Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.1280/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_1280/2019, 6B_1289/2019

Arrêt du 5 février 2020

Cour de droit pénal

Composition

M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,

Jacquemoud-Rossari et van de Graaf.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

6B_1280/2019

1. A.________,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

tous les quatre représentés par

Me Roland Burkhard, avocat,

recourants,

contre

1. Ministère public de la République et canton de Genève,

2. E.________,

représenté par Me Robert Assaël, avocat,

intimés,

et

6B_1289/2019

E.________,

représenté par Me Robert Assaël, avocat,

recourant,

contre

1. Ministère public de la République et canton de Genève,

2. A.________,

3. B.________,

4. C.________,

5. D.________,

tous les quatre représentés par

Me Roland Burkhard, avocat,

intimés.

Objet

6B_1280/2019

Faute concomitante,

6B_1289/2019

Arbitraire; homicide par négligence; faute concomitante,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 25 septembre 2019 (P/16802/
2017 AARP/326/2019).

Faits :

A. 

Par jugement du 30 novembre 2018, le Tribunal de police de la République et
canton de Genève a condamné E.________, pour homicide par négligence, à une
peine pécuniaire de 360 jours-amende à 270 fr. le jour, avec sursis durant
trois ans. Il a en outre condamné le prénommé à payer des indemnités à titre de
dommages-intérêts à A.________, à hauteur de 3'417 EUR 60 avec intérêts, de
4'332 EUR avec intérêts, de 1'770 EUR avec intérêts, de 3'554 EUR 40, ainsi
qu'à hauteur de 24'000 fr., avec intérêts, à titre de réparation du tort moral.
Il a encore condamné E.________ à payer des indemnités à B.________ et à
C.________, à hauteur de 12'000 fr. chacun, avec intérêts, pour la réparation
du tort moral, ainsi qu'une indemnité de 6'000 fr., avec intérêts, à
D.________, à titre de réparation du tort moral. A.________, B.________,
C.________ et D.________ ont été déboutés de leurs conclusions civiles pour le
surplus. Le tribunal a encore condamné E.________ à payer aux quatre intéressés
une indemnité de 20'807 fr. 05 pour leurs dépens dans la procédure.

B. 

Par arrêt du 25 septembre 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise, statuant sur les appels formés par E.________,
A.________, B.________, C.________ et D.________ contre le jugement du 30
novembre 2018, a réformé celui-ci en ce sens que le premier nommé doit payer
des indemnités à titre de réparation du tort moral, à A.________ à hauteur de
30'000 fr., avec intérêts, à B.________ et à C.________, à hauteur de 15'000
fr. chacun, avec intérêts, et à D.________, à hauteur de 7'500 fr., avec
intérêts, et que les frais de la procédure de première instance sont répartis
en conséquence. Elle a confirmé le jugement pour le surplus.

La cour cantonale a retenu les faits suivants.

A F.________, le 20 juillet 2017, vers 18 h 45, E.________ circulait au guidon
de son cycle, sur la bande cyclable, boulevard G.________, en direction de la
rue H.________. Le prénommé n'a pas ralenti ni respecté la signalisation
lumineuse en s'engageant dans le carrefour I.________. Il a heurté, avec
l'avant de son cycle, J.________, piéton qui cheminait sur le passage pour
piétons. Ce dernier a chuté et a été gravement blessé. Il est décédé, des
suites de graves lésions cérébrales, le 12 août 2017.

C. 

A.________, B.________, C.________ et D.________ forment un recours en matière
pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 25 septembre 2019 (6B_1280/2019),
en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce
sens qu'il est constaté que J.________ n'a commis aucune faute concomitante,
que E.________ doit payer des indemnités à titre de réparation du tort moral de
40'000 fr., avec intérêts, à A.________, de 20'000 fr., avec intérêts, à
B.________ ainsi qu'à C.________, de 10'000 fr., avec intérêts, à D.________,
que l'intéressé doit en outre payer à A.________ des indemnités de 5'696 EUR,
avec intérêts, pour les frais d'inhumation, de 7'220 EUR, avec intérêts, pour
les frais de notaire, de 2'950 EUR, avec intérêts, pour les travaux de caveau
au cimetière, de 5'924 EUR, avec intérêts, pour la pierre tombale.
Subsidiairement, ils concluent à son annulation et au renvoi de la cause à
l'autorité précédente pour nouvelle décision.

E.________ forme également un recours en matière pénale au Tribunal fédéral
contre l'arrêt du 25 septembre 2019 (6B_1289/2019), en concluant principalement
à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté, que les prétentions civiles de
A.________, B.________, C.________ et D.________ sont rejetées, subsidiairement
que la faute concomitante de J.________ est fixée "à 40%", que l'Etat de Genève
doit lui payer des indemnités de 27'877 fr. 50, avec intérêts, pour ses dépens
dans la procédure de première instance, ainsi que de 21'141 fr., avec intérêts,
pour ses dépens dans la procédure d'appel. Subsidiairement, il conclut à son
annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision.

Considérant en droit :

1. 

Les deux recours ont pour objet la même décision. Ils ont trait au même
complexe de faits. Il y a lieu de joindre les causes et de les traiter dans un
seul arrêt (art. 24 al. 2 PCF et 71 LTF).

2. 

Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a
participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à
recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur
le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions
celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être
déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement
des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41
ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4).

Lorsque, comme en l'espèce, la cause fait l'objet d'une procédure au fond, la
partie plaignante doit avoir expressément pris des conclusions civiles.
A.________ - épouse de J.________ -, B.________ et C.________ - mère et père de
celui-ci -, ainsi que D.________ - sa soeur - ont pris des conclusions civiles
propres (cf. à cet égard ATF 139 IV 89 consid. 2.2 p. 91 s.) devant l'autorité
précédente, lesquelles n'ont été que partiellement admises, notamment en raison
de la reconnaissance d'une faute concomitante de la part de J.________. Les
quatre intéressés émettent derechef ces prétentions civiles devant le Tribunal
fédéral. Ils ont donc qualité pour recourir en matière pénale au Tribunal
fédéral au regard de l'art. 81 al. 1 let. a et b. ch. 5 LTF.

3. 

E.________ reproche à l'autorité précédente d'avoir apprécié les preuves et
établi les faits de manière arbitraire. Il se plaint en outre, à cet égard,
d'une violation du principe "in dubio pro reo".

3.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les
faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de
fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient
été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens
des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire
au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle
apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement
insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son
résultat. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de
nature appellatoire. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP,
32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son
corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la
preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le
fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la
preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme
règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le
juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à
l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à
l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement
abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne
pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles,
c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation
objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont
critiquées en référence au principe "in dubio pro reo", celui-ci n'a pas de
portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 145 IV 154 consid.
1.1 p. 155 s. et les références citées).

3.2. La cour cantonale a exposé que, le 20 juillet 2017 vers 18 h 45,
E.________ circulait sur une piste cyclable longée de part et d'autre par deux
voies de circulation, dont celle de droite, empruntée par la témoin K.________
au volant de sa voiture. Au croisement du boulevard G.________ et du
I.________, plusieurs passages piétons permettaient de traverser la chaussée.
J.________ avait traversé les voies montantes du boulevard G.________ en
empruntant l'un de ces passages, jusqu'à la berme centrale. La piétonne
L.________ suivait le prénommé de près. De l'autre côté du carrefour se
trouvait le piéton M.________. La circulation du carrefour était réglée par des
feux de signalisation. Au moment des faits, les signaux du boulevard emprunté
par E.________ passaient du vert au rouge de façon synchronisée avec ceux
placés de l'autre côté du carrefour. Après le signal vert, le feu restait jaune
durant trois secondes, puis devenait rouge, cela simultanément, pendant deux
secondes, avec le feu pour le passage pour piétons emprunté par J.________,
avant que celui-ci passe au vert.

Selon l'autorité précédente, la version des événements présentée par
E.________, selon laquelle ce dernier aurait passé au feu tandis que celui-ci
était encore en phase jaune, devait être écartée. K.________ s'était en effet
montrée affirmative sur ce point. Elle avait, de manière claire et constante,
déclaré avoir vu E.________ passer à la phase rouge. Située en première ligne
d'une file de voitures, l'intéressée était concentrée sur le signal lumineux,
alors rouge, lorsqu'elle avait vu E.________ la dépasser. Le fait que
K.________ eût rapporté des éléments contextuels ainsi sa réaction au moment du
passage du prénommé renforçait sa crédibilité. La témoin L.________ avait pour
sa part déclaré que le feu pour piétons était encore rouge juste après le choc.
Il pouvait en être déduit soit que E.________ était passé à la phase jaune
conformément à ses explications, soit - vu que les deux signaux, pour voitures
et cycles, respectivement piétons, étaient simultanément rouges durant deux
secondes -, que ce dernier avait, dans ce laps de temps, franchi la ligne
d'arrêt et percuté J.________. Cependant, le choc auquel L.________ avait
assisté avait été violent et son attention s'était directement portée sur
J.________, qu'elle était allée secourir. Il était donc impossible,
contrairement à ce qu'elle avait déclaré et eu égard aux phases des feux, que
le signal pour piétons fût resté rouge et que les voitures eussent redémarré
cinq à dix secondes plus tard. Ce témoignage concernant la couleur du feu de
signalisation après le choc était donc peu probant et peu pertinent. Il ne
corroborait ni ne remettait en cause les déclarations de E.________ et de
K.________. Par ailleurs, M.________ avait rapporté avoir, à deux reprises,
entendu E.________ dire - juste après l'accident - qu'il était passé à la phase
rouge. Ces déclarations faites aux piétons après l'accident étaient plus
crédibles que celles intervenues ultérieurement.

3.3. E.________ développe une argumentation purement appellatoire et, partant,
irrecevable, par laquelle il discute librement l'appréciation des preuves à
laquelle s'est livrée l'autorité précédente, sans démontrer en quoi celle-ci
serait arbitraire. Le prénommé tente tout d'abord de relativiser la crédibilité
du témoignage de K.________, sans démontrer que la cour cantonale en aurait
tiré des constatations insoutenables. Il oppose par ailleurs sa propre
appréciation des explications de L.________ à celle de la cour cantonale, sans
montrer que celles-ci feraient apparaître comme insoutenables les faits retenus
dans l'arrêt attaqué, mais en fournissant tout au plus une interprétation
alternative de ce témoignage. Enfin, E.________ tente vainement de mettre en
cause la crédibilité du témoignage de M.________, en se bornant, de manière
appellatoire, à pointer des variations dans ses déclarations successives, sans
démontrer que des constatations insoutenables auraient été tirées de ses
propos. En définitive, la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, retenir que
E.________ avait passé le feu tandis que celui-ci était en phase rouge.

3.4. E.________ reproche encore à l'autorité précédente d'avoir violé l'art.
112 LTF en n'intégrant pas l'appréciation des preuves dans la partie "En fait"
de l'arrêt attaqué. Il se réfère sur ce point à un arrêt 6B_755/2019 du 28 août
2019, dans lequel le Tribunal fédéral avait rappelé que la manière de procéder
de la cour cantonale n'était pas adéquate (consid. 1.1). Toutefois, dans
l'arrêt attaqué - et contrairement à ce qui était pointé dans l'arrêt précité
-, l'autorité précédente n'a pas mêlé l'établissement des faits à leur
qualification juridique, mais a consacré un considérant de sa décision - soit
le 3.4.2 - à l'appréciation des preuves et l'établissement des faits. S'il
aurait été préférable qu'un exposé des faits retenus figurât dans la partie "En
fait" de l'arrêt attaqué, l'absence de cet élément n'empêchait - en
l'occurrence - nullement de comprendre quels éléments factuels ont été
finalement considérés comme établis. C'est donc en vain que E.________ - qui ne
prétend aucunement avoir éprouvé des difficultés à comprendre l'état de fait ou
avoir douté des éléments retenus - conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué
pour violation de l'art. 112 LTF.

4. 

E.________ fait grief à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 117 CP.

4.1. Selon l'art. 117 CP, celui qui, par négligence, aura causé la mort d'une
personne sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou
d'une peine pécuniaire. Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance
coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de
son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur
n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa
situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).

Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment des
faits, aurait pu et dû, au vu des circonstances, de ses connaissances et de ses
capacités, se rendre compte qu'il mettait en danger des biens juridiquement
protégés de la victime et qu'il excédait les limites du risque admissible (ATF
143 IV 138 consid. 2.1 p. 140; 135 IV 56 consid. 2.1 p. 64 et les références
citées). Lorsqu'il existe des normes de sécurité spécifiques qui imposent un
comportement déterminé pour prévenir les accidents, le devoir de prudence se
définit en premier lieu à l'aune de ces normes (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 p.
140; 135 IV 56 consid. 2.1 p. 64). Dans le domaine du trafic routier, on se
référera donc aux règles de la circulation (ATF 126 IV 91 consid. 4a/aa p. 92;
arrêt 6B_1148/2018 du 6 décembre 2018 consid. 2.1).

Il faut en outre qu'il existe un rapport de causalité entre la violation
fautive du devoir de prudence et le décès de la victime. Il y a rupture du lien
de causalité adéquate, l'enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si
une autre cause concomitante - par exemple une force naturelle, le comportement
de la victime ou celui d'un tiers - propre au cas d'espèce constitue une
circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on
ne pouvait pas s'y attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l'acte
concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le lien de causalité adéquate. Il
faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause
la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à
l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à amener celui-ci,
notamment le comportement de l'auteur (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2 p. 265 s.;
133 IV 158 consid. 6.1 p. 168; cf. aussi ATF 143 III 242 consid. 3.7 p. 250).

4.2. Aux termes de l'art. 26 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation
routière (LCR; RS 741.01), chacun doit se comporter, dans la circulation, de
manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route
conformément aux règles établies.

Selon l'art. 27 al. 1 LCR, chacun se conformera aux signaux et aux marques
ainsi qu'aux ordres de la police. Les signaux et les marques priment les règles
générales; les ordres de la police ont le pas sur les règles générales, les
signaux et les marques.

L'art. 32 al. 1 LCR dispose que la vitesse doit toujours être adaptée aux
circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi
qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. Aux
endroits où son véhicule pourrait gêner la circulation, le conducteur est tenu
de circuler lentement et, s'il le faut, de s'arrêter, notamment aux endroits où
la visibilité n'est pas bonne, aux intersections qu'il ne peut embrasser du
regard, ainsi qu'aux passages à niveau.

4.3. L'autorité précédente a considéré que E.________ avait gravement violé son
devoir de prudence découlant des règles de la circulation routière, en ignorant
la signalisation et en s'engageant dans l'intersection à la phase rouge du feu.
En outre, le prénommé n'avait pas adopté une vitesse adéquate en approchant de
l'intersection. Les voitures étaient déjà arrêtées lorsque celui-ci avait
franchi la ligne d'arrêt de la piste cyclable. Sa visibilité sur le côté gauche
de la chaussée était pourtant réduite en raison de la présence des véhicules à
l'arrêt. E.________ n'avait pu apercevoir J.________ que lorsque ce dernier
s'était trouvé à moins de 10 m de lui, soit après avoir dépassé l'habitacle des
voitures arrêtées en première ligne. Eu égard à l'arrêt des véhicules sur les
voies de circulation de part et d'autre de la piste cyclable, aux conditions du
trafic et au manque de visibilité, E.________ aurait dû ralentir. Son allure ne
lui avait pas permis de s'arrêter sur une distance d'un peu moins de 10 m,
lorsque J.________ était soudainement apparu dans son champ visuel. E.________
avait agi fautivement, car rien ne l'aurait empêché de se conformer à ses
devoirs.

Pour la cour cantonale, le comportement de J.________ n'avait pas été
imprévisible au point qu'il pût interrompre le lien de causalité adéquate entre
le comportement fautif de E.________ et l'accident. Si ce dernier avait roulé
plus lentement et s'il avait respecté le signal lumineux, il aurait pu
s'arrêter en temps utile et éviter le choc. J.________ s'était certes engagé
sur la chaussée alors que le feu le concernant était en phase rouge, mais ce
comportement n'avait pas revêtu, dans l'accident, une importance telle qu'il
pût être considéré comme sa cause la plus immédiate.

4.4. Le raisonnement de la cour cantonale ne prête pas le flanc à la critique
et doit être confirmé. E.________ se contente quant à lui de nier que sa
vitesse eût été excessive à l'approche de l'intersection, en relevant qu'il
circulait en-dessous de la vitesse maximale autorisée. Or, la vitesse maximale
autorisée ne doit être atteinte que lorsque les conditions de la route, du
trafic et de visibilité le permettent (cf. ATF 121 IV 286 consid. 4b p. 291),
de sorte que ce seul élément ne permet pas d'exclure un comportement
fautivement négligent de la part de l'intéressé. L'autorité précédente a exposé
les raisons pour lesquelles E.________ aurait dû réduire sa vitesse à
l'approche d'une intersection sur laquelle sa visibilité était fortement
réduite, aspect que le prénommé ne remet pas en cause.

Par ailleurs, dans la mesure où E.________ affirme qu'il n'aurait plus été en
mesure de s'arrêter avant l'intersection qu'en freinant brusquement, celui-ci
s'écarte de l'état de fait de la cour cantonale, par lequel le Tribunal fédéral
est lié (cf. art. 105 al. 1 LTF).

Enfin, contrairement à ce qu'affirme E.________, le comportement de J.________,
qui s'est engagé sur la chaussée alors que le signal le concernant était encore
en phase rouge, n'était pas de nature à reléguer à l'arrière-plan ses propres
agissements et ne saurait être considéré comme la cause la plus probable et la
plus immédiate de l'accident, lequel a en bonne part résulté de la violation
fautive des règles de la circulation routière par le cycliste.

Au vu de ce qui précède, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit
fédéral, condamner E.________ pour homicide par négligence. Le grief doit être
rejeté dans la mesure où il est recevable.

5. 

Tous les recourants reprochent à l'autorité précédente son appréciation de la
faute concomitante de J.________ dans l'accident.

5.1. Aux termes de l'art. 70 LCR, la responsabilité civile des cyclistes est
régie par le code des obligations.

Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit
intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer
(art. 41 al. 1 CO).

Le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque
la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est
responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou qu'ils ont
aggravé la situation du débiteur (art. 44 al. 1 CO).

Le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la
victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d'homme, à la famille une
indemnité équitable à titre de réparation morale (art. 47 CO).

La possibilité de réduire une indemnité pour tenir compte d'une faute
concomitante, résultant de l'art. 44 al. 1 CO, existe également dans le cas
d'une indemnité pour tort moral (cf. ATF 131 III 12 consid. 8 p. 21; 129 IV 149
consid. 4.1 p. 152). Il y a faute concomitante lorsque le lésé omet de prendre
des mesures que l'on pouvait attendre de lui et qui étaient propres à éviter la
survenance ou l'aggravation du dommage; autrement dit, si le lésé n'a pas pris
les mesures qu'une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances,
aurait pu et dû prendre dans son propre intérêt (cf. ATF 107 Ib 155 consid. 2b
p. 158; plus récemment arrêt 6B_1266/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.1). La
faute concomitante suppose que l'on puisse reprocher au lésé un comportement
blâmable, en particulier un manque d'attention ou une attitude dangereuse,
alors qu'il n'a pas déployé les efforts d'intelligence ou de volonté que l'on
pouvait attendre de lui pour se conformer aux règles de la prudence (arrêt
6B_1266/2018 précité consid. 5.2.1). La réduction de l'indemnité - dont la
quotité relève de l'appréciation du juge (cf. ATF 141 V 51 consid. 9.2 p. 70 et
les références citées) - suppose que le comportement reproché au lésé soit en
rapport de causalité naturelle et adéquate avec la survenance du préjudice (ATF
126 III 192 consid. 2d p. 197 et les références citées).

5.2. La cour cantonale a exposé que les recourants ne contestaient pas les
montants fixés à titre de réparation du tort moral de A.________, B.________,
C.________ et D.________ - arrêtés respectivement à 40'000 fr., 20'000 fr.,
20'000 fr. et 10'000 fr. -, mais uniquement l'importance de leur réduction
entraînée par la faute concomitante de J.________. Ce dernier s'était élancé
sur le passage pour piétons alors que la signalisation lumineuse était encore
en phase rouge. Il s'agissait d'une faute, indépendamment de la couleur du feu
au moment de l'accident. Le comportement fautif du prénommé s'insérait dans la
série causale ayant conduit au choc, puisque le non-respect de la signalisation
avait conduit l'intéressé à se trouver à l'endroit où E.________ l'avait
percuté. En outre, J.________ s'était avancé sur la chaussée la tête en bas, en
regardant ses pieds, sans se préoccuper de l'éventuelle présence de cyclistes.
Son défaut d'attention, compte tenu du contexte de circulation routière,
constituait un manquement fautif au devoir de prudence. J.________ avait donc
bien commis une faute concomitante.

Selon l'autorité précédente, les fautes du piéton et du cycliste n'étaient en
l'occurrence pas comparables. En s'engageant de façon anticipée sur le passage
pour piétons, même en étant inattentif, juste avant que le signal passât en
phase verte, J.________ n'avait pas commis une faute très importante et avait
adopté un comportement commun. E.________ avait quant à lui commis une faute
plus importante en s'approchant à une vitesse inadaptée du carrefour et en
ignorant la signalisation. Ainsi, la faute concomitante de J.________ devait
conduire à une réduction de 25% des indemnités allouées à A.________,
B.________, C.________ et D.________ à titre de réparation du tort moral.

5.3. E.________ critique la référence faite par la cour cantonale à l'arrêt
6B_987/2017 du 12 février 2018. L'autorité précédente a pourtant uniquement
indiqué qu'il existait en l'espèce, comme dans cet arrêt, une "disproportion
des fautes", sans en tirer davantage de conclusions. C'est donc en vain que le
prénommé tente de mettre en évidence les disparités entre les affaires en
question. Pour le reste, E.________ se borne à affirmer - pour partie au moyen
d'une argumentation s'écartant de manière inadmissible de l'état de fait de la
cour cantonale, par lequel le Tribunal fédéral est lié (cf. art. 105 al. 1 LTF)
- que la faute de J.________ serait plus considérable que celle retenue, sans
aucunement démontrer que l'autorité précédente aurait, à cet égard, excédé le
pouvoir large d'appréciation dont elle disposait (cf. sur ce point ATF 127 III
453 consid. 8c p. 459).

5.4. A.________, B.________, C.________ et D.________ contestent l'existence
d'une faute concomitante de J.________. Ils commencent par rappeler
l'importance de la faute commise par E.________, l'intensité de leur souffrance
morale ainsi que les principes guidant la fixation d'une indemnité à titre de
réparation du préjudice moral. On ne perçoit pas la pertinence de cette
argumentation, dès lors que les montants fixés à ce titre par la cour cantonale
ne sont pas contestés et que seule la réduction des indemnités en raison de la
faute concomitante de J.________ demeure litigieuse.

Les quatre intéressés prétendent ensuite que l'accident aurait également pu se
produire sans comportement fautif de la part de J.________, à condition que ce
dernier eût avancé plus rapidement sur la chaussée. Cette argumentation relève
de la pure conjecture et ne permet en rien de nier le comportement fautif du
prénommé, tel que constaté par la cour cantonale. On doit admettre que le fait,
pour un piéton, de s'avancer sur la chaussée sans prêter attention au trafic et
alors que la signalisation lumineuse se trouve encore, pour lui, en phase
rouge, constitue un comportement fautif, car contraire aux règles de la
circulation routière. Le seul fait que les voitures se trouvaient déjà à
l'arrêt à l'intersection concernée ne permettait pas à J.________ de
s'affranchir de la signalisation et de traverser le carrefour sans plus prêter
attention au trafic. Peu importe qu'il pût s'agir d'un comportement souvent
adopté par les piétons en ville comme le prétendent les intéressés.

Le comportement fautif de J.________ exclut l'invocation, en faveur de
celui-ci, du principe de la confiance (cf. à cet égard ATF 143 IV 500 consid.
1.2.4 p. 505 s.).

Pour le reste, A.________, B.________, C.________ et D.________ discutent en
vain des références jurisprudentielles relatives à l'interruption du lien de
causalité adéquate en raison du comportement de la victime, la cour cantonale
ayant bien reconnu, en l'espèce, que le comportement de E.________ avait causé
l'accident.

C'est donc sans violer le droit fédéral que l'autorité précédente a retenu
l'existence d'une faute concomitante de la part de J.________. A.________,
B.________, C.________ et D.________ ne remettent pas en cause la quotité de la
réduction opérée, qu'il convient de confirmer.

On relèvera enfin que les quatre intéressés ne consacrent aucune motivation
spécifique à la question des indemnités allouées à A.________ sur la base de
l'art. 45 al. 1 CO - lesquelles n'ont pas été modifiées par l'autorité
précédente -, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ce point.

6. 

Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard à
l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter,
comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions
juridiques qui pourraient se poser, mais uniquement celles qui sont soulevées
devant lui, sauf en présence d'une violation du droit évidente (ATF 142 I 99
consid. 1.7.1 p. 106; 140 III 115 consid. 2 p. 116; 138 I 274 consid. 1.6 p.
280).

Tel est le cas en l'espèce, puisque la cour cantonale a condamné E.________ à
une peine pécuniaire de 360 jours-amende, alors que, selon l'art. 34 al. 1 CP
dans sa teneur depuis le 1er janvier 2018, la peine pécuniaire est, sauf
disposition contraire, de 180 jours-amende au plus. Cette violation manifeste
du droit fédéral peut être corrigée d'office par le Tribunal fédéral.

7. 

Au vu de ce qui précède, le recours de A.________, B.________, C.________ et
D.________ (6B_1280/2019) doit être rejeté. Le recours de E.________ (6B_1289/
2019) doit être très partiellement admis (cf. consid. 6 supra). Pour le reste,
il doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.

A.________, B.________, C.________ et D.________, qui succombent, supportent
les frais judiciaires liés à leur recours (art. 66 al. 1 LTF). Il en va de même
s'agissant de E.________, dans la mesure où ce dernier succombe très largement.
Comme l'admission très partielle du recours ne résulte pas de son argumentation
mais de la correction d'office d'une violation évidente du droit fédéral, il
n'y a pas lieu d'octroyer des dépens au prénommé.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Les causes 6B_1280/2019 et 6B_1289/2019 sont jointes.

2. 

Le recours de A.________, B.________, C.________ et D.________ (6B_1280/2019)
est rejeté.

3. 

Le recours de E.________ (6B_1289/2019) est très partiellement admis. Le
dispositif de l'arrêt attaqué est réformé comme suit s'agissant de la peine :

"Condamne E.________ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende (art. 34 al. 1
CP). "

Pour le reste, ce recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

4. 

Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 3'000 fr., est mise à la charge de
A.________, B.________, C.________ et D.________.

5. 

Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 2'500 fr., est mise à la charge de
E.________.

6. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 5 février 2020

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa