Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.109/2019
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

2C_109/2019

Arrêt du 8 avril 2019

IIe Cour de droit public

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,

Zünd et Aubry Girardin.

Greffier : M. Jeannerat.

Participants à la procédure

République et canton de Genève, agissant par le Conse il d'Etat,

recourant,

contre

X._________ AG,

représentée par Me Pierre Banna, avocat,

intimée.

Objet

Autorisation d'exploiter une organisation d'aide et de soins à domicile,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, du 4 décembre 2018 (ATA/1299/2018).

Considérant en fait et en droit :

1. 

En date du 3 avril 2018, le Département de l'emploi et de la santé du canton de
Genève (ci-après: le Département cantonal) a refusé de délivrer à la société
X._________ AG, domiciliée à Zoug, l'autorisation d'exploiter une organisation
d'aide et de soins à domicile sur le territoire du canton de Genève. Il a
justifié son refus par le fait que la société ne disposait pas de locaux dans
le canton, alors même qu'il s'agissait, selon lui, d'une condition
indispensable à l'octroi d'une telle autorisation.

La Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a admis,
par arrêt du 4 décembre 2018, le recours déposé par la société X._________ AG
contre la décision précitée. Elle a annulé celle-ci et renvoyé la cause au
Département cantonal pour qu'il rende une nouvelle décision au sens des
considérants. Elle a en substance estimé qu'à l'aune du droit cantonal,
l'exigence, pour une institution de santé, de disposer de locaux dans le canton
de Genève n'était pas absolue, mais devait être appréciée au cas par cas, ce
que n'avait pas fait le Département cantonal dans le cas d'espèce.

2. 

Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la République et
canton de Genève, agissant par son Conseil d'Etat, demande au Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt de la Cour de justice précité et de confirmer la décision du
Département cantonal du 3 avril 2018. Subsidiairement, elle conclut à
l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à la Cour de justice
pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Invoquant l'arbitraire,
elle reproche à l'instance judiciaire cantonale d'avoir procédé à une
appréciation manifestement insoutenable des faits et à une interprétation
arbitraire du droit cantonal.

3. 

Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et
contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 II
113 consid. 1 p. 116).

3.1. En l'espèce, l'arrêt attaqué, rendu en dernière instance cantonale par un
tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), concerne une demande
d'autorisation d'exploiter une organisation d'aide et de soins à domicile dans
le canton de Genève. Comme cette problématique relève du droit public et
qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée, la voie du
recours en matière de droit public est ouverte sur la base de l'art. 82 let. a
LTF.

3.2. Dirigé contre un arrêt de renvoi de la Cour de justice ayant annulé la
décision du Département cantonal du 3 avril 2018, le présent recours a été
déposé par la République et canton de Genève, agissant par son Conseil d'Etat.
Il convient dès lors de s'interroger sur la qualité pour recourir du canton.

3.3. L'art. 89 al. 2 LTF prévoit qu'une collectivité peut jouir de la qualité
pour recourir au Tribunal fédéral à divers titres spécifiques. En l'occurrence,
la République et canton de Genève ne relève d'aucune des hypothèses ancrées
dans cette disposition. Elle ne prétend d'ailleurs pas le contraire dans son
recours. Elle ne peut notamment pas invoquer une violation de son autonomie au
sens de l'art. 89 al. 2 let. c LTF. De jurisprudence constante, un canton ne
peut en effet pas se prévaloir d'une telle garantie à l'encontre d'un acte de
puissance publique cantonal rendu par sa dernière instance judiciaire
administrative (ATF 133 II 400 consid. 2.4.1 p. 405 s.; arrêt 2C_1023/2017 du
21 décembre 2018 consid. 3.2.1 et références citées). Le droit fédéral spécial
ne confère en outre aucun droit de recours aux cantons, respectivement aux
organes cantonaux d'exécution des assurances sociales, s'agissant de la
surveillance des organisations de soins à domicile prodiguant des soins
couverts par l'assurance-maladie obligatoire (cf. art. 89 al. 2 let. d LTF en
lien avec art. 62 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des
assurances sociales du 6 octobre 2000 [LPGA, RS 830.1] et art. 27 de
l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 [OAMal, RS 832.102] a
contrario).

3.4. Reste à savoir si la République et canton de Genève peut en l'espèce
fonder sa qualité pour recourir sur la norme générale de l'art. 89 al. 1 LTF,
comme elle le prétend dans ses écritures.

3.5. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en
matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité
précédente ou a été privé de la possibilité de la faire, est particulièrement
atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué et a un intérêt digne de
protection à son annulation ou à sa modification.

Selon la jurisprudence, une collectivité publique peut fonder son recours sur
cette disposition dans deux situations: lorsqu'elle est atteinte de la même
manière qu'un particulier dans sa situation juridique ou matérielle, notamment
s'il s'agit de sauvegarder son patrimoine administratif ou financier, ou
lorsqu'elle est touchée dans ses prérogatives de puissance publique (" in ihren
hoheitlichen Befugnissen berührt ") et dispose d'un intérêt public propre digne
de protection à l'annulation ou à la modification de l'acte attaqué (cf. ATF
141 II 161 consid. 2.1 p. 164; 140 I 90 consid. 1.2.2 p. 93 s. et les
références citées). Lorsqu'il est porté atteinte à ses intérêts spécifiques, la
collectivité publique peut ainsi se voir reconnaître la qualité pour recourir,
pour autant qu'elle soit touchée de manière qualifiée (cf. ATF 141 II 161
consid. 2.3 p. 166; 140 I 90 consid. 1.2.2 et 1.2.4 p. 94; arrêt 2C_1105/2016
du 20 février 2018 consid. 1.3.1). Tel est le cas lorsque l'acte attaqué
concerne des intérêts publics essentiels dans un domaine qui relève de sa
compétence propre (ATF 137 IV 269 consid. 1.4 p. 274; arrêt 2C_282/2017 du 4
décembre 2017 consid. 1.2 et les références citées). Un intérêt général à une
correcte application du droit n'est cependant pas suffisant au regard de l'art.
89 al. 1 LTF (ATF 140 I 90 consid. 1.2.2 p. 93; 135 II 156 consid. 3.1 p. 159;
134 II 45 consid. 2.2.1 p. 47). Compte tenu de ces principes, la qualité pour
recourir du canton dérivée de la disposition précitée ne doit être admise que
de manière restrictive. Il convient en particulier de faire preuve d'une
retenue particulière lorsque s'opposent des organes d'une même collectivité
publique, notamment les autorités exécutives et judiciaires cantonales (cf. ATF
141 II 161 consid. 2.1 et 2.2 p. 164), ce d'autant plus lorsqu'il s'agit
d'interpréter, respectivement d'appliquer du droit cantonal (cf. ATF 141 II 161
consid. 2.2 p. 164 s.).

3.6. En l'occurrence, dans son arrêt, la Cour de justice a considéré qu'au
regard de la loi genevoise sur la santé du 7 avril 2006 (LS/GE; RSGE K 1 03),
une institution de santé n'était obligée de disposer de locaux dans le canton
de Genève que si ceux-ci étaient nécessaires à l'exercice de son activité. Elle
a ainsi opéré une interprétation du droit cantonal qui diverge de celle du
Département cantonal - pour qui la disposition de locaux dans le canton
constituerait une exigence absolue - avant d'ordonner à cette autorité de
réexaminer s'il était véritablement nécessaire que la société X._________ AG
ait des locaux à Genève, afin d'y exercer une activité d'aide et de soins à
domicile. Dans ce contexte, on peine à voir en quoi cet arrêt de renvoi
toucherait la République et canton de Genève comme n'importe quel particulier,
ni qu'il atteindrait celle-ci de manière importante dans ses prérogatives de
puissance publique. Dans son recours, le Conseil d'Etat genevois, agissant au
nom et pour le compte du canton, prétend que la Cour de justice aurait apprécié
les preuves et appliqué le droit de manière arbitraire et que l'exigence de
disposer de locaux dans le canton de Genève serait manifestement donnée
s'agissant de la société X._________ AG. Ce faisant, il demande au Tribunal
fédéral de trancher un conflit interne quant à la juste application de normes
cantonales. Or, comme exposé ci-avant, le simple intérêt à la juste application
du droit ne confère pas au canton la qualité pour recourir au sens de l'art. 89
al. 1 LTF.

Il est certes possible que l'arrêt attaqué, en tant qu'il conclut qu'une
institution de santé ne doit pas forcément disposer de locaux à Genève pour y
déployer des activités, ait pour conséquence de compliquer la surveillance des
prestataires de services dans le domaine de la santé, en particulier en matière
de soins à domicile. Cela ne suffit toutefois pas à reconnaître que le canton
serait en l'occurrence touché de manière qualifiée dans ses prérogatives de
puissance publique, ce d'autant moins qu'il ressort de l'arrêt que les
organisations de soins à domicile, telles que la société X._________ AG,
doivent satisfaire à d'autres conditions légales que l'exigence de locaux si
elles entendent déployer des activités à Genève et que ces autres conditions
permettent a priori d'assurer la protection des patients. Dans la motivation de
son recours, le Conseil d'Etat genevois ne démontre pas que l'interprétation du
droit cantonal préconisée par la Cour de justice empêcherait la République et
canton de Genève de mener à bien sa politique cantonale en matière de santé et
de satisfaire aux exigences légales fédérales et cantonales dans ce domaine. Il
se contente de faire état de la difficulté de surveiller une organisation de
soins à domicile domiciliée dans un autre canton et de l'intérêt pratique à
pouvoir inspecter directement ses locaux à Genève, le cas échéant en urgence.

3.7. Sur le vu de ce qui précède, il convient de considérer qu'en l'espèce, la
République et canton de Genève n'a pas qualité pour recourir au sens de l'art.
89 LTF.

3.8. Il s'ensuit que le recours déposé par la République et canton de Genève
doit être déclaré irrecevable pour défaut de qualité pour recourir, sans qu'il
soit au demeurant nécessaire d'examiner si l'arrêt de renvoi attaqué, en tant
que décision incidente, pouvait faire l'objet d'un recours au sens de l'art. 93
al. 1 LTF.

4. 

Il n'est pas imposé de frais judiciaire à charge du canton qui a agi dans
l'exercice de ses attributions officielles sans que son intérêt patrimonial ne
soit en cause (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Il n'est pas alloué de dépens, aucun
échange d'écritures n'ayant été ordonné (art. 68 LTF).

 par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est irrecevable.

2. 

Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3. 

Le présent arrêt est communiqué au Conseil d'Etat du canton de Genève, au
mandataire de l'intimée, à la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé
publique (OFSP), Berne.

Lausanne, le 8 avril 2019

Au nom de la IIe Cour de droit public

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Seiler

Le Greffier : Jeannerat