Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.89/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

4A_89/2019

Arrêt du 12 août 2019

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes les juges Kiss, présidente, Klett et Niquille.

Greffier : M. Thélin.

Participants à la procédure

X.________,

représenté par Me Johannes-Potter van Loon,

défendeur et recourant,

contre

Z.________,

représenté par Me Yvan Jeanneret,

demandeur et intimé.

Objet

contrat de travail; incapacité de travail

recours contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2019 par la Chambre des prud'hommes
de la Cour de justice du canton de Genève

(C/11258/2016-1 CAPH/11/2019).

Faits :

A. 

X.________ exploite un domaine viticole dans le canton de Genève. Dès le mois
de janvier 2009, il a engagé Z.________ en qualité d'employé viticole.

Selon le contrat-type de travail applicable à leur relation juridique,
l'employé n'avait pas droit au salaire s'il était empêché de travailler pour
cause de maladie. En revanche, l'employeur était tenu de souscrire en sa faveur
une couverture d'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie. Cette
couverture d'assurance n'a pas été souscrite.

B. 

Z.________ a cessé de travailler et il a remis à l'employeur un certificat
médical établi par son médecin traitant, le docteur V.________, attestant d'une
incapacité de travail complète par suite de maladie. Le docteur V.________ a
plusieurs fois renouvelé ce certificat et il a ainsi attesté d'une incapacité
de travail complète et ininterrompue du 12 octobre 2015 au 30 mars 2017.

L'employeur a invité Z.________ à prendre contact avec son médecin-conseil, le
docteur W.________, dans les dix jours en vue d'un examen médical. Z.________ a
d'abord refusé en déclarant qu'il se soumettrait à un contrôle médical exigé
par l'assureur des indemnités journalières. Plus tard, après sommation de
l'employeur, il a accepté un examen par le docteur W.________. Le 19 février
2016, celui-ci a rapporté à l'employeur que Z.________ souffrait d'un trouble
orthopédique grave aux genoux. Ce trouble le rendait inapte à porter des
charges lourdes sur du terrain instable et déclive. Z.________ demeurait apte à
une activité de bureau ou à un travail qui ne nécessitait pas de déplacements
continuels.

Par la suite, plusieurs autres médecins ont examiné Z.________ et sont parvenus
à des constatations similaires.

C. 

L'employeur a suspendu le versement du salaire dès le 1er novembre 2015,
d'abord parce que Z.________ ne se soumettait pas à l'examen du
médecin-conseil, plus tard parce qu'il avait omis de signaler sa capacité de
travail résiduelle.

L'employeur a résilié le contrat de travail le 21 avril 2016 avec effet au 30
juin suivant.

D. 

Le 23 novembre 2016, Z.________ a ouvert action contre X.________ devant le
Tribunal des prud'hommes du canton de Genève. Le défendeur devait être condamné
à payer diverses sommes au total de 200'218 fr.20 en capital.

Le défendeur a conclu au rejet de l'action.

Le tribunal a interrogé les parties et recueilli divers témoignages. Il s'est
prononcé le 16 janvier 2018. Accueillant partiellement l'action, il a condamné
le défendeur à payer 76'509 fr.80 avec suite d'intérêts. Il a notamment alloué
60'803 fr.10, montant non soumis aux déductions sociales, avec intérêts au taux
de 5% par an dès le 1er juin 2016, à titre de dommages-intérêts remplaçant les
indemnités journalières d'assurance que le demandeur aurait dû percevoir du 1er
novembre 2015 au 11 décembre 2016.

La Chambre des prud'hommes de la Cour de justice a statué le 14 janvier 2019
sur l'appel du défendeur et sur l'appel joint du demandeur. Elle a rejeté ces
deux appels et confirmé le jugement.

E. 

Agissant par la voie du recours en matière civile, le défendeur saisit le
Tribunal fédéral de conclusions inutilement complexes et difficilement
intelligibles. La motivation du recours permet cependant de comprendre sans
équivoque que le demandeur conteste entièrement l'obligation de payer 60'803
fr.10 à titre de dommages-intérêts, que l'arrêt de la Cour de justice doit être
réformé sur ce point, et que les autres obligations ne sont plus contestées.

Le demandeur conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et
subsidiairement à son rejet.

Sans y être invité, le défendeur a déposé une réplique; le demandeur a renoncé
à déposer une duplique.

Par ordonnance du 18 avril 2019, la Présidente de la Ire Cour de droit civil a
rejeté une demande d'effet suspensif jointe au recours.

Considérant en droit :

1. 

Parce que la motivation du recours supplée la déficience des conclusions, le
recours peut être jugé recevable au regard de l'art. 42 al. 1 LTF; l'opinion
contraire du demandeur n'est pas fondée. Les autres conditions de recevabilité
du recours en matière civile sont elles aussi satisfaites; en particulier, la
valeur litigieuse minimale est atteinte.

2. 

La Cour de justice retient que le demandeur a collaboré dans l'exploitation du
défendeur en exécution d'un contrat de travail et que dès le 12 octobre 2015,
en conséquence d'une maladie, il a été entièrement empêché de fournir
l'activité convenue. La Cour lui alloue des dommages-intérêts correspondant aux
indemnités journalières d'assurance qu'il aurait perçues en conséquence de son
incapacité de travail si le défendeur avait souscrit la couverture d'assurance
exigée par le contrat-type de travail.

A titre principal, le défendeur conteste que le demandeur ait réellement subi
une incapacité de travail, même partielle, consécutive à une maladie. A titre
subsidiaire, en tant qu'une incapacité de travail partielle peut être
constatée, il fait grief au demandeur de n'avoir pas mis à disposition sa
capacité résiduelle de travail et d'avoir par là manqué à son devoir de réduire
le dommage. Pour le surplus, le défendeur ne conteste ni le principe d'un
dédommagement, ni le calcul du dommage.

3. 

Sur la base de la jurisprudence relative à l'art. 168 al. 1 let. d CPC (ATF 141
III 433), le défendeur soutient que la Cour de justice a indument assimilé les
certificats d'incapacité de travail établis par le docteur V.________, médecin
traitant du demandeur, à une expertise judiciaire.

Ces certificats n'ont pas été créés afin de servir de moyen de preuve dans un
procès, mais, au premier chef, pour être remis au défendeur et justifier envers
lui de l'inexécution du travail auquel le demandeur était contractuellement
obligé. Le certificat médical d'incapacité de travail est un moyen de preuve
usuel dans les relations entre travailleur et employeur (Thomas Geiser et al.,
Arbeitsrecht in der Schweiz, 4e éd., 2019, n° 431 p. 194; Rémy Wyler et Boris
Heinzer, Droit du travail, 3e éd., 2014, § 6.1.5 p. 227). La Cour de justice ne
saurait avoir violé l'art. 168 al. 1 let. d CPC en attribuant à ces certificats
la portée que le défendeur devait lui-même leur reconnaître selon les règles du
droit du travail.

Les certificats du docteur V.________ ne fournissaient aucun renseignement sur
la nature de la maladie censée empêcher l'exécution du travail. D'autres avis
médicaux, ceux-ci plus détaillés, ont été établis par d'autres médecins, en
particulier par le médecin-conseil du défendeur. Chacun de ces avis est résumé
dans l'arrêt attaqué; en substance, tous attestent que le demandeur souffrait
d'un grave trouble orthopédique aux genoux, ayant pour effet de rendre ce
travailleur incapable d'accomplir des travaux pénibles en terrain instable et
déclive. La Cour de justice pouvait donc constater ce trouble et cet effet sans
apprécier arbitrairement les preuves qui lui étaient soumises.

La Cour de justice constate par ailleurs que l'activité principale du
demandeur, au service du défendeur, consistait à contrôler le travail des
autres employés viticoles et à leur donner des instructions, et que cette
activité nécessitait une présence continue et des déplacements réguliers dans
les vignes. La Cour juge que le trouble orthopédique aux genoux avait pour
effet d'empêcher cette même activité. Cette appréciation n'est pas sérieusement
contestée. Il s'ensuit qu'une incapacité de travail au moins partielle est
établie à satisfaction de droit.

4. 

Sur la base d'un arrêt du Tribunal fédéral des assurances concernant le droit
aux indemnités de l'assurance-chômage (ATF 115 V 437 consid. 6 p. 445), le
défendeur soutient que le demandeur est déchu de son droit au salaire faute
d'avoir annoncé sa capacité résiduelle de travail et faute de s'être mis à
disposition pour « une tâche ou une autre », compatible avec le trouble
orthopédique empêchant le travail dans les vignes. Le défendeur fait plus
précisément valoir que le demandeur assumait accessoirement la tâche de
conduire un véhicule automobile pour transporter les autres employés à leur
lieu de travail, que le trouble orthopédique ne l'empêchait pas de conduire, et
qu'il aurait pu et dû se mettre à disposition pour l'exécution de ces
transports.

4.1. L'arrêt invoqué portait sur un cas où une travailleuse pleinement apte au
travail croyait erronément que le contrat de travail, résilié par l'employeuse,
avait pris fin; la travailleuse avait pour ce motif cessé de se rendre dans
l'entreprise. L'employeuse ignorait cette erreur et elle ignorait pourquoi la
travailleuse abandonnait son poste. Le Tribunal fédéral des assurances a jugé
que la travailleuse aurait dû offrir sa prestation de travail et que, faute de
l'avoir fait, elle n'avait pas droit au salaire pour le laps écoulé entre la
cessation effective de son travail et la fin du contrat. Par suite, la
travailleuse avait en principe, sous réserve des autres conditions légales,
droit aux indemnités de l'assurance-chômage durant ce laps. Le tribunal a
souligné que dans les circonstances de l'espèce, il n'incombait pas à
l'employeuse d'interpeller la travailleuse pour réclamer la prestation de
travail; il a en revanche envisagé que dans des circonstances différentes, un
devoir d'investigation et d'interpellation puisse s'imposer à l'employeur en
vertu des règles de la bonne foi (consid. 6 i.f. p. 447).

La présente contestation ne porte pas sur le droit du demandeur au salaire
convenu mais sur son droit à des dommages-intérêts, lesquels, à bien comprendre
l'argumentation du défendeur, devraient être refusés en application de l'art.
44 al. 1 CO.

Dès réception du rapport fourni par le docteur W.________, le défendeur a su
que du point de vue médical, le demandeur n'était pas totalement incapable de
travailler. Si réellement le défendeur avait à cette époque la possibilité et
la volonté d'affecter cet employé à une tâche compatible avec son trouble
orthopédique, adaptée à ses compétences professionnelles, autre que la tâche
habituellement assumée dans les vignes, il lui incombait d'user du pouvoir
d'instruction à lui conféré par l'art. 321d CO et de faire connaître cette
volonté au demandeur. Le rapport du docteur W.________ a apporté au défendeur
une information qui distingue significativement la présente contestation de
celle résolue par l'arrêt ci-mentionné du Tribunal fédéral des assurances.

4.2. Une réelle volonté d'affecter le demandeur à une tâche de substitution
n'est pas constatée par la Cour de justice et elle ne paraît guère
vraisemblable. Le défendeur n'a pas indiqué de manière concrète, dans le
procès, la tâche qu'il aurait censément pu attribuer au demandeur. Au
contraire, l'allusion à « une tâche ou une autre », sans plus de précision,
dénote que la capacité résiduelle du demandeur n'est invoquée que
rétrospectivement, dans le seul but d'échapper à l'obligation de dédommager. La
mention du transport des autres employés, transport auquel le demandeur était
occupé de manière marginale, ne suffit pas à établir la véritable utilité d'un
conducteur dans l'exploitation du domaine viticole. Le défendeur se borne à
réclamer la suppression du dédommagement, sans avancer aucun élément propre à
permettre l'estimation d'une éventuelle réduction des dommages-intérêts, mesure
qui est aussi prévue par l'art. 44 al. 1 CO. Le moyen tiré de cette disposition
est en vérité inconsistant et il n'influence pas le sort de l'action en
paiement.

5. 

Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le
Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

Le défendeur acquittera un émolument judiciaire de 3'000 francs.

3. 

Le défendeur versera une indemnité de 3'500 fr. au demandeur, à titre de
dépens.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 12 août 2019

Au nom de la Ire Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

La présidente : Kiss

Le greffier : Thélin