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I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.4/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

4A_4/2019

Arrêt du 7mai 2019

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes les juges Kiss, présidente, Hohl et May Canellas.

Greffier : M. Thélin.

Participants à la procédure

X.________,

représenté par Me Alain Schweingruber,

recourant,

contre

Tribunal cantonal du canton du Jura, Cour civile,

Objet

procédure civile; assistance judiciaire

recours contre la décision rendue le 22 novembre 2018 par le Président de la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura

(AJ 91 / 2017).

Considérant en fait et en droit :

1. 

X.________ a travaillé dès le 6 juin 2016 au service de A.________ SA, à..., en
qualité de menuisier. Il a notamment collaboré à la mise au point de processus
de fabrication industriels de fenêtres que cette entreprise commercialise avec
la société B.________ SA. Il a quitté l'entreprise le 11 novembre 2016.

Le 20 décembre 2016, A.________ SA et B.________ SA ont saisi la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton du Jura d'une requête de mesures d'urgence et de
mesures provisionnelles. L'autorité était en substance requise d'interdire à
X.________ la divulgation ou l'exploitation du savoir-faire et des informations
confidentiels auxquels son activité lui avait donné accès.

X.________ a présenté une requête d'assistance judiciaire le 15 février 2017;
il a plus tard conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles.

Par décision du 2 mai 2017, le Président de la Cour civile a accueilli la
requête d'assistance judiciaire et désigné le conseil de la partie citée en
qualité d'avocat d'office. Le Président a ordonné les mesures provisionnelles
requises et il a imparti aux requérantes un délai pour introduire l'action en
justice propre à valider ces mesures. Il a enfin joint les frais et dépens de
la procédure de mesures provisionnelles à ceux de l'action à introduire.

Selon son prononcé, la contestation relève de la loi contre la concurrence
déloyale et la valeur litigieuse excède 30'000 fr., d'où il résulte que la Cour
civile ou son président statuent en instance cantonale unique selon l'art. 5
al. 1 let. d et 5 al. 2 CPC.

2. 

A.________ SA et B.________ SA ont ouvert action contre X.________ le 4 août
2017, devant la même autorité. Le défendeur a derechef présenté une requête
d'assistance judiciaire, le 9 octobre 2017, et il a plus tard conclu au rejet
de l'action.

A l'appui de sa requête d'assistance judiciaire, le défendeur a produit divers
renseignements et justificatifs concernant sa situation financière, d'où il
ressortait qu'il occupait un emploi salarié.

Le Président de la Cour civile a interrogé les parties lors de débats
d'instruction le 28 mai 2018. Le défendeur a alors déclaré qu'il avait subi un
accident et perdu son emploi. Il percevait à cette époque des indemnités
journalières de l'assurance-accidents et il percevrait plus tard des indemnités
de l'assurance-chômage. Il a produit de nouveaux documents.

Par décision du 22 novembre 2018, le Président a rejeté la requête d'assistance
judiciaire. Selon les motifs de ce prononcé-ci, le défendeur jouit de
ressources suffisant aux frais du procès et la condition posée par l'art. 117
let. a CPC est donc défaillante. Les renseignements et documents apportés lors
de l'audience du 28 mai 2018 sont inaptes à établir une dégradation de la
situation financière du défendeur par rapport à celle qui ressort des
renseignements et documents initialement fournis. Cette situation-ci est donc
seule déterminante. Diverses charges alléguées à l'appui de la requête, en
particulier les primes de l'assurance-maladie obligatoire, ne sont pas non plus
établies et elles ne sont donc pas prises en considération. Le Président s'est
dispensé d'examiner si les conclusions articulées par le défendeur, dans le
procès, présentent quelque chance de succès conformément à la condition
cumulative posée par l'art. 117 let. b CPC.

3. 

Agissant par la voie du recours en matière civile, le défendeur requiert le
Tribunal fédéral de lui accorder l'assistance judiciaire dans l'instance
cantonale. Il sollicite également l'assistance judiciaire devant le Tribunal
fédéral.

L'autorité précédente n'a pas été invitée à prendre position.

4. 

Le refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente de nature à
causer un préjudice irréparable au plaideur requérant (ATF 133 IV 335 consid. 4
p. 338; 129 I 129 consid. 1.1 p. 131); cette décision est donc susceptible d'un
recours séparé selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Les adverses parties, dans le
procès civil, n'ont pas annoncé de demande de sûretés en garantie des dépens;
elles ne sont donc pas parties aux procédures incidentes puis de recours
relatives à l'assistance judiciaire (arrêt 4A_366/2013 du 20 décembre 2013,
consid. 3).

Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont par ailleurs
satisfaites, sous réserve des exigences concernant la motivation du recours. En
particulier, celui-ci est dirigé contre une décision rendue en instance
cantonale unique conformément aux art. 5 al. 1 let. d CPC et 75 al. 2 let. a
LTF.

5. 

Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); il peut
toutefois compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se
révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art.
9 Cst. (art. 105 al. 2 LTF; ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 264
consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62). La partie recourante est
autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la
correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97
al. 1 LTF). Il lui incombe alors d'indiquer de façon précise en quoi les
constatations critiquées sont contraires au droit ou entachées d'une erreur
indiscutable; les critiques dites appellatoires, tendant simplement à une
nouvelle appréciation des preuves, sont irrecevables (ATF 133 II 249 consid.
1.4.3 p. 254; voir aussi ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 264
consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62). Le Tribunal fédéral ne tient
pas compte de pièces qui n'ont pas été régulièrement soumises à l'autorité
cantonale de dernière instance (art. 99 al. 1 LTF).

6. 

Dans le procès civil, aux termes de l'art. 117 let. a et b CPC, un plaideur a
le droit d'obtenir l'assistance judiciaire s'il ne jouit pas de ressources
suffisantes (let. a) et que sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de
succès (let. b). Le plaideur manque de ressources suffisantes lorsque, au
regard de sa situation économique globale, y compris sa fortune, il n'est pas
en mesure d'assumer les frais du procès sans porter atteinte au minimum
nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid.
4.1 p. 537 i.m.; 135 I 221 consid. 5.1 p. 223; 128 I 225 consid. 2.5.1 p. 232).
La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la couverture des
besoins personnels doit être comparée aux frais prévisibles de l'instance.
L'assistance judiciaire n'est pas accordée lorsque la part disponible permet de
couvrir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès
relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 135 I 221 consid. 5.1
p. 224).

7. 

A teneur de l'art. 119 al. 1 et 2 CPC, le plaideur qui prétend à l'assistance
judiciaire doit présenter une requête accompagnée des justificatifs propres à
établir sa situation pécuniaire. A teneur de l'art. 120 CPC, l'assistance
judiciaire est retirée s'il apparaît que les conditions de son octroi ne sont
plus accomplies ou qu'elles ne l'ont jamais été.

Selon une opinion doctrinale, une décision accordant l'assistance judiciaire en
procédure de mesures provisionnelles produit ses effets aussi dans la procédure
subséquente de l'action en validation des mesures ordonnées, introduite dans le
délai imparti par le juge des mesures provisionnelles conformément à l'art. 263
CPC; la partie bénéficiaire de l'assistance judiciaire est alors dispensée de
présenter une nouvelle requête dans cette procédure subséquente (Alfred Bühler,
in Commentaire bernois, n° 24b ad art. 119 CPC).

En l'espèce, le défendeur a présenté une nouvelle requête dans la procédure de
l'action en validation, le 9 octobre 2017. A l'appui du recours en matière
civile, il soutient que cette démarche n'était pas nécessaire et qu'il continue
de bénéficier de l'assistance judiciaire accordée par la décision du 2 mai 2017
du juge des mesures provisionnelles.

Compte tenu que l'assistance judiciaire n'est jamais accordée à titre définitif
ou pour une durée déterminée, mais seulement, de par l'art. 120 CPC, pour une
durée indéterminée dépendant de la persistance des conditions qui ont déterminé
son octroi, le défendeur ne peut pas s'opposer à ce que le juge compétent
réexamine sa situation pécuniaire au regard de l'art. 117 let. a CPC sur la
base des renseignements et documents joints à une nouvelle requête. En
conséquence, à supposer que la requête du 9 octobre 2017 fût superflue
conformément à l'opinion du défendeur, et conformément, aussi, à l'opinion
doctrinale ci-mentionnée, la décision de refus intervenue par suite de cette
même requête est néanmoins compatible avec les art. 119 al. 1 et 120 CPC.

8. 

Sur la base des renseignements et justificatifs fournis par le défendeur avec
cette requête du 9 octobre 2017, le Président de la Cour civile retient à titre
de ressource disponible un revenu mensuel brut de 5'630 francs. Il refuse de
prendre en considération des frais de véhicule et de déplacement au motif que
le lieu de l'emploi salarié coïncide avec celui du domicile. A l'appui du
recours en matière civile, le défendeur fait valoir que ces éléments ne
correspondent pas à la situation moins favorable annoncée lors de l'audience du
28 mai 2018.

Les motifs de la décision attaquée indiquent de manière circonstanciée pourquoi
les renseignements et documents introduits lors de cette audience sont jugés
dépourvus de force probante et ne doivent donc pas être pris en considération.
Cette appréciation des preuves n'est pas mise en doute, devant le Tribunal
fédéral, autrement que par une simple protestation. Sur ce point, le recours
est irrecevable faute d'une motivation satisfaisant aux exigences relatives à
l'art. 97 al. 1 LTF.

Le Président peut par ailleurs juger sans arbitraire qu'un simple avis de
saisie (art. 90 LP) n'apporte pas la preuve suffisante d'une saisie
effectivement opérée sur le salaire du plaideur requérant, et que celui-ci doit
produire le procès-verbal (art. 112 LP) d'une saisie de ce genre.

9. 

Les ressources périodiques disponibles doivent être diminuées, parmi d'autres
charges, des sommes que le plaideur requérant consacre effectivement à
l'amortissement de dettes fiscales échues (ATF 135 I 221 consid. 5.2.1 p. 224).
La doctrine semble-t-il majoritaire propose d'étendre cette règle aux
amortissements effectifs d'autres dettes échues, à l'exclusion de celles
contractées pour l'acquisition de biens de consommation voluptuaires ou de
biens à usage professionnel inutilement luxueux (Bühler, op. cit., nos 198 et
199 ad art. 117 CPC, avec référence aux autres auteurs). En l'état, cette
proposition doctrinale n'est pas adoptée par la jurisprudence; celle-ci retient
au contraire que l'assistance judiciaire n'est pas destinée à satisfaire
indirectement et aux frais de la collectivité publique des créanciers qui ne
contribuent pas ou plus à l'entretien courant du plaideur requérant (arrêt
6B_977/2018 du 10 octobre 2018, consid. 4).

Contrairement à l'opinion du défendeur, le Président de la Cour civile a donc
correctement appliqué l'art. 117 let. a CPC en refusant de prendre en
considération des dettes échues aux montants de 1'580 fr., 2'214 fr.40, 290
fr.60 et 1'111 fr.95 qui ne se rapportent pas à des arriérés d'impôts. De
surcroît, il n'est pas constaté que le défendeur affecte régulièrement des
ressources à l'amortissement de ces dettes.

10. 

Le défendeur fait aussi grief au Président de n'avoir pas pris en considération
une prime de l'assurance-maladie obligatoire au montant mensuel de 314 fr.50.
Le Tribunal fédéral peut renoncer à examiner ce chef de la contestation car
dans son résultat, la décision attaquée se révèle de toute manière conforme à
l'art. 117 let. a CPC. En effet, selon cette décision, le disponible déterminé
par différence entre le revenu, d'une part, et le total des charges admises,
d'autre part, soit 5'630 fr. moins 3'690 fr., s'élève à 1'940 fr. par mois. Il
est incontesté que ce disponible, cumulé sur deux ans, permet de couvrir les
frais du procès. A supposer qu'il soit réduit à 1'625 fr.50 par l'imputation de
la prime d'assurance, son cumul sur deux ans permet encore, présumablement, de
couvrir les frais du procès.

11. 

Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où l'argumentation
présentée est recevable.

Selon l'art. 64 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral peut accorder l'assistance
judiciaire à une partie à condition que celle-ci ne dispose pas de ressources
suffisantes et que ses conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec.
En l'occurrence, la procédure entreprise devant le Tribunal fédéral n'offrait
manifestement aucune chance de succès, ce qui entraîne le rejet de la demande
d'assistance judiciaire concernant cette procédure.

A titre de partie qui succombe, le défendeur doit acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

2. 

Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

3. 

Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 1'000 francs.

4. 

Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, aux sociétés
A.________ SA et B.________ SA, représentées par Me Christophe Rapin, avocat à
Genève, et au Tribunal cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 7 mai 2019

Au nom de la Ire Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

La présidente : Kiss

Le greffier : Thélin