Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.62/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

4A_62/2019, 4A_354/2019

Arrêt du 6 août 2019

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes les juges Kiss, présidente, Niquille et May Canellas.

Greffier : M. Thélin.

Participants à la procédure

D.________,

demandeur et recourant,

contre

A.________,

B.________ et

C.________,

représentés par Me Stéphane Jordan,

défendeurs et intimés;

E.________,

partie intéressée.

Objet

arbitrage interne; composition du tribunal arbitral

recours contre les prononcés de la Chambre des affaires arbitrales du Tribunal
cantonal du canton du Valais du 14 décembre 2018 (4A_62/2019)et du 5 juillet
2019 (4A_354/2019).

Faits :

A. 

D.________, A.________, B.________ et C.________ se sont liés par un contrat de
société simple en vue d'exercer dans des locaux communs, à Sion, leurs
professions d'avocat et de notaire.

Par une convention du 31 janvier 2008, les associés ont convenu que Me
D.________ quitterait la société et que celle-ci continuerait entre les trois
autres associés. La convention réglait les modalités financières de la sortie
de Me D.________ et elle incluait une clause d'arbitrage : un litige devrait
être résolu par une ou un arbitre unique à désigner par le Bâtonnier de l'Ordre
des avocats valaisans.

Le 21 février 2008, le Bâtonnier a désigné Me E.________, avocate, en qualité
d'arbitre unique siégeant à Sierre.

Me D.________ a ouvert action contre ses trois anciens associés devant
l'arbitre unique ainsi désignée. Il a notamment réclamé un million de francs
pour liquidation de la société simple et un million de francs à titre de
dommages-intérêts.

L'arbitre unique a rendu une sentence finale le 16 septembre 2014. Accueillant
partiellement l'action, elle a condamné les défendeurs à payer solidairement
145'505 fr. en capital.

Par deux arrêts du 1er avril 2015, le Tribunal fédéral a rejeté les recours
respectivement exercés contre la sentence par le demandeur (arrêt 4A_599/2014)
et par les défendeurs (arrêt 4A_597/2014), dans la mesure où ces recours
étaient recevables.

B. 

Le 4 août 2017, le demandeur a saisi le Tribunal fédéral d'une demande de
révision tendant à l'annulation de la sentence arbitrale et à l'annulation de
l'arrêt 4A_599/2014 rendu le 1er avril 2015. Cette demande a été jugée
irrecevable le 21 septembre 2017 (arrêt 4A_393/2017 et 4F_21/2017).

C. 

Aussi le 4 août 2017, le demandeur a adressé une demande de révision au
Tribunal cantonal du canton du Valais, tendant essentiellement à l'annulation
de la sentence arbitrale. Le demandeur prétendait avoir été récemment informé
de faits propres à mettre en doute l'impartialité de l'arbitre unique dans la
procédure arbitrale, et propres à justifier, par conséquent, l'annulation de la
sentence.

Les défendeurs, d'une part, et l'arbitre unique, d'autre part, ont conclu au
rejet de cette demande, dans la mesure où elle était recevable.

La Chambre des affaires arbitrales du Tribunal cantonal a statué le 14 décembre
2018. Elle a rejeté la demande de révision, dans la mesure où elle était
recevable. Elle a notamment renoncé à vérifier si le délai de nonante jours à
compter de la découverte du motif de révision, délai imposé par l'art. 397 al.
1 CPC, était observé.

D. 

Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur requiert le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre des affaires arbitrales et de
renvoyer la cause à cette autorité pour nouvelle décision (cause 4A_62/2019).

Les défendeurs concluent principalement à l'irrecevabilité du recours et
subsidiairement à son rejet. L'arbitre unique prend position de manière
semblable.

Sans y être invités, le demandeur et les défendeurs ont respectivement déposé
une réplique et une duplique. Le Tribunal fédéral a reçu et transmis pour
information d'autres écritures encore, déposées le demandeur, les défendeurs ou
l'arbitre unique.

E. 

L'une de ces écritures supplémentaires, présentée par le demandeur et datée du
3 juillet 2019, a été adressée aussi au Tribunal cantonal. Le Président ad hoc
 de la Chambre des affaires arbitrales a répondu au demandeur le surlendemain 5
juillet que cette autorité était dessaisie depuis son arrêt du 14 décembre
2018, que l'écriture n'était donc pas prise en considération et que le
Président la retournait à son auteur.

Contre cette communication, le demandeur a saisi le Tribunal fédéral d'un
recours pour déni de justice (cause 4A_354/2019).

Les défendeurs et l'arbitre unique n'ont pas été invités à prendre position.

Considérant en droit :

1. 

Le code de procédure civile unifié (CPC) est entré en vigueur le 1er janvier
2011 alors que la procédure arbitrale était en cours. En vertu de l'art. 407
al. 2 et 3 CPC, le concordat sur l'arbitrage du 27 août 1969 (CA) est demeuré
applicable à cette procédure; en revanche, les recours disponibles contre la
sentence finale du 16 septembre 2014 sont ceux prévus par le code unifié. En
particulier, une éventuelle révision de cette sentence est soumise aux art. 396
à 399 CPC.

2. 

La Chambre des affaires arbitrales a rendu son arrêt du 14 décembre 2018 à
titre de tribunal institué conformément à l'art. 356 al. 1 let. a CPC pour
statuer sur les demandes de révision prévues et régies par ces dispositions.
Cet arrêt est par conséquent susceptible du recours en matière civile selon
l'art. 90 LTF (ATF 138 III 542 consid. 1 p. 542).

Les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont en
principe satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse; celle-ci
correspond aux conclusions sur lesquelles l'arbitre unique s'est prononcée dans
sa sentence finale du 16 septembre 2014.

3. 

Les art. 34 à 38 LTF règlent les cas de récusation des juges et greffiers du
Tribunal fédéral, ainsi que la procédure de récusation. L'art. 38 al. 4 LTF
prévoit que si un motif de récusation n'est découvert qu'après la clôture de la
procédure, les dispositions sur la révision sont applicables. Parmi les divers
cas de révision d'un arrêt du Tribunal fédéral, l'art. 121 let. a LTF prévoit
celui où les dispositions concernant la composition du tribunal ou la
récusation n'ont pas été observées.

Les art. 367 à 369 CPC règlent les cas de récusation d'arbitres et la procédure
de récusation dans le domaine de l'arbitrage interne. Aucune disposition ne
prévoit l'éventualité où un motif de récusation n'est découvert qu'après la
clôture de la procédure arbitrale, et l'inobservation de dispositions
concernant la récusation des arbitres ne fait pas partie des motifs de révision
d'une sentence arbitrale énumérés à l'art. 396 CPC. A première vue, la révision
d'une sentence arbitrale ne peut donc pas être réclamée au motif que l'arbitre
unique ou un membre du tribunal arbitral aurait dû se récuser.

Dans un arrêt de 2016, le Tribunal fédéral a envisagé que le régime prévu pour
ses propres juges et greffiers, avec les art. 38 al. 4 et 121 let. a LTF, soit
applicable par analogie aux membres d'un tribunal arbitral, nonobstant
l'absence de dispositions correspondantes dans le code de procédure civile. A
l'issue d'une discussion méthodique et détaillée, le Tribunal fédéral a résolu
de laisser cette question indécise au motif qu'une procédure de révision
législative allait prochainement débuter, que la législation topique serait
éventuellement complétée de manière claire et cohérente, et que dans le cas
d'espèce, de toute manière, il n'y avait pas lieu à révision de la sentence
attaquée (ATF 142 III 521 consid. 2 p. 525 et ss).

Cette même question peut demeurer indécise aussi dans la présente contestation.
En effet, il apparaîtra que contrairement à l'opinion du demandeur, l'arbitre
unique qui a rendu la sentence finale du 16 septembre 2014 n'était pas
récusable au regard des dispositions pertinentes du concordat de 1969 (CA), et
que même si l'art. 121 let. a LTF devait être appliqué par analogie, il n'y
aurait donc pas lieu à révision de ce prononcé.

4. 

A teneur de l'art. 18 al. 1 CA, les parties à une procédure arbitrale pouvaient
récuser un arbitre pour les motifs propres à entraîner la récusation
obligatoire ou facultative d'un juge du Tribunal fédéral. Cette disposition
renvoyait notamment à l'art. 23 let. c de la loi fédérale d'organisation
judiciaire de 1943, à teneur duquel les juges étaient récusables en présence de
circonstances « de nature à leur donner l'apparence de la prévention dans le
procès ». Depuis 2007, cette règle est remplacée par l'art. 34 al. 1 let. e
LTF, visant les juges et greffiers qui « peuvent être prévenus de toute autre
manière ». Dans le domaine de l'arbitrage interne, selon l'art. 367 al. 1 let.
c CPC, un arbitre est récusable « en cas de doutes légitimes sur son
indépendance ou son impartialité ». En arbitrage international, selon l'art.
180 al. 1 let. c de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP),
l'arbitre est récusable « lorsque les circonstances permettent de douter
légitimement de son indépendance ».

Quoique ces dispositions divergent dans leurs libellés, toutes ont pour objet
de mettre en oeuvre au niveau de la loi la garantie constitutionnelle d'un
tribunal indépendant et impartial qui est conférée à tout plaideur par l'art.
30 al. 1 Cst. A l'instar d'un juge étatique et sous réserve des spécificités de
l'arbitrage, à prendre en considération, s'il y a lieu, au stade de l'examen
des circonstances concrètes du cas, un arbitre doit satisfaire à cette garantie
(ATF 142 III 521 consid. 3.1.1 p. 536).

Celle-ci autorise le plaideur à exiger la récusation d'un juge ou d'un arbitre
dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur
son impartialité. Elle tend notamment à éviter que des circonstances
extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au
détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une
prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa
part ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent
l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules
des circonstances constatées objectivement doivent être prises en
considération; les impressions purement individuelles d'une des parties au
procès ne sont pas décisives (ATF 142 III 521 consid. 3.1.1 p. 536; 140 III 221
consid. 4.1 p. 221; 138 I 1 consid. 2.2 p. 3).

5. 

L'arbitre unique E.________ exerce la profession d'avocate en association avec
son frère F.________, lui aussi avocat et notaire; leur étude est à Sierre. A
l'appui de la demande de révision, le demandeur a fait état de relations
professionnelles prétendument très étroites entre eux et les défendeurs,
économiquement avantageuses pour eux et propres à influencer l'arbitre unique
en faveur des défendeurs.

A l'issue de son appréciation des preuves, la Chambre des affaires arbitrales a
constaté en fait qu'en 1992, soit longtemps avant la procédure arbitrale, le
défendeur Me C.________ était mandaté par Me F.________; l'objet et la durée de
ce mandat n'ont pas été élucidés.

La Chambre des affaires arbitrales a également constaté que jusqu'au 10
septembre 2012, les défendeurs ont assisté leur cliente U.________ SA dans une
contestation concernant l'usage d'une marque commerciale. Dès le 12 janvier de
la même année, U.________ SA s'est fait assister par Me F.________, d'abord,
puis par Me E.________, ensuite, dans un différend qui opposait cette société
aux mêmes adverses parties mais concernait le remboursement d'un prêt. Durant
près de huit mois au cours de la procédure arbitrale, les études de l'arbitre
unique et de son frère et associé, d'une part, et des défendeurs d'autre part,
ont ainsi occupé dans des procès différents pour la même cliente. La Chambre
des affaires arbitrales n'a constaté aucune forme de collaboration entre les
deux études dans l'accomplissement de leurs mandats respectifs. La Chambre a
rejeté les allégations du demandeur selon lesquelles le mandat attribué par
U.________ SA à Mes F.________ et E.________ leur a été cédé ou apporté par les
défendeurs.

La Chambre des affaires arbitrales a par ailleurs constaté que du 22 mai 2003
au 1er juillet 2004, Me E.________ a assumé une fonction d'arbitre dans une
contestation où la banque W.________ SA était partie et assistée par Me
C.________. L'année précédente, Me F.________ avait représenté cette banque
dans un autre litige. La Chambre a aussi constaté d'autres liens entre cette
banque et l'étude de Mes F.________ et E.________, et entre elle et l'étude des
défendeurs.

Au stade de l'appréciation juridique, à l'issue d'une discussion détaillée, la
Chambre des affaires arbitrales parvient à la conclusion que ces circonstances,
considérées objectivement, ne justifient pas de mettre en doute l'indépendance
et l'impartialité de l'arbitre unique Me E.________. Elle relève notamment que
selon la jurisprudence, un juge n'est pas suspect de partialité au seul motif
que ses activités professionnelles antérieures l'ont mis en contact avec l'un
des avocats occupant dans la cause (ATF 138 I 1 consid. 2.4 p. 5), et qu'un
arbitre n'est pas récusable au seul motif que l'avocat d'une des parties a
siégé avec lui en qualité d'arbitre dans une autre procédure arbitrale (ATF 129
III 445 consid. 4.2.2.2 p. 466).

6. 

A l'appui du recours dirigé contre cet arrêt de la Chambre des affaires
arbitrales, le demandeur avance de très nombreuses allégations et assertions
exorbitantes des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral selon
l'art. 105 al. 1 LTF; ce recours est à cet égard irrecevable, conformément à
l'opinion des défendeurs et de l'arbitre unique.

Celle-ci ne saurait être soupçonnée de partialité parce qu'elle n'a pas donné
gain de cause au demandeur, sinon très partiellement, mais plutôt aux
défendeurs. La garantie de l'impartialité des arbitres ne permet pas d'obtenir
un contrôle judiciaire de la sentence arbitrale finale au delà des moyens de
recours disponibles selon l'art. 393 CPC. Le demandeur a d'ailleurs usé sans
succès de ces moyens; son recours a été rejeté, dans la mesure où il était
recevable, par l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_599/2014 du 1er avril 2015.
Contrairement à son argumentation, la Chambre des affaires arbitrales a donc à
bon droit refusé d'entrer en matière sur les critiques élevées contre la
sentence arbitrale et refusé d'ordonner la production du dossier complet de la
procédure arbitrale. Le demandeur ne prétend d'ailleurs pas que ce dossier fût
éventuellement apte à prouver les relations particulièrement étroites alléguées
entre l'étude de Mes F.________ et E.________ et celle des défendeurs.

Pour le surplus, l'appréciation juridique de la Chambre des affaires arbitrales
n'est contestée dans les écritures du demandeur que par le développement de
longues généralités au sujet de la garantie de l'impartialité des arbitres,
appuyées sur de nombreuses références. Cette appréciation n'est donc pas
sérieusement réfutée et le Tribunal fédéral ne voit aucun motif de l'invalider.
Cela conduit au rejet du recours dirigé contre l'arrêt du 14 décembre 2018,
dans la mesure où les griefs présentés sont recevables.

7. 

L'écriture datée du 3 juillet 2019 et adressée à la Chambre des affaires
arbitrales est un document à la structure difficilement intelligible où le
demandeur renouvelle ses protestations contre l'arbitre unique. L'écriture est
dépourvue de conclusions. L'autorité cantonale ne pouvait donc lui donner
aucune suite et elle en a dûment informé le demandeur. Celui-ci n'est pas fondé
à se plaindre d'un déni de justice. Il s'ensuit que le recours dirigé contre la
communication du 5 juillet 2019 doit être lui aussi rejeté, dans la mesure où
il est recevable.

8. 

A titre de partie qui succombe, le demandeur doit acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels les défendeurs peuvent
prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Les causes nos 4A_62/2019 et 4A_354/2019 sont jointes.

2. 

Les recours sont rejetés, dans la mesure où ils sont recevables.

3. 

Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 5'000 francs.

4. 

Le demandeur versera une indemnité de 6'000 fr. aux défendeurs, créanciers
solidaires, à titre de dépens.

5. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties (avec copies des act. 63, 64, 66 et
67 aux défendeurs et à la partie intéressée) et au Tribunal cantonal du canton
du Valais.

Lausanne, le 6 août 2019

Au nom de la Ire Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

La présidente : Kiss

Le greffier : Thélin