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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.168/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_168/2019

Arrêt du 18 avril 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,

Oberholzer et Jametti.

Greffière : Mme Paquier-Boinay.

Participants à la procédure

X.________,

représenté par Me Pierre Mauron, avocat,

recourant,

contre

1. Ministère public de la République et canton de Neuchâtel,

2. A.________ SA,

représentée par Me Pierre Heinis, avocat,

intimés.

Objet

Gestion déloyale; arbitraire,

recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de
Neuchâtel du 29 novembre 2018 (CPEN.2018.10/ca).

Faits :

A. 

Par jugement du 19 décembre 2016, le Tribunal de police des Montagnes et du
Val-de-Ruz a reconnu X.________ coupable d'infraction à l'art. 158 CP et l'a
condamné à une peine de privative de liberté de 7 mois avec sursis pendant 4
ans, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 1er octobre 2009
par le Tribunal correctionnel du district de la Chaux-de-Fonds. Il a renoncé à
révoquer le sursis accordé le 1er octobre 2009 par ce dernier tribunal.

B. 

Statuant le 29 novembre 2018, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois
a partiellement admis l'appel formé par X.________ contre ce jugement.
Abandonnant l'accusation relative à une partie des faits reprochés à ce
dernier, elle a confirmé sa condamnation pour infraction à l'art. 158 CP et l'a
sanctionné d'une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 200 fr. le jour, avec
sursis pendant 4 ans.

Les faits à l'origine de cette condamnation sont en substance les suivants.

X.________ a détenu jusqu'au 2 mars 2007 l'intégralité du capital-actions de
A.________ SA. B.________ SA, société mère du groupe C.________, a acquis à
cette date une participation majoritaire dans A.________ SA. X.________,
jusqu'alors administrateur unique, est devenu administrateur délégué avec
signature collective à deux. Il devait continuer à assumer la gestion
opérationnelle de la société. X.________ a été licencié avec effet immédiat,
pour faute grave, le 9 juin 2011.

Le 2 mai 2013, A.________ SA a déposé plainte pénale contre X.________ en
exposant qu'elle avait constaté, en reprenant la gestion à la suite du
licenciement, que des frais de représentation excessifs avaient été remboursés
à X.________ pour la période du 1er janvier 2009 au 1er juin 2011. Elle lui
reprochait en outre d'avoir engagé, à partir du 1er juin 2010, pour le compte
et aux frais de la société une employée, D.________, qui avait en réalité
travaillé dans le commerce de sa compagne; elle a été licenciée le 30 mai 2011
par A.________ SA, sous la signature de X.________.

C. 

X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut,
avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement attaqué en ce sens
qu'il est acquitté du chef de prévention de gestion déloyale.

Considérant en droit :

1. 

L'art. 158 CP sanctionne celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou
d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de
veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté
atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). La
réalisation de cette infraction suppose la réunion de quatre éléments
constitutifs. Il faut que l'auteur ait eu une position de gérant, qu'il ait
violé une obligation lui incombant en cette qualité, qu'il en soit résulté un
dommage et qu'il ait agi intentionnellement (cf. ATF 120 IV 190 consid. 2b p.
192).

2. 

Le recourant soutien en premier lieu que c'est de manière arbitraire et en
violation du principe " in dubio pro reo " que la cour cantonale a considéré
qu'il occupait une fonction dirigeante.

2.1. Selon la jurisprudence, revêt la qualité de gérant, celui à qui incombe,
de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe
patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui. La qualité de gérant
suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome
sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la
passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts
patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le
gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou
partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le
personnel d'une entreprise. Même s'il n'en est pas investi formellement celui
qui dispose de fait d'un tel pouvoir a la qualité de gérant (ATF 142 IV 346
consid. 3.2 p. 350 et les arrêts cités).

2.2. La cour cantonale a considéré que, pour la période concernée, à savoir du
1er janvier 2009 au 1er juin 2011, le recourant était inscrit au registre du
commerce en qualité d'administrateur délégué, fonction en qualité de laquelle
il a signé un certain nombre de contrats et qu'il exerçait effectivement, tout
comme celle de directeur. Il continuait par ailleurs de percevoir un salaire
très important et de bénéficier des avantages inhérents à sa fonction. Peu
importe dans ces circonstances que la maison mère ait délégué E.________ pour "
renforcer A.________ SA " et que le recourant ait reçu certaines instructions
et n'ait disposé que d'une signature collective à deux. Elle en conclut que
cette situation lui imposait d'orienter son comportement selon les intérêts de
la société.

2.3. Le recourant fait valoir qu'au moment des faits, il travaillait en
collaboration avec E.________, recevait des instructions et devait rendre des
comptes, chaque dépense nécessitant l'aval de ce dernier ou de F.________. Il
se prévaut par ailleurs d'un témoignage duquel il ressort que E.________ avait
déjà des responsabilités chez A.________ SA avant son licenciement.

2.4. Il ressort du jugement attaqué que le recourant, après avoir été
administrateur unique de A.________ SA, en est devenu administrateur délégué
avec signature collective à deux à partir de mars 2007, qualité qu'il a perdue,
selon un extrait du registre du commerce, en octobre 2011. Il a néanmoins
continué après mars 2007 à assumer la gestion opérationnelle de la société,
déclarant lui-même avoir été seul aux commandes de la société jusqu'en 2009,
date à laquelle E.________ est entré dans l'entreprise. Il a par ailleurs
précisé qu'à ce moment-là ni la description de ses tâches ni son salaire n'ont
été modifiés.

E.________ a dit avoir été nommé directeur général chez A.________ SA en mai
2011 et n'avoir eu jusqu'à ce moment-là aucune responsabilité au sein de
l'entreprise, s'y rendant une à deux fois par semaine et s'occupant uniquement
du contrôle de qualité des pièces livrées au groupe C.________. G.________,
ancien directeur financier de C.________, a pour sa part déclaré que E.________
avait été délégué par le groupe C.________ pour faire fonctionner A.________ SA
de manière plus efficace et qu'il avait déjà des responsabilités avant le
licenciement du recourant. F.________, l'un des administrateurs de A.________
SA depuis l'investissement de C.________ dans la société, a expliqué que
E.________ était chargé d'épauler la direction de A.________ SA. Il ressort en
outre d'un document intitulé " Gestion rigoureuse de M. E.________ " que dans
le cadre de la réorganisation de 2009, E.________ devenait directeur général
alors que le recourant restait directeur opérationnel. Le premier était chargé
de superviser A.________ SA et d'aider le second à réorganiser la société afin
de réduire ses coûts de production. Il y est précisé que E.________, qui
n'était pas basé à H.________, n'assumait pas la gestion quotidienne de
A.________ SA. En juin 2010, C.________ a adressé au recourant un courrier
l'informant que plus aucun achat ni commande ne pourrait être effectué chez
A.________ SA sans une contre-signature par la direction du siège. Il ressort
enfin du jugement attaqué que c'est le recourant qui a signé, en octobre 2010,
un contrat de travail entre A.________ SA et une employée de commerce, qui a
déclaré que le recourant avait été " son directeur " jusqu'à son départ. Une
autre collaboratrice a également dit avoir considéré le recourant comme son
supérieur.

Dans ces circonstances, force est de constater que même si le recourant ne
dirigeait plus A.________ SA de manière totalement autonome depuis
l'investissement fait par C.________ dans la société, il avait conservé une
certaine autonomie et assumait la gestion opérationnelle. Cette situation lui
conférait une indépendance et un pouvoir de disposition suffisants pour qu'on
puisse considérer qu'il avait au moment des faits litigieux la qualité de
gérant.

3. 

Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir considéré à tort comme établi
que D.________ n'avait pas travaillé à un taux de 60% mais à un taux nettement
inférieur. Il s'en prend ainsi aux constatations de fait de la cour cantonale.

3.1. Saisi d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral est lié par les
constatations de fait du jugement attaqué (art. 105 al. 1 LTF), à moins
qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement
inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de
façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 136 II 304 consid. 2.4 p.
313; sur la notion d'arbitraire cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205). Le grief
d'arbitraire doit être invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2
LTF). Le recourant doit exposer, de manière détaillée et pièces à l'appui, que
les faits retenus l'ont été d'une manière absolument inadmissible, et non
seulement discutable ou critiquable. Il ne saurait se borner à plaider à
nouveau sa cause, contester les faits retenus ou rediscuter la manière dont ils
ont été établis comme s'il s'adressait à une juridiction d'appel (ATF 134 II
349 consid. 3 p. 352; 133 IV 286). Les critiques de nature appellatoire sont
irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368 et les références citées).

3.2. Le recourant soutient que pour admettre que D.________ n'avait pas
travaillé à un taux de 60% la cour cantonale a retenu à tort qu'elle avait
suivi une formation.

A la lecture du consid. 4 cb du jugement attaqué, on constate que le reproche
fait par la cour cantonale est précisément que l'intéressée n'a pas consacré à
son employeur le temps durant lequel il est indiqué dans les rapports
périodiques qu'elle aurait suivi une formation. Le grief n'est pas qu'elle
aurait suivi une formation plutôt que de travailler pour son employeur mais au
contraire qu'ait été indiqué sur le relevé de son activité des journées de
formation alors que tel n'était pas le cas et que le temps en question était en
réalité soustrait à son activité auprès de A.________ SA.

3.3. Par ailleurs, la cour cantonale a fondé sa conviction quant au temps de
travail effectué par D.________ en premier lieu sur les rapports de timbrage
sur lesquels figurent de très nombreuses absences pour cause de formation alors
qu'il est établi et admis qu'elle n'a suivi aucune formation. Elle a en outre
relevé que l'intéressée elle-même avait évolué dans ses affirmations et avait
évoqué un taux d'occupation chez A.________ SA de l'ordre de 30 à 40% avec des
variations, déclarant en fin de compte ne pas bien se rappeler quand elle
travaillait à l'usine. La cour cantonale a également mentionné d'autres
témoignages desquels ne ressort aucune indication précise quant au taux
d'occupation de D.________, si ce n'est qu'il n'était en tout cas pas de 60%
ainsi que le prévoyait le contrat de travail.

Le recourant cherche à remettre en question l'appréciation de la cour cantonale
au moyen d'une argumentation de nature appellatoire et, partant irrecevable. Il
rediscute l'appréciation des divers témoignages sans toutefois montrer que
celle de la cour cantonale serait insoutenable. Enfin, il soutient que la cour
cantonale ne pouvait pas exclure l'hypothèse d'une manipulation du système
informatique au seul motif qu'elle ne reposait sur aucun élément du dossier.
Sur ce point également il se contente d'opposer sa propre version des faits à
celle retenue par la cour cantonale et il n'apparaît nullement que cette
dernière aurait versé dans l'arbitraire en considérant que les relevés
informatiques du temps de travail de l'intéressée constituaient un élément de
preuve pertinent dès lors que rien ne donnait à penser qu'ils avaient pu être
modifiés.

4. 

Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir admis qu'il s'était fait
rembourser des frais de représentation qui ne lui étaient pas dus.

La cour cantonale a retenu d'une part que le recourant s'était fait rembourser
par A.________ SA une facture de 5'997 fr. datée du 1er janvier 2009 relative à
la soirée de Nouvel-An et d'autre part qu'il avait perçu une indemnité
forfaitaire mensuelle de 100 fr. en sus de celle de 1'000 fr. prévue dans son
contrat de travail.

Sur ce point également, le recourant s'en prend aux constatations de fait de la
cour cantonale par une argumentation de nature largement appellatoire. Il fait
grief à la cour cantonale de s'être basée uniquement sur un tableau produit par
la partie plaignante. S'agissant de la note de frais relative à la soirée de
Nouvel-An, il soutient qu'il n'était pas possible de considérer que les frais
étaient injustifiés alors qu'aucune facture n'avait été produite par la partie
plaignante. Il ne conteste ainsi ni s'être fait rembourser des frais pour la
soirée en question ni le montant de ceux-ci. Il n'expose pas non plus en quoi
les frais en question auraient été à considérer comme des frais de
représentation. Dans ces circonstances, l'appréciation de la cour cantonale
n'apparaît pas arbitraire. Il n'y a en effet rien d'insoutenable à considérer,
en l'absence d'explication particulière, qu'une facture afférente à une soirée
de Nouvel-An est de nature privée puisqu'il s'agit d'un événement qui n'est
généralement pas l'occasion de rencontres commerciales ou professionnelles.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de 100 fr. qui a été versée au
recourant en plus de celle de 1'000 fr. prévue par son contrat de travail, il
se contente de soutenir qu'il s'agissait d'un accord et d'une pratique établie
depuis de nombreuses années. Ce faisant, il se contente d'opposer sa propre
version des faits à celle retenue par la cour cantonale sans montrer, par une
argumentation satisfaisant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, qu'elle
serait insoutenable.

5. 

Mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le
recourant, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal
cantonal neuchâtelois.

Lausanne, le 18 avril 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Paquier-Boinay