Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.126/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

4A_126/2019

Arrêt du 17 février 2020

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes les Juges fédérales

Kiss, Présidente, Hohl et Niquille.

Greffier : M. Piaget.

Participants à la procédure

A.________ AG,

représentée par Me Rocco Rondi,

recourante,

contre

B.________,

représenté par Me Stephen Street,

intimé.

Objet

opérations boursières effectuées sans mandat du client; allégation du " dommage
";

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève Chambre civile
du 15 janvier 2019 (C/8112/2011, ACJC/56/2019).

Faits :

A. 

A.a. B.________ (ci-après: le client ou le demandeur), ressortissant turc,
était et est domicilié en Turquie.

Le 13 juillet 2007, il a noué une relation bancaire intitulée execution only
 avec la succursale genevoise de U.________ SA, dont le siège était à Lugano et
qui est devenue A.________ AG, avec siège à Zurich, par suite de contrat de
transfert de patrimoine du 7 avril 2017 (ci-après: la banque ou la
défenderesse). Il a ouvert auprès de la banque le compte dit "xxx " n°..., avec
clause de banque restante, et a signé les conditions générales de la banque
comportant notamment une clause de réclamation avec fiction d'acceptation,
faute de contestation dans le délai d'un mois. 

A.b. De 2007 au 30 juin 2009, son chargé de relation auprès de la banque était
C.________, employé au sein du département turc de celle-ci (ci-après: le
chargé de relation), ce département étant supervisé par D.A.________.

C.________ a rendu régulièrement visite au client en Turquie, notamment en mai
2009.

Durant cette période, C.________ a acheté pour le client des parts d'un fonds
de placement, dont le sort n'est plus litigieux (arrêt de renvoi 4A_54/2017 du
29 janvier 2018 consid. 5). Il a également procédé à des opérations pour
lesquelles le client prétendait n'avoir pas donné d'instructions, dont le sort
n'est plus litigieux non plus (arrêt de renvoi précité Faits A.c.b).

A.c. C.________ a quitté la banque au 30 juin 2009. D.A.________ est devenu le
nouveau chargé de relation du client.

La banque n'a pas informé le client que C.________ n'était plus son employé.
Elle ne l'a pas non plus interpellé pour savoir si C.________ demeurait son
représentant ou était autorisé à continuer à effectuer des opérations sur son
compte en tant que gérant externe. Elle ne lui a pas fait signer de
procuration, ni en faveur de C.________, ni en faveur de la société de gestion
de celui-ci, E.________ Group SA (ci-après: E.________), dont D.B.________,
père de D.A.________ était aussi administrateur.

C.________ a pourtant continué à effectuer des opérations sur le compte "xxx "
en tant que gérant externe par le biais de sa société de gestion, E.________.

Pour toutes les opérations effectuées sur le compte "xxx", la banque a émis un
avis relatif à des instructions reçues par téléphone et les opérations ont
toutes été comptabilisées dans les relevés du compte, les documents
correspondants étant à la disposition du client en banque restante.

Ce n'est que le 18 février 2010, lors d'une visite de C.________ en Turquie,
que le client a été informé que celui-ci avait quitté la banque. C.________ lui
a fait signer une procuration en faveur de sa société E.________, qu'il a
antidatée par la suite.

Quatre jours après, le client s'est rendu à la banque avec son épouse et son
ancien banquier. Il y a consulté son courrier en banque restante et a rencontré
C.________. Il s'est alors rendu compte que de nombreux ordres avaient été
donnés sans instructions de sa part et qu'il en était résulté des pertes. Le 23
février 2010, il a révoqué avec effet immédiat la procuration signée en faveur
de E.________ et, le 28 septembre 2010, il a fait transférer ses avoirs dans
une autre banque.

B. 

Le 17 octobre 2011, B.________ a déposé une action en paiement contre la banque
devant le Tribunal de première instance de Genève. Il a conclu à la
condamnation de la banque à lui payer le montant total de 1'770'153,19 USD avec
intérêts à 6% l'an dès le 1er mai 2009.

Seules les opérations effectuées sans son autorisation sur ordre de C.________,
alors que celui-ci avait quitté la banque, soit entre le 1er juillet 2009 et le
23 février 2010, sont présentement encore litigieuses.

En ce qui les concerne, le Tribunal de première instance du canton de Genève a
condamné la défenderesse à payer au demandeur le montant de 284'129 USD avec
intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011, par jugement du 11 novembre 2015,
confirmé par la Cour de justice dans son arrêt du 16 décembre 2016.

Par arrêt de renvoi du 29 janvier 2018, le Tribunal fédéral a constaté que le
montant de 284'129 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011, confirmé
par la cour cantonale, était définitivement acquis au demandeur et a renvoyé la
cause à la cour cantonale pour instruction et nouvelle décision au sens des
considérants.

Statuant après renvoi par arrêt du 15 janvier 2019, la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève a réformé le jugement de première instance
et condamné la banque à payer au demandeur le montant de 841'465,44 USD avec
intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011, lequel comprend le montant déjà
acquis de 284'129 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011.

Examinant les pertes subies par le client à la suite de ces opérations
exécutées sans mandat, la cour cantonale a retenu que la banque n'avait
enregistré aucune procuration en faveur de C.________ ou de sa société
E.________ et qu'aucun membre du personnel de la banque ne s'était interrogé
sur la légitimation de ceux-ci. Elle a considéré que, même dans une relation de
type execution only, la banque aurait dû interpeller son client pour obtenir
une confirmation que C.________ était autorisé à continuer à effectuer des
opérations en tant que gérant externe ou, à tout le moins, l'informer
immédiatement du fait que celui-ci avait quitté son poste auprès d'elle. La
cour cantonale en a déduit que la banque avait violé les règles élémentaires de
prudence en exécutant ces opérations sans autorisation du client et qu'elle
avait commis une faute grave engageant sa responsabilité. La banque ne pouvait
pas présumer que le client continuerait à faire confiance à C.________ après
qu'il eût quitté la banque. 

Quant aux clauses de banque restante et de réclamation contenant les fictions
de notification et d'acceptation, elles ne pouvaient être appliquées en
l'espèce, car leur application stricte aurait des conséquences choquantes et
conduirait à un résultat inéquitable qui heurterait le sentiment de la justice.

Un lien de causalité naturelle et adéquate entre cette violation et le dommage
subi par le client était établi.

En ce qui concerne le dommage, traitant le grief de la banque qui soutenait que
le client n'avait pas suffisamment allégué ni prouvé son dommage, la cour
cantonale a considéré que tel n'était pas le cas. Selon elle, l'ensemble des
transactions postérieures au 1er juillet 2009 ayant été passées sans
autorisation du client, celui-ci était parvenu à établir - dans la mesure du
possible et du raisonnable - toutes les circonstances permettant de retenir
l'existence d'un dommage et d'en estimer l'étendue. Même s'il n'avait pas
détaillé chacune des opérations contestées, celles-ci ressortent des pièces du
dossier, lesquelles ne font que concrétiser des faits déjà suffisamment
allégués. La cour a aussi retenu que les opérations yyy se sont soldées par une
perte totale de 842'568,65 USD (le montant de 894'119,35 USD, retenu dans son
précédent arrêt du 16 décembre 2016 et repris dans l'arrêt de renvoi de la Cour
de céans, étant corrigé pour tenir compte des erreurs relevées par la banque)
et que les gains sur les placements fiduciaires, allégués par la banque, ne
sont pas démontrés, sous réserve d'un montant d'intérêts de 1'103,21 USD. Le
dommage s'élève ainsi à 841'465,44 USD (842'568,65 USD - 1'103,21 USD). La cour
cantonale y a ajouté l'intérêt moratoire au taux de 5% l'an dès le 24 février
2011, ce dernier point n'étant pas contesté.

C. 

Contre cet arrêt qui lui a été notifié le 11 février 2019, A.________ AG a
interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 13 mars 2019,
concluant à sa réforme en ce sens que la demande soit rejetée en tant qu'elle
dépasse le montant de 284'129 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24 février
2011. Subsidiairement, elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à
la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle se
plaint de l'établissement manifestement inexact des faits et de l'appréciation
arbitraire des preuves et, sur deux points, elle invoque la violation des art.
55 CPC, 8 CC et 42 CO.

L'intimé conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué.

La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.

La recourante a encore déposé de brèves observations.

Considérant en droit :

1. 

Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la défenderesse, qui a
succombé partiellement dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF),
et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise sur son appel par le
tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une contestation
civile dont la valeur litigieuse dépasse très largement 30'000 fr. (art. 72 al.
1 et 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard
de ces dispositions.

2. 

S ous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF),
le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est
toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par
l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale. Il peut donc
admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant,
comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397
consid. 1.4 et l'arrêt cité). Lorsque le Tribunal fédéral entend trancher un
litige en opérant une substitution de motifs, il ne lui appartient d'entendre
les parties que si les (nouveaux) motifs juridiques sont inattendus
(surprenants) (cf. ATF 136 III 247 consid. 4 p. 252; arrêt 5A_1023/2018 du 8
juillet 2019 consid. 2.1; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd.
2014, no 26 ad art. 106 LTF; JOHANNA DORMANN, in Basler Kommentar,
Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, no 13 ad art. 106 LTF).

3. 

Dans son arrêt de renvoi du 29 janvier 2019, le Tribunal fédéral a considéré
que le juge n'est lié que par le montant total du dommage qui est réclamé dans
les conclusions, à moins que le demandeur n'ait qualifié ou limité les postes
de son dommage dans les conclusions elles-mêmes. Or, dans sa demande, le
demandeur avait pris des conclusions en paiement d'un montant global de
1'770'153,19 USD avec intérêts à 6% l'an dès le 1er mai 2009, qu'il n'avait
subdivisé en deux postes de dommage que dans ses motifs, soit 1'000'000 USD
pour l'achat de parts d'un fonds de placement et le solde de 770'153,19 USD
pour les opérations effectuées sans son autorisation. La cour cantonale s'était
donc à tort considérée comme liée par les conclusions prises en rapport avec
chacun des deux postes de dommage, en violation de la règle admettant la
compensation entre les différents postes du dommage (arrêt de renvoi 4A_54/2017
déjà cité consid. 6).

En conséquence, après avoir rejeté le recours en matière civile, par
substitution de motifs, en ce qui concerne le premier poste de 1'000'000 USD,
le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause pour
instruction et décision sur le second poste du dommage, soit pour les
opérations effectuées sans autorisation du client entre le 1er juillet 2009 et
le 23 février 2010, étant précisé que le montant maximal auquel les conclusions
du demandeur étaient réduites, faute d'appel ou d'appel joint de sa part contre
le premier jugement, s'élevait au montant global de 1'200'742,50 USD avec
intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011, lequel comprend le montant de
284'129 USD avec les mêmes intérêts (montant total alloué par le premier
jugement) (arrêt de renvoi 4A_54/2017 consid. 6.3).

Dans les limites de ce montant global, la cour cantonale devait examiner les
conditions de la responsabilité de la banque s'agissant de ces opérations. Le
Tribunal fédéral relevait que la cour cantonale avait admis dans ses motifs que
le client avait subi un dommage de 894'119,35 USD à ce titre (arrêt de renvoi,
loc. cit.).

4. 

Statuant après renvoi, après avoir annulé les ch. 2 à 4 du premier jugement,
dont le ch. 4 est ici en cause, la cour cantonale a condamné la banque à payer
au client le montant de 841'465,44 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24
février 2011, lequel comprend le montant de 284'129 USD avec intérêts.

La banque recourante ne conteste pas le fait qu'elle a effectué les opérations
ordonnées par C.________ durant la période litigieuse, du 1er juillet 2009 au
23 février 2010, alors qu'elle ne disposait d'aucune procuration en faveur de
celui-ci ou de sa société en tant que gérant externe, ni qu'elle aurait dû
informer le client que C.________ n'était plus son employé, ni qu'elle aurait
dû l'interpeller et requérir une procuration en bonne et due forme, ne pouvant
pas présumer qu'il continuait à faire confiance à C.________.

En l'absence de grief de la banque recourante sur le fondement de la prétention
en paiement du client, il n'y a pas lieu d'examiner si la question devait être
traitée, comme l'a fait la cour cantonale, sous l'angle de la responsabilité
contractuelle de la banque pour violation de son devoir de diligence et
d'information (les règles élémentaires de prudence dans le cadre de la relation
de type execution only ayant été violées par elle) (art. 398 al. 2 CO) ou si
elle aurait dû l'être en application des règles sur l'action du client en
restitution de ses avoirs ( Erfüllungsklage) à la suite d'ordres donnés par un
représentant sans mandat du client (défaut de légitimation) (arrêts 4A_ 379/
2016 du 15 juin 2017 consid. 3.2.2; 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 3.1;
4A_504/2018 10 décembre 2019 consid. 3.1). 

De même, faute de grief de la banque recourante, il n'y a pas lieu de revoir,
au titre de prétention en responsabilité de la banque, invoquée en
compensation, la question des clauses de banque restante et de réclamation, que
la cour cantonale a exclues au motif que leur application stricte entraînerait
des conséquences choquantes.

Les seuls griefs de la recourante concernent le dommage, une question qui
n'avait pas été abordée par la cour cantonale dans son précédent arrêt dès lors
que celle-ci avait exclu toute compensation entre les postes du dommage. Or,
que l'on doive statuer sur le dommage dans le cadre d'une responsabilité
contractuelle (art. 398 al. 2 CO), comme l'a fait la cour cantonale, ou
déterminer la prétention du client en restitution de ses avoirs non amputés des
ordres exécutés sans mandat de sa part, ces questions se présentent de la même
manière.

5. 

Dans un premier grief, sous le titre " De l'établissement manifestement inexact
des faits et de l'appréciation arbitraire des preuves ", la banque recourante
reproche à la cour cantonale d'avoir établi le dommage en comparant l'état du
compte "xxx" au 4 juin 2009 et au 30 septembre 2010, qui ne sont pas les dates
pertinentes en l'occurrence puisqu'il s'agit du 30 juin 2009 et du 23 février
2010, dates pour lesquelles aucune pièce n'a été versée au dossier.

La pertinence d'un fait est une question de droit (ATF 123 III 35 consid. 2b;
114 II 289 consid. 2a), et non de fait, de sorte que le grief d'arbitraire dans
l'établissement des faits et l'appréciation des preuves des art. 97 al. 1 LTF
et 9 Cst. tombe à faux.

Au demeurant, la cour cantonale n'a pas calculé le dommage en tablant sur la
différence entre les deux états des avoirs au 4 juin 2009 et au 30 septembre
2010, mais a additionné toutes les pertes subies sur les différentes opérations
exécutées sans mandat du client, sous déduction d'un gain, durant cette période
(cf. infra consid. 6.2.2).

6. 

Dans ses deuxième et troisième griefs, la banque recourante reproche à la cour
cantonale de n'avoir pas retenu que le demandeur n'avait pas allégué et prouvé
son dommage (violation du fardeau de l'allégation [objectif] et du fardeau de
la preuve), y voyant une violation de l'art. 55 CPC, de l'art. 8 CC et de
l'art. 42 CO. Non seulement la quotité du dommage, mais déjà son allégation
seraient, selon elle, défaillantes. Elle reproche aussi à la cour cantonale
d'avoir calculé elle-même le dommage sur la base de deux pièces du dossier;
elle y voit aussi une violation de la maxime des débats en ce sens que la cour
cantonale aurait retenu des faits non allégués - que la recourante qualifie de
faits exorbitants - qui ressortent de l'administration des preuves, lesquels
auraient dû, selon elle, être formellement allégués par le demandeur.

6.1. 

6.1.1. Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il
incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les
parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions
(fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y
rapportent (art. 55 al. 1 CPC) et contester les faits allégués par la partie
adverse, le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits
pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC) (ATF 144 III 519 consid. 5.1 p.
522). A cet égard, il importe peu que les faits aient été allégués par le
demandeur ou par le défendeur puisqu'il suffit que les faits fassent partie du
cadre du procès pour que le juge puisse en tenir compte (ATF 143 III 1 consid.
4.1 p. 2; arrêts 4A_11/2018 du 8 octobre 2018 consid. 6.1, non publié aux ATF
144 III 519; 4A_559/2016 du 18 janvier 2017 consid. 3.1; 4A_555/2015 précité
consid. 2.3; 4A_566/2015 du 8 février 2016 consid. 4.2.1).

Le demandeur, qui supporte le fardeau de l'allégation objectif ( objektive
Behauptungslast) et le fardeau de la preuve ( objektive Beweislast d'un fait)
(art. 8 CC), en ce sens qu'il supporte les conséquences de l'absence
d'allégation de ce fait, respectivement celles de l'absence de preuve de
celui-ci, a évidemment toujours intérêt à l'alléguer lui-même, ainsi qu'à
indiquer au juge les moyens propres à l'établir (ATF 143 III 1 consid. 4.1 p.
2).

6.1.2. Les faits sur lesquels le demandeur fonde ses prétentions et qui doivent
être allégués sont les faits pertinents (cf. art. 150 al. 1 CPC), c'est-à-dire
les éléments de fait concrets correspondant aux faits constitutifs de la règle
de droit applicable dans le cas particulier (arrêt 4A_243/2018 du 17 décembre
2018 consid. 4.2; cf. FABIENNE HOHL, Procédure civile, 2e éd. 2016, Tome I, n.
1219 et 1229).

Lorsqu'est en jeu la responsabilité de la banque (art. 398 al. 2 et 97 al. 1
CO), comme l'a admis la cour cantonale, un des faits pertinents à alléguer est
le dommage.

A cet égard, il sied de rappeler que, dans sa jurisprudence relative à la
responsabilité de la banque dans le cadre d'un contrat de gestion de fortune,
comme aussi de contrat de conseil en placements, en cas de gestion irrégulière
du portefeuille, citée tant par la cour cantonale que par la recourante, le
client peut demander à la banque de l'indemniser de son intérêt positif au
contrat, lequel présuppose une comparaison entre le portefeuille effectif (à la
suite de la mauvaise exécution du contrat) et le portefeuille hypothétique
(qu'il aurait eu si le contrat avait été géré correctement (dommages-intérêts
positifs; art. 398 al. 2 et 97 al. 1 CO; ATF 144 III 155 consid. 2). Il en va
de même lorsque, bien que le contrat soit intitulé " execution only ", la
banque fournit en réalité un conseil en placement à l'occasion d'une
transaction particulière (cf. arrêt de renvoi consid. 5.2). Lorsque, tant dans
le contrat de conseil en placement que dans celui d' execution only, la banque
exécute des opérations boursières (arrêt de renvoi consid. 5.1.3 et 5.1.4), le
dommage à réparer, qui est en relation de causalité naturelle et adéquate avec
la violation contractuelle, est la perte subie en raison de cette opération. 

Le calcul de ce dommage peut s'effectuer selon différentes méthodes: en
particulier, le dommage peut être déterminé en calculant la différence entre
l'état du portefeuille avant les opérations exécutées sans mandat et l'état du
portefeuille après ces opérations; il peut aussi l'être en additionnant les
pertes occasionnées par les différentes opérations exécutées sans mandat.

6.1.3. Les faits pertinents allégués doivent être suffisamment motivés (charge
de la motivation des allégués) pour que, d'une part, le défendeur puisse dire
clairement quels faits allégués dans la demande il admet ou conteste et que,
d'autre part, le juge puisse, en partant des allégués de fait figurant dans la
demande et de la détermination du défendeur dans la réponse, dresser le tableau
exact des faits admis par les deux parties ou contestés par le défendeur, pour
lesquels il devra procéder à l'administration de moyens de preuve (art. 150 al.
1 CPC; ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1 p. 522 s., 67 consid. 2.1 p. 68 s.).

Les exigences quant au contenu des allégués et à leur précision dépendent,
d'une part, du droit matériel, soit des faits constitutifs de la norme invoquée
et, d'autre part, de la façon dont la partie adverse s'est déterminée en
procédure: dans un premier temps, le demandeur doit énoncer les faits concrets
justifiant sa prétention de manière suffisamment précise pour que la partie
adverse puisse indiquer lesquels elle conteste, voire présenter déjà ses
contre-preuves; dans un second temps, si la partie adverse a contesté des
faits, le demandeur est contraint d'exposer de manière plus détaillée le
contenu de l'allégation de chacun des faits contestés, de façon à permettre au
juge d'administrer les preuves nécessaires pour les élucider et appliquer la
règle de droit matériel au cas particulier (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1 p.
523; 127 III 365 consid. 2b p. 368).

6.1.4. Lorsque le demandeur a présenté un allégué et l'a suffisamment motivé,
en l'occurrence son dommage, le défendeur doit le contester de manière précise
et motivée. A défaut, l'allégué du demandeur est censé non contesté (ou reconnu
ou admis), avec pour conséquence qu'il n'a pas à être prouvé (art. 150 al. 1
CPC). Ainsi, lorsque le demandeur allègue dans ses écritures un montant dû en
produisant une facture ou un compte détaillés, qui contient les informations
nécessaires de manière explicite, on peut exiger du défendeur qu'il indique
précisément les positions de la facture ou les articles du compte qu'il
conteste, à défaut de quoi la facture ou le compte est censé admis et n'aura
donc pas à être prouvé (art. 150 al. 1 CPC; cf. ATF 117 II 113 consid. 2).

6.2. 

6.2.1. En l'espèce, le demandeur avait réclamé dans sa demande un montant
global de 1'770'153,19 USD, correspondant à la différence entre l'état de ses
avoirs au 4 juin 2009 et celui au 30 septembre 2010 (allégué n° 122; art. 105
al. 2 LTF).

Dans sa réponse, la banque défenderesse s'est bornée à contester cet allégué en
se référant à son objection ad n° 120, dans laquelle elle ne fait que contester
avoir incité son client à investir dans l'achat de ces parts de fonds de
placement. Ce faisant, elle n'a contesté ni la méthode de calcul choisie par le
demandeur pour déterminer son dommage (différence entre les deux états de ses
avoirs), ni les deux dates alléguées et prises en considération par celui-ci,
ce qu'il lui incombait pourtant de faire. Il convient dès lors de reconnaître
que, faute de contestation, le dommage ainsi allégué était censé admis et
n'avait pas à être prouvé (art. 150 al. 1 CPC).

Il s'ensuit que le demandeur n'avait pas à motiver son dommage selon une autre
méthode de calcul ou en prenant en considération d'autres dates, ni à alléguer
des éléments de fait qui ressortaient de l'administration des preuves, comme la
recourante le soutient. C'est à tort que la recourante se plaint d'un défaut
d'allégation (art. 8 CC), voire de motivation de son dommage par le demandeur.
C'est également à tort qu'elle invoque la violation de l'art. 42 CO.

On ne saurait qualifier cette dernière motivation d'inattendue (sur la
substitution de motifs, cf. supra consid. 2). Dans sa réponse, l'intimé relève
en effet explicitement qu'il lui suffisait de chiffrer le dommage (globalement)
en s'appuyant sur l'ensemble des transactions passées sans autorisation, que
les pièces en sa possession ne lui permettaient pas d'alléguer (et de prouver)
son préjudice d'une autre manière (notamment en tenant compte d'autres dates)
et qu'il " serait ainsi abusif " que la banque puisse exiger de lui, sans même
avoir " allégué les faits sur lesquels elle se fonde ", de " réexaminer son
dommage ". Autrement dit, l'intimé considère que la banque ne saurait
aujourd'hui remettre en question la quotité du dommage qu'il a alléguée
puisque, lors des échanges d'écritures en première instance, elle n'a pas "
daign[é] apporter les éléments nécessaires " susceptibles de le remettre en
cause. Cela étant, il n'y avait rien de surprenant à ce que la Cour de céans
examine la portée des critiques de la banque visant le montant global du
dommage allégué par le client et qu'elle contrôle si, et dans quelle mesure, la
banque avait effectivement contesté (le cas échéant, en présentant une
motivation) ces allégations.

6.2.2. Certes, la cour cantonale a adopté une autre méthode de calcul que celle
préconisée par le demandeur et non contestée par la défenderesse. Elle a
procédé à l'addition des pertes occasionnées par les opérations non autorisées
(avec déduction d'un gain) et, comme l'intimé le relève, a arrêté la période à
prendre en considération - du 1er juillet 2009 au 23 février 2010 - dans son
précédent arrêt du 16 décembre 2016, période pour laquelle lui-même ne
disposait pas des états de ses avoirs à ces dates lors de l'introduction de sa
demande, seule la banque pouvant les émettre. Ce faisant, la cour cantonale est
parvenue à un montant inférieur à celui qui découlait de l'allégué (quant à la
méthode de calcul et aux dates déterminantes cf. consid. 6.2.1) du demandeur et
non contesté par la défenderesse.

La recourante ne démontre pas que le calcul ainsi effectué par la cour
cantonale serait arbitraire, se bornant à affirmer que toutes les opérations
intervenues auraient dû être prises en considération, en tenant compte des
opérations en cours ouvertes au 30 juin 2009 et des opérations qui auraient dû
être clôturées après le 23 février 2010.

La recourante méconnaît que, dès lors que le demandeur avait choisi la méthode
de la différence des états des avoirs et les dates déterminantes de ceux-ci, il
lui appartenait de contester ces deux points, sous peine de les voir admis
(art. 150 al. 1 CPC). Dès lors que l'autre méthode choisie par la cour
cantonale lui est plus favorable, la recourante n'a pas d'intérêt à lui
reprocher d'avoir adopté une autre méthode et d'avoir pris en considération des
éléments de fait qui ressortaient des preuves administrées, en violation de
l'art. 55 CPC (" théorie des faits exorbitants ").

Le montant inférieur auquel la cour cantonale est parvenue sera donc confirmé,
le demandeur n'ayant de son côté pas recouru pour non-prise en considération de
son allégué non contesté.

Dans la mesure où la recourante entend revenir sur l'admission de la
compensation entre les différents postes du dommage, décidée par l'arrêt de
renvoi du Tribunal fédéral, sa critique se heurte à l'autorité de la chose
jugée de cet arrêt.

7. 

Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, par substitution des motifs qui
précèdent. Les frais et les dépens de la procédure fédérale seront donc mis à
la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. La recourante versera à l'intimé une indemnité de 9'000 fr. à titre de
dépens.

4. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève Chambre civile.

Lausanne, le 17 février 2020

Au nom de la Ire Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

Le Greffier : Piaget