Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.1313/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_1313/2019, 6B_1340/2019

Arrêt du 29 novembre 2019

Cour de droit pénal

Composition

M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,

Jacquemoud-Rossari et Jametti.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

6B_1313/2019

Ministère public de la République et canton de Genève,

recourant 1,

contre

1. A.________,

2. Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève,

intimés,

et

6B_1340/2019

A.________,

recourant 2,

contre

Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève,

intimé.

Objet

6B_1313/2019

Report de l'exécution de l'expulsion obligatoire (art. 66d CP); droit d'être
entendu,

6B_1340/2019

Report de l'exécution de l'expulsion obligatoire (art. 66d CP); déni de
justice,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 11 novembre 2019 (ACPR/867/2019 PS/68/
2019).

Faits :

A. 

Par jugement du 13 juin 2019, le Tribunal de police de la République et canton
de Genève a notamment ordonné l'expulsion de A.________ du territoire suisse
pour une durée de cinq ans.

B. 

Le 15 octobre 2019, l'Office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM) a refusé de reporter l'exécution de l'expulsion du prénommé.
Cette décision indiquait, comme voie de droit, le recours auprès de la Chambre
pénale de recours de la Cour de justice genevoise en application de l'art. 42
de la loi d'application du CP et d'autres lois fédérales en matière pénale
(LaCP/GE; RS/GE E 4 10).

C. 

Par arrêt du 11 novembre 2019, la Chambre pénale de recours de la Cour de
justice genevoise a déclaré irrecevable le recours formé par A.________ contre
la décision du 15 octobre 2019. Elle a, en substance, considéré que la décision
attaquée relevait de la police des étrangers et ne concernait pas l'exécution
d'une mesure pénale, ce qui excluait sa compétence en la matière.

D. 

Le Ministère public genevois forme un recours en matière pénale au Tribunal
fédéral contre l'arrêt du 11 novembre 2019 (6B_1313/2019), en concluant à son
annulation, à ce que le recours formé par A.________ contre la décision du 15
octobre 2019 soit déclaré recevable mais soit rejeté sur le fond.

A.________ forme également un recours en matière pénale au Tribunal fédéral
contre l'arrêt du 11 novembre 2019 (6B_1340/2019), en concluant en substance à
ce que son expulsion du territoire suisse ne soit pas ordonnée.

Considérant en droit :

1. 

Les deux recours ont pour objet la même décision. Ils ont trait au même
complexe de faits. Il y a lieu de joindre les causes et de les traiter dans un
seul arrêt (art. 24 al. 2 PCF et 71 LTF).

2.

2.1. Aux termes de l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en
matière pénale quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité
précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et a un
intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée,
soit en particulier l'accusateur public (let. b ch. 3).

En l'espèce, le Ministère public genevois (recourant 1) se plaint d'avoir été
privé de la possibilité de prendre part à la procédure devant la cour
cantonale. Il indique que l'autorité précédente ne l'a pas informé du dépôt du
recours par A.________ (recourant 2), ne l'a pas invité à se déterminer à cet
égard ni ne lui a notifié l'arrêt attaqué, lequel lui a été communiqué par
l'OCPM.

Sous cet angle, le recourant 1 dispose de la qualité pour recourir au sens de
l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF, quand bien même il n'a pas pris part à la
procédure devant la cour cantonale (cf. aussi arrêt 6B_1336/2018 du 19 février
2019 consid. 1.1 pour une configuration similaire). Cela vaut même si le
recourant 1 conclut à ce qu'il soit entré en matière sur le recours formé par
le recourant 2 contre la décision du 15 octobre 2019, puisque l'accusateur
public peut notamment agir en faveur du prévenu (cf. ATF 134 IV 36 consid.
1.4.2 p. 39 s.; 124 IV 106 consid. 1 p. 107).

2.2. Le recourant 2 dispose lui aussi d'un intérêt juridique à l'annulation ou
à la modification de la décision attaquée puisque son recours - visant à
contester le refus de report de l'exécution de son expulsion - a été déclaré
irrecevable par l'autorité précédente. Il y a donc lieu d'entrer en matière au
regard de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF.

2.3. Contrairement à la situation qui prévalait dans le cadre de la cause ayant
donné lieu à l'arrêt 6B_1336/2018 précité, un intérêt juridique actuel aux
recours existe, puisqu'il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que le recourant 2
aurait déjà été expulsé du territoire suisse.

3. 

Le recourant 1 reproche à la cour cantonale de ne pas lui avoir reconnu la
qualité de partie dans la procédure et, partant, de ne pas l'avoir invité à y
prendre part.

3.1. Aux termes de l'art. 111 al. 1 LTF, la qualité de partie à la procédure
devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a
qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. Il résulte de cette
disposition que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne
peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir
devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 p. 45).

Au vu de la norme précitée, il convient tout d'abord de déterminer si le
recourant 1 a la qualité pour recourir au Tribunal fédéral contre une décision
relative au report de l'exécution d'une expulsion obligatoire fondée sur l'art.
66d CP.

3.2. Selon l'art. 78 al. 2 let. b LTF, les décisions sur l'exécution de peines
et de mesures sont sujettes au recours en matière pénale.

L'expulsion, au sens des art. 66a à 66d CP, est prévue dans le chapitre
consacré aux mesures, plus précisément dans la section intitulée "autres
mesures" (art. 66 ss CP). Il s'agit d'une institution relevant du droit pénal,
soit d'une mesure pénale (cf. ATF 143 IV 168 consid. 3.2 p. 171; arrêt 6B_627/
2018 du 22 mars 2019 consid. 1.3.2). Par conséquent, l'art. 66d CP, qui règle
l'exécution de l'expulsion pénale, constitue une norme d'exécution de mesure au
sens de l'art. 78 al. 2 let. b LTF, dont l'application peut faire l'objet d'un
recours en matière pénale.

Dans ce cadre, l'accusateur public, qui a la qualité pour recourir devant le
Tribunal fédéral aux conditions posées par l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 3
LTF, doit également pouvoir revêtir la qualité de partie devant l'autorité
cantonale précédente. On ne voit d'ailleurs pas qui, hormis le ministère
public, serait le garant des intérêts publics (cf. à cet égard ATF 124 IV 106
consid. 1 p. 107; cf. également PIERRE FERRARI, in Commentaire de la LTF, 2ème
éd. 2014, no 30 ad art. 81 LTF) dans une procédure portant sur le report de
l'exécution d'une expulsion obligatoire au sens de l'art. 66d CP.

3.3. Au vu de ce qui précède, le recourant 1 aurait dû se voir reconnaître la
qualité de partie dans la procédure traitée par la cour cantonale. En
s'abstenant d'inviter celui-ci à prendre part à cette procédure et en ne lui
donnant pas la possibilité d'y exercer ses droits de partie, l'autorité
précédente a violé l'art. 111 al. 1 LTF ainsi que, plus généralement, le droit
d'être entendu du recourant 1 (cf. art. 29 al. 2 Cst., art. 3 al. 2 let. c et
107 CPP). Le recours du recourant 1 doit être admis sur ce point, l'arrêt
attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle accorde
à celui-ci la qualité de partie dans la procédure.

4. 

Les recourants contestent que le recours formé par le recourant 2 contre la
décision du 15 octobre 2019 pût être déclaré irrecevable par la cour cantonale
car celle-ci s'estimait incompétente dans le domaine concerné.

4.1. L'autorité précédente a, en substance, exposé que la décision du 15
octobre 2019 émanait d'une autorité administrative exerçant la police des
étrangers - soit l'OCPM -, que ladite décision ne relevait pas de l'exécution
d'une mesure pénale et qu'aucune base légale de droit cantonal n'avait
"clairement institué" la Chambre pénale de recours de la Cour de justice
genevoise comme instance de recours contre les décisions prises sur la base de
l'art. 66d CP.

4.2. Comme dit précédemment (cf. consid. 3.2 supra), l'application de l'art.
66d CP relève de l'exécution d'une mesure à caractère pénal.

L'art. 66d al. 2 CP évoque, à propos de l'autorité appelée à statuer sur la
question du report de l'exécution d'une expulsion, une "autorité cantonale
compétente", sans préciser de quelle type d'autorité - administrative ou pénale
- il s'agit. En l'absence de disposition de droit fédéral en la matière, il
appartient aux cantons de régler l'exécution des mesures d'expulsion,
conformément aux principes tirés de l'art. 123 al. 2 et 3 Cst. A cet égard, le
Conseil fédéral avait expressément indiqué qu'il ne convenait pas de préciser
dans le CP, comme certains cantons et organisations l'avaient demandé, quelles
autorités seraient chargées de l'exécution des expulsions pénales, cette
question étant du ressort des cantons (cf. message du 26 juin 2013 concernant
une modification du code pénal et du code pénal militaire [mise en oeuvre de
l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels], FF 2013
5373, 5403).

Il ressort de ce qui précède que le droit fédéral ne précise pas quelle
autorité, au sein de chaque canton, est compétente pour connaître des questions
de report d'exécution des expulsions au sens de l'art. 66d CP. Le droit fédéral
ne règle pas davantage l'identité des autorités de recours en la matière, de
sorte que, sur le principe, les cantons sont libres de prévoir que des
autorités judiciaires pénales ou administratives sont compétentes à cet égard.
On peut ajouter que, contrairement à ce que suggère le recourant 1, aucun
élément de droit fédéral relatif à l'expulsion au sens des art. 66a ss CP ne
saurait, par principe, orienter le choix des autorités cantonales vers la
désignation d'une autorité de nature pénale, puisque de nombreux cantons ont
choisi de confier l'exécution des peines et des mesures à des autorités
administratives (cf. message du 26 juin 2013 concernant une modification du
code pénal et du code pénal militaire [mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6,
Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels], FF 2013 5373, 5403).

4.3. La cour cantonale s'est donc déclarée incompétente en matière de décisions
d'application de l'art. 66d CP et a estimé que le recours formé devant elle
contre la décision du 15 octobre 2019 - cela en conformité avec les indications
concernant la voie de recours figurant au pied de ladite décision - était
irrecevable.

Cette manière de procéder appelle plusieurs remarques.

On peut tout d'abord relever que, s'agissant d'exécution des décisions, le
droit cantonal genevois prévoit que la Chambre pénale de recours de la Cour de
justice genevoise applique le CPP à titre de droit cantonal supplétif (cf. art.
42 al. 2 LaCP/GE). Sur cette base, en l'occurrence au regard de l'art. 91 al. 4
CPP, il apparaît que la réception d'un acte de procédure par une autorité
incompétente ne devrait pas conduire celle-ci à prononcer son irrecevabilité,
mais - conformément au principe généralement applicable dans une telle
configuration (cf. notamment art. 48 al. 3 LTF; art. 8 al. 1 PA; art. 11 al. 3
de la loi genevoise sur la procédure administrative [LPA/GE; RS/GE E 5 10]) - à
transmettre l'acte en question à l'autorité compétente, étant précisé qu'en
l'espèce le recourant 2 a saisi l'autorité qui était désignée comme compétente
dans la décision du 15 octobre 2019 et n'a pas consciemment saisi une fausse
autorité (cf. à cet égard l'arrêt 8C_757/2016 du 12 décembre 2017 consid. 6.4
et les références citées).

Ensuite, comme le souligne le recourant 1, le Tribunal administratif de
première instance genevois a déjà, par le passé - dans le cadre de la procédure
ayant donné lieu à l'arrêt 6B_1336/2018 précité -, indiqué que, selon lui,
l'art. 66d CP ne relevait pas de la police des étrangers mais concernait
l'exécution d'une mesure pénale, de sorte qu'un recours formé devant lui afin
de contester une décision de l'OCPM refusant le report d'une expulsion du
territoire suisse devait être déclaré irrecevable (cf. jugement du 9 mai 2019[A
/4118/2018 PE JTAPI/427/2019]). Il apparaît ainsi que le prévenu dont
l'expulsion a été ordonnée par un tribunal pénal risque, dans le canton de
Genève, de se voir privé de la possibilité de recourir contre une décision
concernant le report de l'exécution de la mesure rendue par l'OCPM, puisque les
autorités de recours pénale et administrative se déclarent toutes deux
incompétentes sur ce point. Il convient donc d'inviter les autorités cantonales
genevoises à clarifier leur pratique ainsi que l'interprétation des normes
cantonales répartissant les compétences dans le domaine concerné, de façon à
éviter l'existence d'un conflit de compétence négatif dont le résultat
porterait atteinte à l'art. 29a Cst. Il n'est en effet pas admissible qu'un
justiciable, auquel une voie de droit est indiquée au pied de la décision
rendue à son encontre, risque par hypothèse de devoir saisir successivement
plusieurs autorités sans jamais voir son recours traité sur le fond.

Pour le reste, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'attribuer à une
autorité cantonale une compétence dont l'instauration demeure du ressort des
cantons, une éventuelle lacune de la loi dans ce domaine devant être levée par
le législateur cantonal ou par le juge faisant acte de législateur (cf. art. 1
al. 2 CC).

Ainsi, il appartiendra à l'autorité cantonale, dans le cadre de la nouvelle
décision qu'elle rendra après avoir reconnu au recourant 1 la qualité de partie
(cf. consid. 3.3 supra), de veiller à ce que le recourant 2 puisse, d'une
manière ou d'une autre, faire valoir son droit de recours, au niveau cantonal,
contre la décision du 15 octobre 2019.

4.4. Au vu de ce qui précède, les griefs développés par les recourants à propos
de la décision du 15 octobre 2019 ou du refus de l'autorité précédente de se
reconnaître compétente en matière de décisions fondées sur l'art. 66d CP
deviennent sans objet.

5. 

Le recours du recourant 1 (6B_1313/2019) et le recours du recourant 2 (6B_1340/
2019) doivent être admis. Le présent arrêt peut être rendu sans frais.

L'admission des recours découlant de l'existence d'un vice procédural, il peut
être statué sans qu'il soit nécessaire de procéder à un échange d'écritures
préalable.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Les causes 6B_1313/2019 et 6B_1340/2019 sont jointes.

2. 

Les recours sont admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

3. 

Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 29 novembre 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa