Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.328/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

2C_328/2019

Arrêt du 16 septembre 2019

IIe Cour de droit public

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,

Aubry Girardin et Donzallaz.

Greffier : M. Jeannerat.

Participants à la procédure

1. A.A.________,

2. B.A.________,

tous les deux représentés par Me Laurent Kyd, avocat,

recourants,

contre

Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève,

intimée.

Objet

Impôt cantonal et communal 2010,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, 4ème section, du 26 février 2019 (ATA/189/
2019).

Faits :

A.

A.a. En 2010, A.A.________, domicilié à cette époque dans le canton de Genève,
était l'administrateur président avec signature individuelle de la société
C.________ SA, qui était inscrite au Registre du commerce de Genève et dont le
but était l'achat, la vente, la négociation, l'entreposage, l'assemblage et le
traitement de tous produits dans le domaine de l'énergie, ainsi que tous
services s'y rattachant (affrètement, financement, assurance, inspection,
gestion, mise en place et réalisation de telles opérations). Il en détenait 50
% des actions, chacune d'une valeur nominale de 1'000 fr. Cette année-là, la
société lui a versé un salaire brut de 1'020'000 fr.

En mars 2010 (recte: mars 2011; cf. recours, p. 4; art. 105 al. 2 LTF),
A.A.________ a fait valoir ses droits à une retraite anticipée.

Le 7 février 2012, A.A.________ et son épouse, B.A.________, ont retourné à
l'Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève
(ci-après: l'Administration fiscale cantonale) leur déclaration fiscale pour
l'année 2010. Le document faisait état d'un revenu net imposable de 947'210 fr.
pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD), ainsi que d'un revenu net
imposable de 843'769 fr. et d'une fortune nette imposable de 10'505'865 fr.
pour les impôts cantonal et communal 2010 (ci-après: ICC). Parmi les éléments
de fortune mobilière, les époux A.________ ont plus particulièrement déclaré 75
actions de la société C.________ SA, pour une valeur totale de 16'545'225 fr.

A.b. Par courrier du 10 mai 2013, l'Administration fiscale cantonale a informé
la société C.________ SA que, sur la base de ses comptes annuels 2009, elle
avait déterminé la valeur fiscale nette des actions précitées à 776'370 fr.
l'unité. Elle l'invitait à communiquer cette estimation à ses actionnaires afin
qu'ils puissent compléter leur déclaration fiscale 2010 en vue de l'imposition
sur la fortune.

A.c. Le 28 novembre 2013, C.________ SA a été dissoute par décision de
l'assemblée générale et mise en liquidation.

Le 2 décembre 2013, A.A.________ a demandé à l'Administration fiscale cantonale
de suspendre l'émission des bordereaux de taxation s'agissant des ICC 2010 en
raison du dépôt, le même jour, d'une demande de modification de l'estimation
des actions de la société C.________ SA.

C.________ SA a transféré son siège social dans le canton de Schwytz le 1er
décembre 2015. Le 15 février 2016, son assemblée générale a annulé la décision
de dissolution du 28 novembre 2013.

B. 

Dans l'intervalle, le 21 octobre 2015, l'Administration fiscale cantonale a
adressé aux époux A.________ un bordereau de taxation pour l'IFD 2010 et un
bordereau de taxation pour les ICC 2010. Le second retenait une fortune
mobilière des contribuables d'une valeur de 65'717'286 fr., dont 58'227'750 fr.
pour les actions de la société C.________ SA.

Le 22 décembre 2016, statuant sur réclamation des contribuables,
l'Administration fiscale cantonale a décidé de rectifier l'imposition en leur
défaveur et de fixer la valeur des actions de C.________ SA détenues par
A.A.________ à 60'499'125 fr.

Par acte du 23 janvier 2017, les époux A.________ ont recouru auprès du
Tribunal administratif de première instance de la République et canton de
Genève contre la décision susmentionnée. Ils ont demandé la rectification de
leur taxation relative aux ICC 2010 en ce sens que les actions qu'ils
possédaient devaient être estimées sur la base de la valeur substantielle de la
société C.________ SA. Le tribunal a rejeté le recours par jugement du 11
septembre 2017.

Statuant sur recours, la Cour de justice de la République et canton de Genève
(ci-après: la Cour de justice) a confirmé le jugement précité par arrêt de la
Chambre administrative du 26 février 2019.

C. 

Les époux A.________ déposent un recours en matière de droit public contre
l'arrêt de la Cour de justice précité. Ils exigent à titre principal, outre
l'annulation de celui-ci, la rectification de leur taxation 2010 en ce sens que
la valeur fiscale de leurs actions doit être estimée en se fondant sur une
valeur de la société C.________ SA fixée à 59'720'818 fr. Subsidiairement, ils
demandent le renvoi de la cause aux autorités de première instance pour
nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit :

1. 

Le recours est en l'espèce dirigé contre un arrêt de la Cour de justice
confirmant une décision de taxation des recourants au titre des ICC 2010. Il
conteste ainsi une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit
public (cf. art. 82 let. a LTF), par une autorité judiciaire cantonale
supérieure de dernière instance (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), sans
qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, de sorte que
la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte (cf.
également l'art. 73 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation
des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]). Comme le
recours a de surcroît été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme
(art. 42 LTF) prévus par la loi par les contribuables concernés qui ont qualité
pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), il convient d'entrer en matière.

2.

2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit
d'office. En matière fiscale, il examine donc en principe librement
l'application du droit fédéral, ainsi que la conformité du droit cantonal
harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux
dispositions de la LHID (ATF 134 II 207 consid. 2 p. 210; arrêt 2C_826/2015 du
5 janvier 2017 consid. 2 non publié in ATF 143 I 73). Cependant, lorsque la loi
précitée laisse une marge de manoeuvre aux cantons, le pouvoir d'examen du
Tribunal fédéral se limite à l'arbitraire, dont la violation doit être motivée
conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 134 II 207
consid. 2 p. 209 s.; arrêts 2C_180/2013 du 5 novembre 2013; 2C_77/2013 du 6 mai
2013 consid. 1.4 et les références citées).

2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve
des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne
peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de
façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est
susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358;
139 II 373 consid. 1.6 p. 377). La partie recourante doit expliquer de manière
circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (cf. art. 106 al. 2
LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui
diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 137 II 353 consid.
5.1 p. 356; 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288).

En l'occurrence, dans leurs écritures, les recourants reprochent à la Cour de
justice d'avoir établi les faits de la cause de manière incomplète, en
violation de l'art. 97 al. 1 LTF. Selon eux, les faits retenus ne permettraient
aucunement de déterminer la valeur vénale de la société C.________ SA dont ils
détiennent des actions et, par voie de conséquence, la valeur vénale,
respectivement fiscale de leur fortune qui fait l'objet du présent litige.
L'arrêt attaqué ferait abstraction, entre autres éléments, de l'évolution des
états financiers et du chiffre d'affaires de la société de 2008 à 2011. De
telles critiques - à supposer qu'elles respectent les exigences de motivation
de l'art. 106 al. 2 LTF - ne relèvent toutefois pas directement de
l'établissement des faits opéré par l'autorité précédente. Elles concernent en
réalité la manière dont la Cour de justice a appliqué le droit au moment
d'évaluer la fortune imposable des recourants. Dans son arrêt, la Cour de
justice n'a en effet pas ignoré la décroissance du chiffre d'affaires de la
société lors des exercices précités, mais a estimé que cette fluctuation
n'avait aucune influence sur la façon dont il convenait d'évaluer la valeur de
la société et, partant, de ses actions pour l'année fiscale 2010. Savoir si un
tel raisonnement se justifie sera vérifié ci-après, au moment d'examiner la
conformité de l'arrêt au droit.

3. 

Comme cela vient d'être dit, le présent litige porte, au fond, sur l'estimation
de la valeur fiscale des actions non cotées en bourse de la société C.________
SA, dans la mesure où elles étaient détenues par les recourants en 2010.

En l'occurrence, dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a confirmé la
décision des autorités cantonales précédentes selon laquelle la société
C.________ SA devait être évaluée conformément à la méthode d'estimation
générale prévue dans la Circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts
(appelée "méthode des praticiens"), soit en se référant à la valeur de
rendement doublée et à la valeur substantielle. En application de cette
méthode, elle a abouti à la conclusion selon laquelle les 75 actions détenues
par les recourants valaient, d'un point de vue fiscal, 60'499'125 fr. au total,
soit 806'655 fr. chacune (art. 105 al. 2 LTF).

4. 

Les recourants invoquent plusieurs griefs pour contester la manière dont la
Cour de justice a fixé la valeur fiscale de leurs actions, laquelle tiendrait à
tort compte de la valeur de rendement de la société C.________ SA en
application de la circulaire précitée.

4.1. Les recourants sont notamment d'avis que la Cour de justice aurait
appliqué arbitrairement le droit cantonal. Celui-ci interdirait d'utiliser la
valeur de rendement d'une entreprise non cotée en bourse en vue d'évaluer la
valeur des titres qui s'y rapportent. Le législateur genevois aurait choisi, de
manière consciente et volontaire, de ne pas se référer à la valeur de rendement
- ainsi qu'aux méthodes d'évaluation qui se fondent sur celle-ci - au moment
d'adopter les règles de fixation de la valeur fiscale déterminante pour l'impôt
sur la fortune. Il aurait voulu éviter que le recours à une telle valeur ne
conduise à des résultats "sans connexion aucune avec la réalité économique",
comme ce serait le cas en la présente cause. Les recourants en concluent que la
valeur de leurs actions devrait dès lors être calculée sur la base de la seule
valeur substantielle de la société C.________ SA, à savoir 59'720'818 fr., et
qu'il conviendrait dès lors de retenir une valeur vénale de 398'138 fr. pour
chacun de ces titres         (59'720'818 fr. / 150).

4.2. Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation
de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair
et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la
justice et de l'équité. S'agissant de l'application du droit cantonal, le
Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité de dernière
instance cantonale que si la décision attaquée apparaît insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs
objectifs ou en violation d'un droit certain (ATF 139 I 57 consid. 5.2 p. 61).
Ainsi, pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit
pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit
arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 49 consid. 7.1 p. 51 et les arrêts
cités).

4.3. Sur le plan fédéral, l'impôt cantonal sur la fortune des personnes
physiques fait l'objet d'une réglementation sommaire aux art. 13 et 14 LHID. Il
a pour objet l'ensemble de la fortune nette (art. 13 al. 1 LHID) qui se
détermine selon les règles d'évaluation prévues à l'art. 14 LHID. Selon l'art.
14 al. 1 LHID, la fortune est estimée à la valeur vénale. Toutefois, la valeur
de rendement peut être prise en considération de façon appropriée. Le Tribunal
fédéral considère, de jurisprudence constante, que la loi fédérale sur
l'harmonisation fiscale et, en particulier, l'art. 14 al. 1 LHID ne prescrivent
pas au législateur cantonal une méthode d'évaluation précise pour établir la
valeur déterminante de la fortune imposable au titre des ICC. Les cantons
disposent en la matière d'une marge de manoeuvre importante pour élaborer et
appliquer leur réglementation, aussi bien dans le choix de la méthode de calcul
que pour déterminer, compte tenu du caractère potestatif de l'art. 14 al. 1,
2ème phrase LHID, dans quelle mesure la valeur de rendement doit être prise en
considération dans l'estimation (ATF 134 II 207 consid. 3.6 p. 214; 131 I 291
consid. 3.2.2 p. 307 s.; 128 I 240 consid. 3.2.3 et 3.2.4 p. 249 s.; 124 I 145
consid. 6b et 6c p. 159 s.; aussi arrêts 2C_516/2019 du 5 juin 2019 consid. 4;
2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 4.4 non publié in ATF 143 I 73).

4.4. Dans le canton de Genève, l'impôt sur la fortune est réglé, depuis le 1er
janvier 2010, par la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27
septembre 2009 (LIPP/GE; RSG D 3 08) et par son règlement d'application.
D'après le législateur cantonal, cet impôt a pour objet l'ensemble de la
fortune nette après déductions sociales (art. 46 LIPP/GE), qui comprend
notamment les actions, les obligations et les valeurs mobilières de toute
nature (art. 47 let. b LIPP/GE). Aux termes de l'art. 49 LIPP/GE, l'état de la
fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour
laquelle l'impôt est dû (al. 1) et la fortune est estimée, en général, à la
valeur vénale (al. 2).

Notons que le droit genevois ne contient plus, depuis l'entrée en vigueur de la
LIPP/GE, de règle expresse sur la manière dont il convient d'évaluer la valeur
fiscale des titres non côtés en bourse. La loi actuelle se distingue sur ce
point de l'ancienne loi du 22 septembre 2000 sur l'imposition des personnes
physiques - Impôt sur la fortune (aLIPP-III/GE) et de l'ancien Règlement
d'application du 19 décembre 2001 de la loi sur l'imposition des personnes
physiques - Impôt sur la fortune (aRIPP-III), lesquels traitaient expressément
cette question. L'art. 5 aLIPP-III/GE prévoyait que les actions, parts sociales
des sociétés coopératives et autres droits de participation non cotés en bourse
étaient évalués en fonction de la valeur de rendement de l'entreprise et de sa
valeur intrinsèque. D'après l'art. 1 aRIPP-III, les « instructions concernant
l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune» étaient
applicables si elles ne dérogeaient pas à l'art. 5 aLIPP-III notamment. Les
instructions en question se référaient à la méthode d'évaluation exposée dans
la circulaire de la Conférence suisse des impôts intitulée "Instructions
concernant l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune"
(ci-après: les Instructions).

4.5. En pratique, l'Administration fiscale cantonale se fonde toujours sur les
Instructions précitées pour évaluer les titres non cotés en bourse. La
Conférence suisse des impôts, qui regroupe les administrations fiscales
cantonales et l'Administration fédérale des contributions, les a éditée afin de
favoriser une estimation uniforme en Suisse, pour l'impôt sur la fortune, des
titres nationaux et étrangers qui ne sont négociés dans aucune bourse. Le
document a fait l'objet de plusieurs éditions depuis les années 40, la dernière
datant du 28 août 2008 (Circulaire 28 consultable sur internet à l'adresse
http://www.steuerkonferenz.ch/fr > Documents > Circulaires).

Les Instructions prévoient en l'occurrence que la méthode d'estimation générale
des titres non cotés d'une société, dans la mesure où ils n'ont jamais été
transférés, s'effectue par la moyenne pondérée entre la valeur de rendement
doublée et la valeur intrinsèque déterminée selon le principe de la
continuation (Instructions, chap. A/2, ch. 2 et chap. B/3.2, ch. 34 de
l'édition du 28 août 2008). Cette méthode est généralement appelée "méthode des
praticiens" (cf. notamment arrêts 2C_583/2013 du 23 décembre 2013 consid.
3.1.2, ainsi que 2C_309/2013 et 2C_310/2013 du 18 septembre 2013 consid. 3.6).
Selon les Instructions, il peut y être dérogé durant l'année de fondation et la
période de lancement de la société ou si celle-ci constitue une société holding
pure, de gérance de fortune, une société de financement ou une société
immobilière. Dans ces hypothèses, les titres sont estimés à partir de la valeur
substantielle de la société (Instructions, chap. B/3.1 et 3.4, ch. 32 et 38).
Enfin, si la société est en liquidation, sa valeur est déterminée par
l'excédent de liquidation présumé (Instructions, chap. 3.6, ch. 48).

4.6. Comme exposé ci-avant, l'art. 49 al. 2 LIPP/GE dispose que "[l]a valeur
fiscale de la fortune mobilière est estimée, en général, à sa valeur vénale"
(cf. supra consid. 4.4). Sa lettre n'interdit donc pas, par principe, la prise
en compte de la valeur de rendement d'un bien avant de fixer sa valeur fiscale
(le cas échéant en se fondant sur la méthode des praticiens exposée ci-avant),
ne serait-ce que parce que le recours à la valeur vénale ne vaut de toute
manière pas de façon absolue au sens du droit cantonal, mais uniquement "en
général". À cela s'ajoute que la valeur vénale de certains biens est de toute
manière corrélée - dans une mesure plus ou moins grande - au rendement que
ceux-ci peuvent procurer, de sorte que son estimation ne peut - par la force
des choses - pas en faire totalement fi. Il est par exemple admis que la valeur
vénale d'un immeuble construit se calcule en règle générale sur la base
combinée de sa valeur réelle et de sa valeur de rendement, que celle d'une
entreprise se fonde selon les circonstances sur la valeur de continuation,
calculée en fonction des bénéfices prévisibles etc. (cf. notamment ATF 134 III
42 consid. 4 p. 44; 125 III 1 consid. 5c p. 6; aussi arrêt 5A_591/2009 du 22
octobre 2009 consid. 2.3). Pour le reste, quoi que prétendent les recourants
dans leur mémoire, rien n'indique dans les travaux préparatoires de la LIPP/GE
que le législateur cantonal aurait eu l'intention d'interdire le recours à la
valeur de rendement pour déterminer la valeur vénale des titres. L'abandon de
l'ancienne disposition selon laquelle les actions devaient être évaluées en
fonction de la valeur de rendement de l'entreprise et de sa valeur intrinsèque,
le cas échéant sur la base des Instructions, avait pour objectif de
flexibiliser la détermination de la valeur fiscale de ces biens mobiliers en
abandonnant une disposition jugée trop rigide quant au recours systématique à
la valeur de rendement (cf. Rapport du 26 mai 2009 de la Commission fiscale
chargée d'étudier le projet de loi sur l'imposition des personnes physiques, PL
10199-A). Cela ne signifiait pas que la valeur de rendement ne pouvait plus du
tout être prise en compte de manière appropriée au moment d'estimer la valeur
vénale de la fortune mobilière d'un contribuable.

4.7. Les recourants ne démontrent enfin pas en quoi la valeur fiscale qui a
finalement été retenue pour leurs titres, en application des Instructions,
serait arbitraire dans son résultat, en ce sens que celui-ci ne correspondrait
manifestement pas à la valeur vénale de leurs biens à la fin de l'année 2010.
La comparaison qu'ils opèrent avec la valeur substantielle de la société
C.________ SA qu'ils allèguent dans leur mémoire de recours (inférieure
d'environ 50% de celle retenue), de même que la référence à une autre
évaluation effectuée par le canton de Schwytz, ne constituent pas des preuves
de ce caractère. Il n'apparaît pour le reste pas choquant de considérer que la
valeur vénale de leurs titres, qui correspondent à la moitié du capital-actions
de la société, se monte à 60'499'125 fr., étant précisé que les recourants
reconnaissent que la société a réalisé plusieurs milliards de francs de
chiffres d'affaires entre 2008 et 2009, ainsi que des bénéfices de plusieurs
dizaines de millions de francs, lesquels ont été en partie capitalisés par la
société.

4.8. Il s'ensuit que la Cour de justice n'a pas appliqué arbitrairement le
droit cantonal en prenant en compte la valeur de rendement de la société
C.________ SA pour déterminer la valeur fiscale des actions détenues par les
recourants.

5. 

Les recourants affirment encore que l'application de la méthode des praticiens
telle que prévue par les Instructions conduirait en l'occurrence à un résultat
non conforme au droit fédéral et à l'art. 14 al. 1 LHID plus spécialement. Ils
se prévalent de circonstances particulières au cas d'espèce, comme le fait que
C.________ SA ait vu son chiffre d'affaires drastiquement baisser entre 2008 et
2010 (diminution d'environ 95 %), se soit séparée de la majorité de ses
employés et n'ait presque plus eu d'activité opérationnelle en 2010.

5.1. Comme cela a déjà été rappelé, le droit fédéral ne prescrit pas au
législateur cantonal une méthode d'évaluation précise pour établir la valeur
déterminante selon l'art. 14 al. 1 LHID, de sorte que les cantons disposent en
la matière d'une marge de manoeuvre importante pour élaborer et appliquer leur
réglementation, aussi bien dans le choix de la méthode de calcul que pour
déterminer, compte tenu du caractère potestatif de l'art. 14 al. 1, 2ème phrase
LHID, dans quelle mesure la valeur de rendement doit être prise en
considération dans l'estimation (cf. supra consid. 4.3). Il en découle que le
Tribunal fédéral a toujours procédé à un examen limité à l'arbitraire lorsqu'il
s'est agi de contrôler l'estimation de la valeur fiscale d'un bien sous l'angle
de l'impôt sur la fortune (cf. supra consid. 2.1 et arrêts 2C_286/2015 du 5
janvier 2017 consid. 4.4 non publié in ATF 143 I 73; 2C_442/2012 du 14 décembre
2012 consid. 3; 2C_952/2010 du 29 mars 2011 consid. 2.1; 2C_504/2009 du 15
avril 2010 consid. 3.1).

5.2. En tant que directives, les Instructions ne constituent pas du droit
fédéral et ne lient donc pas les juges (arrêts 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015
consid. 5.3; 2C_1168/2013 du 30 juin 2014 consid. 3.6; arrêt 2C_504/2009 du 15
avril 2010 consid. 3.3). Il n'en demeure pas moins que la méthode générale
d'estimation dite "des praticiens" contenue dans les Instructions - que les
recourants contestent - a été admise par le Tribunal fédéral comme méthode
d'estimation de titres non cotés en bourse (cf. dans un contexte similaire
arrêt 2C_826/2015 du 5 juillet 2017 consid. 4 non publié in ATF 143 I 73). Dans
sa jurisprudence concernant des affaires antérieures à l'entrée en vigueur de
la LHID, la Cour de céans avait déjà constaté que cette méthode prenait en
compte les éléments pertinents pour estimer la valeur vénale des titres non
cotés et non régulièrement négociés (cf. arrêt 2A.213/1994 du 8 octobre 1996
consid. 4 et les références citées, in Archives 66, p. 484 et RDAF 1998 II
351). Après l'entrée en vigueur de la LHID, elle a souligné qu'en prévoyant des
règles unifiées d'estimation des titres non cotés en vue de leur imposition sur
la fortune dans un domaine où les cantons jouissent d'un large pouvoir
d'appréciation, les Instructions poursuivaient un but d'harmonisation fiscale
horizontale et concrétisaient ainsi l'art. 14 al. 1 LHID (arrêt 2C_800/2008 du
12 juin 2009 consid. 5.2, RF 64/2009, p. 910; cf. également arrêt 2C_952/2010
du 29 mars 2011 consid. 2.1). Sur le fond, elle a réaffirmé que les
Instructions prenaient en compte les éléments déterminants pour l'évaluation
des titres non cotés et qu'elles étaient appropriées pour l'estimation des
sociétés en vue de l'imposition sur la fortune des actionnaires (arrêts 2C_826/
2015 du 5 janvier 2017 consid. 4.3 non publié in ATF 143 I 73; 2C_583/2013 du
23 décembre 2013 consid. 3.1.3; 2C_504/2009 du 15 avril 2010 consid. 3.3 et les
références citées).

5.3. Sur le vu de ce qui précède, on ne voit donc pas en quoi la Cour de
justice aurait violé l'art. 14 al. 1 LHID. Au regard d'une jurisprudence
constante et établie du Tribunal fédéral, elle pouvait se fonder sur les
Instructions pour déterminer la valeur des actions de C.________ SA et,
partant, prendre en considération la valeur de rendement de celle-ci pour
estimer celle des titres détenus par les recourants au 31 décembre 2010, étant
du reste précisé que cette possibilité est expressément réservée par le droit
fédéral. Le grief de violation de l'art. 14 al. 1 LHID doit dès lors être
rejeté.

6. 

Reste enfin à déterminer si, comme le soutiennent les recourants dans un ultime
grief, la Cour de justice aurait appliqué arbitrairement les Instructions - qui
ne lient certes pas les juges, mais reflètent une pratique cantonale constante
(cf. supra consid. 4.5 et 5.2) - en ne tenant pas compte de l'importante baisse
du chiffre d'affaires et de la réduction des activités de C.________ SA entre
2008 et 2010. Les recourants reprochent en particulier à l'autorité cantonale
précédente d'avoir considéré qu'une diminution du chiffre d'affaires de près de
95 % était insuffisante pour renoncer à estimer la valeur de la société selon
la méthode des praticiens. Pour les recourants, une telle affirmation
s'inscrirait en faux avec le commentaire des Instructions qui précise qu'une
variation du chiffre d'affaires de 20 % d'une société doit en règle générale
être qualifiée de "considérable".

6.1. Comme exposé ci-avant, les Instructions prévoient que la méthode
d'estimation générale des titres non cotés - qui n'ont pas fait l'objet d'un
transfert substantiel entre tiers indépendants - s'effectue en principe par la
moyenne pondérée entre la valeur de rendement doublée et la valeur intrinsèque
déterminée. Des exceptions ne sont envisagées que dans trois hypothèses: durant
l'année de fondation, pour la période de constitution et pour les sociétés
holdings pures, de gérance de fortune, de financement et immobilières, où les
titres sont estimés généralement selon leur valeur intrinsèque, et si la
société est en liquidation, auquel cas la valeur est déterminée par l'excédent
de liquidation présumé (cf. supra consid. 4.5).

Il est précisé que, selon les Instructions, une société est considérée comme
étant en liquidation lorsque, le jour déterminant pour l'estimation, elle ne
poursuit plus son but social statutaire, mais procède à la réalisation de ses
actifs et exécute ses engagements, indépendamment de l'inscription de la
liquidation au registre du commerce (Instructions, chap. B/3.6, ch. 47). Le
fait est que l'autorité fiscale doit, de manière générale, se fonder sur
l'activité effective d'une société pour déterminer son mode d'estimation
(Instructions, chap. A, ch. 6). Aussi le Tribunal fédéral a-t-il déjà jugé
qu'il n'était pas arbitraire, en application des Instructions, de se fonder sur
la valeur substantielle pour évaluer la valeur d'une société qui, certes,
semblait toujours poursuivre son but d'origine au regard de ses statuts, mais
qui se limitait en réalité depuis deux ans à recouvrer et à liquider ses
prétentions et ses valeurs mobilières, ainsi qu'à administrer ses biens
immobiliers. Comme la reprise de l'activité statutaire de la société n'était
pas prévisible, il apparaissait pertinent d'évaluer l'entreprise comme une
société de gérance de fortune et non sur la base de la méthode des praticiens
habituellement employée pour les sociétés d'exploitation (cf. arrêt 2C_800/2008
du 12 juin 2009).

6.2. En l'occurrence, il ne ressort pas de l'arrêt que la société aurait été en
liquidation à la fin de l'année 2010. Une décision de dissolution et de mise en
liquidation est certes intervenue, mais deux ans plus tard, soit le 28 novembre
2013, avant d'être du reste révoquée le 15 février 2016. Il n'est pas non plus
établi qu'à la fin 2010, la société n'aurait plus poursuivi ses buts
statutaires depuis un certain temps et qu'elle aurait alors décidé de limiter
de manière durable son activité à la gestion de ses biens. Selon les
constatations de Cour de justice, qui lient la Cour de céans (cf. art. 105 al.
1 LTF), la société aurait au contraire continué à avoir une activité dans le
domaine qui était le sien selon son but social, quand bien même au ralenti.
Elle n'a d'ailleurs pas été liquidée, mais a poursuivi son activité dans un
autre canton, avec les mêmes actionnaires dirigeants. Les recourants ne
prétendent pas le contraire dans leur recours. Ils se contentent de faire grand
cas de la baisse du chiffre d'affaires de la société et du nombre de personnes
qu'elle employait, ainsi que du commentaire des Instructions qui, d'après eux,
obligerait l'autorité fiscale à tenir compte des variations du chiffre
d'affaires de 20 % au moment d'évaluer la valeur d'une société. Ce faisant, ils
se trompent sur le sens et la portée des Instructions et de leur commentaire.
Celles-ci prévoient certes la prise en compte de telles fluctuations, mais
uniquement lorsqu'il s'agit d'évaluer des titres ayant déjà fait l'objet d'un
transfert, la valeur vénale correspondant alors au prix d'acquisition tant et
aussi longtemps que la situation de la société n'a pas considérablement changé
(Instructions, chap. A, ch. 2, et Commentaire 2017 des Instructions, p. 4,
consultable sur internet à l'adresse http://www.steuerkonferenz.ch/fr >
Documents > Circulaires). Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque les actions
des recourants n'ont jamais fait l'objet de transfert et n'ont donc jamais été
évaluées sur la base d'un prix d'acquisition.

6.3. Il découle de ce qui précède qu'il n'existait pas d'éléments probants
démontrant que la société C.________ SA aurait été en liquidation à la fin 2010
ou aurait équivalu à une société de gérance de fortune. La Cour de justice n'a
dès lors pas appliqué de manière arbitraire les instructions en jugeant que la
valeur fiscale de leurs actions pouvait être évaluée conformément à la méthode
des praticiens, étant précisé que le calcul technique effectué sur cette base
par les autorités genevoises n'est pas contesté en l'espèce, les recourants
admettant ainsi sa justesse.

7. 

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, les
recourants doivent supporter les frais de la procédure fédérale solidairement
entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Ces frais sont fixés en tenant compte de la
valeur litigieuse de la présente cause, laquelle correspond à la différence
d'impôts selon que l'on se fonde sur la valeur des actions finalement retenue,
soit 60'499'125 fr., ou sur celle de 29'860'444 fr. prétendue par les
recourants ([59'720'888 fr. / 2]; art. 65 al. 2 et 3 LTF en lien l'art. 1 du
tarif des émoluments judiciaires du Tribunal fédéral du 31 mars 2006 [RS
173.110.210.1]). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est rejeté.

2. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

3. 

Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à
l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève et à la Cour de justice
de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4 ^ème section. 

Lausanne, le 16 septembre 2019

Au nom de la IIe Cour de droit public

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Seiler

Le Greffier : Jeannerat