Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.135/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

2C_135/2019

Arrêt du 18 novembre 2019

IIe Cour de droit public

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,

Zünd, Aubry Girardin, Donzallaz et Stadelmann.

Greffière : Mme Jolidon.

Participants à la procédure

Secrétariat d'Etat aux migrations,

recourant,

contre

A.________,

représenté par Me Pascal Aeby, avocat,

intimé,

Com missaire de police de la République et canton de Genève.

Objet

Détention administrative; expulsion,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, du 28 décembre 2018 (ATA/1388/2018).

Faits :

A.

A.a. A.________, né en 1984, alias B.________, C.________et D.________,
ressortissant algérien, a déposé une demande d'asile sur laquelle l'Office
fédéral des migrations (devenu le Secrétariat d'État aux migrations le 1er
janvier 2015 [ci-après: le Secrétariat d'État]) a, par décision du 22 juillet
2008, refusé d'entrer en matière; cette autorité a également prononcé le renvoi
de Suisse de l'intéressé, le canton du Tessin étant chargé de l'exécution du
renvoi.

A.________, qui avait disparu dans la clandestinité, a été placé en détention
administrative du 13 août 2009 au 11 novembre 2010, puis, selon le Commissaire
de police du Département de la sécurité de la République et canton de Genève
(ci-après: le Commissaire de police), du 19 novembre 2015 au 4 janvier 2016
(art. 105 al. 2 LTF), sans que le renvoi puisse être exécuté.

A.b. Depuis 2008, A.________ a fait l'objet de quinze condamnations pénales
pour, notamment, vols, dommages à la propriété, violations de domicile, séjour
illégal en Suisse et infractions relatives aux stupéfiants.

Dans la dernière prononcée à son encontre, à savoir celle du 24 septembre 2018,
il s'est vu infliger une peine privative de liberté de cent cinquante jours,
sous déduction de quatre-vingt-trois jours de détention préventive, notamment
pour vol et violation de domicile; de plus, le Tribunal de police de la
République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal de police) a ordonné
l'expulsion de Suisse de l'intéressé pour une durée de cinq ans, en application
de l'art. 66a al. 1 CP (RS 311.0).

Au terme de l'exécution de sa peine par A.________, l'Office cantonal de la
population et des migrations de la République et canton de Genève (ci-après:
l'Office cantonal de la population) lui a notifié une décision du 30 novembre
2018 de non-report d'expulsion judiciaire, déclarée exécutoire nonobstant
recours; la police dudit canton était chargée de procéder, dans les meilleurs
délais, à cette expulsion, des mesures de contrainte impliquant une détention
administrative étant susceptibles d'être requises.

A la même date, le Commissaire de police a ordonné la mise en détention
administrative de l'intéressé pour une durée de six mois, au regard du risque
de soustraction au renvoi de Suisse. A.________ devait être présenté aux
autorités algériennes le 13 février 2019, condition nécessaire pour qu'il
puisse prendre un vol à destination de l'Algérie; une place ne serait pas
disponible avant avril 2019.

A.c. Le Tribunal administratif de première instance de la République et canton
de Genève (ci-après: le Tribunal administratif de première instance) a, le 4
décembre 2018, confirmé l'ordre de mise en détention administrative de
l'intéressé mais seulement pour une durée de trois mois, à savoir jusqu'au 28
février 2019.

B. 

Par arrêt du 28 décembre 2018, la Cour de justice de la République et canton de
Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours du Commissaire de
police. Elle a en substance jugé que la mise en détention par l'autorité
administrative, à la suite d'une décision pénale d'expulsion, ne générait pas
une nouvelle procédure de renvoi indépendante de celle déjà en cours; dès lors,
la durée de la mise en détention ne devait pas dépasser le maximum légal prévu
par le droit des étrangers.

L'Office cantonal de la population a ordonné la mise en liberté de A.________
le 2 janvier 2019 (art. 105 al. 2 LTF).

C. 

Agissant par la voie du recours en matière de droit public, le Secrétariat
d'Etat demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais, d'annuler l'arrêt du
28 décembre 2018 de la Cour de justice et de confirmer la mise en détention
prononcée par le Commissaire de police le 30 novembre 2018 pour une durée de
six mois.

A.________ conclut au rejet du recours. Le Commissaire de police en requiert
l'admission. La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif
de son arrêt. Le Tribunal administratif de première instance a renoncé à
déposer des observations.

Par ordonnance du 21 février 2019, le Président de la IIe Cour de droit public
a admis la requête d'assistance judiciaire de A.________ et a désigné Me Pascal
Aeby comme défenseur d'office.

Considérant en droit :

1. 

En vertu de l'art. 14 al. 2 de l'ordonnance fédérale du 17 novembre 1999 sur
l'organisation du Département fédéral de justice et police (Org DFJP; RS
172.213.1), le Secrétariat d'Etat a qualité pour recourir devant le Tribunal
fédéral (cf. art. 89 al. 2 let. a LTF), dans le domaine du droit des étrangers,
contre des décisions cantonales de dernière instance. En outre, en matière de
mesures de contrainte, lorsque l'étranger détenu a été libéré, le Secrétariat
d'Etat peut recourir, bien que l'intérêt actuel au recours ait disparu, lorsque
la solution du cas d'espèce soulève une question qui peut avoir des effets sur
des causes similaires, en particulier si le cas pose une nouvelle question
juridique ou qu'une pratique cantonale non conforme au droit fédéral pourrait
se développer (ATF 134 II 201 consid. 1.1 p. 203).

Tel est le cas en l'espèce, s'agissant de savoir si la détention administrative
résultant d'une décision de renvoi de la procédure d'asile doit être prise en
compte et s'ajouter à la durée de la détention administrative, ordonnée sur la
base de l'art. 76 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration
(ci-après: la loi sur les étrangers ou LEI [LEtr jusqu'au 31 décembre 2018; RO
2017 6521]; RS 142.20), prononcée à la suite d'une expulsion judiciaire (cf.
art. 66a CP) pour calculer la durée maximale de la détention de l'art. 79 LEI.

2.

2.1. L'intimé a été détenu administrativement du 13 août 2009 au 11 novembre
2010, puis, selon le Commissaire de police bien que cela ne ressorte pas de
l'arrêt attaqué, du 19 novembre 2015 au 4 janvier 2016 (art. 105 al. 2 LTF).
L'intéressé avait alors été libéré, car son renvoi ne pouvait pas être exécuté.

En ce qui concerne la troisième mise en détention, à savoir celle prononcée par
le Commissaire de police le 30 novembre 2018, l'arrêt attaqué retient à juste
titre que les conditions d'une mise en détention administrative de l'intimé
fondée sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEI sont réunies. En effet,
celui-ci avait fait l'objet d'une condamnation pénale pour vol, à savoir un
crime au sens de l'art. 75 al. 1 let. h LEI. De plus, il a été retenu à son
encontre le risque de soustraction à l'expulsion et le refus d'obtempérer aux
instructions de l'autorité. Le Tribunal fédéral ajoutera que cette
incarcération supposait l'existence de circonstances nouvelles, puisque
l'intimé avait déjà été détenu administrativement à deux reprises: dès lors
qu'il a été condamné pour crime après les deux premières détentions, un nouveau
motif de détention apparaissait. Or, celui-ci représente un changement
déterminant de circonstances autorisant une nouvelle mise en détention (ATF 140
II 1 consid. 5.2 p. 3 et les arrêts cités).

2.2. Le présent litige porte sur le point de savoir si, au regard de la durée
maximale de détention de l'art. 79 LEI, l'autorité administrative qui a ordonné
la mise en détention de l'intimé (au terme de l'exécution de la peine privative
de liberté) en application de l'art. 76 LEI, en vue de l'exécution de
l'expulsion judiciaire (art. 66a CP) prononcée par le juge pénal, devait tenir
compte de la durée des détentions administratives antérieures faisant suite au
renvoi décidé dans le cadre de la procédure d'asile.

3.

3.1. Les dispositions topiques et la jurisprudence y relative sont les
suivantes.

3.1.1. L'art. 76 LEI (dont la teneur citée ci-après est identique à celle de
l'art. 76 al. 1 let. a, b ch. 1, 3 et 4 et al. 3 LEtr en vigueur jusqu'au 31
décembre 2018) "Détention en vue du renvoi ou de l'expulsion" prévoit:

" ^1 Après notification d'une décision de première instance de renvoi ou
d'expulsion au sens de la présente loi ou d'une décision de première instance
d'expulsion au sens des art. 66a ou 66a ^bis CP ou 49a ou 49a ^bis CPM,
l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, prendre les mesures
ci-après:

a. maintenir en détention la personne concernée lorsque celle-ci est déjà
détenue en vertu de l'art. 75;

b. mettre en détention la personne concernée:

       1. pour les motifs cités à l'art. 75, al. 1, let. a, b, c, f, g ou h,

...

       3. si des éléments concrets font craindre que la personne
concernée       entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier
parce              qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en
vertu de              l'art. 90 de la présente loi ou de l'art. 8, al. 1, let.
a, ou al. 4, LAsi,

       4. si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse
à              obtempérer aux instructions des autorités,

       (...)

(...)

^3 Le nombre de jours de détention doit être comptabilisé dans la durée
maximale de détention visée à l'art. 79."

Quant à l'art. 79 LEI (dont la teneur est identique à celle de l'art. 79 LEtr
jusqu'au 31 décembre 2018), il dispose:

" ^1 La détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de
l'expulsion visées aux art. 75 à 77 ainsi que la détention pour insoumission
visée à l'art. 78 ne peuvent excéder six mois au total.

^2 La durée maximale de la détention peut, avec l'accord de l'autorité
judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs
âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants:

a. la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente; b.
l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un Etat qui ne fait
pas partie des Etats Schengen prend du retard.

(...)."

Cette réglementation est en accord avec l'art. 15 ch. 5 et 6 de la Directive
2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2008 relative
aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour
des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (ci-après: la Directive
2008/115/CE), reprise par la Suisse par arrêté du 18 juin 2010 en tant que
développement de l'acquis de Schengen (RS 0.362.380.042; JO L 348 du
24.12.2008, p. 98). Selon l'art. 15 ch. 1 de la Directive 2008/115/CE, à moins
que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être
appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent
uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait
l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à
l'éloignement, en particulier lorsqu'il existe un risque de fuite (let. a) ou
lorsque le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la
préparation du retour ou de la procédure d'éloignement (let. b); toute
rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps
que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence
requise. La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées
au ch. 1 susmentionné sont réunies et qu'il est nécessaire de garantir que
l'éloignement puisse être mené à bien; chaque État membre fixe une durée
déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois (art. 15 ch. 5 de la
Directive 2008/115/CE). Les États membres ne peuvent pas prolonger la période
visée au ch. 5, sauf pour une période déterminée n'excédant pas douze mois
supplémentaires, conformément au droit national, lorsque, malgré tous leurs
efforts raisonnables, il est probable que l'opération d'éloignement dure plus
longtemps en raison du manque de coopération du ressortissant concerné d'un
pays tiers ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents
nécessaires (art. 15 ch. 6 de la Directive 2008/115/CE).

Dans le canton de Genève, l'office cantonal de la population et des migrations
est compétent pour prendre les dispositions de mise en oeuvre de l'expulsion
prononcée par le juge pénal (art. 66a à 66b CP, entrés en vigueur le 1er
octobre 2016 [RO 2106 2329]), ainsi que pour se prononcer sur le report de
l'exécution de cette mesure (art. 66d CP); l'office peut recourir à la police
pour l'exécution de l'expulsion (art. 18 du règlement genevois du 19 mars 2014
sur l'exécution des peines et mesures [REPM; RS/GE E 4 55.05]).

3.1.2. Selon le Tribunal fédéral, pour calculer, au regard de l'art. 79 LEI, la
durée totale d'une détention ordonnée en vertu du droit des étrangers, il faut,
en cas de détentions multiples, additionner les durées de détention d' une
seule et même procédure de renvoi. En revanche, si la décision de mise en
détention intervient dans le cadre d' une nouvelle procédure de renvoi
 indépendante des procédures antérieures, les délais légaux recommencent à
courir et une détention est à nouveau admissible pour la durée maximale prévue.
Il a été jugé qu'il y avait, notamment, une nouvelle procédure de renvoi
lorsqu'une procédure antérieure s'est achevée par une expulsion réussie ou par
un départ volontaire de l'étranger et que, par la suite, celui-ci revient en
Suisse et doit être à nouveau expulsé; il en va de même dans la situation
suivante: la personne étrangère obtient un droit de séjour dans notre pays,
alors qu'une procédure d'expulsion était en cours, de sorte que le renvoi
prononcé antérieurement est caduc; l'intéressée perd toutefois son titre de
séjour ultérieurement, ce qui entraîne une nouvelle décision de renvoi (ATF 143
II 113 consid. 3.2 p. 117; 140 II 74 consid. 2.3 p. 76). Ces cas ne sont pas
exhaustifs.

3.2. Le recourant relève que, contrairement à la première mise en détention qui
faisait suite à une décision de renvoi basée sur la loi fédérale du 26 juin
1998 sur l'asile (ci-après: la loi sur l'asile ou LAsi; RS 142.31) et prononcée
par l'autorité administrative, celle ordonnée par le Commissaire de police le
30 novembre 2018 se fonderait sur une expulsion de droit pénal décrétée par une
autorité judiciaire; outre qu'elles seraient prises par des autorités
différentes, ces décisions le seraient également en application de lois
différentes, à savoir la loi sur l'asile dans un cas et le code pénal dans
l'autre. En outre, une expulsion pénale devrait être effectuée indépendamment
d'un renvoi prononcé en vertu du droit des étrangers. L'art. 76 al. 1 LEI
permettrait la mise en détention soit après la notification d'une décision de
première instance de renvoi ou d'expulsion (relevant du droit des étrangers),
soit après une décision de première instance d'expulsion de droit pénal; la
détention pourrait donc être ordonnée pour assurer l'exécution de mesures
d'éloignement différentes. Dès lors, une nouvelle durée de détention au sens de
l'art. 79 LEI devrait commencer à courir pour l'exécution de chacune de ces
mesures.

3.3. Il faut commencer par préciser que la mise en détention de l'art. 76 LEI
prononcée en l'espèce doit être distinguée de celle ordonnée par le juge pénal
pour des motifs de sûreté, afin de garantir l'exécution de l'expulsion
judiciaire obligatoire (art. 66a CP), qui est une mesure à caractère pénal,
prononcée en première instance et fondée sur les art. 220 al. 2 et 231 al. 1
let. a CPP (ATF 143 IV 168 consid. 3.2 p. 171).

La compétence de l'autorité pénale découle donc des art. 220 al. 2 et 231 al. 1
let. a CPP, tandis que celle des autorités administratives repose sur l'art. 76
LEI. Lorsque l'expulsion prononcée par le juge pénal n'est encore ni
définitive, ni exécutoire, le juge pénal de la détention reste compétent en la
matière: l'art. 220 al. 2 CPP a été expressément modifié en ce sens dans le
cadre de l'adaptation du code pénal à l'art. 121 al. 3 à 6 Cst. (initiative
pour le renvoi des criminels étrangers: FF 2013 p. 5444). Ainsi, la détention
pour des motifs de sûreté suppose qu'aucun jugement ne soit encore entré en
force et prend fin au moment, entre autres cas de figure, où l'expulsion est
exécutée (art. 220 al. 2 CPP). Cette compétence de l'autorité pénale n'empêche
cependant pas les autorités administratives d'intervenir avant ce stade: l'art.
76 al.1 LEI permet à l'autorité administrative de placer ou de maintenir en
détention administrative la personne concernée dès la notification d'une
décision de "première instance" d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP,
c'est-à-dire avant l'entrée en force du jugement pénal. L'expulsion judiciaire
obligatoire devra ensuite être mise en oeuvre par l'autorité administrative
(cf. ATF 143 IV 168 consid. 3.2 et 3.3 p. 171).

3.4. En l'espèce, la décision de renvoi du 22 juillet 2008, prise dans le cadre
de la procédure d'asile et qui a engendré une détention du 13 août 2009 au 11
novembre 2010, puis vraisemblablement une seconde du 19 novembre 2015 au 4
janvier 2016, n'a pas pu être exécutée et est toujours ouverte. Par la suite,
le juge pénal a ordonné l'expulsion judiciaire le 24 septembre 2018, ce qui a
entraîné la mise en détention litigieuse (au terme de l'exécution de la peine
privative de liberté infligée à l'intimé), pour une durée de six mois,
prononcée le 30 novembre 2018 par le Commissaire de police. Il s'agit là d'une
détention administrative, décidée par une autorité administrative, sur la base
de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEI. A ce stade de la procédure, le
juge pénal n'était plus compétent pour prononcer une mesure de détention pour
des motifs de sûreté, afin de garantir l'exécution de l'expulsion pénale. Cela
étant, la décision de mise en détention du 30 novembre 2018 du Commissaire de
police, si elle est basée sur la loi sur les étrangers, résulte de l'expulsion
judiciaire décidée le 24 septembre 2018. Il s'agit donc de l'exécution d'une
expulsion décidée par le juge pénal sur la base de l'art. 66a al. 1 CP et non
de celle d'un renvoi ordonné par l'autorité administrative. Ladite expulsion ne
relève donc pas de la procédure d'asile.

3.4.1. Le renvoi décidé dans le cadre de la procédure d'asile et l'expulsion
judiciaire se distinguent sur plusieurs points. Le premier est une mesure de
droit administratif fondée sur les art. 44 et 45 LAsi. La seconde relève du
droit pénal, à savoir l'art. 66a CP. Ces deux types de mesure sont également
ordonnées par des autorités différentes, à savoir l'autorité administrative et
le juge pénal. En outre, le renvoi en matière d'asile constitue une mesure
d'éloignement (Entfernungs-massnahme) : il met fin à un séjour qui n'est pas
autorisé. L'expulsion judiciaire, pour sa part, ne dépend pas de l'existence
d'un titre de séjour: la détention d'un tel titre n'empêche pas le juge pénal
de la prononcer. Ledit renvoi, sous réserve d'une interdiction d'entrée
ordonnée conjointement, n'empêche pas l'étranger de revenir en Suisse pour un
séjour qui ne nécessite pas une autorisation. Un tel retour n'est pas possible
après une expulsion judiciaire (Fernhaltemassnahme) qui représente également
une interdiction d'entrée dont la violation est punissable (cf. art. 291 CP).
De plus, cette expulsion peut être prononcée indépendamment du fait qu'une
décision de renvoi ait été rendue au préalable et inversement. Il découle de
ces éléments que la mise en détention de l'art. 76 al. 1 LEI peut être ordonnée
pour assurer l'exécution de mesures d'éloignement différentes et indépendantes
l'une de l'autre. Cette indépendance des procédures est confortée par la teneur
de l'art. 26g al. 1 de l'ordonnance fédérale du 11 août 1999 sur l'exécution du
renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE; RS 142.281) qui règle le concours
de l'expulsion pénale et du renvoi prononcé dans le cadre d'une procédure
d'asile et selon lequel l'exécution de la première prime l'exécution du second.

3.4.2. En outre, comme exposé ci-dessous, l'indépendance de ces deux procédures
ressort également la Directive 2008/115/CE. La durée maximale de la détention
de l'art. 79 LEI constitue la mise en oeuvre de l'art. 15 ch. 5 et 6 de la
Directive 2008/115/CE (cf. consid. 3.1.1; cf. Message du 18 novembre 2009 sur
l'approbation et la mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et la
CE concernant la reprise de la directive CE sur le retour [directive 2008/115/
CE] [développement de l'acquis de Schengen] et sur une modification de la loi
fédérale sur les étrangers [contrôle automatisé aux frontières, conseillers en
matière de documents, système d'information MIDES]) (FF 2009 8043, spéc. 8062).
Selon l'art. 2 de la Directive 2008/115/CE, celle-ci (et en particulier la
durée maximale de détention prévue à l'art. 15 ch. 5 et 6 de ladite directive)
s'applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le
territoire d'un État membre (ch. 1); néanmoins, les États membres peuvent
décider de ne pas l'appliquer, notamment, aux ressortissants de pays tiers
faisant l'objet d'une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur
retour, conformément au droit national, ou faisant l'objet de procédures
d'extradition (ch. 2 let. b).

La Directive 2008/115/CE part donc du principe que les mesures relevant du
droit des étrangers respectivement du droit pénal peuvent être organisées de
façon autonome et que, par conséquent, les durées de détention prévues à l'art.
15 de ladite directive ne s'appliquent pas aux personnes qui sont obligées de
rentrer dans leur pays en raison d'une sanction pénale.

3.4.3. Il découle de ce qui précède que la mise en détention découlant de
l'expulsion judiciaire ordonnée par le juge pénal sur la base de l'art. 66a CP
ne s'inscrit pas dans la même procédure de renvoi, au sens de la jurisprudence
susmentionnée (cf. consid. 3.1.2), que celle faisant suite à un refus d'entrée
en matière sur une demande d'asile.

3.5. Cela étant, la durée de la détention administrative, envisagée dans son
ensemble, doit toujours respecter le principe de la proportionnalité (ATF 140
II 409 consid. 2.1 p. 411; 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 107; 134 I 92 consid.
2.3.1 p. 96; 133 II 97 consid. 2.2 p. 99). Or, le cumul possible de la
détention ordonnée à la suite d'un renvoi décidé dans le cadre de la procédure
d'asile et de celle ordonnée à la suite d'une expulsion judiciaire peut,
lorsque ces deux détentions se suivent rapidement dans le temps, violer ledit
principe. Il faut, pour que la mesure se révèle proportionnelle, que plusieurs
années se soient écoulées entre les deux procédures.

Dans la présente affaire, le temps écoulé entre le renvoi résultant de la
procédure d'asile et l'expulsion judiciaire est extrêmement important. En
effet, la décision de renvoi remonte au 22 juillet 2008 et le premier placement
en détention y relatif au 13 août 2009; l'expulsion judiciaire a, pour sa part,
été prononcée le 24 septembre 2018 et la mise en détention en résultant date du
30 novembre suivant. Compte tenu de cet élément, il n'est pas contraire au
principe de la proportionnalité de considérer que l'intimé puisse être à
nouveau détenu et qu'un nouveau délai légal (art. 79 al. 1 LEI) commence à
courir.

3.6. En conclusion, la détention résultant de l'expulsion judiciaire prononcée
par le juge pénal sur la base de l'art. 66a CP ne s'additionne pas, en
l'espèce, à la durée des détentions antérieures décidées par l'autorité
administrative dans le cadre de la procédure d'asile, compte tenu des dix ans
qui séparent les deux procédures; elle fait partir un nouveau délai au regard
de l'art. 79 al. 1 LEI.

4. 

Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours. L'arrêt du
28 décembre 2018 de la Cour de justice est annulé et la décision du 30 novembre
2018 du Commissaire de police ordonnant la mise en détention de l'intimé pour
une durée de six mois est confirmée.

L'assistance judiciaire a été octroyée à l'intimé, par ordonnance du 21 février
2019 du Président de la IIe Cour de droit public qui a désigné Me Pascal Aeby
comme défenseur d'office. Il en résulte qu'aucun frais judiciaire ne sera perçu
et qu'une indemnité à titre d'honoraires, supportée par la caisse du Tribunal
fédéral (art. 64 al. 1 et 2 LTF), sera versée à Me Pascal Aeby. Le montant sera
fixé par le Tribunal fédéral en fonction de l'importance et de la difficulté de
la cause, ainsi que selon le travail effectué (art. 2 al. 1 et 6 du Règlement
31 mars 2006 sur les dépens alloués à la partie adverse et sur l'indemnité pour
la représentation d'office dans les causes portées devant le Tribunal fédéral
[RS 173.110.210.3]). Les circonstances de l'espèce ne commandent pas de
s'écarter du montant habituellement octroyé à ce titre.

Aucun dépens ne sera alloué au Secrétariat d'Etat aux migrations, qui obtient
gain de cause dans l'exercice de ses attributions officielles (art. 68 al. 1 et
3 LTF). L'affaire sera renvoyée à la Cour de justice pour qu'elle statue à
nouveau sur les frais et dépens de la procédure menée devant elle (cf. art. 67
LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est admis. L'arrêt du 28 décembre 2018 de la Cour de justice est
annulé et la décision du 30 novembre 2018 du Commissaire de police ordonnant la
mise en détention de l'intimé pour une durée de six mois est confirmée.

2. 

Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3. 

Une indemnité de 2'500 fr. est versée à Me Pascal Aeby à titre d'honoraires à
payer par la Caisse du Tribunal fédéral.

4. 

La cause est renvoyée à la Cour de justice pour une nouvelle décision sur les
frais et dépens de la procédure antérieure.

5. 

Le présent arrêt est communiqué au Secrétariat d'Etat à la migration, au
mandataire de l'intimé, au Commissaire de police et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre administrative.

Lausanne, le 18 novembre 2019

Au nom de la IIe Cour de droit public

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Seiler

La Greffière : Jolidon