Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.180/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

5A_180/2019

Arrêt du 12 juin 2019

IIe Cour de droit civil

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président,

Escher et Bovey.

Greffière : Mme Dolivo.

Participants à la procédure

A.________,

représenté par Me Anca Apetria, avocate,

recourant,

contre

B.________ LLP,

représentée par Me Paul Gully-Hart, avocat,

intimée.

Objet

procédure de mainlevée définitive (restitution du délai de recours),

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 18 janvier 2019 (C/8983/2018, ACJC/76/2019).

Faits :

A. 

Par jugement du 10 octobre 2018, le Tribunal de première instance de Genève a
prononcé la mainlevée définitive, à concurrence des sommes de 26'716 fr. et
10'816 fr. 80, intérêts en sus, de l'opposition formée par A._______ au
commandement de payer que lui a notifié l'Office des poursuites de Genève à la
réquisition de la société B.________ LLP (poursuite n° xx xxxxxx x).

Par arrêt du 1er novembre 2018, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a déclaré irrecevable, pour
cause de tardiveté, le recours du poursuivi.

B. 

Le 15 novembre 2018, le poursuivi a requis la restitution du délai de recours
contre le jugement du 10 octobre 2018. Il a fait valoir qu'il avait quitté le
domicile conjugal au début du mois d'octobre 2018 et qu'en passant chercher son
courrier le 17 octobre 2018, il avait noté par erreur comme date de réception
du jugement précité le 17 octobre 2018 au lieu du 16 octobre 2018, date à
laquelle son épouse avait réceptionné le courrier recommandé au domicile
conjugal.

Par arrêt du 18 janvier 2019, la Cour de justice a rejeté la requête de
restitution du délai de recours.

C. 

Par mémoire expédié le 4 mars 2019, A.________ exerce un recours en matière
civile au Tribunal fédéral. Il conclut en substance à l'annulation de l'arrêt
du 18 janvier 2019 et à sa réforme, en ce sens que la requête de restitution de
délai est admise, que la Cour de justice déclare recevable le recours qu'il a
formé contre le jugement du 10 octobre 2018 et qu'elle statue sur le fond.

D. 

Par ordonnance présidentielle du 25 mars 2019, la requête d'effet suspensif du
recourant a été rejetée.

Considérant en droit :

1. 

Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision
finale (art. 90 LTF; arrêt 4A_137/2013 du 7 novembre 2013 consid. 7.3 non
publié aux ATF 139 III 478; voir aussi ATF 141 III 395 consid. 2.2) rendue en
matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF) par un tribunal
supérieur ayant statué sur recours en dernière instance cantonale (art. 75 al.
1 et 2 LTF). La valeur litigieuse requise est atteinte (art. 74 al. 1 let. b
LTF). Le recourant, débouté par la juridiction précédente dans sa requête en
restitution de délai, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Le recours
en matière civile est ainsi en principe recevable au regard des dispositions
précitées.

2. 

Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il
est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF); cela étant, eu égard à l'exigence de motivation
contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs
soulevés (ATF 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1). En outre, le
Tribunal fédéral ne connaît de la violation de droits fondamentaux que si un
tel grief a été invoqué et motivé par le recourant (" principe d'allégation ",
art. 106 al. 2 LTF; ATF 137 II 305 consid. 3.3; 134 I 83 consid. 3.2),
c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et
détaillée (ATF 135 III 232 consid. 1.2; 133 II 249 consid. 1.4.2). Les
critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 140 III 264 consid.
2.3; 139 II 404 consid. 10.1 et les arrêts cités).

3. 

Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 148 CPC. Il
ajoute avoir été attrait abusivement devant des tribunaux anglais incompétents
et que son absence à l'audience de mainlevée du 3 septembre 2018 ne peut lui
être reprochée. Dans un tel contexte, interpréter strictement la notion de "
faute légère " pour un retard d'un seul jour contreviendrait au " principe du
procès équitable ".

3.1. Aux termes de l'art. 148 CPC, le tribunal peut accorder un délai
supplémentaire ou citer les parties à une nouvelle audience lorsque la partie
défaillante en fait la requête et rend vraisemblable que le défaut ne lui est
pas imputable ou n'est imputable qu'à une faute légère (al. 1). La requête est
présentée dans les dix jours qui suivent celui où la cause du défaut a disparu
(al. 2). Si une décision a été communiquée, la restitution ne peut être requise
que dans les six mois qui suivent l'entrée en force de la décision (al. 3).

Le défaut doit découler d'une absence de faute ou d'une faute légère. L'art.
148 al. 1 CPC est ainsi moins sévère que les art. 50 al. 1 LTF, 13 al. 1 PCF,
33 al. 4 LP et 94 al. 1 CPP, lesquelles dispositions subordonnent la
restitution à l'absence de toute faute. La faute légère vise tout comportement
ou manquement qui, sans être acceptable ou excusable, n'est pas
particulièrement répréhensible, tandis que la faute grave suppose la violation
de règles de prudence vraiment élémentaires qui s'imposent impérieusement à
toute personne raisonnable. Le point de savoir quelles circonstances excusables
une partie a rendu vraisemblables concerne l'appréciation des preuves et
constitue une question de fait. En revanche, dire si la faute de la partie
requérante peut encore être qualifiée de légère au regard des constatations de
fait souveraines de l'autorité précédente est une question de droit (arrêts
4A_20/2019 du 29 avril 2019 consid. 2; 4A_52/2019 du 20 mars 2019 consid. 3.1
et les nombreuses références).

Le tribunal appelé à se prononcer sur la requête de restitution dispose d'une
marge d'appréciation. Le Tribunal fédéral n'intervient dès lors que si la
décision attaquée s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et
la jurisprudence en matière de libre appréciation, si elle s'appuie sur des
faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou à
l'inverse, si elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû
être pris en considération; il sanctionne en outre les décisions rendues en
vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat
manifestement injuste ou à une iniquité choquante (arrêt 4A_52/2019 du 20 mars
2019 consid. 3.1 et les références).

3.2. En l'occurrence, il faut admettre avec la cour cantonale qu'en sa qualité
d'avocat, le recourant ne pouvait ignorer la nécessité d'apporter une attention
toute particulière à la date de réception de la décision du Tribunal de
première instance, ceci afin d'être en mesure de calculer correctement
l'échéance du délai de recours (cf. notamment arrêts 4A_52/2019 du 20 mars 2019
consid. 3.3; 4A_442/2009 du 17 novembre 2009 consid. 2). Ainsi, lorsqu'il a
pris connaissance dudit jugement le 17 octobre 2018, à savoir le lendemain de
la notification effectuée en mains de son épouse, le recourant aurait dû
s'assurer de la date de sa notification, et non se contenter, comme il
l'explique lui-même, de croire " de bonne foi que dit jugement avait été reçu
par son épouse le 17 octobre 2018". A cet égard et contrairement à ce qu'il
soutient, le seul fait qu'il ait reçu le pli non pas via son Etude d'avocats
mais à son domicile personnel ne change rien au fait qu'en sa qualité d'avocat,
il devait savoir que procéder à la vérification précitée fait partie des
précautions élémentaires lorsque l'on entend interjeter recours. De même, la
circonstance selon laquelle le pli a été réceptionné par son épouse et non par
lui personnellement, et qu'il se trouverait dans une situation familiale qu'il
qualifie d'extrêmement délicate, est également dépourvu de pertinence. En
outre, le fait que la restitution de délai ne porte que sur un seul jour n'a
pas non plus d'incidence sur l'issue du litige. En tant que le recourant
prétend qu'il n'aurait pas pu s'attendre à ce que la décision soit notifiée à
ce moment-là, puisque contrairement à ce que requiert l'art. 84 al. 1 (recte:
al. 2) LP, la notification a eu lieu non pas cinq jours, mais cinq semaines
après l'audience de mainlevée, il y a lieu de relever, d'une part, que le délai
de cinq jours prévu par l'art. 84 al. 2 LP n'est qu'un délai d'ordre (arrêts
5A_203/2017 du 11 septembre 2017 consid. 5.3; 5A_209/2012 du 28 juin 2012
consid. 2 non publié in ATF 138 III 483) et, d'autre part, que dans la mesure
où il savait qu'une procédure était pendante, le recourant devait de toute
manière s'attendre à ce qu'un jugement lui soit notifié. Au demeurant, il perd
de vue que l'on ne se trouve pas dans une situation dans laquelle il aurait été
empêché d'agir durant toute la durée du délai de recours, mais au contraire
dans un cas où il a pris connaissance à temps du jugement de première instance
et calculé de manière erronée ledit délai de recours, faute d'avoir procédé aux
vérifications élémentaires qui s'imposaient à lui eu égard à sa qualité
d'avocat.

Au surplus, on ne peut suivre le recourant, en tant qu'il semble sous-entendre
que la question de la légèreté de la faute, au sens de l'art. 148 CPC, devrait
être interprétée plus ou moins strictement en fonction de circonstances qui ont
trait au fond du litige, voire des chances de succès du recours qu'il a
introduit tardivement. Enfin, il omet que la garantie d'un procès équitable ne
dispense pas les plaideurs d'agir dans le respect des règles de procédure
légitimement imposées dans l'intérêt d'une administration efficace de la
justice et dans l'intérêt des autres parties au procès (ATF 132 I 134 consid.
2.1 p. 137; 131 II 169 consid. 2.2.3 p. 173).

Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas abusé de son pouvoir
d'appréciation en écartant l'existence d'une faute légère au sens de l'art. 148
CPC.

4. 

Le recourant expose que si la décision querellée devait entrer en force, il
devrait " subir la condamnation qu'elle induit, sans jamais avoir été entendu
par un tribunal compétent ", de sorte que son droit d'être entendu serait
violé.

Cette argumentation se rapporte au fond du litige. Dès lors que le présent
recours a uniquement pour objet la question de la requête en restitution du
délai de recours, elle ne saurait être examinée (sur la notion d'objet du
litige, cf. notamment ATF 142 I 155 consid. 4.4.2 et les références).

5. 

En conclusion, le recours est rejeté, aux frais du recourant (art. 66 al. 1
LTF), qui versera en outre à l'intimée des dépens pour ses déterminations sur
la requête d'effet suspensif (art. 68 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3. 

Une indemnité de 300 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la
charge du recourant.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 12 juin 2019

Au nom de la IIe Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Herrmann

La Greffière : Dolivo