Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.290/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

4A_290/2019

Arrêt du 4 septembre 2019

Ire Cour de droit civil

Composition

Mme la Juge fédérale

Kiss, Présidente, Klett, May Canellas.

Greffier : M. Curchod.

Participants à la procédure

A.________,

recourante,

contre

Tribunal cantonal du canton du Jura, Cour civile,

intimé

B.________ SA,

représentée par Me François Bohnet,

partie intéressée.

Objet

mandat; assistance judiciaire,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Jura, Cour civile, du
29 avril 2019 (CC 107 / 2018 et AJ 4 / 2019).

Faits :

A. 

Le 12 mars 2018, B.________ SA (ci-après : la demanderesse) a introduit à
l'encontre de A.________ (ci-après : la défenderesse, la recourante) une action
en restitution portant sur deux montres faisant l'objet d'un séquestre auprès
de l'office des poursuites de Porrentruy. Dans sa réponse, la défenderesse a
notamment indiqué ne pas contester ne pas être la propriétaire des montres en
question mais estimer avoir une prétention en dommages et intérêts à l'encontre
de la demanderesse et, dès lors, être en droit de conserver les objets
litigieux à titre de garantie. Invitée à préciser ses conclusions et indiquer
si sa réponse devait être comprise comme une demande reconventionnelle, la
défenderesse a sollicité l'assistance judiciaire. Elle a en outre
ultérieurement déposé une demande reconventionnelle pour le cas où sa requête
d'assistance judiciaire serait rejetée, par laquelle elle concluait notamment
au paiement de 944'500 fr. à titre de dommages et intérêts pour violation du
contrat de collaboration.

B. 

Par décision du 28 novembre 2018, la Juge civile du Tribunal de première
instance a rejeté la requête d'assistance judiciaire de la défenderesse. Le
Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a confirmé cette décision
par arrêt du 29 avril 2019 en rejetant le recours interjeté par la défenderesse
contre cette décision.

C. 

Par acte du 7 juin 2019, la recourante exerce un recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Toujours sans l'assistance d'un mandataire professionnel,
elle y formule de multiples conclusions (cf. infra, consid. 1.2).

La demanderesse et l'autorité précédente concluent au rejet du recours dans la
mesure de sa recevabilité.

La recourante a déposé une réplique de manière spontanée.

Considérant en droit :

1.

1.1. La décision de refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente
susceptible de causer un préjudice irréparable à la recourante au sens de
l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 133 IV 335 consid. 4; 129 I 129 consid. 1.1).
Dès lors que la cause principale pour laquelle l'assistance judiciaire est
sollicitée est une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse 30'000
fr., le recours en matière civile est recevable en vertu des art. 72 al. 1 et
74 al. 1 let. b LTF. Interjeté en temps utile contre la décision prise sur
recours par le Tribunal cantonal jurassien, le recours est également recevable
au regard des art. 100 al. 1 et 75 LTF.

1.2. Si le recours est en principe recevable, la majorité des conclusions de la
recourante ne le sont en revanche pas.

C'est le cas tout d'abord des conclusions portant sur des points ne faisant pas
l'objet de la présente procédure initiée par la requête d'assistance judiciaire
de la recourante. Ces conclusions nouvelles sont irrecevables (art. 99 al. 2
LTF). Ainsi, la conclusion tendant à ce qu'il soit constaté que le séquestre
des montres faisant l'objet de la demande n'est pas " valable " et à " annuler
les procédures qui en ont découlé " (chiffre 1) n'est pas admissible. Il en va
de même des conclusions tendant à ce qu'il soit constaté que la recourante a
été induite en erreur par la juge de première instance (chiffre 2), que la
recourante a agi de bonne foi dans la présente procédure (deuxième chiffre 3),
que les preuves ont été mal interprétées et que les juges cantonaux ont commis
un abus de pouvoir et ont constaté de manière inexacte et incomplète les
données pertinentes (chiffre 4). Ne sont pas recevables non plus les
conclusions de la recourante tendant à ce que la restitution des montres ne
soit pas ordonnée (chiffre 5) et à ce que " l'application d'un for juridique
identique pour toutes les procédures " soit constatée (chiffre 6).

2. 

S'agissant des autres conclusions (à l'exception des conclusions 8 et 9, cf.
infra consid. 3), on comprend qu'elles visent à ce que l'arrêt entrepris soit
annulé et la requête d'assistance judiciaire admise.

2.1. Après avoir rappelé les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire
selon l'art. 117 CPC, l'autorité précédente a examiné les chances de succès de
la recourante dans la procédure au fond. Elle s'est ainsi penchée sur l'action
reconventionnelle formée par la recourante, cette dernière fondant son droit à
ne pas restituer les montres litigieuses sur des prétentions en dommages et
intérêts à l'encontre de la demanderesse qu'elle fait valoir de manière
reconventionnelle. Le Tribunal cantonal a constaté que la recourante avait
requis l'assistance judiciaire après le dépôt de sa réponse afin de bénéficier
des services d'un avocat pour éventuellement déposer une demande
reconventionnelle. Estimant qu'une demande reconventionnelle doit
impérativement être déposée et motivée avec la réponse et qu'un dépôt ultérieur
est exclu, il a considéré que la demande de la recourante avait été déposée de
manière tardive. Faute de chances de succès de la recourante, il a estimé que
la requête d'assistance judiciaire devait être rejetée. Pour le surplus, il a
précisé qu'il semblait que la demande reconventionnelle n'avait pas été
introduite au for conventionnel, sans juger toutefois nécessaire de trancher
cette question.

2.2. En vertu de l'art. 42 LTF, le mémoire de recours doit indiquer, notamment,
les conclusions et les motifs (al. 1); ces derniers doivent exposer
succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (al. 2). Le présent recours
ne répond, dans une large mesure, pas à ces exigences. En effet, une grande
partie des développements de la recourante ne se rapportent pas à sa requête
d'assistance judiciaire mais à d'autres éléments du contentieux opposant les
parties. Ces éléments, sur lesquels l'autorité précédente ne s'est pas appuyée
dans le cadre de son examen des chances de succès de la recourante au fond,
sont dénués de pertinence pour la présente procédure ayant uniquement pour
objet le refus de l'octroi de l'assistance judiciaire à la recourante par les
autorités cantonales.

Au demeurant, la recourante se limite pour l'essentiel à invoquer sa bonne foi
et son manque de connaissances juridiques. Elle fait valoir que la notion même
de demande reconventionnelle lui étant inconnue, elle ne pouvait qu'ignorer
qu'une telle demande devait impérativement être déposée en même temps que sa
réponse. Elle estime à cet égard que le courrier de la Juge civile du 21 juin
2018 devait être compris comme une invitation à déposer une demande
reconventionnelle et non comme une simple invitation à préciser sa réponse en
indiquant notamment si celle-ci devait être comprise en ce sens qu'elle
englobait une demande reconventionnelle. La recourante méconnaît que les
constatations de l'autorité précédente quant au déroulement de la procédure à
son niveau et en première instance lient le Tribunal fédéral (ATF 140 III 16
consid. 1.3.1). L'autorité précédente a retenu que la Juge civile de première
instance a invité la recourante à préciser ses conclusions et à indiquer si sa
réponse devait être comprise comme une demande reconventionnelle. Elle a
également retenu qu'à la suite de cette interpellation, la recourante s'est
adressée par deux fois au Tribunal avant de déposer une demande
reconventionnelle le 16 août 2018. Sur la base de ces constatations, dont la
recourante ne démontre pas en quoi elles seraient arbitraires, il n'est pas
établi en quoi l'autorité précédente aurait violé le droit en rejetant la
requête d'assistance judiciaire faute de chances de succès de la recourante
dans la procédure au fond. De plus, on notera que la simple lecture du premier
alinéa de l'art. 224 CPC, selon lequel une demande reconventionnelle peut être
déposée par le défendeur " dans sa réponse " pour autant que la prétention
qu'il invoque soit soumise à la même procédure que la demande principale,
aurait permis à la recourante de connaître le moment auquel une demande
reconventionnelle doit être introduite selon les règles régissant la procédure
civile. Enfin, s i la recourante soutient à juste titre que mener à bien une
procédure judiciaire comme celle dont il est question en l'espèce peut
nécessiter des connaissances juridiques approfondies, elle n'explique en rien
pourquoi ne pas avoir sollicité l'assistance judiciaire à un stade antérieur de
la procédure. Selon les constatations de l'autorité précédente, c'est en effet
seulement environ un mois après que la Juge civile l'a invité à préciser ses
conclusions que la recourante a requis l'assistance judiciaire.

2.3. Il convient enfin de préciser que, contrairement à ce que soutient la
recourante, les autorités cantonales ne l'ont pas privée de " sa seule chance
de pouvoir obtenir des dommages et intérêts [...] ". Si le Tribunal de première
instance venait à confirmer les conclusions de l'examen prima facie auquel il
s'est livré dans le cadre de sa décision portant sur la requête d'assistance
judiciaire en refusant d'entrer en matière sur la demande reconventionnelle, sa
décision n'emporterait pas autorité de la chose jugée sur ce point. La
recourante resterait alors libre de déposer une action à l'encontre de la
demanderesse dans laquelle elle pourrait faire valoir les prétentions qu'elle
estime avoir à l'encontre de cette dernière. Libre à elle de joindre à cette
demande une requête d'assistance judiciaire comprenant notamment l'exonération
d'avances et de sûretés (art. 118 al. 1 let. a CPC). La recourante concédant
dans son recours être propriétaire de biens immobiliers, on se contentera de
préciser à cet égard que selon la jurisprudence, il faut, au moment de
déterminer l'indigence du requérant, également tenir compte de sa fortune, en
particulier des immeubles dont il est propriétaire. Ainsi, il peut être requis
de sa part qu'il entame sa fortune immobilière pour soutenir le procès, en
mettant l'immeuble en location, en sollicitant un prêt garanti par celui-ci,
voire en l'aliénant (ATF 119 Ia 11 consid. 5).

3. 

Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité. La recourante sera condamnée à payer les frais de la procédure
fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et à verser à la demanderesse, invitée à se
déterminer sur le recours, une indemnité. On notera à ce titre que les
conclusions selon les chiffres 8 et 9 du recours étaient d'emblée vouées à
l'échec en ce qu'elles visaient à ce que des dépens soient alloués à la
recourante et mis à la charge de la demanderesse. La recourante n'étant pas
assistée d'un avocat, elle ne pouvait prétendre à ce qu'une indemnité lui soit
versée à titre de dépens (ATF 133 III 439 consid. 4).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 

La recourante versera à la demanderesse une indemnité de 1'000 fr. à titre de
dépens.

4. 

Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au Tribunal cantonal du canton
du Jura, Cour civile, et à B.________ SA.

Lausanne, le 4 septembre 2019

Au nom de la Ire Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

Le Greffier : Curchod