Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.94/2019
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2019
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2019


Hauptinhalt
 

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

4A_94/2019

Arrêt du 17 juin 2019

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes les juges Kiss, présidente, Klett et Niquille.

Greffier : M. Thélin.

Participants à la procédure

X.________,

représentée par Me Yvan Jeanneret,

demanderesse et recourante,

contre

Z.________ SA,

défenderesse et intimée.

Objet

contrat d'assurance; réticence

recours contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2019 par la IVe Chambre des
assurances sociales

de la Cour de justice du canton de Genève

(A/5022/2017, ATAS/21/2019).

Faits :

A. 

Dès le 15 juillet 2015, X.________ a consulté son médecin traitant et s'est
fait examiner aux urgences de l'Hôpital cantonal de Genève par suite de
troubles respiratoires et digestifs. Les investigations alors entreprises n'ont
mis en évidence aucun état pathologique. Les symptômes ont toutefois persisté
et conduit la patiente à consulter un médecin spécialiste en gastroentérologie.
Celui-ci a accompli de nouvelles investigations du mois de janvier 2016 à celui
de juillet suivant; celles-ci n'ont révélé, non plus, aucune atteinte organique
permanente. Selon le médecin traitant, la patiente n'a souffert que de troubles
fonctionnels passagers.

B. 

Auprès de la compagnie Z.________ SA, X.________ a souscrit une couverture
d'assurance-maladie complémentaire à l'assurance-maladie sociale. Elle a à
cette fin répondu le 22 février 2016 à un questionnaire concernant sa santé,
libellé en anglais. Elle a répondu « non » à une question n° 2 qui se traduit
comme suit:

Souffrez-vous, ou avez-vous souffert au cours des cinq dernières années d'une
maladie ou d'une autre atteinte à la santé ? Par exemple: système respiratoire,
coeur, système cardiovasculaire, système nerveux ou trouble mental, appareil
digestif, appareil urinaire ou organes génitaux, troubles gynécologiques,
troubles cutanés, maladies musculo-squelettiques, troubles métaboliques ou
glandulaires, troubles sanguins ou maladies infectieuses, organes sensoriels
(yeux, oreilles, nez), tumeurs, maladies congénitales ou autres maladie,
blessure ou trouble non mentionné ci-dessus ?

Z.________ SA a résilié le contrat le 12 octobre 2016 avec effet au lendemain.
L'assurée avait prétendument commis une réticence en répondant de manière
incorrecte à la question n° 2.

C. 

Le 21 décembre 2017, X.________ a ouvert action contre Z.________ SA devant la
Cour de justice du canton de Genève. A titre préalable, la défenderesse devait
être condamnée à produire toutes les factures médicales qu'elle n'avait pas
remboursées au cours de l'année 2016. A titre principal, la Cour était requise
de constater que le contrat d'assurance n'avait pas été valablement résilié et
qu'il demeurait en vigueur; en outre, la défenderesse devait être condamnée à
payer 9'262 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès le 13 octobre 2016.

La défenderesse a conclu au rejet de l'action.

La IVe Chambre des assurances sociales de la Cour de justice a statué le 16
janvier 2019. Elle a déclaré irrecevables les conclusions préalables tendant à
la production de factures; elle a déclaré irrecevables, aussi, les conclusions
concernant la validité de la résiliation; enfin, elle a rejeté les conclusions
en paiement.

D. 

Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse saisit le
Tribunal fédéral de conclusions correspondant à celles de sa demande en
justice. Des conclusions subsidiaires tendent à l'annulation de l'arrêt de la
Cour de justice et au renvoi de la cause à cette autorité pour nouveau
prononcé.

La défenderesse a déclaré renoncer à répondre au recours.

Considérant en droit :

1. 

La contestation porte sur un contrat d'assurance complémentaire à
l'assurance-maladie sociale; elle a été tranchée en instance cantonale unique
comme le prévoit l'organisation judiciaire genevoise en relation avec l'art. 7
CPC. Le recours en matière civile est donc recevable sans égard à la valeur
litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF; ATF 138 III 799).

2. 

Il est constant que les parties se sont liées par un contrat soumis à la loi
fédérale sur le contrat d'assurance (LCA).

3. 

A teneur de l'art. 4 al. 1 LCA, celui qui présente une proposition d'assurance
doit déclarer par écrit à l'assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à
toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour
l'appréciation du risque, tels qu'ils lui sont ou doivent être connus lors de
la conclusion du contrat. Selon l'art. 6 al. 1 à 3 LCA, l'assureur est en droit
de résilier le contrat en cas de réticence, c'est-à-dire lorsque les
déclarations du proposant se révèlent inexactes ou incomplètes (al. 1); il est
autorisé à refuser sa prestation aussi pour les sinistres déjà survenus, si le
fait qui a été l'objet de la réticence a influé sur leur survenance ou leur
étendue (al. 3). Ce droit de résiliation s'éteint quatre semaines après que
l'assureur a eu connaissance de la réticence (al. 2).

Lorsque l'assureur se prévaut de la réticence et que celle-ci est contestée par
le preneur d'assurance, le juge doit examiner si et dans quelle mesure le
preneur pouvait donner de bonne foi une réponse négative à une question de
l'assureur, selon la connaissance qu'il avait de sa situation et, le cas
échéant, selon les renseignements qu'il avait reçus de personnes qualifiées.
L'art. 4 al. 1 LCA exige du preneur qu'il se demande sérieusement s'il existe
un fait appréhendé par la question de l'assureur. Le preneur satisfait à son
devoir s'il déclare, outre les faits qui lui sont connus sans autre réflexion,
ceux qui ne peuvent pas lui échapper s'il réfléchit sérieusement aux questions
de l'assureur. Il est fondé à attribuer aux termes techniques employés dans ces
questions, dont il ne connaît pas le sens et qui ne lui sont pas expliqués, le
sens qu'il leur est en général prêté dans le milieu où il vit, en particulier
le sens que le langage usuel attribue à ces termes (ATF 116 II 338 consid. 1c
p. 341; voir aussi ATF 134 III 511 consid. 3.3.3 p. 514; 136 III 334 consid.
2.3 p. 337).

La réticence suppose que la réponse donnée à la question ne soit pas conforme à
la vérité, par omission ou inexactitude. La réticence résulte de la divergence
entre la vérité et ce qui a été déclaré. Elle peut consister à affirmer un fait
faux, à taire un fait vrai ou à présenter une vision déformée de la vérité.
Selon l'art. 4 al. 3 LCA, il incombe à l'assureur de poser des questions
précises et non équivoques. Il n'y a pas de réticence si l'assureur a posé une
question ambiguë et que la réponse apparaît véridique selon la manière dont le
preneur pouvait de bonne foi comprendre la question (ATF 136 III 334 consid.
2.3 p. 337).

4. 

En l'espèce, la Cour de justice retient à tort que la question n° 2 soumise à
la demanderesse était précise et non équivoque; cette question était au
contraire floue et évasive (arrêt 4A_134/2013 du 11 septembre 2013, consid.
4.2.2, concernant une question semblable). Néanmoins, la demanderesse ne
pouvait pas de bonne foi répondre « non ». Précisément à l'époque où elle
répondait, soit au mois de février 2016, elle consultait un médecin spécialiste
en gastroentérologie par suite de symptômes qui avaient débuté au mois de
juillet précédent et qui avaient persisté. Par le fait même que ces symptômes
déterminaient la demanderesse à consulter un spécialiste, ils étaient
indéniablement une « atteinte à la santé » ou un « trouble » visé par la
question, et la demanderesse devait s'en rendre compte à l'instar de toute
personne normalement capable de discernement. Il est à cet égard sans
importance que les investigations du spécialiste n'aient finalement mis en
évidence aucune « maladie » selon le texte de la question. Il n'est pas non
plus contestable que la survenance de symptômes pareillement alarmants et
persistants fût, aux termes de l'art. 4 al. 1 LCA, un fait important pour
l'appréciation du risque à assurer.

En instance fédérale, il n'est plus mis en doute que la défenderesse ait
observé le délai de quatre semaines prévu par l'art. 6 al. 2 LCA. Cette partie
a donc valablement résilié le contrat d'assurance sur la base de l'art. 6 al. 1
LCA. Les conclusions de la demanderesse en constatation de droit, selon
lesquelles la Cour de justice était requise de constater que ce contrat n'avait
pas été valablement résilié et qu'il demeurait en vigueur, étaient ainsi
privées de fondement. Il n'est pas nécessaire d'examiner si ces mêmes
conclusions auraient dû être jugées recevables au regard de l'art. 88 CPC.

5. 

Selon l'exposé de la demanderesse, celle-ci a transmis à la défenderesse des
factures médicales au total de 9'262 fr., montant de ses conclusions en
paiement, et ces factures ne lui ont pas été remboursées. Certaines factures se
rapportent à des frais sans lien avec les symptômes qui sont l'objet de la
réticence, celle-ci supposée admise, et l'art. 6 al. 3 LCA n'autorise donc pas
la défenderesse à refuser la couverture de ces frais. La demanderesse n'a
conservé aucune copie des factures transmises et pour ce motif, elle n'est pas
en mesure d'articuler le montant inférieur à 9'262 fr. qu'elle peut réclamer à
titre subsidiaire et à raison de ces mêmes frais. En l'état, selon ses
conclusions préalables, elle réclame que la défenderesse soit astreinte à
produire les factures pour qu'elle puisse elle-même les étudier et articuler
des conclusions en paiement à hauteur desdits frais.

La demanderesse exerce par là une action en paiement non chiffrée, en principe
recevable selon l'art. 85 CPC. Parce qu'elle portera sur un montant inférieur,
cette action est subsidiaire relativement à l'action principale tendant au
remboursement de toutes les factures.

La Cour de justice juge irrecevables les conclusions tendant à la production
des factures. Selon son arrêt, il incombait à la demanderesse « d'indiquer
clairement » le montant qu'elle réclame et d'indiquer une valeur litigieuse
provisoire et minimale. Ces considérations ne sont pas pertinentes car les
conclusions s'inscrivaient exactement dans la démarche admissible selon l'art.
85 al. 2 CPC, consistant à d'abord recueillir des moyens de preuve puis à
chiffrer, ensuite, des conclusions en paiement. La valeur litigieuse provisoire
minimale à indiquer selon l'art. 85 al. 1 CPC était immédiatement
reconnaissable: elle correspondait au total des factures, soit 9'262 francs.

Certes, il était insolite que la demanderesse réclamât la production de
documents qu'elle avait elle-même transmis à l'adverse partie et dont la Cour
pouvait supposer qu'elle avait conservé des copies. Dans son mémoire de demande
en justice, la demanderesse n'a pas clairement expliqué qu'elle ne détenait pas
de copies; elle ne fournit cette explication qu'à l'appui du recours en matière
civile. De ce point de vue, les conclusions de la demanderesse et leur
motivation dans la demande en justice étaient « peu claires » aux termes de
l'art. 56 CPC, et cette disposition imposait à la Cour d'interpeller cette
partie afin qu'elle procédât de manière plus intelligible.

Sur ce chef de la contestation, le jugement d'irrecevabilité se révèle
contraire aux art. 56 et 85 CPC, ce qui entraîne son annulation. La cause doit
être renvoyée à la Cour de justice pour que cette autorité ordonne la
production des factures et poursuive la procédure de l'action en paiement
exercée à titre subsidiaire. Le recours en matière civile est pour le surplus
mal fondé.

6. 

La demanderesse n'obtient que partiellement gain de cause devant le Tribunal
fédéral. Elle assume de plus, par sa manière déficiente de procéder devant la
Cour de justice, une certaine responsabilité dans le vice de l'arrêt attaqué.
Il convient donc de répartir les frais et dépens de l'instance fédérale à
raison de trois quarts à la charge de cette partie et d'un quart à la charge de
la défenderesse. Bien qu'elle n'ait pas pris de conclusions devant le Tribunal
fédéral, cette dernière partie succombe aux termes de l'art. 66 al. 1 LTF car
l'instance aboutit à l'annulation d'un prononcé qu'elle a sollicité et obtenu
devant la Cour de justice (ATF 128 II 90 consid. 2b et 2c p. 93; 123 V 156).

La demanderesse acquittera en conséquence trois quarts d'un émolument
judiciaire arrêté à 2'000 fr., soit 1'500 fr., et la défenderesse acquittera le
solde. Les dépens de la demanderesse peuvent être évalués à 2'400 fr., de sorte
que la défenderesse lui versera une indemnité de 600 francs. Cette partie-ci
n'a pas répondu au recours et elle ne peut donc prétendre à aucune indemnité.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à la Cour de justice pour continuation de la procédure et nouveau
jugement.

2. 

Les parties acquitteront un émolument judiciaire de 2'000 fr., à raison de
1'500 fr. à la charge de la demanderesse et de 500 fr. à la charge de la
défenderesse.

3. 

La défenderesse versera une indemnité de 600 fr. à la demanderesse, à titre de
dépens.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 17 juin 2019

Au nom de la Ire Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

La présidente : Kiss

Le greffier : Thélin