur
l'acte d'accusation du 25 septembre 2015, retenir qu'une telle infraction
aurait été commise, celle-ci pouvait, sans violer le droit fédéral, constater
que le recourant - qui ne disposait pas des qualités de lésé et de partie
plaignante s'agissant de l'infraction de gestion déloyale - ne pouvait faire
appel du jugement du 11 décembre 2015 en se prévalant d'éventuelles qualités de
lésé et de partie plaignante découlant d'une infraction pour laquelle l'intimé
n'était pas prévenu.

4. 

Le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supporte les frais
judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé, qui n'a pas été invité à se
déterminer, ne saurait prétendre à des dépens.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 18 mars 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa