Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.702/2017
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                [displayimage]  
 
 
8C_702/2017  
 
 
Arrêt du 17 septembre 2018  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard, Heine, Wirthlin et
Viscione. 
Greffière : Mme von Zwehl. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Daniel Känel, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse
1, 6004 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (réduction des prestations; rixe), 
 
recours contre le jugement de la Ie Cour des assurances sociales du Tribunal
cantonal fribourgeois du 24 août 2017 (605 2017 1). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ était apprenti électronicien chez B.________. A ce titre, il
était assuré contre les accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA).  
Le 8 juillet 2013, il a déposé une plainte pénale pour lésions corporelles
simples, menaces, injures et dommages à la propriété. Selon le rapport de
dénonciation, il s'est rendu le 6 juillet 2013 aux rencontres des jeunesses à
U.________, où il a campé du samedi au dimanche matin. Lors de son départ, le
dimanche vers 9h30, il s'est fait insulter par quatre jeunes hommes qui se
trouvaient dans un véhicule et qui s'apprêtaient également à quitter les lieux.
Le plaignant leur a répondu. Le conducteur de la voiture est alors sorti et
s'est dirigé vers lui. Arrivé à sa hauteur, il l'a aussitôt frappé. Le
plaignant s'est défendu à l'aide d'un casque de moto qu'il tenait dans une
main. Immédiatement après, les trois passagers du véhicule sont également
sortis et ont, à leur tour, frappé le plaignant. Un de ces jeunes criait à son
copain:  "tue-le, tue-le!". Les quatre individus ont ensuite menacé le
plaignant en lui disant:  "on va se revoir". Selon le rapport d'enquête de la
gendarmerie cantonale du 5 septembre 2013, les agresseurs de A.________ n'ont
pas pu être identifiés, bien que deux personnes aient été témoins des faits, à
savoir l'amie du plaignant qui l'accompagnait et une dame qui est intervenue
sur les lieux. Aussi bien le Procureur a-t-il suspendu la procédure pénale par
ordonnance du 15 octobre 2013.  
L'assuré a subi une luxation de l'épaule droite. Les examens n'ont pas révélé
de lésion osseuse traumatique visible ni de luxation AC (acromio-claviculaire)
ou gléno-humérale. La CNA a pris en charge le cas. 
 
A.b. Le 10 août 2015, l'employeur a annoncé une rechute par déclaration de
sinistre LAA en raison de douleurs à l'épaule droite apparues en juin 2015. Un
rapport d'IRM établi le 14 octobre 2015, évoque un conflit sous-acromial avec
une tendinopathie, ainsi qu'une discrète réaction inflammatoire en dessus du
tendon du muscle sus-épineux. Il fait état d'une très discrète altération du
tendon du muscle sous-scapulaire dans sa partie supérieure. Les altérations du
labrum, dans sa partie antérieure, peuvent correspondre à une ancienne lésion
de cette structure anatomique. Toutefois, il n'y a pas de fragment déplacé
actuellement.  
Le 15 mars 2016, l'assuré a été entendu par un agent de la CNA. Revenant sur
les faits survenus le 7 juillet 2013, il a précisé qu'avant de se faire
insulter, il ne s'était pas adressé aux occupants du véhicule, ni oralement, ni
par geste. Il s'est fait insulter "avec pleins de noms d'oiseaux et notamment
par pédé A.________". Il avait répondu: "Allez vous faire foutre". C'est alors
que le conducteur était sorti de la voiture et, sans dire un mot, lui avait
asséné un coup de poing au visage. Il avait réagi et s'était défendu au moyen
du casque de moto qu'il tenait dans sa main en frappant le conducteur à la
tête. Immédiatement après les autres occupants de la voiture étaient sortis du
véhicule et l'avaient frappé violemment. 
Le 1 ^er juin 2016, la CNA a fait savoir à l'assuré que, selon son service
médical, il n'existait pas de lien de causalité avéré, ni même probable, entre
l'accident du 7 juillet 2013 et les lésions de l'épaule droite déclarées. Par
conséquent, elle refusait d'allouer des prestations d'assurance pour la rechute
annoncée. L'assuré a manifesté son désaccord par lettre du 28 octobre 2016. Par
décision du 11 novembre 2016, confirmée sur opposition du 9 décembre 2016, la
CNA, après un réexamen de la situation médicale avec son médecin-conseil, a
accepté d'allouer ses prestations. Toutefois, elle a réduit les prestations en
espèces de moitié au titre d'une participation à une rixe.  
 
B.   
Statuant le 24 août 2017, la I ^e Cour des assurances sociales du Tribunal
cantonal fribourgeois a rejeté le recours formé contre la décision sur
opposition par l'assuré.  
 
C.   
A.________ forme un recours en matière de droit public dans lequel il conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la CNA pour nouvelle
décision. Il demande à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. 
La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique et
l'autorité précédente ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de
droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (
art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) prévu
par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.   
Le litige porte sur le bien-fondé de la réduction des prestations en espèces
opérée par la CNA, de sorte que le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de
fait constaté par la juridiction précédente (cf. art. 97 al. 2 et 105 al. 3
LTF). 
 
3.  
 
3.1. L'art. 49 al. 2 OLAA [RS 832.202] dispose que les prestations en espèces
sont réduites au moins de moitié en cas d'accident non professionnel survenu
notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que
l'assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu'il ne prenait aucune
part à la rixe ou à la bagarre ou qu'il venait en aide à une personne sans
défense (let. a). La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est
plus large que celle de l'art. 133 CP. Pour admettre l'existence d'une telle
participation, il suffit que l'assuré entre dans la zone de danger, notamment
en participant à une dispute. Peu importe qu'il ait effectivement pris part
activement aux faits ou qu'il ait ou non commis une faute: il faut au moins
qu'il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. En revanche,
il n'y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus
généralement lorsque l'assuré se fait agresser physiquement, sans qu'il y ait
eu au préalable une dispute, et qu'il frappe à son tour l'agresseur dans un
mouvement réflexe de défense (arrêts 8C_575/2017 du 26 avril 2018 consid. 3;
8C_459/2017 du 16 avril 2018 consid. 4.1; 8C_600/2017 du 26 mars 2018 consid.
3; 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 3; 8C_263/2013 du 19 août 2013).  
 
3.2. Par ailleurs, il doit exister un lien de causalité entre le comportement
de la personne assurée et le dommage survenu. Si l'attitude de l'assuré - qui
doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre - n'apparaît
pas comme une cause essentielle de l'accident ou si la provocation n'est pas de
nature, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à
entraîner la réaction de violence, l'assureur-accidents n'est pas autorisé à
réduire ses prestations d'assurance. Il convient de déterminer
rétrospectivement, en partant du résultat qui s'est produit, si et dans quelle
mesure l'attitude de l'assuré apparaît comme une cause essentielle de
l'accident (ATF 134 V 315 consid. 4.5.1.2 p. 320). A cet égard, les diverses
phases d'une rixe, respectivement d'une bagarre, forment un tout et ne peuvent
être considérées indépendamment l'une de l'autre (arrêt 8C_600/2017 du 26 mars
2018 consid. 3 et les arrêts cités).  
 
4.  
 
4.1. Les premiers juges considèrent qu'envoyer quelqu'un  "se faire foutre",
même sous le coup de la provocation, n'est pas anodin. Selon eux, à l'instar
du  "doigt d'honneur", l'expression utilisée par le recourant est dotée d'une
connotation sexuelle sans équivoque et a vocation à humilier la personne à qui
elle s'adresse. L'assuré aurait pu demander qu'on le  "laisse tranquille" ou, à
la limite, qu'on lui  "foute la paix". Il aurait aussi pu se contenter de
rester silencieux malgré l'altercation verbale provoquée par ses opposants,
voire d'ignorer leurs propos et de quitter les lieux sans demander son reste
dès lors qu'il était déjà sur le départ. Au vu du caractère de surenchère des
propos assumés du recourant, la réaction de l'agresseur n'était pas si
imprévisible et inattendue qu'il faille admettre qu'il n'existe aucun lien
entre la parole prononcée et les coups qui ont suivis. Selon la cour cantonale
toujours, les propos tenus par le recourant étaient manifestement susceptibles,
au vu du contexte d'emblée tendu, d'entraîner une réaction de violence telle
qu'elle s'est effectivement produite. Aux dires même d'ailleurs du recourant,
"leurs intentions [de ses agresseurs] m'étaient claires dès le début, soit
chercher la bagarre". Son argument selon lequel il ne serait pas à l'origine de
l'altercation et n'aurait fait que se défendre ne lui était par conséquent
d'aucun secours dès lors que, même sans l'avoir réellement initiée, il s'était
mis volontairement dans une zone de danger qu'il reconnaissait avoir
parfaitement jaugée.  
 
4.2. En l'espèce, à l'instar des premiers juges, il convient de se fonder sur
les déclarations faites par le recourant à la gendarmerie et lors de son
audition par un agent de la CNA. En l'absence d'indices contraires, on peut les
tenir pour dignes de foi. Le recourant a en effet immédiatement déposé une
plainte pénale à la suite des faits et, par la suite, il a spontanément admis
avoir prononcé les mots litigieux. La CNA, au demeurant, n'a jamais mis en
doute la version de son assuré.  
 
4.3. A partir de là, contrairement à l'opinion des premiers juges, on ne
saurait considérer, dans le présent contexte tout au moins, que l'expression
incriminée est constitutive d'une injure (sur cette notion en droit pénal, voir
l'arrêt 6B_557/2013 du 12 septembre 2013 consid. 1.1). Il s'agit d'une locution
que l'on peut certes qualifier de vulgaire, mais qui, dans le cas particulier,
peut être comprise comme signifiant, familièrement dit,  "dégage", ou  "va te
faire fiche" ou encore "  va te faire voir ". Dans le langage courant actuel,
elle est dépourvue de connotation sexuelle contrairement aussi à ce que retient
la juridiction cantonale. Son sens étymologique (se faire posséder sexuellement
selon le Grand Robert, dictionnaire de la langue française dans sa version
électronique) est aujourd'hui sorti de l'usage. On peut en outre sérieusement
douter que les occupants du véhicule, qui avaient provoqué gratuitement et sans
doute assez gravement le recourant en proférant des insultes à son endroit, se
soient sentis particulièrement humiliés par les mots de ce dernier. De plus, on
ne saurait guère attendre d'un jeune homme, alors âgé de 19 ans, qu'il se
laisse insulter par d'autres jeunes gens tout en restant silencieux ou qu'il
réagisse en des termes choisis. Les mots employés par le recourant
s'inscrivaient dans le contexte particulier d'une agression verbale et
relevaient d'une réaction spontanée à celle-ci. Si véritablement les intentions
des agresseurs devaient être claires dès le début, on peut alors penser que
ceux-ci ont saisi le prétexte de cette réaction pour frapper le recourant. Ce
n'est du reste pas tant les mots en question qui sont à l'origine des coups qui
ont été portés au recourant par les quatre occupants du véhicule que le fait
que l'assuré a tenté de se défendre au moyen de son casque contre le premier
agresseur. C'est ce geste de défense qui a visiblement provoqué un désir de
vengeance des trois autres protagonistes restés jusque-là à l'intérieur du
véhicule avant de venir frapper à leur tour l'assuré. L'injonction répétée 
"tue-le, tue-le ! " proférée par l'un d'entre eux et la menace  "on va se
revoir" constituent des indices sérieux de cette volonté de vengeance.  
 
4.4. En définitive il n'y a pas eu de dispute préalable dans laquelle se serait
engagé imprudemment le recourant. Son mouvement de défense au moyen de son
casque était légitime. Malgré les termes employés, sa réponse aux insultes
proférées ne suffisait pas à le placer dans la zone de danger exclue par
l'assurance.  
 
4.5. Dans ces conditions, il n'y avait pas lieu à réduction des prestations en
application de l'art. 49 al. 2 OLAA. On notera, pour terminer, que les faits de
la présente cause ne sont pas comparables à la situation jugée dans l'arrêt
8C_932/2012 du 22 mars 2013 où un assuré qui se trouvait dans sa voiture avec
sa femme dans un parking a été passé à tabac par deux jeunes gens auxquels ils
avaient montré un doigt d'honneur, geste qui présentait indéniablement un
caractère obscène et qui passait pour une provocation (cf. consid. 4 de
l'arrêt).  
 
4.6. Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours.  
 
5.   
L'intimée, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF)
et versera une indemnité de dépens au recourant (art. 68 al. 1 LTF). La demande
d'assistance judiciaire est dès lors sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis et l'arrêt de la I ^e Cour des assurances sociales du
Tribunal cantonal fribourgeois du 24 août 2017 est annulé. La décision sur
opposition du 9 décembre 2016 est modifiée en ce sens que le recourant a droit
à des prestations non réduites.  
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.   
L'intimée versera au recourant une indemnité de 2'800 fr. au titre de dépens
pour la procédure fédérale. 
 
4.   
La cause est renvoyée au tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau sur les
dépens de l'instance cantonale, compte tenu de l'issue du litige devant le
Tribunal fédéral. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la I ^e Cour des assurances
sociales du Tribunal cantonal fribourgeois et à l'Office fédéral de la santé
publique.  
 
 
Lucerne, le 17 septembre 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
La Greffière : von Zwehl 

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