Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.206/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

4A_206/2019

Arrêt du 29 août 2019

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes les Juges fédérales

Kiss, présidente, Klett et May Canellas.

Greffier: M. O. Carruzzo.

Participants à la procédure

A.________ SA, représentée par

Me Lucien Masmejan, avocat,

recourante,

contre

B.________, représenté par

Mes Guy Mustaki et Boris Heinzer, avocats,

intimé.

Objet

contrat de travail,

recours contre l'arrêt rendu le 7 mars 2019 par la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT15.040397-181319144).

Faits :

A.

A.a. A.________ SA est une société dont le capital-actions est intégralement
détenu par A.________ Holding SA, elle-même contrôlée exclusivement par
B.________, son frère C.________ et sa soeur D.________.

Le groupe A.________, actif dans le monde entier, compte près de 3'000
collaborateurs et réalise un chiffre d'affaires annuel supérieur à
1'000'000'000 fr. Ses trois secteurs d'activité principaux sont la production
d'encres de sécurité pour les billets de banque et les documents de sécurité et
de valeur, le développement de solutions de sécurité pour les gouvernements
visant à protéger leurs recettes fiscales par des technologies
d'authentification et de traçabilité ainsi que la création de moyens de
protection des produits et des marques permettant de garantir l'intégrité de la
chaîne logistique. S'agissant des deux premiers domaines d'activité, la
clientèle du groupe se compose essentiellement de gouvernements, respectivement
de banques centrales.

B.________ a exercé la fonction d'administrateur de A.________ SA du 5 octobre
2000 au 20 mars 2015.

Par contrat de travail non daté, A.________ SA a engagé B.________ en qualité
de co-chief executive officer à partir du 1 ^er avril 2006. Ledit contrat,
d'une durée initiale de cinq ans, était reconductible de cinq ans en cinq ans,
sauf résiliation signifiée douze mois à l'avance. L'employé s'engageait à
exercer ses fonctions avec soin et diligence et à protéger de bonne foi les
intérêts de la société. Selon la clause 3.1 du contrat de travail, le salaire
annuel brut de l'employé s'élevait à 2'000'000 fr., montant auquel s'ajoutaient
un bonus ordinaire de 1'500'000 fr. lorsque les objectifs étaient atteints
ainsi qu'un bonus additionnel de 500'000 fr. pour chaque tranche de 10'000'000
fr. du bénéfice de l'entreprise avant intérêts, impôts, dépréciation et
amortissement (EBITDA selon l'acronyme anglais) dépassant les objectifs fixés.
L'art. 7 du contrat de travail, intitulé " Termination ", était libellé comme
suit: 

" (...)

7.2 Immediate Termination ("Without Notice"). Should this Agreement be
terminated without notice during any of the successive Contractual Periods
(including the First Contractual Period) (i) for cause (within the meaning of
Article 337 of the Swiss Code of Obligations) by the Employee, or (ii) without
cause (within the meaning of Article 337 of the Swiss Code of Obligations) by
the Company, then the Employee shall be entitled to the benefits provided by
Clause 3.3 of this Agreement, and to a lump sum payment including the following
components:

d) the salary the Employee should have received until the end of the
Contractual Period during which this Agreement is terminated; and

e) an amount corresponding to two times the Employee's last annual salary; and

f) an additional amount corresponding to two times the average annual ordinary
bonus (Clause 3.1 (b) above) received by the Employee during the three-year
period preceding the year during which the Agreement is terminated.

Such payment shall be due within sixty (60) days after the termination date.

(...) ".

A.b. A la fin de l'année 2010, A.________ SA a engagé E.________ en qualité de
directeur général de la division government security solutions, chargée des
questions liées à la traçabilité des produits. E.________ - qui n'est pas
actionnaire de A.________ SA - a siégé au comité exécutif du groupe A.________
de 2011 à 2015 environ. Lors de son engagement, il a annoncé à son employeuse
assumer la fonction de président du conseil d'administration de la future
société F.________ Ltd et de sa filiale G.________ SA. F.________ Ltd,
anciennement dénommée H.________ Ltd, est une société de droit singapourien
dont le but consiste à commercialiser des solutions de paiement électroniques.
Ses clients sont principalement des commerçants, des opérateurs de réseaux
mobiles et des banques commerciales.

A.c. Par avenant au contrat de travail, entré en vigueur le 1 ^er décembre
2011, A.________ SA et B.________ ont augmenté le salaire annuel brut de base
de l'employé à 2'232'000 fr., plus 36'000 fr. d'indemnité forfaitaire annuelle
pour les frais de représentation, le bonus ordinaire annuel demeurant fixé à
1'500'000 fr. 

B.________ a touché une rémunération brute de 4'555'666 fr. en 2012 et de
4'627'680 fr. en 2013, dont à chaque fois 1'500'000 fr. à titre de bonus
ordinaire et 500'000 fr. à titre de bonus additionnel. En 2014, il a perçu un
total de 4'128'040 fr. brut, dont 1'500'000 fr. en guise de bonus ordinaire et
250'000 fr. de jetons de présence.

A.d. Le conseil d'administration de A.________ Holding SA a tenu séance le 30
juin 2014. Son président, C.________, son vice-président B.________, et les
administrateurs D.________, I.________ et J.________ y ont participé. Le
chiffre 8 du procès-verbal de ladite séance mentionne ce qui suit:

" Sur la base d'une lettre reçue de E.________, C.________ a informé le conseil
d'administration que E.________ avait démissionné de son poste de président non
exécutif de H.________ Ltd/F.________ Ltd. Avant de rejoindre A.________,
E.________ avait déclaré la position qu'il occupait à l'époque, étant donné que
celle-ci entrait potentiellement en conflit avec une partie de l'activité
commerciale de A.________ (G.________ SA est active dans les systèmes de
paiement par smartphone). E.________ demeure membre du conseil d'administration
et actionnaire majoritaire de G.________ SA.

B.________ a confirmé qu'il est devenu président non exécutif et a dit qu'il
était actionnaire minoritaire de G.________ SA. " (traduction libre de
l'anglais, figurant dans l'arrêt attaqué).

Un document non daté et non signé produit par A.________ SA dans le cadre de la
procédure qui l'oppose à B.________, indique que celui-ci est président non
exécutif du conseil d'administration de F.________ Ltd, qu'il n'exerce aucun
mandat exécutif dans des sociétés potentiellement concurrentes de A.________ SA
et qu'il ne détient pas de participation majoritaire dans de telles sociétés.

A.e. Le 1 ^er décembre 2014, la société K.________ Ltd, qui entretient des
relations d'affaires avec A.________ SA, a conclu un contrat d'agence avec
F.________ Ltd ayant pour objet la vente de produits et de services en Géorgie,
en Arménie, en Azerbaïdjan et en Turquie. 

Lors de l'édition 2015 du World Economic Forum qui s'est tenue du 21 au 24
janvier 2015 à Davos, B.________ est apparu sur une liste des participants en
qualité de vice-président exécutif de A.________ Holding SA et en tant que
président du conseil d'administration de F.________ Ltd.

Dans un communiqué de presse du 21 janvier 2015, F.________ Ltd a annoncé que
sa plateforme de paiement électronique avait été certifiée pour le marché
nigérian, dans l'optique de soutenir le projet " Nigeria sans argent " du
gouvernement nigérian, la banque centrale dudit État souhaitant réduire
l'argent liquide en circulation et favoriser les transactions électroniques.

A.f. Le 18 février 2015, A.________ SA a signifié à B.________ son licenciement
avec effet immédiat. La lettre de résiliation, émanant de C.________ et signée
" pour accord " par L.________ et M.________, précisait notamment ce qui suit:

"   « (...) J'ai tout récemment appris les derniers développements des
activités que tu déploies au sein de la société F.________ Ltd.

(...)

Afin d'éviter tout malentendu, je me permets de résumer ci-dessous les faits
qui fondent les décisions que je te communiquerai plus loin : 

(...)

5. En ta qualité de membre des comités directeurs du groupe A.________, tu
connais la stratégie du groupe pour développer et promouvoir les produits
A.________ et, tout particulièrement, les encres de sécurité pour billets de
banque. Tu connais également la stratégie du groupe pour faire face à sa
concurrence, soit au développement actuel des moyens de paiement sans numéraire
( cashless).

6. A cet égard, tu sais parfaitement que les principaux marchés susceptibles de
développement dans le monde pour la division encres de A.________ sont les pays
en voie de développement, particulièrement l'Afrique et l'Asie. (...)

7. En résumé, tu ne peux pas prétendre ignorer que la division « encres de
sécurité » est l'un des piliers du groupe et que les moyens de paiement «
cashless » représentent pour celle-ci une menace sérieuse.

8. Tu es en particulier membre du Conseil d'administration des joint-ventureset
sociétés établies par A.________ pour la production d'encres de sécurité au
Mexique, au Nigéria, en Afrique du Sud, en Indonésie et en Chine. (...)

9. Dans sa séance du 30 juin 2014, le Conseil d'administration de A.________
Holding SA a pris acte de la démission de M. E.________, l'un des directeurs de
A.________ (division track & trace), de la fonction de président non exécutif
qu'il exerçait à titre privé au sein de G.________ Ltd, à Singapour (ci-après
G.________ SA) et ceci en raison d'un conflit entre les intérêts de G.________
SA, une société prenant des participations dans le domaine du « cashless
payment », et ceux de A.________, qui est concentrée sur les moyens de payement
physiques.

10. A cette occasion, je t'ai interpellé et tu as admis avoir remplacé
E.________ pour prendre la présidence non exécutive de G.________ SA, dont tu
étais entre-temps devenu un actionnaire important et ce contre mon avis
personnel. (PV, point 8).

11. Par la suite, j'ai appris que tu détiendrais environ 33% du capital de
G.________ SA (aujourd'hui : F.________ Ltd) (...).

12. Tout récemment, tu as représenté A.________ au WEF à Davos. Les frais de ta
participation ont été payés par A.________. Or, selon ta fiche de

présentation au WEF de Davos 2015, tu es le président (« chairman ») de
F.________ Ltd !

(...)

14. Le 23 janvier 2015, F.________ Ltd annonçait sur son site web : « 
F.________ Ltd, a global mobile commerce and marketing services provider,
announced today that their mPOS platform has been certified for the Nigerian
Market, to support Nigerian government's « Cashless Nigeria » initiative. The
Central Bank of Nigeria aims to reduce the amount of physical cash circulating
in the economy, and encourage more electronic-based transactions ". (...)

15. Il nous a été rapporté que tu as activement participé à la conclusion de la
transaction nigérienne (sic) pour F.________ Ltd. Il nous a également été
rapporté que tu aurais effectué des démarches semblables dans d'autres pays,
notamment au Mexique. Toujours dans des pays en voie de développement,
notamment en Géorgie et en Afrique du Sud, tu aurais tenté de convaincre des
intermédiaires - qui représentent les intérêts de A.________ depuis longtemps -
de commercialiser F.________ Ltd.

(...)

Comme indiqué plus haut le groupe A.________ vit et dépend du maintien et du
développement de la masse de billets de banque en circulation ( physical cash).
Toutes les cashless solutions portent donc directement préjudice à A.________,
particulièrement lorsqu'elles sont adoptées par des clients de A.________ (par
exemple un gouvernement et sa banque centrale).

Il y a ainsi un conflit d'intérêt grave et certain entre ta position au sein de
A.________, en tant qu'employé et en tant qu'administrateur, et celle que tu as
prise au sein de F.________ Ltd. (...)

En outre, ton comportement crée incertitudes, doutes et tensions au sein de nos
partenaires historiques, (...), lesquels ont toujours défendu la monnaie
physique et lesquels pourraient commencer à douter de la loyauté et de la
stratégie de A.________.

En conclusion, je te rappelle que ton contrat de travail exige que tu consacres
tout ton temps à A.________ et que le droit du travail t'interdit de faire
concurrence à ton employeur pendant la durée de ton contrat de travail, et
d'utiliser ou de révéler des faits destinés à rester confidentiels. Tu es
d'ailleurs tenu de garder le secret même après la fin du contrat en tant que
l'exige la sauvegarde des intérêts légitimes de l'employeur.

Ton devoir de fidélité t'interdit de plus de promouvoir des produits
concurrents au détriment de ceux de A.________ SA, et le devoir de fidélité qui
t'incombe en tant qu'administrateur t'impose d'agir dans l'intérêt de
A.________, pour assurer son existence durable. Il t'interdit d'agir à son
détriment.

A.________ est donc gravement atteinte dans ses intérêts économiques par
l'effet de la violation de tes obligations d'employé et d'administrateur, en
particulier par le fait que tu utilises le réseau A.________ pour développer
F.________ Ltd. (...)

Au vu de ce qui précède, je décide donc avec l'accord et le soutien de tous mes
collègues administrateurs de mettre un terme avec effet immédiat à ton contrat
de travail avec A.________ SA. (...) ».

B. 

Après une tentative de conciliation infructueuse, B.________ a assigné, le 22
septembre 2015, A.________ SA devant la Chambre patrimoniale cantonale du
canton de Vaud en vue d'obtenir le paiement de 11'322'127 fr., sous déduction
des charges sociales, avec intérêts à 5% l'an dès le 20 avril 2015. Il a en
outre conclu à ce que A.________ SA soit condamnée à lui verser 176'726 fr., à
titre de manco de prévoyance découlant du licenciement immédiat injustifié.

A.________ SA a conclu à sa libération des fins de la demande.

Statuant le 20 février 2018, la Chambre patrimoniale cantonale a condamné la
défenderesse à verser au demandeur la somme brute de 2'774'380 fr. (chiffre I)
et la somme nette de 7'917'703 fr. (chiffre II), chacune portant intérêts à 5%
l'an dès le 20 avril 2015. En bref, elle a considéré que les activités
déployées par le demandeur pour le compte de F.________ Ltd constituaient
certes une violation du devoir de fidélité à l'égard de la défenderesse
justifiant une résiliation immédiate. Cependant, alors même qu'elle avait
connaissance de ce motif de résiliation depuis le 30 juin 2014, la défenderesse
avait attendu le 18 février 2015, soit plus de sept mois, pour signifier au
demandeur son licenciement avec effet immédiat. En tardant à réagir, la
défenderesse avait ainsi renoncé à faire valoir tout motif de résiliation
immédiate du contrat de travail, si bien que la résiliation dudit contrat était
injustifiée. La Chambre patrimoniale cantonale a retenu que les parties avaient
valablement dérogé aux dispositions relativement impératives de l'art. 337c CO,
en adoptant un régime conventionnel spécifique réglant les conséquences d'une
résiliation immédiate injustifiée par l'employeuse. Le droit au salaire du
demandeur prévu à l'article 7.2 let. d du contrat de travail correspondait
ainsi au droit au salaire de l'art. 337c al. 1 CO, alors que les montants visés
par la clause 7.2 let. e et f couvraient l'indemnité de l'art. 337c al. 3 CO.
Sur la base de ces dispositions contractuelles, les premiers juges ont calculé
que le demandeur avait droit à la somme brute de 2'774'380 fr., correspondant
au salaire qu'il aurait perçu jusqu'à l'échéance du délai ordinaire de
résiliation, et au montant net de 7'917'703 fr., soit 7'756'080 fr. à titre
d'indemnité

conformément à la clause contractuelle 7.2 let. e et f. et 161'623 fr. à titre
de manco de prévoyance.

Par arrêt du 7 mars 2019, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton
de Vaud a rejeté l'appel interjeté par la défenderesse.

C. 

Le 6 mai 2019, A.________ SA (ci-après: la recourante) a saisi le Tribunal
fédéral d'un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet
suspensif. La recourante conclut principalement à la réforme de l'arrêt attaqué
en ce sens que les conclusions du demandeur sont intégralement rejetées, sous
réserve de la somme nette de 161'623 fr. Subsidiairement, elle conclut à la
réforme de l'arrêt entrepris en ce sens que le chiffre II du jugement rendu par
la Chambre patrimoniale cantonale est supprimé, sous réserve de la somme nette
de 161'623 fr. Plus subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause à la
cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt
fédéral.

Dans sa réponse du 28 mai 2019, B.________ (ci-après: l'intimé) a conclu au
rejet du recours.

Quant à la Cour d'appel civile, elle a déclaré se référer aux considérants de
l'arrêt entrepris.

La recourante, dans sa réplique du 18 juin 2019, et l'intimé, dans sa duplique
du 28 juin 2019, ont persisté dans leurs conclusions.

Par ordonnance du 20 juin 2019, la Présidente de la Ire Cour de droit civil a
rejeté la demande d'effet suspensif.

Considérant en droit :

1. 

L'arrêt attaqué a été rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par le
tribunal supérieur d'un canton, qui a statué sur recours (art. 75 LTF). La
cause atteint la valeur litigieuse de 15'000 fr. ouvrant le recours en matière
civile dans les affaires pécuniaires relevant du droit du travail (art. 74 al.
1 let. a LTF). Au surplus, le recours est exercé par une partie qui possède un
intérêt digne de protection à la modification de la décision entreprise et qui
a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF); il a été déposé dans le délai
(art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. a LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la
loi.

2.

2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241
consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de
motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les
griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu
de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 141 III 86 consid. 2; 140 III 115 consid. 2; 137 III 580
consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit
d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief
a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 22
consid. 2.2; 137 III 580, précité, consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4 in
fine).

2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les
constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement
inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art.
105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 141
IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 115, précité, consid. 2 p. 117; 135 III
397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible
d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.3. En vertu des principes de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) et de
l'épuisement des griefs (art. 75 al. 1 LTF), le recours n'est ouvert qu'à
l'encontre des décisions rendues par une autorité cantonale de dernière
instance, ce qui signifie que les voies de droit cantonales doivent avoir été
non seulement utilisées sur le plan formel, mais aussi épuisées sur le plan
matériel (ATF 143 III 290 consid. 1.1 et les références; arrêt 5A_904/2018 du
20 février 2019 consid. 1.3). Tous les moyens nouveaux sont ainsi exclus, que
ceux-ci relèvent du fait ou du droit, sauf dans les cas où seule la motivation
de la décision attaquée donne l'occasion de les soulever (arrêt 5A_904/2018,
précité, consid. 1.3).

3.

3.1. Dans un premier moyen, la recourante, invoquant l'art. 9 Cst., fait grief
à l'autorité précédente d'avoir établi les faits de façon arbitraire, en
retenant que l'article 7.2 du contrat de travail s'appliquait " en cas de
résiliation immédiate injustifiée au sens de l'art. 337 CO par l'employeuse ".
Selon l'intéressée, les termes " Should this Agreement be terminated without
notice (...) (ii) without cause (within the meaning of Article 337 of the Swiss
Code of Obligations) " ne feraient pas référence à la notion de résiliation
immédiate au sens de l'art. 337 CO. A l'en croire, les parties, en se référant
à l'art. 337 CO, désiraient uniquement faire coïncider la notion de justes
motifs prévue à l'art. 7.2 du contrat de travail avec celle de la disposition
légale précitée. Aussi, les parties n'auraient-elles jamais eu l'intention "
d'intégrer au contrat les autres exigences de l'art. 337 CO, en particulier
celle de l'immédiateté du licenciement. "

3.2. 

La critique formulée par la recourante ne paraît pas avoir été élevée devant la
cour cantonale, ni partant examinée par celle-ci, ce qui la rend d'emblée
irrecevable, conformément au principe de l'épuisement des griefs (art. 75 al. 1
LTF; ATF 143 III 290, précité, consid. 1.1). Aussi est-ce à tort que
l'intéressée reproche aux juges cantonaux de n'avoir pas suffisamment motivé
leur solution sur un point non contesté devant eux.

Au demeurant, l'argumentation de la recourante ne résiste pas à l'examen. En
effet, la recourante a expressément admis l'allégué 14 de la demande du 22
septembre 2015, rédigé dans les termes suivants: " Par ailleurs, le contrat
prévoit qu'en cas de résiliation immédiate injustifiée par l'employeur,
l'employé peut prétendre au paiement d'un montant correspondant aux salaires
qui auraient été dus jusqu'à la prochaine échéance contractuelle ordinaire, au
paiement d'un montant correspondant à deux fois le dernier salaire annuel et au
paiement d'un montant additionnel correspondant à deux bonus annuels calculés
sur la base des bonus moyens des trois ans précédant l'année de la résiliation.
" Nonobstant ses vaines tentatives de limiter, a posteriori, la portée cet
aveu, l'intéressée ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que la
réglementation prévue à l'art. 7.2 viserait seulement certains licenciements
immédiats injustifiés, à l'exclusion de l'hypothèse d'une résiliation immédiate
injustifiée pour cause de tardiveté. Comme l'expose de façon convaincante
l'intimé, si la recourante entendait plaider que la réelle et commune intention
des parties ne consistait pas à régler les conséquences de toute résiliation
immédiate injustifiée au sens de l'art. 337 CO, il lui incombait de l'alléguer
et de le prouver, ce qu'elle s'est pourtant gardée de faire. Quoi qu'il en
soit, l'interprétation faite par la recourante de la clause 7.2 du contrat
n'apparaît nullement convaincante. En tout état de cause, la constatation
opérée par la cour cantonale ne saurait être taxée d'arbitraire.

4.

4.1. Dans un second moyen, la recourante dénonce une violation de l'art. 337
CO. Elle prétend que la cour cantonale aurait fait une " application aveugle et
mécanique " du principe d'immédiateté du licenciement découlant de l'art. 337
CO. Aussi soutient-elle que le licenciement prononcé sept mois après la
connaissance des circonstances invoquées à l'appui du congé aurait dû être
considéré comme justifié et signifié en temps utile compte tenu de la position
particulière occupée par l'intimé au sein de la recourante, de la taille et de
la gouvernance du groupe A.________, des enjeux financiers et familiaux ainsi
que du temps nécessaire pour éclaircir complètement la situation.

4.2.

4.2.1. L'employeur peut résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de
justes motifs (art. 337 al. 1 CO); sont notamment considérés comme de justes
motifs, toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne
permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des
rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs ( art. 337 al. 3 CO);
il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). Dans son
appréciation, le juge doit notamment tenir compte de la position et de la
responsabilité du travailleur, du type et de la durée des rapports
contractuels, de la nature et de l'importance des manquements (ATF 137 III 303
consid. 2.1.1 p. 305; 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 127 III 351 consid. 4a p.
354). La position de l'employé, sa fonction et les responsabilités qui lui sont
confiées peuvent entraîner un accroissement des exigences quant à sa rigueur et
à sa loyauté (cf. ATF 130 III 28, précité, consid. 4.1; 108 II 444 consid. 2b;
arrêts 4A_177/2017 du 22 juin 2017 consid. 2.3; 4C.51/2006 du 27 juin 2006
consid. 2.2.3).

4.2.2. Selon la jurisprudence, la partie qui veut résilier le contrat avec
effet immédiat doit agir sans tarder à compter du moment où elle a connaissance
d'un juste motif de licenciement, sous peine d'être déchue du droit de s'en
prévaloir. Si elle tarde à agir, elle donne à penser qu'elle a renoncé au
licenciement immédiat, respectivement qu'elle peut s'accommoder de la
continuation des rapports de travail jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat
(ATF 138 I 113 consid. 6.3.1; 127 III 310 consid. 4b p. 315; 75 II 329 p. 332;
arrêt 4A_251/2015 du 6 janvier 2016 consid. 3.2.2).

Les circonstances du cas concret déterminent le laps de temps dans lequel l'on
peut raisonnablement attendre de l'intéressé qu'il prenne la décision de
résilier le contrat avec effet immédiat. De manière générale, la jurisprudence
considère qu'un délai de réflexion de deux à trois jours ouvrables est
suffisant pour réfléchir et prendre des renseignements juridiques. Un délai
supplémentaire est toléré s'il se justifie par les exigences pratiques de la
vie quotidienne et économique; l'on peut ainsi admettre une prolongation de
quelques jours lorsque la décision doit être prise par un organe polycéphale au
sein d'une personne morale, ou lorsqu'il faut entendre le représentant de
l'employé (ATF 138 I 113, précité, consid. 6.3.2 et les arrêts cités; 130 III
28, précité, consid. 4.4 p. 34; arrêt 4A_251/2015, précité, consid. 3.2.2).

Il faut par ailleurs distinguer selon que l'état de fait est clair ou qu'il
appelle des éclaircissements. Dans ce dernier cas, il faut tenir compte du
temps nécessaire pour élucider les faits, étant précisé que l'employeur qui
soupçonne concrètement l'existence d'un juste motif doit prendre immédiatement
et sans discontinuer toutes les mesures qu'on peut raisonnablement exiger de
lui pour clarifier la situation. Dans certains cas, il peut s'imposer de mener
les investigations en secret (ATF 138 I 113, précité, consid. 6.3.3). Par
ailleurs, selon le type de soupçon en cause (par ex. harcèlement sexuel),
l'employeur doit agir avec prudence et éviter de condamner par avance le
travailleur (arrêt 4A_238/2007 du 1 ^er octobre 2007 consid. 4.3). Compte tenu
des conséquences importantes de la résiliation immédiate, l'employeur doit
pouvoir établir les faits avec soin, ou en tout cas d'une manière qui résiste à
l'examen d'une procédure judiciaire, en veillant à ne pas atteindre la
réputation du travailleur par une condamnation hâtive (ATF 138 I 113, précité,
consid. 6.2 p. 116). 

4.2.3. Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'appréciation
prise en dernière instance cantonale. Il n'intervient que lorsque l'autorité
précédente s'est écartée sans raison des règles établies par la doctrine et la
jurisprudence en matière de libre appréciation, lorsqu'elle s'est appuyée sur
des faits qui ne devaient jouer aucun rôle ou, à l'inverse, a méconnu des
éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera
en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation
lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité
choquante (ATF 137 III 303, précité, consid. 2.1.1 p. 305; 130 III 213 consid.
3.1 p. 220).

4.3. La cour cantonale a retenu que le délai de réflexion pour prononcer le
licenciement immédiat de l'intimé avait en l'espèce commencé à courir le 30
juin 2014, date à laquelle la recourante avait appris que l'intimé était devenu
président non exécutif de F.________ Ltd, dont il était actionnaire
minoritaire, en lieu et place de E.________. Si ce dernier, qui exerçait une
fonction nettement moins importante au sein de la recourante et ne travaillait
pas dans la division des billets de banque, avait dû démissionner de son poste
de président non exécutif de la société F.________ Ltd en raison d'un conflit
d'intérêts, cela valait a fortiori pour l'intimé, membre du conseil
d'administration de la recourante et exerçant des fonctions dirigeantes au sein
de celle-ci. Aussi, en attendant plus de sept mois entre le moment où elle
avait eu connaissance des circonstances à même de justifier un licenciement
immédiat et la résiliation du 18 février 2015, la recourante avait-elle
manifesté qu'elle pouvait s'accommoder de la continuation des rapports de
travail jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat. La cour cantonale a considéré
que la recourante n'avait pas établi que l'intimé aurait drastiquement augmenté
ses activités pour le compte de F.________ Ltd au cours de l'hiver 2014-2015,
ni qu'il aurait été effectivement impliqué dans la conclusion du contrat
d'agence de F.________ Ltd avec K.________ Ltd le 1er décembre 2014 ou
l'accréditation de F.________ Ltd par le gouvernement nigérian en janvier 2015.
Au demeurant, même s'il fallait retenir que le délai de réflexion courait
depuis les événements de décembre et janvier 2015, la recourante n'aurait de
toute manière pas respecté le délai admissible pour signifier le licenciement
immédiat puisqu'elle avait attendu le 18 février 2015 pour le faire.

4.4. Considéré à la lumière de ce qui précède, le grief de la recourante ne
saurait prospérer.

A titre liminaire, il convient de relever que l'argumentation de l'intéressée
repose, en partie, sur des allégations qui s'écartent des faits constatés dans
l'arrêt attaqué. Le moyen apparaît dès lors en partie irrecevable. En effet,
lorsque la recourante soutient qu'un délai de réflexion de sept mois était
justifié compte tenu notamment de la nécessité d'éclaircir la situation, elle
perd de vue qu'elle n'a jamais allégué ni établi le moindre élément en ce sens.
En particulier, elle n'a pas démontré avoir interpellé l'intimé à propos de ses
activités pour le compte de F.________ Ltd ni avoir mené de quelconques mesures
d'investigation afin d'élucider les faits. Or, il appartenait à l'intéressée
d'alléguer et de prouver les circonstances à même de justifier une prolongation
du délai de réflexion.

Pour le surplus, la recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle fait valoir
que l'exigence d'immédiateté devrait être en l'occurrence appréciée avec
davantage de souplesse eu égard à la position particulière qu'occupait l'intimé
au sein du groupe A.________. Si la jurisprudence reconnaît certes que la
position de l'employé, sa fonction et les responsabilités qui lui sont confiées
entrent en ligne de compte lors de l'appréciation de l'existence d'un juste
motif, cela ne signifie pas encore que de telles circonstances puissent
justifier, à elles seules, l'octroi d'un délai de réflexion supplémentaire pour
procéder au licenciement immédiat. Quoi qu'il en soit, même dans l'hypothèse où
les circonstances alléguées par la recourante permettraient d'admettre une
prolongation du délai de réflexion, celle-ci ne pourrait être que de quelques
jours. Par conséquent, un délai de réflexion de sept mois - comme en l'espèce -
s'avérerait de toute manière excessif.

En définitive, force est d'admettre que l'employeuse a tardé à signifier le
congé immédiat. En retenant qu'elle était déchue de son droit, les juges
cantonaux n'ont pas enfreint l'art. 337 CO.

5. 

Sur le vu de ce qui précède le recours doit être rejeté.

La recourante supportera les frais de la procédure de recours (art. 66 al. 1
LTF) et versera une indemnité de dépens à l'intimé (art. 68 al. 2 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

Les frais judiciaires, fixés à 35'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 

La recourante versera à l'intimé une indemnité de 40'000 fr. à titre de dépens.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 29 août 2019

Au nom de la Ire Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

Le Greffier : O. Carruzzo