Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.1143/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

6B_1143/2019

Arrêt du 31 octobre 2019

Cour de droit pénal

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,

Oberholzer et Jametti.

Greffier : M. Graa.

Participants à la procédure

A.________,

représenté par Me Yves Maître, avocat,

recourant,

contre

Département des Finances,

intimé.

Objet

Levée de la mesure thérapeutique institutionnelle,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Cour administrative, du 29 août 2019 (ADM 63 / 2019 + AJ 64 / 2019).

Faits :

A. 

Par jugement du 28 juin 2016, la Cour pénale du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura a condamné A.________, pour tentatives de violence
ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, injure, conduite
inconvenante, tapage nocturne et conduite inconvenante ainsi que mise en danger
de la vie d'autrui, à une peine privative de liberté de huit mois et à une
amende de 200 francs. Elle a par ailleurs instauré une mesure thérapeutique
institutionnelle en sa faveur.

Afin de prononcer ce jugement, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien
s'est fondée sur une expertise psychiatrique réalisée par le Dr B.________ en
2012 et complétée en 2014 puis 2015. Il en ressortait en substance que
A.________ souffrait d'un trouble mixte de la personnalité à traits
psychopathiques marqués, complété par un trouble affectif bipolaire et un
syndrome de dépendance au cannabis en utilisation épisodique. L'expert avait
préconisé l'instauration d'une mesure thérapeutique institutionnelle afin
d'encadrer le traitement psychiatrique de l'intéressé.

B. 

Par décision du 1er mars 2019, confirmée sur opposition le 17 mai 2019, le
Département des finances jurassien a refusé de lever la mesure thérapeutique
institutionnelle et d'accorder à A.________ la libération conditionnelle de
ladite mesure.

C. 

Par arrêt du 29 août 2019, la Cour administrative du Tribunal cantonal
jurassien a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision.

La cour cantonale a retenu les faits suivants.

C.a. A.________ est né en 1988. Depuis le 10 octobre 2016, il exécute sa mesure
à l'Etablissement pénitentiaire de C.________.

Son casier judiciaire fait état de nombreuses condamnations, dont une - à une
peine privative de liberté de 24 mois - prononcée en 2009 notamment pour
lésions corporelles simples et violence ou menace contre les autorités et les
fonctionnaires.

C.b. Le 12 mai 2018, A.________ a fait l'objet d'une expertise psychiatrique
réalisée par le Dr D.________. Ce dernier a posé le diagnostic principal de
schizophrénie indifférenciée partiellement compensée (CIM-10 F 20.3). Il a
également constaté l'existence de troubles mentaux et du comportement liés à
l'utilisation d'alcool et de cannabis. L'expert a en revanche écarté le
diagnostic de trouble bipolaire. Selon lui, le fait que le trouble dont
souffrait A.________ ne soit pas complètement compensé pouvait contribuer à
augmenter un risque de passage à l'acte violent en cas de décompensation aiguë
du trouble. Le Dr D.________ a ajouté que la mesure thérapeutique
institutionnelle restait cliniquement et criminologiquement pertinente. Selon
lui, A.________ n'était pas encore "pleinement entré dans les soins" et sa
psychose n'était pas encore stabilisée.

C.c. Dans un rapport de suivi médico-psychologique daté du 10 septembre 2018,
le Pr E.________ et le Dr F.________ se sont ralliés à cet avis, écartant le
diagnostic de trouble bipolaire. Ils ont pour leur part diagnostiqué un trouble
psychotique pouvant être catégorisé comme une schizophrénie indifférenciée.

C.d. Le 6 novembre 2018, le directeur de C.________ s'est prononcé en faveur du
maintien de la mesure thérapeutique institutionnelle et de la poursuite du
placement de A.________ dans son établissement.

C.e. Le 5 décembre 2018, la Commission spécialisée du Service juridique du
Département des finances a préavisé contre la levée de la mesure thérapeutique
institutionnelle.

D. 

Par arrêt du 16 octobre 2019 (6B_1091/2019), le Tribunal fédéral a rejeté -
dans la mesure de sa recevabilité - le recours qui avait été formé par
A.________ contre un arrêt de la Cour administrative du Tribunal cantonal
jurassien ayant confirmé l'autorisation, donnée au Service médical de
C.________, de mettre en oeuvre une médication sous contrainte dans le cadre du
traitement thérapeutique institutionnel, aussi longtemps que cela serait
indiqué pour atteindre l'objectif de la mesure.

E. 

A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 29 août 2019, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa
réforme en ce sens que la mesure thérapeutique institutionnelle dont il
bénéficie est immédiatement levée. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1. 

Le recourant soutient que les conditions d'une mesure thérapeutique
institutionnelle ne seraient plus remplies.

1.1. Aux termes de l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave
trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel lorsque
celui-ci a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et
qu'il est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en
relation avec ce trouble (let. b). Selon la jurisprudence, la condition posée
par l'art. 59 al. 1 let. b CP - qu'il soit à prévoir que la mesure détournera
l'intéressé de nouvelles infractions en relation avec son trouble - est
réalisée lorsque, au moment de la décision, il est suffisamment vraisemblable
qu'un traitement institutionnel entraînera dans les cinq ans de sa durée
normale une réduction nette du risque de récidive (ATF 140 IV 1 consid. 3.2.4
p. 9; 134 IV 315 consid. 3.4.1 p. 321 s.).

Conformément à l'art. 56 al. 6 CP, une mesure dont les conditions ne sont plus
remplies doit être levée. Comme son prononcé suppose qu'elle soit propre à
détourner l'auteur de la commission de nouvelles infractions en relation avec
son grave trouble mental (cf. art. 59 al. 1 let. b CP), une mesure
thérapeutique institutionnelle ne peut dès lors être maintenue que si elle
conserve une chance de succès, ainsi que le prévoit d'ailleurs l'art. 62c al. 1
let. a CP. Selon cette dernière disposition, la mesure thérapeutique
institutionnelle doit être levée si son exécution paraît vouée à l'échec. Il en
va ainsi lorsque l'auteur n'est pas - ou plus - soignable ou que le traitement
n'est plus apte à prévenir la commission de nouvelles infractions. L'échec de
la mesure peut résulter de l'insuffisance de possibilités thérapeutiques, du
manque de respect des avis ou recommandations des thérapeutes ou du refus d'un
traitement. Le traitement n'est voué à l'échec que s'il est définitivement
inopérant; une simple crise de l'intéressé ne suffit pas. De manière générale,
la levée d'une mesure en raison de son échec doit être admise de manière
restrictive (ATF 141 IV 49 consid. 2.3 p. 52; arrêt 6B_660/2019 du 20 août 2019
et les références citées; cf. aussi ATF 143 IV 445 consid. 2.2 p. 447).

1.2. La cour cantonale a exposé que le Dr B.________ avait, dans l'expertise
sur laquelle s'était fondée la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien pour
son jugement du 28 juin 2016, posé un diagnostic de trouble mixte de la
personnalité à traits psychopathiques marqués, complété par un trouble affectif
bipolaire ainsi qu'un syndrome de dépendance au cannabis en utilisation
épisodique (CIM-10 F 31.0, F 61.0 et F 12.26). Le recourant était alors déjà
traité au Xeplion, médicament utilisé pour le traitement de la schizophrénie.
C'est ce traitement qui, après avoir été abandonné en 2017, avait été
réintroduit sous contrainte à la fin de l'année 2018. Même si le Dr D.________
n'avait quant à lui, dans son expertise, pas conclu à la présence d'un trouble
bipolaire - qui fait partie des psychoses tout comme la schizophrénie -, ce
médecin avait expliqué les raisons pour lesquelles ce trouble ne pouvait
aujourd'hui être confirmé, sans pour autant remettre en cause les constatations
du Dr B.________. L'expertise du Dr D.________ avait par la suite été confirmée
par le rapport de suivi médico-psychologique du 10 septembre 2018. A l'instar
du Dr B.________, tous les spécialistes consultés avaient ainsi évoqué la
présence de troubles psychotiques, même si le trouble bipolaire diagnostiqué
par le Dr B.________ n'avait pas été confirmé par la suite. Tous les médecins
consultés dès 2018 avaient en outre proposé la réintroduction du traitement
neuroleptique abandonné en 2017. En définitive, le recourant était atteint d'un
grave trouble mental - soit d'une psychose - à l'époque du jugement du 28 juin
2016, et il en souffrait encore actuellement. Ce trouble était par ailleurs en
lien avec les infractions commises.

S'agissant des perspectives de succès de la mesure, l'autorité précédente a
indiqué que le traitement thérapeutique institutionnel n'était pas voué à
l'échec. La situation du recourant s'était en effet améliorée au début de son
séjour à C.________. Dès janvier 2018, le comportement de l'intéressé avait
changé - au point que ce dernier fît l'objet de nombreuses sanctions
disciplinaires - si bien que la médication neuroleptique avait dû être
réintroduite sous contrainte. Le Dr D.________ avait, dans son expertise,
indiqué que la mesure exécutée demeurait cliniquement et criminologiquement
adéquate. Celle-ci devait donc être maintenue puisque, selon cet expert, un
cadre institutionnel ouvert ou un traitement ambulatoire ne suffirait pas. Pour
la cour cantonale, il n'était pas impossible que la réintroduction du
traitement neuroleptique permette à l'avenir une amélioration de la situation
du recourant et qu'un cadre moins contraignant puisse être progressivement mis
en place.

1.3. Le recourant relève que les différents médecins l'ayant examiné entre 2012
et 2018 ont posé des diagnostics variables le concernant. Il en conclut que les
experts consultés ne seraient "pas d'accord entre eux" à propos du trouble
mental dont il souffre.

On peine à comprendre la pertinence de cette argumentation. En effet, le
recourant ne conteste pas qu'il souffre toujours d'un grave trouble mental au
sens de l'art. 59 al. 1 CP. Quoi qu'il en soit, comme l'a constaté à bon droit
la cour cantonale, si les différents médecins ayant posé un pronostic
concernant le recourant ne se sont pas montrés unanimes à propos de la
qualification de l'affection mentale, tous ont conclu à l'existence - chez
l'intéressé - de troubles psychotiques. Le Dr D.________ a d'ailleurs
expressément relevé qu'il existait "un point sur lequel tous les cliniciens qui
ont eu affaire [au recourant] sont d'accord c'est l'existence d'une psychose"
(cf. pièce 7.165 du dossier cantonal), après avoir expliqué pourquoi il
renonçait à poser le diagnostic de trouble bipolaire, lequel relevait également
du "groupe des psychoses" (cf. pièce 7.141 du dossier cantonal). Les médecins
ayant rédigé le rapport de suivi médico-psychologique du 10 septembre 2018 ont
eux aussi discuté le diagnostic posé par le Dr D.________, en relevant les
difficultés qui existaient pour "catégoriser sans équivoque le tableau
présenté" par le recourant, avant de conclure à la présence d'une schizophrénie
indifférenciée (cf. pièce 7.168 du dossier cantonal). Le recourant ne peut donc
rien déduire de l'absence de diagnostic de trouble affectif bipolaire dans les
rapports les plus récents, puisqu'il ne s'agissait en l'occurrence que d'un
aspect de l'affection identifiée par le Dr B.________, lequel avait évoqué, à
titre principal, un trouble mixte de la personnalité à traits psychopathiques
marqués, ce que le Tribunal fédéral a déjà rappelé à l'intéressé dans son arrêt
du 16 octobre 2019 (cf. arrêt 6B_1091/2019 consid. 4.3).

1.4. Le recourant prétend que le trouble affectif bipolaire diagnostiqué par le
Dr B.________, qui avait donné lieu à l'instauration de la mesure thérapeutique
institutionnelle en 2016, "n'existe plus". Il affirme que la condition de
l'art. 59 al. 1 let. a CP ne serait donc plus remplie.

Cette argumentation ne saurait être suivie. En effet, il ne ressort pas de
l'arrêt attaqué que la mesure thérapeutique institutionnelle aurait, à
l'origine, été instaurée exclusivement en raison du trouble affectif bipolaire
diagnostiqué par le Dr B.________, mais bien eu égard au grave trouble mental
dont souffrait déjà l'intéressé, soit un trouble mixte de la personnalité à
traits psychopathiques marqués, "complété" par le trouble affectif bipolaire
qui n'a pas été constaté par le Dr D.________. D'ailleurs, malgré les nombreux
rapports médicaux et de prise en charge psychiatrique figurant au dossier et
résumés dans l'arrêt attaqué, le recourant ne met en évidence aucun élément qui
permettrait de penser que le trouble affectif bipolaire diagnostiqué par le Dr
B.________ aurait pu, postérieurement au jugement du 28 juin 2016, disparaître
ou être guéri. Ainsi, l'existence du trouble mental du recourant - lequel peut
être rangé parmi les psychoses, quelle que soit sa qualification définitive - a
été constatée par le Dr B.________ puis par tous les autres médecins ayant eu à
examiner l'intéressé. En outre, il n'apparaît pas - et le recourant ne le
prétend pas - que l'un de ces médecins aurait, d'une quelconque manière dans
l'un de ses rapports, relevé une rupture du lien entre le trouble mental
diagnostiqué et les infractions ayant donné lieu à l'instauration de la mesure.
L'intéressé présente ainsi en vain ses propres considérations sur la différence
existant entre les divers diagnostics successivement formulés à son égard. Dans
son rapport d'expertise du 12 mai 2018, le Dr D.________ a d'ailleurs évoqué
les infractions commises par le recourant et le risque de réitération sans
relever une incongruité entre lesdites infractions et le trouble mental
diagnostiqué (cf. en particulier pièce 7.127 du dossier cantonal). La condition
de l'art. 59 al. 1 let. a CP est donc bien remplie.

1.5. Le recourant soutient enfin qu'il serait impossible d'affirmer que la
mesure dont il bénéficie conserve encore une chance de succès.

Son argumentation ne repose pas sur des éléments du dossier, en particulier sur
l'expertise psychiatrique réalisée par le Dr D.________, mais consiste en de
simples interrogations relatives à l'efficacité du traitement neuroleptique
dont l'administration sous contrainte a été autorisée depuis quelques mois (cf.
sur ce point l'arrêt 6B_1091/2019 précité).

Or, comme l'a constaté la cour cantonale, l'état du recourant s'était tout
d'abord amélioré lors de l'arrivée de ce dernier à C.________, avant de se
dégrader en 2018. Le traitement neuroleptique qui lui a par la suite été
prescrit visait précisément à permettre au recourant de surmonter
l'anosognosie, d'accepter le besoin d'un traitement afin de s'investir dans la
mesure pour que celle-ci conserve des chances de succès et permette une
amélioration de son pronostic légal (cf. l'arrêt 6B_1091/2019 précité consid.
4.4). Rien ne permet donc d'affirmer que la mesure thérapeutique
institutionnelle serait désormais vouée à l'échec. Au contraire, le Dr
D.________ a expressément évoqué des perspectives de réduction du risque de
récidive - non exclusivement liées à la médication du recourant - ainsi que,
cas échéant, de passage dans un cadre moins contraignant (cf. pièces 7.158 s.
du dossier cantonal). Le recourant ne peut enfin rien tirer de l'absence au
dossier de constatations relatives à une évolution favorable de sa situation
depuis que le traitement neuroleptique a été repris, dès lors qu'il ne ressort
nullement de l'arrêt attaqué que l'un ou l'autre des médecins ayant examiné
l'intéressé aurait conditionné son évaluation des chances de succès de la
mesure à la constatation immédiate d'effets bénéfiques liés à l'administration
de Xeplion.

Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
refusant de lever la mesure dont bénéficie le recourant.

2. 

Le recours doit être rejeté. Comme ses conclusions étaient dépourvues de
chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1
LTF). Par conséquent, le recourant, qui succombe, supportera les frais
judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera fixé en tenant compte de
sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Cour administrative.

Lausanne, le 31 octobre 2019

Au nom de la Cour de droit pénal

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Graa