Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.695/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

2C_695/2019

Arrêt du 28 février 2020

IIe Cour de droit public

Composition

MM. et Mmes les Juges fédéraux Seiler, Président,

Zünd, Aubry Girardin, Hänni et Beusch.

Greffier : M. Rastorfer.

Participants à la procédure

A.A.________,

agissant par B.A.________ et C.A.________,

eux-mêmes représentés par Me Julien Francey, avocat,

recourant,

contre

Inspectrice scolaire du 2ème arrondissement,

intimée.

Objet

Changement de cercle scolaire, liberté de la langue

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Ie Cour
administrative, du 24 juillet 2019 (601 2019 83 et 601 2019 84).

Faits :

A. 

C.A.________, de langue maternelle allemande, et B.A.________, francophone,
sont les parents de A.A.________, née en 2012. Cette dernière est bilingue
allemand-français. Elle fréquente depuis le début de sa scolarité enfantine,
soit les années 1H et 2H, l'école de E.________, où l'enseignement est donné en
français.

La famille A.________ est domiciliée à Marly, commune fribourgeoise sise dans
le district de la Sarine, district bilingue à forte minorité alémanique (art.
105 al. 2 LTF). La langue officielle de Marly est le français et la commune
forme un cercle scolaire avec les communes de Pierrafortscha et
Villarsel-sur-Marly, où l'enseignement scolaire est dispensé en langue
française (art. 105 al. 2 LTF). Par Convention du 21 avril 2005 relative à la
fréquentation de l'école enfantine et primaire alémaniques de l'Ecole Libre
Publique de Fribourg (ci-après : l'ELPF) par des élèves provenant des communes
du cercle scolaire de l'ELPF (ci-après : la Convention), la commune de Marly -
ainsi que celles de Corminboeuf, Givisiez, Granges-Paccot, Matran,
Pierrafortscha et Villars-sur-Glâne - s'est engagée à faire partie du cercle
scolaire de l'ELPF, école publique régionale de langue allemande accueillant
les élèves germanophones provenant des communes précitées.

Le 19 février 2019, C.A.________ et B.A.________ ont demandé à l'inspectrice
scolaire du 2ème arrondissement d'inspectorat francophone (ci-après :
l'Inspectrice scolaire) que leur fille puisse suivre l'enseignement dispensé en
langue allemande dès la 3H, soit à partir de la rentrée 2019/2020, auprès de
l'ELPF. Ils ont expliqué que c'était pour des raisons professionnelles qu'ils
avaient dû renoncer à scolariser leur fille dès la 1H en langue allemande à
l'ELPF, car cet établissement ne disposait que d'une offre limitée en matière
d'accueil extrascolaire par rapport à l'école francophone de E.________. Ils
avaient toutefois, depuis lors, obtenu davantage de flexibilité dans leur
travail, ce qui leur permettait de compenser l'offre plus réduite de l'ELPF en
la matière. En outre, leur fille, bilingue allemand-français, vivait dans un
contexte familial et culturel en grande partie germanophone. Enfin, la deuxième
fille du couple, née en 2016, allait commencer l'école en 2021 et ses parents
souhaitaient la scolariser à l'ELPF, si bien qu'un changement de cercle
scolaire permettrait aux deux soeurs de fréquenter le même établissement.

Le 25 février 2019, l'inspectrice scolaire du 9ème arrondissement d'inspectorat
alémanique a indiqué qu'elle acceptait la scolarisation de l'intéressée à
l'ELPF en langue allemande. Le même jour, le responsable de l'école de
E.________ a préavisé favorablement la poursuite de la scolarisation de
l'intéressée à l'ELPF dès la rentrée 2019/2020. Le 26 février 2019, le
directeur de l'ELPF a indiqué que la demande du couple remplissait les
conditions d'admission à son établissement, étant donné que la langue
principale de la famille était l'allemand et que l'ELPF s'engageait,
conformément à la Convention du 21 avril 2005, à accueillir les enfants
germanophones domiciliés à Marly.

Le 28 février 2019, la commune de Marly a rendu un préavis négatif, rappelant
que, selon les Directives du 23 mai 2001 concernant l'admission à l'école
régionale de l'ELPF destinée aux élèves des degrés préscolaire et primaire de
langue allemande (ci-après : les Directives), telles qu'adoptées par la
Direction de l'instruction publique et des affaires culturelles du canton de
Fribourg (ci-après : la Direction de l'instruction publique), les parents de
langue allemande qui souhaitaient scolariser leurs enfants à l'école
francophone de leur domicile faisaient ce choix pour toute la scolarité
primaire (1H à 8H). Un changement de cercle scolaire pour des raisons de langue
durant le cursus primaire n'était dès lors pas autorisé.

Le 1er avril 2019, consultée par l'Inspectrice scolaire, la Direction de
l'instruction publique a également émis un avis négatif, se fondant sur sa
pratique en matière de changement de cercle scolaire pour des raisons de
langue. Selon celle-ci, les parents devaient choisir au début de la scolarité
la langue d'enseignement. Un changement de langue n'était ainsi, en principe,
possible qu'une seule fois durant la scolarité, à savoir après la 8H, sauf pour
les élèves présentant un trouble fonctionnel linguistique diagnostiqué exigeant
le retour à l'enseignement dans l'autre langue (art. 105 al. 2 LTF). La
Direction de l'instruction publique précisait également que les motifs
d'organisation familiale invoqués par les parents ne justifiaient pas un
changement de langue d'enseignement au cours de la scolarité primaire.

B. 

Par décision du 11 avril 2019, l'Inspectrice scolaire, s'appuyant sur l'avis
négatif de la Direction de l'instruction publique, a rejeté la demande de
fréquentation de l'ELPF formée par les parents de A.A.________.

Par arrêt du 24 juillet 2019, le Tribunal cantonal du canton de Fribourg
(ci-après : le Tribunal cantonal), après avoir constaté que sa compétence était
donnée pour statuer directement sur le recours interjeté le 25 avril 2019 par
A.A.________, représentée par ses parents, contre la décision de l'Inspectrice
scolaire du 11 avril 2019, dans la mesure où la Direction de l'instruction
publique avait été directement impliquée dans ladite décision, a rejeté le
recours de l'intéressée.

C. 

Contre l'arrêt du 24 juillet 2019 rendu par le Tribunal cantonal, A.A.________,
agissant par ses parents, forme un recours en matière de droit public auprès du
Tribunal fédéral. Elle demande, sous suite de dépens, principalement, d'annuler
l'arrêt entrepris et de l'autoriser à fréquenter l'Ecole libre publique de
Fribourg en allemand dès le prononcé de l'arrêt de la Cour de céans;
subsidiairement de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour nouvelle
décision dans le sens des considérants; plus subsidiairement encore, de
constater que la pratique des autorités fribourgeoises consistant à refuser un
changement de cercle scolaire et de langue d'enseignement entre la 1H et la 8H,
sauf intérêt de l'enfant et sans changement de domicile, est contraire à la
liberté de la langue.

Le Tribunal cantonal se réfère à l'arrêt entrepris et conclut au rejet du
recours. La recourante ne formule pas d'observations.

Considérant en droit :

1. 

Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et
contrôle librement la recevabilité des recours portés devant lui (ATF 140 IV 57
consid. 2 p. 59).

1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière
instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2
LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Il peut donc en
principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal
fédéral, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.

1.2. L'art. 89 al. 1 LTF exige notamment que le recourant ait un intérêt digne
de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let.
c). Selon la jurisprudence tirée de cette disposition, cet intérêt doit être
actuel et exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est
rendu (ATF 137 II 40 consid. 2.1 p. 41; 137 I 296 consid. 4.2 p. 299).

Dans la mesure où l'arrêt entrepris confirme le refus opposé à la recourante de
fréquenter, "dès" la 3H, l'ELPF en langue allemande, il convient d'admettre que
l'intéressée, qui a achevé ses classes enfantines (1H et 2H), possède toujours,
à ce jour, un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée en
vue d'obtenir le changement sollicité à partir de la 3H, et ce, a priori,
jusqu'à la fin de son cursus primaire, soit la 8H.

1.3. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile, compte tenu
des féries (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF), et dans les formes requises
(art. 42 LTF). Il est donc recevable, sous réserve de ce qui suit.

1.4. Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de
droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou
formatrices sont exclues. Sauf situations particulières, les conclusions
constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (cf. ATF 141 II 113 consid.
1.7 p. 123 et les arrêts cités). Dans la mesure où la recourante conclut,
parallèlement à l'annulation de l'arrêt attaqué, à ce qu'il soit constaté que
la pratique des autorités fribourgeoises est contraire à la liberté de la
langue, elle formule une conclusion constatatoire qui est irrecevable.

2. 

Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine
librement la violation du droit fédéral, qui comprend les droits de nature
constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des
exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Sauf dans les cas
cités expressément par l'art. 95 LTF, le recours en matière de droit public ne
peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En
revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application
du droit cantonal constitue une violation du droit constitutionnel, en
particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 I 108
consid. 4.4.1 p. 112 s. et les arrêts cités; cf. art. 106 al. 2 LTF).

3. 

L'objet du litige porte sur le point de savoir si c'est à juste titre que le
Tribunal cantonal a confirmé la décision de l'Inspectrice scolaire refusant à
la recourante la possibilité de quitter l'école du cercle scolaire de son
domicile pour pouvoir fréquenter l'ELPF à partir de la 3H, soit durant son
cursus primaire, pour des raisons de langue. A cet égard, la recourante invoque
sa liberté de la langue et se prévaut également d'une violation du principe de
l'égalité de traitement.

4.

4.1. La liberté de la langue, garantie par l'art. 18 Cst., comprend, dans le
domaine de la sphère privée, le droit de s'exprimer dans une langue de son
choix, en particulier sa langue maternelle, sans que l'Etat n'ait en principe à
intervenir dans ce choix (composante dite "active" de la liberté de la langue;
ATF 139 I 229 consid. 5.4 p. 234 et les arrêts cités). Dans le domaine de la
sphère publique, qui inclut sans conteste la détermination de la langue
d'enseignement, l'Etat peut et doit en revanche intervenir pour réglementer
l'emploi des langues officielles et assurer le respect du principe de la
territorialité (composante dite "passive" de la liberté de la langue; ibid.
consid 5.4 et 5.5 p. 234 s.). Sous cet angle, conformément à l'art. 70 al. 2
Cst., les cantons déterminent leurs langues officielles. Ils adoptent également
des mesures - qui doivent demeurer proportionnées (cf. ATF 138 I 123 consid.
5.1 p. 126; 121 I 196 consid. 2a p. 198 et les arrêts et références citées) -
pour maintenir les limites traditionnelles des régions linguistiques et leur
homogénéité, tout en prenant en considération les minorités linguistiques
autochtones (cf. ATF 139 I 229 consid. 5.5 p. 234 s. et les arrêts cités).

4.2. En règle générale, l'enseignement public est donné dans la langue
officielle du cercle concerné (cf. ATF 125 I 347 consid. 5c p. 360; 122 I 236
consid. 2d p. 240). La liberté de la langue ne confère dès lors aucun droit à
un enseignement public dans la langue (maternelle) de son choix, celui-ci
devant être dispensé dans la langue déterminée par les cantons - sous réserve
des limites posées par le droit constitutionnel fédéral - ou par les communes,
selon le droit cantonal (ATF 139 I 229 consid. 5.6 p. 235 s. et les arrêts et
références cités; arrêt 2P.112/2001 du 2 novembre 2001 consid. 2). En d'autres
termes, une personne qui s'établit dans une région où la langue officielle
n'est pas la sienne ne peut dès lors invoquer une violation de sa liberté à la
langue lorsqu'il reçoit un enseignement de base gratuit dans la langue
officielle parlée dans ladite région.

La jurisprudence a toutefois reconnu que, dans les régions bilingues ou
plurilingues ("zwei- oder mehrsprachigen Gebieten"), la liberté de la langue
pouvait donner lieu à un droit à un enseignement public donné dans l'une des
différentes langues traditionnelles parlées dans le lieu concerné, à condition
toutefois qu'un tel enseignement n'entraîne pas de charge disproportionnée pour
la collectivité publique (ATF 139 I 229 consid. 5.6 p. 235 s.; 125 I 347
consid. 5c p. 360, in JdT 2001 I 603 s. et les arrêts cités; arrêt 2C_1063/2015
du 16 mars 2017 consid. 4.4). Le Tribunal fédéral a en effet précisé qu'un tel
enseignement ne pouvait, pour des raisons évidentes, être offert dans n'importe
laquelle des langues voulues par les élèves ou leurs parents et que, dans de
telles circonstances, outre le souci de préserver des territoires
linguistiquement homogènes, la charge financière ou organisationnelle pesant
sur la communauté devait également être prise en compte (cf. ATF 139 I 229
consid. 5.6 p. 235 s.; arrêt 2C_1063/2015 du 16 mars 2017 consid. 4.4 et
l'arrêt cité). Lorsque la charge apparaît comme proportionnée, la jurisprudence
reconnaît alors au justiciable un droit constitutionnel à être scolarisé dans
la langue parlée dans le lieu en question (ibid. et les références citées).

4.3. La liberté de la langue, au niveau cantonal, est expressément garantie à
l'art. 17 de la Constitution du canton de Fribourg du 16 mai 2004 (Cst./FR; RS
131.219). Le français et l'allemand sont les langues officielles du canton
(art. 6 al. 1 Cst./FR) et des communes (art. 6 al. 3 Cst./FR). L'Etat et les
communes doivent veiller, dans le respect du principe de la territorialité, à
la répartition territoriale traditionnelle des langues et doivent prendre en
considération les minorités linguistiques autochtones (art. 6 al. 2 Cst./FR).
Le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est quant à lui garanti
aux art. 18 et 64 Cst./FR.

4.4. Dans le domaine de l'instruction publique, la loi fribourgeoise du 9
septembre 2014 sur la scolarité obligatoire (LS/FR; RS/FR 411.0.1) contient les
dispositions suivantes :

"Art. 11Langues de l'enseignement

1 L'enseignement est donné en français dans les cercles scolaires où la langue
officielle est le français et en allemand dans les cercles scolaires où la
langue officielle est l'allemand.

2 Lorsqu'un cercle scolaire comprend une commune de langue officielle française
et une commune de langue officielle allemande, ou une commune bilingue, les
communes du cercle scolaire assurent la fréquentation gratuite de l'école
publique dans les deux langues.

(...)

Art. 13Lieu de fréquentation de l'école publique

1 Les élèves fréquentent l'école du cercle scolaire de leur domicile ou de leur
résidence habituelle reconnue par la Direction.

2 La fréquentation d'une école située dans un autre canton ainsi que l'accueil
d'élèves issus d'autres cantons sont réglés par conventions intercantonales.

Art. 14Lieu de fréquentation de l'école publique - Cas spéciaux

a) Conditions

1 L'inspecteur ou l'inspectrice scolaire peut autoriser ou obliger un ou une
élève à fréquenter l'école d'un cercle scolaire autre que le sien si l'intérêt
de l'élève ou de l'école le commande.

2 L'inspecteur ou l'inspectrice scolaire peut, pour des raisons de langue,
autoriser un ou une élève à fréquenter l'école d'un cercle scolaire autre que
le sien.

3 La décision indique quel cercle scolaire doit accueillir l'élève."

4.5. S'agissant des écoles libres publiques, telle que l'ELPF, la loi
fribourgeoise sur les écoles libres publiques du 8 mai 2003 (LELP/FR; RS/FR
411.4.1) précise que celles-ci bénéficient de la reconnaissance publique et
d'un financement public, à condition notamment qu'elles dispensent elles-mêmes
un enseignement selon une mission éducative reconnue par l'Etat et répondant à
un intérêt public (art. 2 al. 1 let. a LELP/FR). Le cercle scolaire des écoles
libres publiques, dont les limites territoriales sont fixées par le Conseil
d'Etat, est composé des territoires des communes qui l'ont accepté formellement
par leur assemblée communale ou leur conseil général (art. 2 al. 1 let. c cum
 art. 3 al. 1 LELP/FR). Ce sont dès lors les territoires, et non les communes
proprement dites, qui font partie du cercle scolaire libre public, les écoles
libres publiques n'étant pas des associations de communes (cf. Message du
Conseil d'Etat du canton de Fribourg du 28 janvier 2003 accompagnant le projet
de loi sur les écoles libres publiques [ci-après : Message LELP/FR], p. 4).

4.6. Au niveau communal, la Convention du 21 avril 2005 conclue entre la
commune de Marly, notamment, et l'ELPF, réglemente la fréquentation de l'école
enfantine et des classes primaires de langue allemande de l'établissement
précité. Selon l'art. 1 al. 3 de ladite Convention, l'ELPF "s'oblige" à
admettre les élèves domiciliés dans une des communes du cercle scolaire de
l'ELPF, pour autant que ceux-ci soient autorisés à fréquenter cette école,
selon les critères d'admission suivants:

"Art. 2 Admission

1. L'admission aux classes de langue allemande de l'ELPF a lieu sur la base
d'une décision d'un changement de cercle scolaire selon la procédure décrite
dans les articles 9, 10 et 11 de la loi scolaire [ndr: correspondant, pour
l'essentiel, aux actuels art. 14, 15 et 16 LS/FR].

2. Les élèves des communes du cercle scolaire, pour lesquels le changement de
cercle scolaire a lieu pour des raisons de langue, sont dans tous les cas
scolarisés à l'ELPF."

4.7. L'admission aux degrés préscolaire et primaire de l'ELPF, destinée aux
élèves de langue allemande, fait également l'objet de Directives adoptées le 23
mai 2001 par la Direction de l'instruction publique, qui prévoient notamment ce
qui suit:

"Critères d'admission à l'école enfantine et primaire de l'ELPF

Les parents ou un des parents de l'enfant sont de langue maternelle allemande
et ne maîtrisent pas suffisamment la langue française pour assumer le suivi
scolaire de leur enfant. La langue allemande est parlée à la maison et l'enfant
maîtrise déjà bien cette langue avant d'être scolarisé à l'ELPF. L'intérêt de
l'enfant à être scolarisé dans sa langue maternelle prime, de façon
prépondérante, le principe de son intégration sociale et scolaire dans son lieu
de domicile.

Dispositions particulières:

Les parents de langue allemande qui souhaitent scolariser leurs enfants à
l'école francophone du lieu de leur domicile, font ce choix pour toute la
scolarité primaire. Un changement à l'ELPF durant le cursus primaire ne peut
être prononcé."

4.8. C'est au regard des principes et textes précités qu'il faut vérifier, en
l'espèce, le bien-fondé de la décision attaquée.

5. 

La recourante fonde ses griefs sur les conditions de restrictions des droits
fondamentaux posées à l'art. 36 Cst. Elle fait en substance valoir que le refus
de fréquenter l'ELPF dès la 3H viole sa liberté de la langue, en tant qu'une
telle ingérence ne repose pas sur une base légale suffisante (art. 36 al. 1
Cst.), ne répond à aucun but d'intérêt public suffisant et ne respecte pas le
principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.).

5.1. Il convient, dans un premier temps, de se demander si la décision de refus
opposée à la recourante porte atteinte, comme elle le soutient, à son droit à
la liberté de la langue.

Comme on l'a vu, une telle liberté n'impose pas aux collectivités publiques
l'obligation d'offrir aux particuliers venant s'établir sur leur territoire un
enseignement dans une autre langue que celle qui est officiellement pratiquée
dans la région concernée, sauf lorsque cette région est bilingue ou plurilingue
et que l'enseignement requis ne constitue pas une charge disproportionnée pour
la collectivité (cf. supra consid. 4.2). La notion de "régions bilingues ou
plurilingues" ("zwei- oder mehrsprachigen Gebieten") n'est pas clairement
définie. Il ressort toutefois de la jurisprudence que cette notion fait avant
tout référence au territoire des communes et à la situation linguistique qui y
prévaut (cf. ATF 139 I 229 consid. 5; 125 I 347 consid. 5c; 122 I 236 consid.
3a; arrêt 2C_1063/2015 du 16 mars 2017 consid. 5.1). Cela fait sens, dans la
mesure où les élèves fréquentent en principe l'école de leur domicile et que
les communes sont généralement reconnues par le droit cantonal comme les
pourvoyeuses de l'enseignement obligatoire (cf. arrêt 2C_561/2018 du 20 février
2019 et les législations cantonales citées). Le Tribunal fédéral a toutefois
précisé que le périmètre géographie des cercles scolaires libres publics
pouvait également être pris en considération (cf. ATF 125 I 347 consid. 5c p.
359 s., qui fait en particulier référence au cercle scolaire libre public de
l'ELPF).

5.2. En l'occurrence, la recourante est domiciliée à Marly. La langue
officielle de cette commune, sise dans le district traditionnellement bilingue
de la Sarine, est le français. Le cercle scolaire auquel appartient Marly
comprend uniquement des communes francophones, si bien que l'enseignement n'y
est donné qu'en français. Conformément à la législation cantonale, la
fréquentation gratuite de l'école publique ne doit partant être assurée que
dans cette dernière langue, et non pas aussi en allemand (cf. art. 11 al. 1 et
2 LS/FR). Toutefois, il ressort des constatations cantonales (art. 105 al. 1
LTF) que, par Convention du 21 avril 2005, la commune de Marly a accepté que
son territoire fasse également partie du cercle scolaire libre public de l'ELPF
(cf. art. 3 al. 1 LELP), dont la mission éducative, reconnue par le canton de
Fribourg, est de scolariser, comme école régionale de langue allemande et selon
la procédure de changement de cercle pour raison de langue, les enfants
germanophones domiciliés à Marly notamment (cf. Message LELP/FR p. 3). Dans ces
conditions, il convient de retenir que la minorité germanophone domiciliée à
Marly - dont le territoire fait tant partie d'un cercle scolaire francophone
que d'un cercle scolaire libre public alémanique - peut, à l'instar des
justiciables domiciliés dans une zone bilingue, en principe déduire de la
liberté de la langue un droit à un enseignement donné en langue allemande.

Ce droit, contrairement à l'opinion de la recourante, n'est toutefois pas
inconditionnel, dans la mesure où il reste soumis à l'exigence qu'il n'entraîne
pas de charge disproportionnée pour la collectivité publique (cf. supra consid.
4.2). A cet égard, c'est à tort que la recourante considère que la décision de
refus de changement de langue d'enseignement qui lui a été opposée consistait
en une restriction inadmissible à sa liberté de la langue. En effet, comme on
l'a vu, l'enseignement (dans une école bénéficiant de la reconnaissance
publique) sollicité demeure une prestation étatique, dont les bénéficiaires ont
un droit subordonné à des considérations de proportionnalité, notamment sous
l'angle des charges financières ou organisationnelles qui pèseraient sur la
collectivité (cf. supra consid. 4.2). Dans ces conditions, les griefs de
l'intéressée, fondés sur les conditions de restrictions des droits fondamentaux
posées à l'art. 36 Cst., tombent à faux. Cela ne signifie pas pour autant que
son recours doit être rejeté. Il convient en effet d'examiner encore la
question centrale de savoir si, dans le cas d'espèce, un changement de langue
d'enseignement en cours de scolarité obligatoire, soit dès la 3H, tel que
demandé par l'intéressée, entraînait des difficultés de planification scolaire
disproportionnées à la charge de la collectivité publique, la recourante ayant,
en cas de réponse négative à cette question, un droit déduit de la liberté de
la langue à être scolarisée à l'ELPF en langue allemande.

5.3. En l'occurrence, le Tribunal cantonal, faisant siens les arguments de
l'Inspectrice scolaire, a en substance retenu qu'un changement de cercle
scolaire pour des raisons de langue pouvait être restreint, exception faite de
l'intérêt de l'enfant, à une seule possibilité en fin de scolarité primaire,
soit après la 8H, afin d'éviter aux communes des difficultés en termes
d'organisation et de finances scolaires, ce d'autant plus qu'il pouvait
raisonnablement être attendu des parents qu'ils entament une réflexion sur la
langue de scolarisation de leurs enfants avant le début de la scolarité de
ceux-ci.

5.4. On ne saurait suivre le raisonnement de l'autorité précédente. S'il faut
admettre que la charge organisationnelle pesant sur les communes serait, de
manière générale, rendue plus malaisée pour le cas où les élèves pourraient,
pour des raisons de langue, choisir de fréquenter, sans restriction et à
n'importe quelle étape de leur cursus obligatoire, des écoles d'un cercle
scolaire autre que le leur, il n'en demeure pas moins que, dans le cas
d'espèce, comme le relève à juste titre la recourante, les difficultés
d'organisation et de planification scolaire alléguées par l'autorité intimée ne
font l'objet d'aucune explication concrète de sa part. L'arrêt entrepris
concède du reste que l'Inspectrice scolaire s'est limitée à les invoquer "sans
s'y étendre" (cf. arrêt entrepris, p. 9).

On relèvera également que les pratiques de la Direction de l'instruction
publique que reprend l'arrêt attaqué, en tant que celles-ci n'autorisent pas,
en principe, le prononcé d'un changement à l'ELPF durant le cursus primaire,
ont été établies alors que ledit cursus primaire, sur le canton de Fribourg,
débutait à l'âge de 6 ans révolus, soit en 3H actuellement (art. 105 al. 2
LTF). Dans ces circonstances, il convient de considérer qu'un changement
d'école pour des raisons de langue intervenant entre l'école enfantine (1H et
2H) à l'école primaire (3H), passage qui implique de toute façon un changement
de classes ainsi que d'enseignants, n'apparaît pas, a priori, causer de surplus
organisationnel disproportionné.

Enfin, et surtout, force est de constater, selon les constatations cantonales,
qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que tant la responsable de
l'école de E.________, établissement fréquenté durant les premières années par
la recourante, que le directeur de l'ELPF, où l'intéressée demande à être
mutée, ainsi que l'inspectrice scolaire du 9ème arrondissement, ont tous
préavisé favorablement à la demande de changement de cercle scolaire formulée
par les parents de la recourante. Or, en présence de l'accord des principaux
acteurs concernés, il est raisonnablement permis de supposer que les éventuels
problèmes d'organisation sont réduits à un minimum. S'agissant des charges
financières, il n'est pas contesté que la commune de Marly s'est engagée, par
la Convention du 21 avril 2005, à supporter les frais scolaires de ses élèves
qui fréquenteraient l'ELPF, les parents de l'intéressée s'étant pour le surplus
engagés à assumer les frais de trajets de leur fille.

5.5. Dans ces conditions, à défaut d'indication, dans l'arrêt entrepris, sur la
disproportion des charges qu'entraînerait la scolarisation de la recourante à
l'ELPF, dès la 3H, pour la commune de Marly, il convient d'admettre que la
recourante dispose, dans les circonstances particulières du cas, d'un droit à
fréquenter l'ELPF en langue allemande, quand bien même ce changement de langue
d'enseignement intervient durant son cursus primaire.

6. 

Pour le surplus, en tant que le Tribunal cantonal reproche à la recourante une
absence de motifs autorisant un changement de cercle scolaire pour des raisons
de langue, on se limitera à constater qu'une telle critique tombe à faux, dans
la mesure où les juges précédents retiennent eux-mêmes paradoxalement que "si
une demande dans ce sens avait été déposée avant la scolarisation de l'enfant
en 1H, à défaut de problèmes spécifiques d'organisation et de planification
scolaires, elle aurait eu de bonnes chances d'aboutir, dès lors qu'il n'est pas
contesté que l'enfant habite dans une commune partie à la Convention et qu'elle
parle allemand, de par sa mère, elle-même de langue maternelle allemande" (cf.
arrêt entrepris, p. 9). Ce faisant, les juges précédents confirment que la
situation personnelle et les intérêts pondérés de la recourante auraient
vraisemblablement permis, dès la 1H, d'obtenir sa scolarisation à l'ELPF, sous
réserve d'une charge disproportionnée pour la collectivité publique qui, comme
on vient de le voir, n'est pas démontrée.

7. 

Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours dans la
mesure de sa recevabilité et à l'annulation de l'arrêt rendu le 24 juillet 2019
par le Tribunal cantonal, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le grief de
violation du principe de l'égalité de traitement soulevé par la recourante. La
cause sera renvoyée à l'inspectrice scolaire du 2ème arrondissement scolaire,
afin qu'elle autorise la recourante à fréquenter l'Ecole libre publique de
Fribourg, dès que possible compte tenu de l'intérêt de la recourante.

Bien qu'elle succombe, l'autorité intimée, qui ne défend pas d'intérêt
patrimonial, ne peut se voir imposer les frais de justice (art. 66 al. 1 et 4
LTF). La recourante, qui a obtenu gain de cause avec l'aide d'un mandataire
professionnel, a droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF), à charge du
canton de Fribourg. L'affaire sera également renvoyée au Tribunal cantonal pour
qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure suivie devant
lui (cf. art. 67 et 68 al. 5 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt rendu le 24
juillet 2019 par le Tribunal cantonal du canton de Fribourg est annulé.

2. 

La cause est renvoyée à l'inspectrice scolaire du 2ème arrondissement du canton
de Fribourg pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

3. 

Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4. 

Le canton de Fribourg versera à la recourante une indemnité de 2'000 fr. à
titre de dépens.

5. 

La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, afin qu'il
statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure accomplie devant lui.

6. 

Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Inspectrice
scolaire du 2ème arrondissement et au Tribunal cantonal du canton de Fribourg,
Ie Cour administrative.

Lausanne, le 28 février 2020

Au nom de la IIe Cour de droit public

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Seiler

Le Greffier : Rastorfer