Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.1399/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_1399/2019

Arrêt du 5 mars 2020

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et
Muschietti.

Greffière : Mme Kistler Vianin.

Participants à la procédure

A.________,

représenté par Me Pierre-Xavier Luciani, avocat,

recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud,

intimé.

Objet

Indemnisation du prévenu à la suite d'une ordonnance de classement,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des
recours pénale, du 1er novembre 2019 (n° 898 PE17.011146-LAE).

Faits :

A. 

Le 14 juin 2017, le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois a
ouvert une instruction pénale contre A.________ pour infraction et
contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances
psychotropes (LStup; RS 812.121) et pour infraction à la loi fédérale sur la
circulation routière (LCR; RS 741.01).

Il était reproché à A.________ de s'être livré au trafic de cannabis. La
perquisition opérée le 19 juin 2017 dans la ferme qu'il louait à B.________
avait permis la saisie de 558 plants de cannabis, de 26 grammes de graines de
cannabis, de 24 grammes de haschich (emballage compris), de 3,7 grammes d'herba
cannabis (emballage compris) et de matériel qui pourrait avoir servi à la
culture de ces plantes. L'intéressé a admis cultiver du cannabis depuis 2014.
Ayant déclaré consommer chaque jour entre 15 et 20 grammes de résine de
cannabis, à savoir environ 20 joints, il était également mis en cause pour
avoir circulé presque quotidiennement au volant de sa voiture, alors qu'il
était sous l'influence de ces produits stupéfiants.

B. 

Par ordonnance du 5 avril 2019, le Ministère public de l'arrondissement du Nord
vaudois a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre
A.________ pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, a
alloué à l'intéressé une indemnité selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP à hauteur
de 1'615 fr. 50, TVA incluse, pour ses frais d'avocat liés avec les faits
objets du classement, lui a refusé toute autre indemnité au sens de l'art. 429
CPP et a laissé les frais de cette ordonnance à la charge de l'Etat.

Par acte d'accusation du 10 avril 2019, le Ministère public de l'arrondissement
du Nord vaudois a en revanche engagé l'accusation contre A.________ devant le
Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois pour
conduite en état d'incapacité pour avoir circulé presque quotidiennement au
volant de sa voiture alors qu'il était sous l'influence de produits stupéfiants
ainsi que pour infraction à la LStup pour s'être adonné à la culture indoor de
cannabis, destinée à sa consommation personnelle et parfois à la remise à des
tiers à titre gratuit ou en échange de matériel de culture notamment.

C. 

Le 18 avril 2019, A.________ a recouru contre l'ordonnance de classement du 5
avril 2019, concluant à l'octroi d'une juste indemnité sur la base de l'art.
429 CPP, à savoir 30'872 fr. 20 à titre d'indemnisation pour ses frais
d'avocat, 45'800 fr. à titre d'indemnisation pour sa détention illicite et
6'947 fr. 10 à titre d'indemnité en relation avec le préjudice subi en raison
du séquestre de son véhicule.

Statuant le 1er novembre 2019, la Chambre des recours pénale du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté le recours formé par A.________ et a confirmé
l'ordonnance attaquée.

D. 

Contre ce dernier arrêt cantonal, A.________ dépose un recours en matière
pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme du
jugement attaqué en ce sens qu'il lui est versé une indemnité au sens de l'art.
429 CPP (30'872 fr. 20 à titre d'indemnisation pour les frais d'avocat; 45'800
fr. à titre d'indemnisation pour détention illicite; 6'947 fr. 10 à titre
d'indemnité en relation avec le préjudice subi à la suite du séquestre de son
véhicule). A titre subsidiaire, il demande l'annulation de l'arrêt attaqué et
le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens
des considérants.

Invités à se déterminer sur le recours, la cour cantonale y a renoncé, alors
que le Ministère public a conclu au rejet du recours.

Considérant en droit :

1. 

Le recourant dénonce une violation des art. 426 et 429 CPP.

1.1. Conformément à l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet
d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie
des frais de la procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière
illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus
difficile sa conduite.

La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit
respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6
par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu
libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des
infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi
admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale
dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un
comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de
causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 144 IV 202
consid. 2.2 p. 204 s.; 119 Ia 332 consid. 1b p. 334; 116 Ia 162 consid. 2c p.
168).

Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation
des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement
écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son
ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant
de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la
norme de comportement (ATF 144 IV 202 consid. 22 p. 205; 119 la 332 consid. 1b
p. 334). Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du
comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit
d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est
intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou
par précipitation. La mise des frais à la charge du prévenu en cas
d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester
l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 p. 205; 116 Ia 162 consid. 2c p. 171).

1.2. Selon l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu qui est au bénéfice d'une
ordonnance de classement ou qui est acquitté totalement ou en partie a droit à
une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses
droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi
au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à
une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement
grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
L'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité lorsque le prévenu a
provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure pénale ou a
rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP).

La question de l'indemnisation du prévenu (art. 429 CPP) pour la procédure de
première instance doit être traitée en relation avec celle des frais (art. 426
CPP). Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2
CPP, une indemnité est en règle générale exclue (ATF 145 IV 94 consid. 2.3.2 p.
98; 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357). La question de l'indemnisation doit être
tranchée après la question des frais. Dans cette mesure, la décision sur les
frais préjuge de la question de l'indemnisation (cf. ATF 145 IV 268 consid. 1.2
p. 272; 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211; 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357).

1.3. La cour cantonale a considéré que le recourant avait cultivé des
stupéfiants ayant des effets de type cannabique en violation de l'art. 8 al. 1
let. d LStup. Elle a expliqué que cette disposition constituait une norme de
comportement suffisante sous l'angle des art. 426 al. 2 et 430 al. 1 let. a CPP
et que le comportement du recourant était propre à faire naître, selon le cours
ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'une infraction
grave à la LStup, ce qui justifiait les mesures d'instruction et de contrainte
prises à son égard dans la présente procédure.

Elle a estimé que, conformément à l'art. 426 al. 2 CPP, l'entier des frais de
procédure auraient dû être mis à la charge du recourant, mais que, eu égard à
l'interdiction de la reformatio in pejus, elle ne pouvait pas modifier
l'ordonnance de classement sur ce point. Dans la mesure où la question de
l'indemnisation du prévenu (art. 429 CPP) devait être traitée en relation avec
celle des frais, elle a jugé que le recourant n'aurait pas dû se voir allouer
une indemnité. En vertu de l'interdiction de la reformatio in pejus, elle n'est
cependant pas revenue sur l'indemnité de 1'615 fr. 50, allouée au recourant
pour ses frais d'avocat. Elle a pour le surplus rejeté les autres prétentions
du recourant fondées sur l'art. 429 al. 1 let. b et c CPP.

1.4.

1.4.1. L'art. 8 al. 1 let. d LStup interdit la culture, l'importation, la
fabrication ou la mise dans le commerce des stupéfiants ayant des effets de
type cannabique. Se fondant sur l'art. 2a LStup, le Département fédéral de
l'intérieur a établi, le 30 mai 2011, l'OTStup-DFI (RS 812.121.11). Entrée en
vigueur le 1er juillet 2011, cette ordonnance qualifie de stupéfiants le
cannabis, à savoir la plante de chanvre ou parties de plante de chanvre
présentant une teneur totale moyenne en THC de 1,0 % au moins et tous les
objets et préparations présentant une teneur totale en THC de 1,0 % au moins ou
fabriqués à partir de chanvre présentant une teneur totale en THC de 1,0 % au
moins (art. 1 al. 2 let. a OTStup-DFI et le tableau a-d de son annexe 1). La
seule indication d'un taux plancher en THC de 1,0 % au moins ne saurait imposer
de procéder à l'analyse du THC des produits litigieux, sous peine que ceux-ci
ne puissent être qualifiés de stupéfiants. Même en l'absence de calcul
scientifique du taux, l'élément objectif de l'infraction peut être considéré
comme réalisé sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents
propres à l'établir de manière suffisante (ATF 141 IV 273 consid. 3.1.2 p. 276
s.).

Contrairement à ce que semble croire la cour cantonale, l'art. 8 al. 1 let. d
LStup n'est pas une norme de comportement qui aurait une portée indépendante
des normes pénales définies aux art. 19 ss LStup (arrêts 1B_497/2011 et 1B_499/
2011 du 30 novembre 2011 consid. 2.6 et les références citées; cf. ATF 126 IV
60 consid. 2a p. 62 s.). Le comportement interdit par l'art. 8 al. 1 LStup est
sanctionné par l'art. 19 al. 1 LStup qui réprime la culture, l'importation, la
fabrication et la mise dans le commerce de stupéfiants au sens des art. 2 et 8
al. 1 LStup.

1.4.2. Par acte d'accusation du 10 avril 2019, le ministère public a renvoyé le
recourant en jugement pour délit et contravention à la LStup (art. 19 al. 1
let. a et c; art. 19a ch. 1 LStup) pour s'être adonné à la culture indoor de
cannabis, destinée à sa consommation personnelle et parfois à la remise à des
tiers à titre gratuit ou en échange de matériel de culture notamment.
L'infraction définie à l'art. 19 al. 1 let. a LStup (culture et production de
stupéfiants) fait donc l'objet d'une procédure séparée, qui n'est pas encore
terminée selon l'arrêt attaqué. Tant qu'un jugement au fond n'est pas entré en
force, le recourant est présumé innocent (art. 10 al. 1 CPP). La cour cantonale
ne peut pas, dans une autre procédure, préjuger de la culpabilité du recourant.
En déclarant que le recourant a cultivé des plantes de type cannabique en
violation de l'art. 8 LStup avant tout jugement au fond, elle a violé la
présomption d'innocence du recourant.

1.4.3. En conséquence, les art. 426 al. 2 et 430 CPP ne sont pas applicables en
l'espèce. C'est donc à tort que la cour cantonale a refusé d'allouer au
recourant toute indemnité en application de l'art. 429 CPP et n'a pas examiné
les griefs du recourants relatifs à l'art. 429 CPP. Le recours doit être admis,
l'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour
nouveau jugement dans le sens des considérants.

2. 

Le recourant qui obtient gain de cause ne supporte pas les frais judiciaires et
peut prétendre à une indemnité de dépens à la charge du canton de Vaud.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la
cour cantonale pour nouvelle décision.

2. 

Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3. 

Le canton de Vaud versera au recourant la somme de 3'000 fr. à titre de dépens
pour la procédure devant le Tribunal fédéral.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Chambre des recours pénale.

Lausanne, le 5 mars 2020

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Kistler Vianin