Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.113/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

4A_113/2019

Arrêt du 9 juillet 2019

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes les Juges fédérales

Kiss, Présidente, Hohl et Niquille.

Greffière : Mme Schmidt.

Participants à la procédure

A.________ SA,

représentée par Me Pierre Banna,

recourante,

contre

B.X.________,

agissant par ses curateurs Monsieur O.________ et Madame P.________,

intimé.

Objet

contrat de bail; résiliation,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des
baux et loyers, du 24 janvier 2019 (C/15728/2017, ACJC/106/2019).

Faits :

A.

Par contrat du 21 octobre 1980, X.________ avait pris à bail un appartement de
3 pièces au 3ème étage d'un immeuble sis à Genève. Le contrat était conclu pour
une durée indéterminée dès le 1er novembre 1980, chaque partie ayant la faculté
de le résilier pour le 31 mars et le 30 septembre de chaque année, moyennant un
préavis de trois mois. Depuis le changement de propriétaire intervenu en
février 2010 et le décès de X.________ en janvier 2014, le contrat de bail lie
A.________ SA (ci-après: la bailleresse ou la défenderesse) et B.X.________
(ci-après: le locataire ou le demandeur), le fils du locataire décédé. Le loyer
mensuel, charges comprises, a été fixé en dernier lieu à 920 fr.

Par ordonnance du 14 mai 2014, une curatelle a été instaurée en faveur du
locataire.

Par courrier du 19 mai 2017, M.H.________ et M.F.________, occupant un
appartement au-dessus de celui du locataire, ont informé la bailleresse de ce
qu'une odeur se dégageait dans leurs placards depuis plusieurs années et que
des mites alimentaires y séjournaient depuis plusieurs mois. Ils ont également
signalé la présence depuis quelques semaines d'oiseaux et d'excréments sur le
balcon du locataire.

Par courriel du 2 juin 2017, la bailleresse a informé le Service de protection
de l'adulte de la réception d'une plainte concernant des mauvaises odeurs
provenant de l'appartement du locataire, en particulier de son balcon. Elle l'a
invité à contacter la régie dans les meilleurs délais, afin d'effectuer une
visite sur place et d'évaluer les nettoyages à effectuer.

Par avis du 6 juin 2017, la bailleresse a résilié le bail avec effet au 30
septembre 2017, sans indiquer de motif.

Le 13 juin 2017, une visite a été organisée dans l'appartement du locataire.

B.

Le 6 juillet 2017, le locataire a ouvert action par requête de conciliation
adressée à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. A la
suite de l'échec de la conciliation, il a déposé sa demande devant le Tribunal
des baux et loyers le 18 octobre 2017, concluant, principalement, à
l'annulation du congé du 6 juin 2017, subsidiairement, à une prolongation de
bail de quatre ans et, plus subsidiairement, au report des effets du congé à la
prochaine échéance utile.

La défenderesse a conclu à la validité de la résiliation et au déboutement du
demandeur de toutes autres conclusions.

Par jugement du 25 avril 2018, le Tribunal a annulé le congé notifié le 6 juin
2017 pour le 30 septembre 2017 et débouté les parties de toutes autres
conclusions.

Statuant sur appel de la défenderesse le 24 janvier 2019, la cour cantonale a
confirmé le jugement entrepris. Les motifs retenus à l'appui de cet arrêt
seront discutés, dans la mesure utile, lors de l'examen des griefs soulevés par
la recourante.

C. 

Contre cet arrêt, la défenderesse interjette un recours en matière civile au
Tribunal fédéral le 1er mars 2019, concluant en substance, principalement, à ce
que le congé qu'elle a donné au demandeur le 6 juin 2017 soit déclaré valable
pour la prochaine échéance ordinaire, soit pour le 30 septembre 2017,
subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée à la cour cantonale pour
nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle se plaint de violation
des art. 271 CO et 8 CC.

L'intimé a conclu au rejet du recours et la cour cantonale s'est référée aux
considérants de son arrêt.

Considérant en droit :

1. 

Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la partie qui a succombé dans
ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF)
rendu par un tribunal supérieur statuant sur appel (art. 75 LTF), dans une
affaire de contestation de résiliation de bail (art. 72 al. 1 LTF) dont la
valeur litigieuse est supérieure à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le
recours en matière civile est recevable.

2.

2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont
été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion
d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353
consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al.
2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF).

La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de
l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p.
266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par
l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en
quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et
les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les
allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la
décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16
consid. 1.3.1 p. 18). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables
(ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261 s.).

2.2. Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral applique le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les motifs
invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par
l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que
ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une
substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).

3. 

Chaque partie est en principe libre de résilier un bail de durée indéterminée
pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu. La
résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de
résiliation particulier (cf. art. 266a al. 1 CO; arrêt 4A_563/2017 du 19
février 2019 destiné à la publication consid. 3.1; ATF 142 III 91 consid. 3.2.1
p. 92; 140 III 496 consid. 4.1 p. 497; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62). En
principe, le bailleur est donc libre de résilier le bail, par exemple pour des
motifs économiques (ATF 136 III 190 consid. 2 p. 192; 120 II 105 consid. 3b/bb
p. 110) ou dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il
juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3 p. 193).

Lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, la seule
limite à la liberté contractuelle des parties réside dans les règles de la
bonne foi: le congé qui y contrevient est alors annulable (art. 271 al. 1 CO;
cf. également art. 271a CO). La protection assurée par les art. 271 et 271a CO
procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de
l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). De manière générale, un
congé est contraire aux règles de la bonne foi lorsqu'il ne répond à aucun
intérêt objectif, sérieux et digne de protection et qu'il apparaît ainsi
purement chicanier ou consacrant une disproportion crasse entre l'intérêt du
preneur au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (arrêt
4A_563/2017 précité destiné à la publication consid. 3.1; ATF 142 III 91
consid. 3.2.1 p. 92; 140 III 496 consid. 4.1 p. 497; 138 III 59 consid. 2.1 p.
62).

Il appartient à la partie qui veut faire annuler le congé de prouver les
circonstances permettant de déduire qu'il contrevient aux règles de la bonne
foi. L'auteur du congé doit toutefois collaborer à la manifestation de la
vérité en motivant la résiliation sur requête et, en cas de contestation, en
fournissant les documents nécessaires pour établir le motif du congé (cf. art.
271 al. 2 CO; arrêt 4A_563/2017 précité destiné à la publication consid. 3.1;
ATF 138 III 59 consid. 2.1 p. 62; 135 III 112 consid. 4.1 p. 119). Une
motivation lacunaire ou fausse n'implique pas nécessairement que la résiliation
est contraire aux règles de la bonne foi, mais elle peut constituer un indice
de l'absence d'intérêt digne de protection à mettre un terme au bail; en
particulier, le caractère abusif du congé sera retenu lorsque le motif invoqué
n'est qu'un prétexte alors que le motif réel n'est pas constatable (ATF 143 III
344 consid. 5.3.1; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62; 132 III 737 consid. 3.4.2 p.
744 s. et l'arrêt cité).

Déterminer quel est le motif du congé et si ce motif est réel ou n'est qu'un
prétexte relève des constatations de fait (arrêt 4A_563/2017 précité destiné à
la publication consid. 3.1; ATF 136 III 190 consid. 2 p. 192). Pour ce faire,
il faut se placer au moment où le congé a été notifié (ATF 142 III 91 consid.
3.2.1 p. 92 s.; 140 III 496 consid. 4.1 p. 497; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62);
à cet égard, des faits survenus ultérieurement peuvent tout au plus fournir un
éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (arrêt
4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.1 et les arrêts cités).

En revanche, le point de savoir si le congé contrevient aux règles de la bonne
foi est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (arrêt
4A_200/2017 précité consid. 3.2.3 et l'arrêt cité).

4.

4.1. Se plaignant de violation des art. 271 CO et 8 CC, la recourante revient
sur les deux motifs donnés à l'appui de la résiliation, à savoir l'événement du
24 février 2017 (consid. 4.2 infra) et l'insalubrité du logement (consid. 4.3 
infra).

4.2.

4.2.1. Concernant le premier motif de résiliation, la cour cantonale a constaté
que la défenderesse n'avait pas d'intérêt à résilier le bail, dans la mesure où
elle n'avait elle-même subi aucune atteinte à ses intérêts et n'alléguait pas
que l'un de ses employés ou l'un de ceux de la régie aurait été victime du
comportement du demandeur. Les locataires de l'immeuble entendus en cours de
procédure avaient en outre confirmé n'avoir eu aucun problème avec le
demandeur. Faute d'éléments au dossier établissant une atteinte intervenue du
fait du locataire, il y avait donc lieu de retenir que le demandeur avait
démontré que le congé, en tant qu'il était donné au motif de l'événement du 24
février 2017, ne répondait à aucun intérêt objectif et digne de protection.

4.2.2. La défenderesse soutient que, par son raisonnement, la cour cantonale
n'aurait pas tenu compte de son intérêt objectif et digne de protection à ce
que le demandeur ne provoque plus à l'avenir, par ses comportements
imprévisibles, des états de fait dangereux pour les autres locataires et les
visiteurs de l'immeuble. Revenant sur le déroulement de l'événement du 24
février 2017, elle affirme que le demandeur a été interpellé chez lui avec une
arme chargée, qu'il n'a pas hésité à brandir contre les ambulanciers venus à
son domicile pour l'interner, puis contre la police appelée d'urgence pour le
maîtriser.

Un tel comportement menaçant ne résulte cependant aucunement des faits
constatés par la cour cantonale, dont la défenderesse ne soutient pas qu'ils
auraient été établis de manière arbitraire. Le demandeur a par ailleurs précisé
lors de son audition qu'il avait l'intention de se suicider au moment où les
ambulanciers sont venus pour l'interner, d'où l'arme chargée entre ses mains,
et qu'il s'était ensuite laissé maîtriser, sans opposer aucune résistance ni
proférer de menaces à l'endroit de quiconque. Si, certes, le fait d'avoir chez
soi une arme chargée est potentiellement et en principe de nature à mettre en
danger les autres locataires d'un immeuble, il apparaît que tel n'était pas le
cas dans les circonstances spécifiques du cas d'espèce. Cela vaut d'autant plus
que la défenderesse a elle-même renoncé à agir ensuite de l'événement du 24
février 2017, preuve qu'elle n'estimait pas que le demandeur représentait ou
pouvait représenter à l'avenir un danger pour la sécurité des autres
locataires. Pour le reste, la défenderesse ne critique pas qu'elle n'a
elle-même subi aucune atteinte à ses intérêts du fait du comportement de ce
dernier. Le premier motif donné à l'appui de la résiliation du bail ne repose
donc sur aucun fondement, de sorte que la cour cantonale n'a pas erré en
considérant que le demandeur avait prouvé que le congé ne répondait à aucun
intérêt digne de protection.

4.3.

4.3.1. Concernant le second motif de résiliation, la cour cantonale a retenu
que si l'instruction avait permis d'établir que l'appartement du locataire
était en désordre et encombré et que des odeurs émanaient du balcon au moment
de la résiliation, elle n'avait pas permis d'établir qu'il se trouvait en état
d'insalubrité, au vu des photographies produites par la défenderesse et des
témoignages recueillis. Il y avait donc lieu de retenir que la défenderesse
n'avait pas non plus d'intérêt à résilier le bail du locataire au motif de
l'insalubrité du logement.

4.3.2. La défenderesse soutient que le demandeur n'a pas prouvé que
l'appartement se trouvait dans un état correct d'entretien permettant d'éviter
des désagréments aux autres habitants de l'immeuble au moment de la résiliation
du 6 juin 2017. Elle se fonde sur la plainte des voisins du 19 mai 2017 et le
courriel qu'elle a envoyé le 2 juin 2017 au Service de protection de l'adulte,
lequel évoquait les mauvaises odeurs provenant de l'appartement du demandeur,
en particulier de son balcon (cf. consid. A.c supra).

Or, à ce moment-là, le demandeur était incarcéré - et donc absent de son
logement - depuis environ trois mois, de sorte qu'un mauvais état d'entretien,
particulièrement des mauvaises odeurs, ne peut que difficilement lui être
reproché. En tout état, le demandeur a démontré que l'appartement ne se
trouvait pas dans un état d'insalubrité au moment de la résiliation. C'est en
vain que la défenderesse, qui reconnaît qu'aucun des témoins n'a indiqué que le
bien loué devait être qualifié d'insalubre lors de la visite du 13 juin 2017,
affirme que celui-ci aurait été nettoyé dans l'intervalle. L'état de fait de
l'arrêt entrepris ne fait aucune mention d'un éventuel nettoyage de
l'appartement entre le moment de la résiliation et le moment de la visite sur
place quelques jours plus tard. Il y est uniquement constaté que, au moment de
la résiliation, le logement était en désordre, encombré et que des odeurs
émanaient du balcon, mais qu'il n'était pas en état d'insalubrité. La
défenderesse ne prétend pas que les faits ainsi retenus par la cour cantonale,
qui lient le Tribunal fédéral en vertu de l'art. 105 al. 1 LTF, reposeraient
sur une appréciation des preuves ou une constatation des faits arbitraires ou
incomplètes. Il s'ensuit que le second motif donné à l'appui de la résiliation
du 6 juin 2017, est également privé de tout fondement, ce que le demandeur a
démontré à satisfaction.

En d'autres termes, aucun des motifs donnés par la défenderesse ne répond à un
intérêt objectivement digne de protection.

4.4. Au vu de ce qui précède, l'arrêt entrepris ne révèle aucune violation des
art. 271 CO ou 8 CC.

5. 

Le recours doit être rejeté.

La défenderesse, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF). Le demandeur n'étant pas assisté d'un avocat, il ne lui sera pas versé de
dépens (art. 68 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 

Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre des baux et loyers.

Lausanne, le 9 juillet 2019

Au nom de la Ire Cour de droit civil

du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

La Greffière : Schmidt