Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.353/2019
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2019
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2019


TypeError: undefined is not a function (evaluating '_paq.toString().includes
("trackSiteSearch")') https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/de/php/aza/http/
index.php?highlight_docid=aza%3A%2F%2Faza://25-03-2020-4A_353-2019&lang=de&zoom
=&type=show_document:1855 in global code 
 

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

4A_353/2019

Arrêt du 25 mars 2020

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes les juges Kiss, présidente, Hohl et May Canellas.

Greffier : M. Thélin.

Participants à la procédure

A.________,

représentée par Me Tuto Rossi, avocat,

demanderesse et recourante,

contre

Banque ________ SA,

représentée par Mes François Bohnet et

Luca Melcarne, avocats,

défenderesse et intimée.

Objet

mandat; reddition de compte

recours contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel

(CACIV.2019.23).

Faits :

A. 

Le 27 octobre 1999, A.________ s'est fait ouvrir un compte par la banque
________ SA à V.________ et elle a simultanément attribué à cet établissement
le mandat de gérer son avoir. Elle a stipulé une orientation « défensive » de
la gestion confiée. Elle a néanmoins autorisé la banque « à investir dans une
proportion indiquée par les circonstances pouvant aller jusqu'à 20% [de
l'avoir] dans des véhicules de placement collectifs sortant du cadre des
opérations bancaires ordinaires définies par les directives de l'Association
suisse des banquiers sur le mandat de gestion de fortune ».

La cliente a fait clore son compte le 12 mai 2009.

Le 11 mars 2013, par l'entremise de son avocat, elle a reproché à la banque de
n'avoir pas respecté l'orientation convenue et d'avoir « sans doute » provoqué
un dommage évalué à 500'000 francs.

B. 

Le 24 avril 2014, A.________ a ouvert action contre la banque ________ SA
devant le Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers. La défenderesse
devait être condamnée à produire une ample documentation concernant l'exécution
du mandat de gestion. Elle devait de plus être condamnée à payer une somme à
chiffrer « selon le résultat de l'instruction », comprise entre 50'000 et
358'460 francs.

La défenderesse a conclu au rejet de l'action.

Le 22 janvier 2019, le tribunal a rendu un jugement séparé sur les conclusions
tendant à la production de documents. Il a partiellement accueilli ces
conclusions et il a condamné la défenderesse dans les termes ci-après:

Condamne la banque ________ SA à remettre à A.________ dans les trente jours
les documents suivants relatifs au compte n° xxx: les extraits des opérations
d'investissement effectuées depuis l'ouverture du compte, tous les comptes
bancaires ouverts à la dépendance des opérations d'investissement ainsi que les
opérations effectuées, toutes les évaluations patrimoniales effectuées lors des
clôtures annuelles, ainsi que le courrier des deux années précédant la demande
du 19 juin 2009, sous menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP qui
réprime l'insoumission à une décision de l'autorité.

La Cour d'appel civile du Tribunal cantonal a statué le 6 juin 2019 sur l'appel
de la défenderesse. Elle a accueilli cet appel et rejeté les conclusions de la
demanderesse tendant à la production de documents.

C. 

Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le
Tribunal fédéral, à titre principal, de déclarer irrecevable l'appel formé
contre le jugement du 22 janvier 2019. A titre subsidiaire, la demanderesse
réclame la confirmation de ce jugement.

La défenderesse conclut à l'irrecevabilité de ces conclusions principales et au
rejet des conclusions subsidiaires.

La demanderesse a spontanément déposé une réplique; la défenderesse n'a plus
procédé.

Considérant en droit :

1. 

Le recours au Tribunal fédéral est notamment recevable contre les décisions
finales selon l'art. 90 LTF, les décisions partielles visées par l'art. 91 LTF,
et les décisions incidentes satisfaisant aux conditions de l'art. 93 al. 1 LTF.

La demanderesse intente à la défenderesse une action échelonnée, comportant une
action auxiliaire en reddition de compte et une action principale en
dommages-intérêts. Cette action-là doit apporter les renseignements propres à
permettre de chiffrer celle-ci. La jurisprudence n'a pas établi si le jugement
de dernière instance cantonale rendu sur une action auxiliaire en reddition de
compte est une décision finale selon l'art. 90 LTF ou une décision partielle
selon l'art. 91 LTF; elle a en revanche établi qu'un recours au Tribunal
fédéral, contre ce jugement, n'est de toute manière pas assujetti aux
conditions restrictives de l'art. 93 al. 1 LTF concernant les décisions
incidentes (arrêt 4A_142/2014 du 2 octobre 2014, consid. 1, SJ 2015 I 68).
Cette dernière disposition n'est donc pas en cause dans la présente
contestation.

En tant que la valeur litigieuse de l'action auxiliaire en reddition de compte
doit être appréciée en application de l'art. 51 al. 2 LTF, il convient de se
référer aux conclusions de l'action principale en paiement. La valeur
litigieuse excède donc, en l'espèce, le minimum de 30'000 fr. dont dépend la
recevabilité du recours en matière civile selon l'art. 74 al. 1 let. b LTF.

Contrairement à l'opinion de la défenderesse et en dépit d'un libellé
inutilement complexe, les conclusions présentées répondent aux exigences
légales.

2. 

Dans les affaires patrimoniales, à teneur de l'art. 308 al. 2 CPC, l'appel
n'est recevable que si la valeur litigieuse « au dernier état des conclusions »
atteint ou dépasse 10'000 francs. En l'espèce, cette règle appréhendait aussi
les conclusions de l'action principale en paiement, de sorte que l'appel était
recevable à raison de la valeur litigieuse. Les conclusions que la demanderesse
articule à titre principal devant le Tribunal fédéral, tendant à
l'irrecevabilité de l'appel, sont donc privées de fondement et doivent être
rejetées.

3. 

Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de mandat et que
ce contrat avait pour objet la gestion de l'avoir confié à la défenderesse.
L'art. 400 al. 1 CO oblige le mandataire à rendre compte de sa gestion, en tout
temps et à la demande du mandant. L'action en reddition de compte est fondée
sur cette disposition.

Les renseignements à fournir par le mandataire doivent couvrir l'ensemble des
éléments propres à permettre au mandant de comprendre les opérations exécutées,
de vérifier le respect des instructions qu'il a données et de découvrir les
erreurs éventuellement commises (Pierre Tercier et al., Les contrats spéciaux,
5e éd., 2016, n° 4480 p. 639). Les renseignements doivent mettre le mandant en
mesure de réclamer ce que le mandataire doit lui restituer, et, s'il y a lieu,
de lui réclamer aussi des dommages-intérêts (ATF 144 IV 294 consid. 3.3 p. 297;
141 III 564 consid. 4.2.1 p. 567). Les renseignements relatifs à un mandat de
gestion de fortune doivent au minimum révéler quelles valeurs ont été achetées
puis revendues pour le compte du client, à quelles dates et à quels prix (cf.
Nicolas Dommer, Die Auskunftspflichten der Bank gegenüber
Vermögensverwaltungskunden, 2018, nos 251 et 252 p. 107).

4. 

La demanderesse reconnaît avoir reçu de la défenderesse des « portfolio »
révélant l'état du patrimoine sous gestion au 8 décembre 2000, au 22 septembre
2004, au 30 juin 2006, au 1er janvier 2007, au 1er janvier 2008 et au 8 mai
2009. Elle a produit ces documents à l'appui de sa demande en justice. Elle les
tient pour insuffisants au regard de ce que l'art. 400 al. 1 CO l'autorise à
exiger. La défenderesse, dans son mémoire d'appel, a au contraire soutenu que «
le dossier contient toutes les informations utiles et nécessaires à un examen
complet de la gestion des avoirs de [la demanderesse] par la [défenderesse] ».

La Cour d'appel retient que cette affirmation de la défenderesse n'est pas
contredite par la demanderesse et qu'elle suffit donc à entraîner le rejet de
l'action en reddition de compte; il s'agit de la motivation développée à titre
principal par la Cour :

[La demanderesse] n'objecte aucun argument à cette façon de voir les choses.
Elle n'explique pas pour quelle (s) raison (s) les documents déjà transmis par
la banque et figurant au dossier ne lui permettraient pas de comprendre les
opérations effectuées (on pense ici aux investissements effectués, soit par
exemple les achats et ventes de titres et les opérations de change), d'être
éclairée sur les éventuelles erreurs du mandataire, de vérifier que la banque
[ait] bien respecté les instructions qui lui ont été données ou encore de
chiffrer son dommage.

Cette approche fondée sur une très stricte application de la maxime des débats
dénote en l'espèce une lecture incomplète du mémoire de réponse à l'appel. La
demanderesse s'y est en effet exprimée comme suit :

La demanderesse n'est pas en possession des documents requis permettant de
juger le comportement de la banque mandataire; elle n'est en possession que de
certains extraits de compte (portfolio management) qui ne font que
photographier la situation à certains moments déterminés, sans rendre compte
des opérations effectuées et des investissements clôturés.

Confrontée à ces argumentations fondamentalement opposées, la Cour d'appel ne
pouvait pas se dispenser d'examiner les documents concernés pour vérifier si la
défenderesse avait effectivement, ainsi qu'elle le prétendait, entièrement
satisfait à son obligation de rendre compte. L'étude des documents n'incombe en
principe pas au Tribunal fédéral et la cause devrait donc être renvoyée à la
Cour d'appel en application de l'art. 107 al. 2 LTF. Il convient cependant de
renoncer à ce renvoi car les documents sont peu volumineux et on constate
d'emblée que la thèse de la demanderesse est fondée. En effet, les documents ne
rendent notamment pas compte des valeurs par hypothèse achetées et revendues
dans un laps séparant deux « portfolio » successifs; ils ne permettent pas de
savoir quand et à quel prix la défenderesse a vendu les valeurs énumérées dans
les « portfolio », et ils n'indiquent pas non plus, sinon de manière seulement
partielle, quand et à quel prix ces valeurs ont été achetées. Les analyses de
la composition du patrimoine, certes présentes dans certains des documents, ne
remédient pas à ces lacunes. Les affirmations et protestations que la
défenderesse persiste à répéter dans sa réponse au recours n'y remédient pas
davantage.

La défenderesse affirme notamment que l'action en reddition de compte ne répond
à aucun intérêt légitime de son adverse partie. Elle perd de vue, ici, que le
mandant est autorisé à exercer cette action sans avoir à justifier d'un intérêt
légitime (ATF 139 III 49 consid. 4.5.2 p. 59). L'action ne saurait être jugée
chicanière et contraire à la bonne foi, non plus, seulement parce que les
renseignements demandés portent sur toute la durée du mandat, sans limitation
dans le temps. La défenderesse n'a pas prétendu que l'action soit
éventuellement atteinte par la prescription dans la mesure où les
renseignements exigés portent sur des opérations anciennes de plus de dix ans.
Elle n'offre pas non plus de fournir les renseignements sur une durée moins
importante.

5. 

La Cour d'appel rejette l'action aussi au motif que le jugement de première
instance condamne la défenderesse à une prestation « dont la réelle portée
n'est pas claire ». Il est vrai que les expressions « les extraits des
opérations d'investissement effectuées depuis l'ouverture du compte, tous les
comptes bancaires ouverts à la dépendance des opérations d'investissement ainsi
que les opérations effectuées, toutes les évaluations patrimoniales effectuées
lors des clôtures annuelles », utilisées dans le dispositif de ce jugement,
manquent de précision et semblent excéder, aussi, ce que le mandant peut exiger
sur la base de l'art. 400 al. 1 CO. Cela ne justifie cependant pas un rejet
intégral de l'action, mais seulement une réforme du dispositif. Celui-ci doit
être recentré sur l'information qui est nécessaire à la demanderesse pour
reconstituer et contrôler la gestion de la défenderesse. Le dispositif doit
porter sur la liste des achats et des ventes de valeurs mobilières et de
devises étrangères accomplis en exécution du mandat, avec la date et le prix de
chaque achat et de chaque vente. En ce sens, les conclusions subsidiaires
articulées par la demanderesse, devant le Tribunal fédéral, doivent être
partiellement admises; elles doivent être rejetées dans la mesure où elles
tendent à la simple confirmation du jugement de première instance.

La Cour d'appel retient encore que le Tribunal régional a d'ores et déjà
ordonné une expertise destinée à élucider, parmi d'autres faits, l'origine de
pertes subies par la demanderesse, et que l'expert pourra au besoin exiger de
la défenderesse des « documents bancaires supplémentaires ». Cette éventualité
et la diligence ainsi attendue de l'expert ne justifient pas non plus que la
demanderesse soit privée de l'action en reddition de compte que lui accorde
l'art. 400 al. 1 CO.

6. 

Sur la base d'une convention spécifique que les parties ont conclue lors de
l'ouverture du compte bancaire, le jugement de première instance a condamné la
défenderesse à remettre le courrier qu'elle destinait à la demanderesse et
qu'elle a conservé « banque restante » durant les deux ans qui ont précédé une
requête de cette partie du 19 juin 2009. Sur ce point, le Tribunal régional
n'accueillait pas l'action en reddition de compte mais une action en exécution
du contrat. L'arrêt présentement attaqué invalide le jugement sur cette
prestation aussi, cependant sans fournir même un commencement de motivation. Il
s'impose donc de confirmer le jugement au sujet de ladite prestation.

7. 

A titre de partie qui succombe sur l'objet essentiel de la contestation, la
défenderesse doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et
les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est partiellement admis et l'arrêt de la Cour d'appel est réformé en
ce sens que la défenderesse est condamnée à remettre à la demanderesse, dans un
délai de trente jours dès réception du présent dispositif et sous menace, en
cas d'inexécution, de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP réprimant
l'insoumission à une décision de l'autorité :

- la liste des achats et des ventes de valeurs mobilières et de devises
étrangères accomplis en exécution du mandat attribué par la demanderesse, avec
la date et le prix de chaque achat et de chaque vente;

- le courrier conservé « banque restante » du 19 juin 2007 au 19 juin 2009.

2. 

La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.

3. 

La défenderesse versera une indemnité de 2'500 fr. à la demanderesse, à titre
de dépens.

4. 

La cause est renvoyée à la Cour d'appel pour statuer à nouveau sur les frais et
dépens des instances cantonales.

5. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Neuchâtel.

Lausanne, le 25 mars 2020

Au nom de la Ire Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

La présidente : Kiss

Le greffier : Thélin