Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.65/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

4A_65/2019

Arrêt du 18 février 2020

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes les Juges fédérales

Kiss, présidente, Niquille et May Canellas.

Greffière Monti.

Participants à la procédure

A.________ SA,

représentée par Me Pierre de Preux,

défenderesse et recourante,

contre

B.________,

représenté par Me Karin Baertschi,

demandeur et intimé;

Etablissements C.________,

représenté par Me Michel Bergmann,

défendeur et intimé.

Objet

responsabilité médicale; causalité naturelle et adéquate,

recours contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève (C/22591/2012; ACJC/1693/2018).

Faits :

A. 

A la suite d'une chute survenue le 9 octobre 2003 aux environs de 21 h 30,
B.________ s'est rendu à la permanence A.________ SA où il a été examiné par le
Dr M.________. Celui-ci a diagnostiqué une "contusion à la hanche gauche", sans
effectuer de radiographie. Le patient en est sorti aux alentours de 00 h 30,
sans béquilles et après avoir reçu une piqûre antalgique ainsi que des
médicaments anti-inflammatoires. Aucun arrêt de travail n'ayant été prescrit,
il a repris son activité professionnelle de cuisinier le même jour.

Le 10 octobre 2003 en fin de journée, devant la persistance des douleurs, il
s'est rendu aux urgences des Etablissements C.________ qui ont diagnostiqué,
sur radiographies, une "fracture de type Garden I du col fémoral gauche". Le 11
octobre 2003 à 00 h 35, les Etablissements C.________ ont procédé à une
première opération lors de laquelle le col du fémur gauche a été stabilisé par
triple vissage. Le même jour dans l'après-midi, ils ont effectué une deuxième
opération, après avoir constaté que les vis utilisées étaient trop longues. A
l'issue d'un contrôle effectué trois mois après, le patient a été autorisé à
reprendre son travail.

Au mois d'août 2004, en raison d'une recrudescence des douleurs, le patient a
été examiné par les Etablissements C.________, lesquels ont diagnostiqué une
"nécrose aseptique de la tête fémorale gauche".

Le 4 janvier 2005, il a subi une troisième opération visant à mettre en place
une prothèse totale de la hanche gauche.

Le 10 janvier 2005, un examen neurologique a mis en évidence une neurapraxie du
nerf sciatique poplité externe gauche.

Confronté à des troubles moteurs du pied gauche et à des douleurs neurogènes,
le patient a formé une demande de prestations d'invalidité. Dans le cadre de
celle-ci, son état a été jugé stabilisé trois ans après la lésion, une
amélioration n'étant plus probable; l'exercice de l'activité de cuisinier lui
était devenu impossible, mais il subsistait une capacité résiduelle de 50 % en
qualité de réceptionniste. Il a été mis au bénéfice d'une demi-rente
d'invalidité dès le 1 ^er avril 2008. 

B.

B.a. Le 31 octobre 2012, B.________ a ouvert action devant le Tribunal de
première instance du canton de Genève contre la permanence A.________ SA et les
Etablissements C.________. Dans sa demande du 16 avril 2013, il a conclu à ce
que les deux parties défenderesses soient condamnées solidairement à lui verser
la somme de 990'469 fr. avec intérêts. Il a soutenu que la permanence avait
commis une erreur de diagnostic ayant entraîné une prise en charge chirurgicale
tardive, à l'origine de la nécrose aseptique de la tête fémorale gauche. Par
ailleurs, lors de l'intervention du 4 janvier 2005, les Etablissements
C.________ avaient commis une faute par un mauvais positionnement de la tête de
son péroné qui avait entraîné la compression du nerf sciatique et par
conséquent un syndrome de pied tombant.

Mandaté par le Tribunal en qualité d'expert judiciaire, le Prof. E.________
médecin-chef du Service de chirurgie orthopédique à l'Hôpital cantonal de..., a
délivré un rapport le 22 décembre 2015. Il en ressort que la prise en charge du
patient par la permanence n'a pas été faite dans les règles de l'art, le
diagnostic posé étant faux, voire ridicule. Quant à savoir si le risque de
nécrose était accru en fonction du délai s'écoulant entre la fracture et
l'opération, les études cliniques rétrospectives n'étaient pas probantes; il
fallait se baser sur l'expérience clinique qui était claire et suivre la
recommandation de Ly et Swiontkowski spécifiant que, jusqu'à l'obtention de
données fiables, la fracture du col fémoral chez les jeunes patients était à
considérer comme urgente. L'attitude générale des orthopédistes en Suisse était
de traiter une telle fracture sur une base urgente. Il existait des études sur
la vascularité de la tête fémorale et la pression articulaire après fracture du
col; elles révélaient clairement que cette vascularité diminuait ou était
bloquée lorsque la pression intra-articulaire augmentait; si une décompression
du compartiment articulaire était effectuée par aspiration ou capsulotomie, la
perfusion de la tête fémorale se normalisait. Ces études, plus fiables que les
études cliniques rétrospectives, permettaient de conclure que le délai entre
une fracture et une possible décompression jouait un rôle important pour la
survie de la tête fémorale et, partant, de l'articulation de la hanche. En
conséquence, un diagnostic correct de la fracture de type "Garden I" du col
fémoral aurait permis de diminuer ou de pallier le risque de nécrose aseptique
de la tête fémorale gauche.

Quant à l'osthéosynthèse par triple vissage et la mise en place d'une prothèse
totale de hanche, elles avaient été effectuées dans les règles de l'art.
L'atteinte au nerf sciatique faisait partie des risques rares inhérents à la
pose d'une prothèse totale de hanche, qui avait en l'occurrence été rendue
nécessaire par la nécrose aseptique de la tête fémorale gauche. Il y avait dès
lors un lien de causalité entre cette atteinte et l'erreur de diagnostic de la
permanence.

A l'audience des débats principaux, l'expert judiciaire a précisé que la
fracture était peu déplacée, de sorte qu'il n'y avait probablement pas de
lésion vasculaire. L'accident avait provoqué des saignements qui avaient causé
une pression dans l'articulation, ce qui avait interrompu la circulation
sanguine. Si l'on intervenait dans un intervalle de 6 à 8 heures pour diminuer
cette pression, on avait une meilleure chance de sauver la tête fémorale. Il
était clair que si l'intervention s'était déroulée tout de suite après la
lésion, les risques d'une nécrose auraient été minimisés. Le fait que les
Etablissements C.________ aient utilisé des vis trop longues n'avait
strictement aucune importance et n'avait rien à voir avec la nécrose.

B.b. Par jugement du 10 octobre 2017, le Tribunal de première instance a
condamné la permanence à payer au patient les sommes de 384 fr. 40, 1'629 fr.
80 et 37'648 fr. 40, portant intérêts.

B.c. Le patient a appelé de ce jugement. La permanence en a fait de même. Par
arrêt du 29 novembre 2018, la Cour de justice du canton de Genève a réformé
cette décision en ce sens qu'elle a condamné la permanence à payer au patient
les sommes suivantes, intérêts en sus: 10'226 fr.; 10'770 fr.; 10'946 fr.;
12'190 fr.; 13'517 fr.; 14'021 fr.; 14'609 fr. et 239'442 fr. Ses motifs seront
évoqués dans les considérants en droit.

C. 

La permanence a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle a
conclu principalement à ce que le patient soit débouté de l'intégralité de ses
conclusions.

L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. Le patient a conclu au rejet
du recours. Les Etablissements C.________ en ont fait autant.

La demande d'effet suspensif présentée par la recourante a été rejetée, par
ordonnance présidentielle du 19 mars 2019.

Considérant en droit :

1. 

Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur
le principe, notamment sous l'angle de la valeur litigieuse minimale de 30'000
fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF) et du délai pour recourir (art. 100 al. 1 LTF).
Demeure réservé l'examen des griefs particuliers.

2.

2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 II
304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art.
106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42
al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas
d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait
une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se
posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 141 III 86
consid. 2; 140 III 115 consid. 2). Par exception à la règle selon laquelle il
applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit
constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée
(art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).

2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les
constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement
inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art.
105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140
III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la
correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97
al. 1 LTF) La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict
de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p.
266 et les références).

La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente
doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions
seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si
elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi
démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux
autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits
juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140
III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les
allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la
décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16
consid. 1.3.1 p. 18). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être
présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99
al. 1 LTF).

3. 

Selon les constatations cantonales qui lient l'autorité de céans (art. 105 al.
1 LTF), le patient a chargé le Dr. M.________, oeuvrant au sein de la
permanence (recourante) en qualité de médecin, d'examiner son état et de
prendre les mesures thérapeutiques adéquates. Il s'agit d'un contrat de mandat
au sens de l'art. 394 al. 1 CO (ATF 132 III 359 consid. 3.1 p. 362) et la
responsabilité de la recourante s'analyse sous l'angle de l'art. 398 al. 1 CO,
lequel renvoie aux règles régissant la responsabilité du travailleur dans les
rapports de travail (art. 321e CO). Ceci n'est pas remis en question. La Cour
de justice a jugé que la permanence avait violé son obligation de diligence en
s'abstenant de procéder à un examen clinique correct et en posant un faux
diagnostic: elle aurait dû constater une fracture de type "Garden I" du col
fémoral gauche, alors qu'elle avait décelé uniquement une "contusion à la
hanche gauche". Pour tout traitement, elle avait prescrit une piqûre antalgique
et des médicaments anti-inflammatoires, alors qu'elle aurait dû immédiatement
diriger le patient vers un chirurgien, la règle étant d'opérer par vissage en
urgence, si possible dans les 6 heures consécutives au traumatisme. Elle avait
ainsi retardé la prise en charge chirurgicale du patient. En raison de ce
retard, la tête fémorale gauche s'était nécrosée, ce qui avait ultérieurement
nécessité une nouvelle intervention chirurgicale destinée à la pose d'une
prothèse de la hanche. L'atteinte au nerf sciatique s'était produite durant
cette opération. Celle-ci avait été effectuée dans les règles de l'art, mais ce
risque était inhérent. Il y avait un lien de causalité tant naturelle
qu'adéquate entre ce délai et l'atteinte en question. La permanence était dès
lors responsable du dommage subi par le patient ensuite de son incapacité de
travail et de l'atteinte portée à son avenir économique.

4. 

Dans un premier pan de son argumentation, la recourante soutient que le lien de
causalité naturelle entre le diagnostic erroné et le dommage a été constaté à
tort.

4.1. La recourante prétend que la nécrose de la tête fémorale n'est pas
consécutive au retard de prise en charge - dont elle ne conteste pas qu'il lui
soit imputable - mais au type de fracture en cause. Elle explique que cette
nécrose serait également survenue si la fracture avait été immédiatement
diagnostiquée et opérée. En d'autres termes, elle soutient que, si elle avait
adopté un comportement conforme au droit, le résultat eût été le même. Ce
faisant, elle ne soulève pas une problématique de causalité dépassée, comme
elle le prétend. Il s'agirait plutôt d'une objection fondée sur un comportement
de substitution licite (sur cette notion, cf. ATF 122 III 229 consid. 5a/aa et
les auteurs cités, notamment ERNST A. KRAMER, Die Kausalität im
Haftpflichtrecht: Neue Tendenzen in Theorie und Praxis, in: RJB 123/1987, p.
295 s.). Cela étant, la prise en charge et le diagnostic incorrects imputables
à la recourante s'analysent comme une omission. Le lien de causalité est dès
lors hypothétique puisqu'il s'agit de savoir si la tête fémorale se serait
pareillement nécrosée si la recourante avait formulé un diagnostic correct. En
définitive, la recourante ne fait dès lors rien d'autre que de contester
l'existence du lien de causalité hypothétique.

4.2. La cour cantonale s'est déclarée convaincue de l'existence de ce lien de
causalité sur le vu du rapport de l'expert judiciaire. Ce dernier a indiqué que
la nécrose de la tête fémorale était liée à un problème de vascularité. La
circulation sanguine diminuait ou se retrouvait bloquée si la pression
intra-articulaire augmentait par suite d'un saignement dans le compartiment
articulaire. Dans ce cas de figure, il fallait effectuer une décompression du
compartiment articulaire par aspiration ou capsulotomie, ce qui avait
d'ailleurs été le cas lors de la première intervention que le patient avait
subie aux Etablissements C.________. Plus cette décompression intervenait tard,
plus la survie de la tête fémorale était prétéritée. Ainsi, la fracture du col
fémoral chez les jeunes patients était à considérer comme urgente. L'expert a
conclu qu'"un diagnostic de fracture de type 'Garden I' du col fémoral
directement posé par (la recourante) aurait permis de diminuer ou pallier le
risque de nécrose aseptique de la tête fémorale gauche". A l'audience de débats
principaux, il a ajouté qu'"il était clair que si l'intervention s'était
déroulée tout de suite après la lésion, les risques d'une nécrose de la tête
fémorale auraient été minimisés".

4.3. La recourante estime que la preuve du lien de causalité naturelle n'a pas
été apportée: il eût fallu, selon elle, que l'expert judiciaire puisse
totalement exclure le risque de nécrose de la tête fémorale si l'intervention
avait eu lieu de suite. Elle laisse ainsi entendre que la cour cantonale s'est
contentée d'un degré de preuve qui était inapproprié ou que les conclusions de
l'expert judiciaire ont été appréciées de manière incorrecte. Ce grief ne
saurait cependant prospérer. La recourante soutient elle-même qu'en matière de
causalité hypothétique, la jurisprudence se satisfait du degré de la
vraisemblance prépondérante (ATF 132 III 715 consid. 3.2 p. 720; 124 III 155
consid. 3d p. 165). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de
vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une
allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance
significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81
consid. 4.2.2 p. 89; 132 III 715 consid. 3.1 p. 720). Or, on peut inférer des
explications de l'expert judiciaire qu'il n'existait certes pas d'absolue
certitude, mais bel et bien une vraisemblance prépondérante selon laquelle la
tête fémorale ne se serait pas nécrosée si l'intervention chirurgicale avait eu
lieu sans tarder. La recourante ne convainc pas en proposant une autre lecture.
L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la cour cantonale n'a rien
d'arbitraire.

Contrairement à ce que prétend la recourante, le pouvoir d'examen du Tribunal
fédéral n'est pas illimité en cette matière. Certes, le Tribunal fédéral a
coutume de préciser qu'il est lié, au sens de l'art. 105 al. 1 LTF, par les
constatations concernant la causalité hypothétique lorsqu'elles reposent sur
des faits ressortant de l'appréciation des preuves; en revanche, si la
causalité hypothétique est déduite exclusivement de l'expérience de la vie, il
revoit librement cette question de droit (ATF 132 III 305 consid. 3.5 p. 311;
115 II 440 consid. 5b; arrêts 4A_403/2016 du 18 avril 2017 consid. 3.2, 4A_543/
2016 du 1 ^er novembre 2016 consid. 3.2.3). En l'espèce, l'appréciation des
juges cantonaux s'est fondée sur une expertise judiciaire définissant les
standards de diligence que l'on pouvait attendre et les conséquences des
manquements constatés. Il se justifie ainsi de restreindre à l'arbitraire le
pouvoir d'examen de l'autorité de céans. Cela étant, il est entendu que
l'examen de la causalité adéquate, dans la mesure où il conserve un objet (cf.
arrêt 4A_464/2008 du 22 décembre 2008 consid. 3.3.1), se fait avec un pouvoir
d'examen libre (ATF 143 III 242 consid. 3.7 in fine; cf. consid. 5 infra). 

4.4. La recourante estime que les conclusions de l'expertise judiciaire ne
pourraient être suivies, l'expert s'étant écarté de l'expérience clinique et de
la littérature médicale majoritaire pour suivre l'avis isolé de deux auteurs et
faire prévaloir des considérations personnelles. On ne saurait davantage la
suivre sur ce terrain. La cour cantonale a déjà discuté cet argument qu'elle a
écarté pour des motifs que la recourante ne se donne pas la peine de discuter.
Son grief, qui ne satisfait pas aux exigences de motivation, est dès lors
irrecevable (ATF 134 II 244 consid. 2.1 et 2.3).

4.5. La recourante affirme encore, prétendant citer l'expert judiciaire et le
Prof. N.________, chef du Département de chirurgie des Etablissements
C.________, qu'un certain type de fracture favoriserait l'apparition d'une
nécrose sans égard au délai de prise en charge. Rien de tel ne ressort
toutefois du jugement cantonal. Certes, il y apparaît que le Dr O.________,
chef de clinique aux Etablissements C.________, a déclaré qu'il n'y avait dans
la littérature aucune preuve formelle qu'un retard de 24 à 36 heures dans la
prise en charge chirurgicale augmentait le risque de nécrose aseptique. Ce
risque était à son avis lié au type de fracture et non pas à un délai de prise
en charge chirurgicale. Toutefois, ce praticien a confirmé, comme deux autres
médecins en sus de l'expert, qu'une prise en charge en urgence était
indispensable. Au surplus, il n'y a rien à redire, sous l'angle de
l'arbitraire, au fait que la cour cantonale ait accordé la préséance aux
constatations de l'expert judiciaire, qui a - selon ses termes - poussé son
analyse plus loin pour répondre à la question posée. Ceci scelle le sort d'un
autre des griefs de la recourante, qui prétend que la cour cantonale aurait
fait fi de l'avis des médecins spécialistes consultés.

5. 

Dans un second pan de son argumentation, la recourante reproche à la cour
cantonale d'avoir retenu un lien de causalité adéquate entre l'erreur de
diagnostic et le dommage. Cette argumentation se scinde elle-même en trois
parties.

5.1. Premièrement, la recourante prétend qu'il aurait fallu "prendre en compte
l'évolution favorable post-opératoire" de l'intimé, ainsi que "les conséquences
de la reprise de son activité lucrative" qu'elle qualifie de "physiquement
contraignante". Avant d'apprécier, sous l'angle de la causalité adéquate,
l'importance que revêt une cause concomitante, il faut avoir déjà constaté en
fait l'existence d'un tel élément ayant concouru à la survenance du dommage.
Or, force est d'admettre qu'une telle constatation fait défaut, l'argument
étant apparemment nouveau.

La recourante fait ensuite valoir que la lésion du nerf sciatique pendant
l'opération de pose de prothèse de la hanche est exceptionnelle et
imprévisible, ce qui ne permettrait pas d'admettre que cette opération était,
selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, propre
à entraîner une telle lésion. Certes, il ressort du jugement cantonal que cette
lésion survient dans un nombre très restreint de cas (1 à 2 %). Cela étant, le
caractère adéquat d'une cause ne suppose pas que l'effet considéré se produise
généralement, ni même qu'il soit courant. Il suffit qu'il s'inscrive dans le
champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 143 III 242
consid. 3.7 p. 250; 139 V 176 consid. 8.4.2; 96 II 392 consid. 2). Tel est bien
le cas ici. Il n'y a dès lors nulle violation du droit dont la recourante
serait fondée à se plaindre.

5.2. La recourante soutient également que la troisième opération chirurgicale,
lors de laquelle le nerf sciatique de l'intimé a été endommagé, a interrompu le
lien de causalité adéquate. Certes, une telle interruption peut se concevoir en
présence d'un événement extraordinaire ou exceptionnel auquel on ne pouvait
s'attendre (force naturelle, fait du lésé ou d'un tiers) qui revêt une
importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du dommage et
relègue à l'arrière-plan les autres facteurs ayant contribué à le provoquer - y
compris le fait imputable à la partie recherchée. Toutefois, il n'y a ici nulle
faute des Etablissements C.________ susceptible d'intervenir à ce titre, ni
intervention d'un élément naturel en tant que tel. De l'avis de l'expert, il
s'agit d'un risque inhérent à l'opération, qui entre dans le champ du possible,
mais se produit rarement, de l'aveu même de la recourante; or, l'opération
comportant ce risque a été provoquée par la nécrose elle-même imputable au
mauvais diagnostic de la recourante. Ce grief doit pareillement être rejeté.

6. 

Finalement, la recourante se plaint d'une violation de l'art. 106 CPC. La cour
cantonale a confirmé que cette partie défenderesse était redevable de
l'intégralité des frais judiciaires de première instance, vu la nature du
litige, le fait que le demandeur avait obtenu gain de cause sur le principe de
ses conclusions et (grâce à l'appel) sur une part importante de leur montant.
Elle s'est fondée en cela sur l'art. 107 al. 1 let. a CPC, qui lui laissait une
latitude appréciable à cet égard. Contrairement à ce que la recourante infère,
il n'apparaît pas qu'elle en ait abusé en la circonstance. Il importe peu que
la présente affaire n'implique pas de compagnie d'assurance, comme dans le
précédent cité par la cour cantonale. Quant aux dépens, la cour cantonale s'est
dispensée de traiter la critique de la recourante dans la mesure où elle
n'était pas développée. La recourante ne fait pas valoir qu'il aurait dû en
être autrement.

La recourante ne formule aucun autre grief contre l'arrêt attaqué, de sorte que
la cour de céans n'a pas à en rediscuter les autres aspects (cf. consid. 2.1 
supra).

7. 

Partant, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. En
conséquence, la recourante supportera les frais de procédure fixés à 6'500 fr.
et versera à chacune de ses deux adverses parties une indemnité de 7'500 fr. à
titre de dépens (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2. 

Les frais de procédure, fixés à 6'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 

La recourante versera à B.________ et aux Hôpitaux universitaires de Genève une
indemnité de 7'500 fr. chacun à titre de dépens.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 18 février 2020

Au nom de la Ire Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Kiss

La greffière: Monti