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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.535/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

5A_535/2019

Arrêt du 25 juillet 2019

IIe Cour de droit civil

Composition

MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,

Marazzi et von Werdt.

Greffière : Mme Feinberg.

Participants à la procédure

A.________,

représenté par Me Philippe Gorla, avocat,

recourant,

contre

B.________,

représentée par Me Cyrielle Friedrich, avocate,

intimée.

Objet

effet suspensif (autorité parentale, droit de garde),

recours contre la décision du Président de la Chambre de surveillance de la
Cour de justice du canton de Genève du 14 juin 2019 (C/25668/2018-CS, DAS/118/
2019).

Faits :

A. 

Par ordonnance du 2 avril 2019, le Tribunal de protection de l'adulte et de
l'enfant du canton de Genève (ci-après: le Tribunal de protection) a notamment
accordé à A.________ et B.________ l'autorité parentale conjointe sur leur fils
C.________ (2012), attribué la garde de l'enfant au père, réservé à la mère un
droit de visite et fixé les modalités de celui-ci, donné instruction à la mère
de s'abstenir de toute consommation d'alcool avant et pendant chaque visite,
respectivement de renoncer à une visite ou l'écourter si elle ne se sentait pas
en état de s'occuper adéquatement de l'enfant, exhorté la mère à mettre en
place les suivis requis sur le plan médical et thérapeutique auprès d'un lieu
de consultation spécialisé, donné instruction à la mère d'organiser avec ses
médecins la réalisation de tests toxicologiques inopinés et, cela fait, de
prier ceux-ci d'en adresser aux curateurs les résultats, accompagnés de tous
commentaires médicaux utiles, invité la mère à délier ces praticiens de leur
secret médical, afin de les autoriser à collaborer dans la mesure utile avec le
Service de protection des mineurs et notamment, à informer sans délai celui-ci
en cas de péjoration de l'état de leur patiente ou d'interruption de sa prise
en charge et instauré une curatelle d'organisation et de surveillance du droit
de visite. Il a déclaré son ordonnance immédiatement exécutoire.

Par acte du 3 juin 2019, la mère a interjeté recours, concluant à l'annulation
de l'ordonnance précitée et, préalablement, à la restitution de l'effet
suspensif.

Par décision du 14 juin 2019, le Président de la Chambre de surveillance de la
Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Chambre de surveillance) a
restitué l'effet suspensif au recours.

B. 

Par acte du 27 juin 2019, le père exerce un recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Il conclut principalement à l'annulation de la décision
querellée et à ce qu'il soit dit que l'effet suspensif n'est pas restitué,
respectivement à ce que la demande d'effet suspensif soit rejetée.
Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision. Il demande également que les frais et dépens des procédures
cantonale et fédérale soient mis à la charge de l'intimée, subsidiairement à ce
que la cause soit renvoyée à la Chambre de surveillance pour qu'elle statue à
nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement au rejet de celui-ci dans la mesure de sa recevabilité. La cour
cantonale s'en est quant à elle " rapport[ée] quant à l'octroi de l'effet
suspensif et [s'est] référ[ée] aux considérants de son arrêt quant au fond ".

Considérant en droit :

1.

1.1. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale
(art. 42 al. 1 LTF) par une partie qui a pris part à la procédure devant
l'autorité précédente et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à
sa modification (art. 76 al. 1 LTF), le recours est dirigé contre une décision
qui suspend l'exécution d'une ordonnance portant notamment sur l'autorité
parentale, la garde et l'institution d'une curatelle d'organisation et de
surveillance du droit de visite, à savoir une décision incidente rendue dans
une cause de nature non pécuniaire (arrêt 5A_331/2015 du 20 janvier 2016
consid. 1 non publié in ATF 142 III 56), sujette au recours en matière civile
(art. 72 al. 2 let. 6 LTF).

1.2. Hormis les décisions mentionnées à l'art. 92 al. 1 LTF, une décision
préjudicielle ou incidente ne peut être entreprise immédiatement que si elle
peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si
l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui
permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let.
b LTF).

En l'occurrence, seule l'hypothèse de l'art. 93 al. 1 let. a LTF entre en
considération. Le " préjudice irréparable " au sens de cette disposition doit
être de nature juridique et ne pas pouvoir être réparé ultérieurement par une
décision finale favorable au recourant (ATF 143 III 416 consid. 1.3 et les
références). Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité
que la décision préjudicielle ou incidente lui cause un tel dommage, à moins
que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 142 III 798 consid. 2.2 et les
références).

En l'espèce, contrairement à ce que soutient la mère, le recourant fait valoir
à juste titre que la décision attaquée, qui le prive notamment de l'autorité
parentale et de la garde pendant la durée de la procédure de deuxième instance,
est susceptible d'entraîner un préjudice irréparable. En effet, selon la
jurisprudence, lorsque les mesures provisionnelles litigieuses concernent le
sort des enfants, la décision qui les ordonne peut entraîner un tel préjudice à
la partie recourante, car même le succès du recours au fond ne pourrait pas
compenser rétroactivement l'exercice des prérogatives parentales dont
l'intéressé a été frustré pendant la période écoulée (ATF 137 III 475 consid. 1
et les références; arrêt 5A_663/2018 du 12 septembre 2018 consid. 3). La pièce
produite par l'intimée, à savoir une ordonnance de mesures superprovisionnelles
rendue le 8 juillet 2019 par le Tribunal de protection, n'est - indépendamment
de la question de savoir si ledit tribunal était compétent pour rendre une
telle ordonnance - pas propre à modifier cette conclusion. Il s'agit en effet
d'une décision postérieure à la décision querellée (cf. infra consid. 2.3), qui
n'instaure qu'un droit de visite en faveur du père mais ne traite ni de
l'autorité parentale ni de la garde, objets de la présente procédure.

2.

2.1. Lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée porte sur des mesures
provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 137 III 475 consid. 2), seule la
violation de droits constitutionnels peut être invoquée. Le Tribunal fédéral
n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés (" principe
d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire expressément soulevés et
exposés de manière claire et détaillée (ATF 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364
consid. 2.4). Le recourant doit ainsi indiquer quelle disposition
constitutionnelle aurait été violée et préciser en quoi consiste la violation
(ATF 134 II 349 consid. 3 et les références).

2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le recourant qui entend invoquer que les faits
ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la
rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal
que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au
principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1).

2.3. En vertu de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne
peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente.
Cette exception, dont il appartient au recourant de démontrer que les
conditions sont remplies (ATF 143 V 19 consid. 1.2 et la référence; arrêt
5A_904/2015 du 29 septembre 2016 consid. 2.3 non publié in ATF 142 III 617),
vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision
attaquée. Il peut s'agir de faits et moyens de preuve qui se rapportent à la
régularité de la procédure devant la juridiction précédente ou qui sont
déterminants pour la recevabilité du recours au Tribunal fédéral ou encore qui
sont propres à contrer une argumentation de l'autorité précédente objectivement
imprévisible pour les parties avant la réception de la décision (arrêts 5A_243/
2019 du 17 mai 2019 consid. 2.3; 5A_904/2015 précité consid. 2.3). En dehors de
ces cas, les nova ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de
preuve survenus postérieurement à la décision attaquée (ATF 144 V 35 consid.
5.2.4; 143 V 19 consid. 1.2 et les références) ou d'éléments que les parties
ont négligé de présenter aux autorités cantonales (ATF 143 V 19 consid. 1.2;
136 III 123 consid. 4.4.3).

En l'espèce, la pièce nouvelle produite par le père à l'appui de son recours, à
savoir un contrat de bail du 11 juin 2019, est antérieure à la décision
querellée sans que le recourant explique en quoi l'une des exceptions de l'art.
99 al. 1 LTF serait remplie. Partant, elle est d'emblée irrecevable. Les autres
documents que le recourant a joints à son écriture sont en revanche recevables
en tant qu'il s'agit de copies de pièces figurant déjà au dossier cantonal ou
d'actes procéduraux.

3.

3.1. Considérant que la levée de l'effet suspensif prévue par l'art. 450c CC
devait être appréciée de cas en cas et ne devait pas être prononcée de manière
trop large, que la nécessité de la mise en oeuvre immédiate de la décision
devait correspondre à l'intérêt du mineur et que, de manière générale en
matière de garde, la situation prévalant au moment de la décision devait être
maintenue, l'autorité cantonale a jugé qu'en l'espèce, le dossier ne laissait
pas apparaître d'urgence particulière à ce que la mesure ordonnée soit exécutée
immédiatement, dès lors que le mineur habitait avec ses deux parents, et qu'il
convenait par conséquent d'octroyer l'effet suspensif au recours.

3.2. Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairement établi
les faits, apprécié les preuves de manière insoutenable, violé son droit d'être
entendu, commis un déni de justice formel et appliqué arbitrairement les art.
446 al. 1 et 450c CC en accordant l'effet suspensif au recours de la mère.

En substance, il soutient qu'elle aurait omis de traiter, respectivement aurait
arbitrairement écarté, son allégué selon lequel il allait déménager le 15 juin
2019 au plus tard, alors qu'il l'avait fait valoir dans sa réponse sur l'effet
suspensif du 11 juin 2019 et avait produit l'e-mail de la régie confirmant
l'attribution d'un appartement de 2.5 pièces. Il soutient que cet élément
serait décisif pour l'issue du litige, dès lors que la juridiction précédente
s'est uniquement fondée sur la vie commune des parties pour nier le caractère
urgent des mesures prononcées.

L'autorité cantonale aurait par ailleurs arbitrairement omis de constater
d'autres faits pertinents, en particulier les problèmes d'alcool de la mère et
le comportement inadéquat de celle-ci envers l'enfant.

3.3.

3.3.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique, en
particulier, le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le
destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et
exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le
juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur
lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se
rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause.
Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits,
moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se
limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 143 III
65 consid. 5.2 et les références). Dès lors que l'on peut discerner les motifs
qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est
respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut
d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la
décision. En revanche, une autorité viole l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de
se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de
prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision
à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références).

3.3.2. En l'espèce, après avoir constaté que, selon la mère, la vie commune des
parties rendait " totalement absurde " l'application immédiate de l'ordonnance
du premier juge, l'autorité cantonale s'est contentée de retenir qu'il n'y
avait pas d'urgence particulière au dossier, le mineur habitant actuellement
avec ses deux parents. Ce faisant, elle a complètement passé sous silence
l'argument du père - pourtant documenté et pertinent pour l'issue du litige -
relatif à la prise d'un domicile séparé prévue pour le 15 juin 2019, violant
ainsi l'art. 29 al. 2 Cst. Le grief du recourant doit par conséquent être admis
et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle examine cet élément
et, si besoin est, procède à une nouvelle pesée des intérêts.

4. 

En définitive, le recours est admis dans la mesure de sa recevabilité et
l'affaire est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Les frais
judiciaires sont mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF)
et qui versera en outre une indemnité de dépens au recourant (art. 68 al. 1 et
2 LTF). S'agissant des frais de la procédure cantonale, la juridiction
précédente a indiqué qu'il serait statué à leur sujet dans la procédure au
fond, de sorte qu'il n'y a pas lieu à ce stade de se prononcer sur ce point.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt entrepris
annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans
le sens des considérants.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3. 

Une indemnité de 2'000 fr., à verser au recourant à titre de dépens, est mise à
la charge de l'intimée.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Président de la Chambre de
surveillance de la Cour de justice du canton de Genève et au Service de
protection des mineurs.

Lausanne, le 25 juillet 2019

Au nom de la IIe Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Herrmann

La Greffière : Feinberg