Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.1224/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_1224/2019, 6B_1250/2019

Arrêt du 24 janvier 2020

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,

Jacquemoud-Rossari, Muschietti, van de Graaf et Koch.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

6B_1224/2019

Ministère public de la République et canton de Genève,

recourant 1,

contre

A.________, représenté par

Maîtres Romain Jordan et Thomas Barth, Avocats,

intimé,

et

6B_1250/2019

A.________, représenté par

Maîtres Romain Jordan et Thomas Barth, Avocats,

recourant 2,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève,

intimé.

Objet

6B_1224/2019

Arbitraire; violation des règles fondamentales de la circulation routière;
conditions de la répression,

6B_1250/2019

Conditions de la répression; erreur sur l'illicéité,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 25 septembre 2019 (AARP/307/
2019 P/6405/2017).

Faits :

A. 

Par jugement du 29 janvier 2019, le Tribunal de police de la République et
canton de Genève a condamné A.________, pour infraction à l'art. 90 al. 3 et 4
LCR, à une peine privative de liberté d'un an, avec sursis durant trois ans.

B. 

Par arrêt du 25 septembre 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise a partiellement admis l'appel formé par A.________
contre ce jugement, a réformé celui-ci en ce sens que le prénommé est condamné,
pour infraction à l'art. 90 al. 2 LCR, à une peine pécuniaire de 60
jours-amende à 190 fr. le jour, avec sursis durant deux ans, ainsi qu'à une
amende de 2'000 francs. Elle a en outre condamné l'intéressé au paiement des
frais de la procédure de première instance ainsi qu'à celui de la moitié des
frais de la procédure d'appel, lui a alloué une indemnité de 2'261 fr. 70 pour
ses dépens dans la procédure d'appel et a partiellement compensé cette
indemnité avec les frais de procédure mis à sa charge.

La cour cantonale a retenu les faits suivants.

B.a. Dans la nuit du 3 au 4 février 2017, A.________, gendarme en stage,
patrouillait au volant d'un véhicule de service en compagnie de son maître de
stage, l'appointée B.________, dans le secteur de C.________. La chaussée était
sèche et il n'y avait pas de brouillard. La visibilité était bonne.

B.b. Le 8 décembre 2016, A.________ avait reçu un courriel l'invitant à "ouvrir
l'oeil" lorsqu'il serait en patrouille de nuit, car la brigade des cambriolages
de la police judiciaire avait diffusé un avis au sujet de vols de véhicules et
de cambriolages commis la nuit, par des individus pouvant être armés.

Une opération spéciale, faisant l'objet d'un ordre d'engagement sous le code
"D.________", avait par ailleurs été mise en place sur plusieurs passages
frontières durant les nuits du 29 janvier au 2 février 2017. Selon cet ordre
d'engagement, les individus recherchés agissaient au minimum à trois, se
déplaçaient avec un ou deux véhicules et se montraient "prêts à tout pour
prendre la fuite". Il en ressortait en outre que ces individus n'avaient, par
le passé, pas hésité à prendre de gros risques à bord de véhicules de grosses
cylindrées et avaient forcé les barrages mis en place. L'un des suspects était
décrit comme étant connu des services de police français pour meurtre en 1998.

B.c. Le 3 février 2017, vers 22 h 00, un véhicule avec à son bord une personne
cagoulée a été signalé dans un parking à la route de E.________. Il a
rapidement quitté la Suisse par la douane de F.________. Une alarme générale a
été diffusée, avec la mention que le véhicule pouvait entrer en ligne de compte
dans le cadre de l'opération "D.________".

Vers 00 h 31 le 4 février 2017, le véhicule suspect est à nouveau entré en
Suisse par la douane de F.________. Il a été repéré et pris en filature par une
patrouille de la brigade anti-criminalité (ci-après : BAC), laquelle a été
repérée par ses occupants. Une poursuite s'est engagée et la BAC a requis du
renfort, demande qui a été entendue par A.________ et sa collègue.

Peu après, A.________ et B.________ ont aperçu un véhicule avec des feux bleus
circulant devant eux. La prénommée l'a signalé à son collègue, en lui indiquant
de se rapprocher en urgence. A.________ a alors accéléré et roulé avec la
sirène et les feux d'urgence du véhicule. A.________ et B.________ étaient
persuadés de poursuivre un convoi composé du véhicule de la BAC et d'une autre
patrouille, qui se trouvaient tous deux en poursuite du véhicule suspect. En
réalité, ils suivaient un véhicule de patrouille qui se rendait sur les lieux
en urgence mais ne se trouvait pas derrière celui de la BAC.

B.d. Au passage du radar situé sur la route de E.________ en direction de la
douane de F.________, à 00 h 37, le véhicule conduit par A.________ a circulé à
126 km/h, alors que la vitesse était limitée à 50 km/h.

Une zone résidentielle se trouve sur la droite de la route, dans le sens de
circulation emprunté par le prénommé, en sortie de l'agglomération de
G.________. Ce tronçon est séparé de la route par un mur recouvert de
végétation. Sur la gauche se trouve un champ cultivé. Le mur bordant la zone
d'habitation s'étend sur environ 200 m le long de la route, avant de laisser
place à un petit bois. Une piste cyclable est tracée sur les deux bords de la
chaussée. Environ 250 m après l'emplacement du radar, à hauteur du bois, un
panneau indique une limitation de vitesse à 70 km/h. La chaussée est quasiment
droite, avec un très léger virage en "allongé" dans le bois.

C. 

Le Ministère public genevois forme un recours en matière pénale au Tribunal
fédéral contre l'arrêt du 25 septembre 2019 (6B_1224/2019), en concluant, avec
suite de frais, principalement à sa réforme en ce sens que A.________ est
condamné, pour infraction à l'art. 90 al. 3 et 4 LCR, à une peine privative de
liberté d'un an avec sursis durant trois ans, que tous les frais de procédure
sont mis à sa charge et qu'aucune indemnité ne lui est allouée pour ses dépens.
Subsidiairement, il conclut à son annulation et au renvoi de la cause à
l'autorité précédente pour nouvelle décision.

A.________ forme également un recours en matière pénale au Tribunal fédéral
contre l'arrêt du 25 septembre 2019 (6B_1250/2019), en concluant principalement
à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté et, subsidiairement, à son
annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle
décision.

D. 

Invités à se déterminer sur le recours du Ministère public genevois concernant
les griefs d'arbitraire et de violation des art. 90 al. 3 et 4 LCR ainsi que 12
al. 2 CP, la cour cantonale s'est référée à la décision attaquée, tandis que
A.________ a conclu au rejet dudit recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Considérant en droit :

1. 

Les deux recours ont pour objet la même décision. Ils ont trait au même
complexe de faits. Il y a lieu de joindre les causes et de les traiter dans un
seul arrêt (art. 24 al. 2 PCF et 71 LTF).

2. 

Le Ministère public genevois (recourant 1) soutient que A.________ (recourant
2) aurait dû être condamné pour infraction à l'art. 90 al. 3 et 4 LCR. Il
reproche en outre à l'autorité précédente d'avoir établi les faits de manière
arbitraire concernant l'intention de l'intéressé lorsque celui-ci a commis son
excès de vitesse.

2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les
faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de
fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient
été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens
des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire
au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle
apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement
insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son
résultat. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de
nature appellatoire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s. et les références
citées).

Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du
contenu de la pensée, à savoir de faits "internes" qui, en tant que tels, lient
le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils aient été retenus
de manière arbitraire (cf. ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375).

2.2. L'art. 12 CP dispose que, sauf disposition expresse et contraire de la
loi, est seul punissable l'auteur d'un crime ou d'un délit qui agit
intentionnellement (al. 1). Agit intentionnellement quiconque commet un crime
ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement
lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au
cas où celle-ci se produirait (al. 2).

2.3. Aux termes de l'art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation
intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un
grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que
ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en
effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de
vitesse illicites avec des véhicules automobiles est puni d'une peine privative
de liberté d'un à quatre ans. L'al. 3 est toujours applicable lorsque la
vitesse maximale autorisée a été dépassée d'au moins 50 km/h, là où la limite
était fixée à 50 km/h (al. 4 let. b).

Il découle de l'art. 90 al. 4 LCR que lorsque l'excès de vitesse atteint l'un
des seuils fixés, la première condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à
savoir la violation d'une règle fondamentale de la circulation routière, est
toujours remplie. Selon la jurisprudence, l'excès de vitesse qualifié au sens
de l'art. 90 al. 4 LCR suffit déjà en principe à réaliser la seconde condition
objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la création d'un danger abstrait
qualifié, dès lors que l'atteinte de l'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4
LCR implique généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident
en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, dans des
circonstances exceptionnelles, en particulier lorsque la limitation de vitesse
dépassée n'avait pas pour objet la sécurité routière, l'excès de vitesse au
sens de l'art. 90 al. 4 LCR peut ne pas avoir entraîné un grand risque
d'accident susceptible d'entraîner des blessures graves ou la mort. Ainsi,
l'art. 90 al. 4 LCR crée une présomption réfragable de la réalisation de la
condition objective du danger qualifié au sens de l'art. 90 al. 3 LCR (ATF 143
IV 508 consid. 1.6 p. 514).

Par ailleurs, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion d'indiquer que celui qui
commettait un excès de vitesse appréhendé par l'art. 90 al. 4 LCR réalisait en
principe les conditions subjectives de l'infraction. En effet, il faut
considérer que l'atteinte d'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR implique
généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas
d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, le juge doit
conserver une marge de manoeuvre, certes restreinte, afin d'exclure, dans des
constellations particulières, la réalisation des conditions subjectives lors
d'un dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l'art. 90 al.
4 LCR. L'art. 90 al. 4 LCR crée une présomption réfragable de la réalisation de
l'élément subjectif de l'infraction réprimée par l'art. 90 al. 3 LCR (ATF 142
IV 137 consid. 11.2 p. 151). A ce titre, les hypothèses d'une défaillance
technique du véhicule (dysfonctionnement des freins ou du régulateur de
vitesse), d'une pression extérieure (menaces, prise d'otage) ou de problèmes
médicaux soudains (une crise d'épilepsie, par exemple) peuvent entrer en
considération (arrêt 6B_1084/2018 du 21 novembre 2018 consid. 2.3.1; cf. aussi
les cas de figure envisagés par la doctrine dans l'arrêt publié aux ATF 142 IV
137 consid. 10.1 p. 149 s.)

2.4. La cour cantonale a exposé que le recourant 2, sous l'emprise d'une erreur
sur les faits, avait cru, au moment où il avait accéléré, qu'il se portait à
l'appui de deux autres voitures de police qui se trouvaient en poursuite d'un
véhicule occupé par des délinquants décrits comme prêts à tout pour se
soustraire à une interpellation. Cette erreur, qui avait été partagée par sa
passagère, n'était pas évitable, de sorte qu'il convenait, conformément à
l'art. 13 CP, d'examiner la situation juridique en fonction de cette
appréciation erronée des faits.

L'autorité précédente a indiqué que, selon les déclarations concordantes du
recourant 2 et de sa passagère, l'accélération reprochée, qui avait conduit à
l'excès de vitesse constaté par le radar, avait été brève et s'était déroulée
selon les règles de la conduite d'urgence. En particulier, B.________ avait
assisté le recourant 2 dans sa conduite, en procédant, selon les techniques
enseignées, à la sécurisation visuelle du parcours ainsi qu'en assurant, autant
que possible, la sécurité des autres usagers. Il ne pouvait donc être retenu
que le recourant 2 avait, par son accélération, intentionnellement violé les
règles fondamentales de la circulation ni qu'il aurait accepté de courir un
grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort. Au
contraire, des précautions avaient été prises pour prévenir tout accident. Le
recourant 2 n'avait pas rempli l'élément constitutif subjectif de l'infraction
à l'art. 90 al. 3 et 4 LCR.

2.5. En l'occurrence, on peut tout d'abord relever que l'erreur sur les faits
dont a été victime le recourant 2 - concernant l'identité du véhicule qu'il
suivait et la proximité supposée de la voiture suspecte - ne pouvait avoir
d'influence sur l'établissement de l'élément constitutif subjectif d'une
infraction à l'art. 90 al. 3 et 4 LCR. Il ne s'agissait en effet pas, à cet
égard, de déterminer dans quelle mesure le dépassement de vitesse auquel
s'était livré le recourant 2 aurait pu être justifié par les circonstances,
mais de définir si ce dernier avait accepté, par sa conduite, une situation
impliquant l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas
d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule.

Sur ce point, force est d'admettre, avec le recourant 1, que le raisonnement de
la cour cantonale ne peut être suivi. Contrairement à ce qu'indique celle-ci,
on ne voit pas quelles "précautions" prises auraient pu "prévenir tout
accident". En matière de précautions, l'autorité précédente ne mentionne en
définitive que l'assistance apportée par B.________ durant la conduite. Or, une
telle assistance n'est pas de nature à diminuer sensiblement le risque
d'accident ou de perte de maîtrise du véhicule, puisque le passager - à
supposer qu'il perçoive un danger qui aurait échappé au conducteur - doit lui
signaler celui-ci avant que l'intéressé soit en mesure de réagir utilement. En
outre, comme l'a expliqué B.________, cette dernière n'était, au moment des
faits, pas uniquement affairée à observer la route afin de signaler au
recourant 2 un éventuel obstacle, mais tentait également de joindre par radio
la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarme de la police (cf. PV du
24 mai 2017, p. 4). Le recourant 2 a, quant à lui, décrit de la manière
suivante l'activité de surveillance de B.________ lorsqu'il a procédé à son
accélération (cf. PV de l'audience d'appel, p. 6) :

"Je vous réponds qu'elle m'indiquait le chemin à prendre, n'étant pas
originaire du canton. Elle contrôlait également la partie droite du véhicule,
afin d'éviter un accident, et elle surveillait l'environnement. Cela fait
partie de ce que l'on nous enseigne à l'école de police, soit le rôle du
passager dans un véhicule. C'est dans tous les cas, même hors course d'urgence.
C'est ce qu'elle a fait."

Il n'apparaît pas que le recourant 2 aurait pensé que l'activité de
surveillance de sa collègue s'écartait notablement de celle adoptée hors des
courses officielles urgentes. On ne voit pas, partant, que celui-ci eût cru que
l'aide de B.________ - laquelle s'occupait simultanément de la radio - était
propre à écarter tout risque d'accident. Il en va de même s'agissant de
l'utilisation de la sirène et des feux d'urgence du véhicule, puisqu'il ne
ressort pas de l'arrêt attaqué que le recourant 2 aurait prêté à ce matériel
des vertus propres à faire diminuer significativement le risque d'accident ou
de perte de maîtrise du véhicule.

Pour le reste, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant 2 n'avait - à
l'époque des faits - reçu aucune formation particulière pour les courses
d'urgence et qu'il avait par ailleurs pris garde de ne pas accélérer davantage
car il savait circuler dans une zone d'habitation. En conséquence, le recourant
2 ne pouvait que partir du principe que la vitesse adoptée, dans une localité
et en pleine nuit, ne lui laisserait pas la possibilité de réagir à temps si un
obstacle ou un danger inattendu survenait. Il avait ainsi - de par sa vitesse
et les circonstances - accepté l'impossibilité d'éviter un grand risque
d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort en cas d'obstacle
ou de perte de maîtrise du véhicule.

Contrairement aux hypothèses évoquées par la jurisprudence en lien avec
l'exclusion de l'élément constitutif subjectif de l'infraction à l'art. 90 al.
3 LCR (cf. consid. 2.3 supra), la situation n'a impliqué aucune circonstance
externe ou exceptionnelle qui aurait permis de retenir que le recourant 2
n'avait pas eu la volonté d'adopter la vitesse enregistrée et d'accepter les
risques y relatifs. Il apparaît au contraire que l'intéressé a sciemment
augmenté sa vitesse alors qu'il se trouvait dans une zone d'habitation,
acceptant ainsi de ne pouvoir, en cas d'obstacle ou de présence inopinée d'un
autre usager sur la chaussée, réagir à temps afin d'éviter un accident ou de
conserver la maîtrise de son véhicule.

Au vu de ce qui précède, il n'était pas soutenable de retenir que la
présomption de la réalisation de l'élément subjectif de l'infraction réprimée
par l'art. 90 al. 3 LCR avait été renversée. La cour cantonale aurait en
conséquence dû retenir que les éléments constitutifs de l'infraction à l'art.
90 al. 3 et 4 LCR avaient bien été réalisés.

3. 

Les recourants reprochent tous deux à l'autorité précédente d'avoir violé
l'art. 100 ch. 4 LCR.

3.1. Cette disposition prévoit que si le conducteur d'un véhicule du service du
feu, du service de santé, de la police ou de la douane enfreint les règles de
la circulation ou des mesures spéciales relatives à la circulation lors d'une
course officielle urgente ou nécessaire pour des raisons tactiques, il n'est
pas punissable s'il fait preuve de la prudence imposée par les circonstances.
Lors de courses officielles urgentes, le conducteur n'est pas punissable
uniquement s'il a donné les signaux d'avertissement nécessaires; il n'est
exceptionnellement pas nécessaire de donner ces signaux d'avertissement si
ceux-ci compromettent l'accomplissement de la tâche légale. Si le conducteur
n'a pas fait preuve de la prudence imposée par les circonstances ou s'il n'a
pas donné les signaux d'avertissement nécessaires lors d'une course officielle
urgente, la peine peut être atténuée.

Dans des cas d'excès de vitesse très importants commis par des particuliers qui
invoquaient pour leur défense l'état de nécessité (art. 17 CP), le Tribunal
fédéral a jugé que même si le bien en péril était aussi précieux que la vie ou
l'intégrité corporelle d'autrui, il était pratiquement exclu de justifier par
un gain de quelques instants le risque d'accident mortel auquel les occupants
du véhicule et les autres usagers de la route sont exposés en conséquence d'un
excès de ce genre. Selon la jurisprudence, les signaux d'avertissement sonores
et optiques d'un véhicule de la police circulant à vitesse très élevée ne sont
que peu aptes à réduire le risque d'un accident parce qu'en raison de
l'approche rapide de ce véhicule, les tiers exposés au danger ne jouissent que
d'un temps réduit pour percevoir ces signaux, y réagir et adapter leur propre
comportement. Un excès de vitesse très important ne se justifie donc pas
davantage en cas de course urgente selon l'art. 100 ch. 4 LCR que dans le cas
d'un déplacement exécuté en état de nécessité avec un véhicule privé (arrêt
6B_1102/2016 du 12 décembre 2017 consid. 6.1 et les références citées publié in
JdT 2017 I 370; cf. aussi à cet égard l'arrêt 6B_1161/2018 du 17 janvier 2019
consid. 1.2.2 et les références citées).

3.2. La cour cantonale a exposé que l'existence d'une course officielle urgente
n'était pas contestée et que les feux bleus et la sirène du véhicule avaient
été enclenchés au moment de l'excès de vitesse.

Selon l'autorité précédente, le recourant 2 avait procédé à son accélération
pour soutenir ses collègues, qui s'apprêtaient, selon les informations en sa
possession, à interpeller les occupants d'un véhicule en fuite. L'intéressé ne
se trouvait donc pas en situation de poursuivre directement les fugitifs, mais
de prêter assistance à d'autres policiers. Toujours selon les informations en
possession du recourant 2, les fuyards étaient susceptibles de détenir des
armes et de recourir à la force pour s'opposer à leur interpellation. Il
s'agissait donc, pour le recourant 2 et sa passagère, de protéger leurs
collègues et de prévenir une agression physique à leur encontre. Les personnes
poursuivies étaient par ailleurs soupçonnées d'avoir commis des infractions
contre le patrimoine. En définitive, même si la course d'urgence avait été
motivée par la volonté de prévenir une atteinte grave à l'intégrité physique
d'autres policiers - alors que nonobstant l'heure tardive il n'était pas exclu
qu'un autre véhicule, voire un cycliste ou un piéton, pût emprunter la même
voie -, la vitesse de 120 km/h en sortie de localité avait été
disproportionnée. En accélérant comme il l'avait fait, le recourant 2 n'avait
donc pas fait preuve de toute la prudence imposée par les circonstances. Il
n'avait pas, en particulier, tenu compte de la règle posée par le ministère
public, dont il avait alors connaissance, lui enjoignant de ne jamais dépasser
le double de la vitesse autorisée. Ainsi, les agissements du recourant 2
avaient été illicites, la peine devant néanmoins être atténuée conformément à
l'art. 100 ch. 4 dernière phrase LCR.

3.3. En l'occurrence, le recourant 2 ne peut être suivi lorsqu'il soutient que
le dépassement de vitesse commis aurait été "parfaitement admissible et
proportionné" et prétend qu'il ne serait pas punissable conformément à l'art.
100 ch. 4 LCR. En effet, en atteignant une vitesse largement supérieure à la
limite autorisée - et même nettement supérieure au seuil fixé à l'art. 90 al. 4
let. b LCR -, cela en pleine nuit et dans une zone d'habitation, le recourant 2
a créé un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la
mort. Un tel risque, inconciliable avec la prudence exigée par l'art. 100 ch. 4
LCR lors d'une course officielle urgente, ne pouvait aucunement être justifié
par la perspective de prêter main forte à des collègues au cours d'une
interpellation. Il convient, à cet égard, de tenir compte du fait que même si
le recourant 2 pensait que les suspects recherchés pouvaient être armés et
dangereux, il s'agissait d'une pure hypothèse, puisque rien ne permettait de
retenir que les occupants du véhicule pris en chasse - qui n'avaient pas été
identifiés et ne s'étaient attaqués à personne - eussent concrètement fait
peser une menace sur l'intégrité corporelle ou la vie d'autrui (cf. dans le
même sens l'arrêt 6B_1161/2018 précité consid. 1.2.1 et 1.2.3). Par ailleurs,
le fait que l'excès de vitesse litigieux fût limité dans l'espace et le temps
ne saurait conduire à un autre résultat. Au contraire, le danger créé par le
recourant 2 était d'autant moins justifiable qu'il pouvait au mieux -
s'agissant des quelques centaines de mètres concernés par la limitation de
vitesse à 50 km/h sur lesquels les risques de croiser un autre usager ou un
piéton étaient accrus - lui faire gagner quelques instants.

Ainsi, compte tenu du danger abstrait accru pour les autres usagers de la route
et les piétons créé par le recourant 2 eu égard à sa vitesse disproportionnée,
ce dernier n'a pas fait preuve de la prudence qu'imposaient les circonstances.
Il ne pouvait prétendre à une impunité fondée sur l'art. 100 ch. 4 LCR.

3.4. Le recourant 1 soutient que la cour cantonale aurait violé le droit
fédéral en considérant que la peine du recourant 2 pouvait être atténuée
conformément à l'art. 100 ch. 4 dernière phrase LCR.

3.4.1. La disposition précitée ne révèle pas dans quelles configurations une
telle atténuation de la peine entre en ligne de compte. Dans son message du 6
mars 2015 concernant la modification de la loi sur les douanes, le Conseil
fédéral précisait que si, "pour des raisons particulières", le conducteur
n'avait pas fait preuve de la prudence imposée par les circonstances, les
autorités pénales devaient avoir "la possibilité d'atténuer la peine encourue".
Il indiquait également que ces motifs d'atténuation de la peine devaient être
"moins restrictifs que ceux mentionnés à l'art. 48 CP", et que ladite peine ne
pourrait être atténuée si le conducteur n'avait "nullement fait preuve de la
prudence imposée par les circonstances" (cf. FF 2015 2657, 2701; cf. aussi
l'arrêt 6B_1102/2016 précité consid. 6.2).

3.4.2. En l'espèce, la cour cantonale a indiqué que le recourant 2 voulait
protéger la vie et l'intégrité physique de ses collègues en procédant au
dépassement de vitesse qui lui était reproché, que la course s'était
interrompue dès que ce dernier avait compris que l'interpellation des suspects
n'était en réalité pas imminente, et que l'excès de vitesse en question avait
été limité dans le temps et dans l'espace.

On peut ajouter que, lorsqu'il a procédé à son accélération, le recourant 2
suivait un véhicule de police dont les feux bleus étaient enclenchés. La
présence de ce véhicule sur la chaussée - ouvrant la marche - diminuait le
risque qu'un autre usager ou un piéton pût être surpris par l'arrivée rapide du
recourant 2 à la sortie de la zone d'habitation. Dans ces conditions, même si
ce dernier n'a pas fait preuve de la prudence imposée par les circonstances, il
n'apparaît pas que son comportement aurait été totalement inconsidéré.

Ainsi, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en estimant que le
recourant 2 pouvait bénéficier d'une atténuation de peine fondée sur l'art. 100
ch. 4 dernière phrase LCR.

4. 

Le recourant 2 soutient qu'il aurait été victime d'une erreur sur l'illicéité
concernant la vitesse à laquelle il lui était possible de circuler au moment
des faits. Il prétend qu'il aurait alors pu se prévaloir des directives du
ministère public ainsi que de la pratique de ce dernier en matière de
dépassement de vitesse par des policiers.

Cet argument tombe à faux. En effet, la cour cantonale a exposé que, selon un
ordre général du ministère public à l'attention de la police concernant les
courses officielles urgentes, tel que l'avait compris le recourant 2, lorsque
la course d'urgence concernait une infraction contre le patrimoine, la vitesse
autorisée correspondait à 1,5 fois celle signalée. Si la course d'urgence
concernait une mise en danger de l'intégrité physique d'une personne, la
vitesse autorisée correspondait au double de la vitesse signalée (cf. p. 12 de
l'arrêt attaqué; cf. aussi l'arrêt 6B_1161/2018 précité consid. 1.1.6 et
1.2.2). L'autorité précédente n'a nullement retenu que le recourant 2 aurait
cru, au moment des faits, qu'il pouvait se fonder sur ces directives pour
choisir sa vitesse. En outre, lors de son audition devant le ministère public,
l'intéressé a déclaré ce qui suit à ce propos (cf. PV du 12 janvier 2018, p. 3)
:

"Vous me demandez si je me suis fait une réflexion sur le moment, s'agissant de
la vitesse à laquelle je pouvais rouler dans le cadre de cette poursuite. Je
vous réponds que non. Je n'ai pas le souvenir que nous ayons échangé avec
B.________ sur ce point. Je savais, mais je n'y ai pas pensé sur le moment,
qu'une infraction contre le patrimoine permet de rouler à 1,5 fois la vitesse
limitée, tandis que la mise en danger de l'intégrité physique d'une personne
permet de rouler à 2 fois. De manière plus générale, je savais que le fait que
nous soyons en poursuite ne permet pas de rouler à n'importe quelle vitesse et
que le principe applicable est celui de la proportionnalité."

Au vu de ce qui précède, on ne voit pas comment le recourant 2 aurait pu fonder
son comportement sur des directives du ministère public auxquelles il a
lui-même admis ne pas avoir songé au moment des faits. En outre, l'intéressé a
expliqué qu'il savait que de telles directives ne conféraient pas un droit
absolu d'atteindre les limites fixées, mais que la conduite devait toujours
être guidée par le principe de proportionnalité. On peut donc exclure que le
recourant 2 se fût cru - sur la base des directives du ministère public - en
droit de rouler à 100 km/h lorsqu'il a dépassé le radar.

5. 

Compte tenu de ce qui précède, l'arrêt attaqué doit être annulé et la cause
renvoyée à l'autorité cantonale afin que celle-ci condamne le recourant 2 pour
infraction à l'art. 90 al. 3 et 4 LCR (cf. consid. 2 supra). En conséquence,
une nouvelle sanction devra être fixée, ce qui rend sans objet les griefs
formulés par les recourants concernant la peine. Il en va de même s'agissant
des griefs présentés par le recourant 2 à propos de l'éventuelle violation des
art. 428, 429 et 436 CPP.

6. 

Le recours du recourant 1 (6B_1224/2019) doit être partiellement admis (cf.
consid. 2 supra). Pour le reste, il doit être rejeté. Le recours du recourant 2
(6B_1250/2019) doit être rejeté. Le recourant 2, qui succombe, supporte les
frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), le recourant 1 n'ayant quant à lui pas à
en supporter (art. 66 al. 4 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Les causes 6B_1224/2019 et 6B_1250/2019 sont jointes.

2. 

Le recours du recourant 1 (6B_1224/2019) est partiellement admis, l'arrêt
attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision. Pour le reste, ce recours est rejeté.

3. 

Le recours du recourant 2 (6B_1250/2019) est rejeté.

4. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant
2.

5. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 24 janvier 2020

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa