Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.986/2017
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                [displayimage]  
 
 
2C_986/2017  
 
 
Arrêt du 28 juin 2018  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Zünd, Aubry Girardin, Donzallaz et Stadelmann. 
Greffier: M. Tissot-Daguette. 
 
Participants à la procédure 
A.X.________ et B.X.________, 
représentés par Me Michel Lambelet, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Administration fiscale cantonale de la République 
et canton de Genève. 
 
Objet 
Impôt fédéral direct et impôts cantonal et communal 2010 et 2011, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la
République et canton de Genève du 10 octobre 2017 (ATA/1384/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
B.X.________ et A.X.________ sont domiciliés dans le canton de Genève.
B.X.________, qui exerce une activité indépendante de physiothérapeute, est
seule héritière de feu son père, décédé le 5 novembre 2005, la veuve de
celui-ci ayant répudié la succession. Le défunt exploitait un cabinet
d'architecte et était actif dans le domaine immobilier. Pour les périodes
fiscales 2002 à 2005, l'Administration fiscale cantonale de la République et
canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale) a taxé le défunt sur un
revenu nul en raison des pertes subies dans son activité indépendante (pertes
de 150'332 fr. en 2002, de 507'501 fr. en 2003, de 231'411 fr. en 2004 et de
330'702 fr. en 2005). A la suite du décès de son père, B.X.________ a poursuivi
l'activité indépendante de ce dernier dès l'année 2006 en reprenant ses comptes
commerciaux. 
Dans leurs déclarations fiscales 2006 à 2008, les époux X.________ ont fait
valoir en déduction de leurs revenus les pertes subies par le père de
l'intéressée. L'Administration fiscale a refusé de prendre en considération ce
report de pertes, mais a tenu compte des actifs et passifs de la succession
dans la détermination de la fortune imposable du couple. Elle a rejeté les
réclamations élevées par les intéressés, faute d'intérêt actuel, leurs revenus
imposables pour ces années étant nuls, même sans prendre en compte les pertes
de l'activité du défunt. Pour l'année fiscale 2009, l'Administration fiscale,
sur réclamation, a ramené le revenu imposable des époux à 0 fr., admettant la
déduction des pertes commerciales des exercices 2006 à 2008 de l'activité
indépendante de l'intéressée. Ce montant de revenu imposable a été confirmé sur
recours par le Tribunal administratif de première instance de la République et
canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif de première instance) le
31 mars 2014. Celui-ci a toutefois annulé les tableaux de report de pertes
annexés aux décisions sur réclamation. 
Pour l'année fiscale 2010, les époux X.________ ont déclaré le revenu issu de
l'activité indépendante de physiothérapeute de l'intéressée et de celle du
bureau d'architecte repris en 2006, cette dernière activité faisant en
particulier état d'une perte commerciale de 5'211 fr. pour l'exercice 2010 et
de pertes reportées de 1'633'070 francs. Pour l'exercice 2011, les époux
intéressés ont notamment déclaré des pertes non compensées de 519'569 fr.
provenant de l'activité d'architecte. 
 
B.   
Par quatre bordereaux du 27 août 2014, l'Administration fiscale a taxé les
contribuables pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) et les impôts
cantonal et communal (ci-après: ICC) des années 2010 et 2011. Elle a admis les
pertes reportées pour un montant de 97'483 fr. correspondant aux pertes subies
par B.X.________, mais a refusé le report des pertes subies par feu le père de
celle-ci. Les pertes admises ayant été absorbées par les revenus de l'exercice
2010, aucun report n'a été admis pour l'exercice 2011. L'Administration fiscale
a rejeté les réclamations formées par les contribuables, confirmant ses quatre
décisions et l'impossibilité de reporter des pertes provenant d'une succession.
Les contribuables ont contesté les quatre décisions sur réclamation les 27 et
31 mars 2015 auprès du Tribunal administratif de première instance en demandant
en particulier que l'ensemble des pertes du défunt héritées par sa fille soit
pris en compte. Par jugement du 18 avril 2016, le Tribunal administratif de
première instance a rejeté le recours quant à la possibilité de déduire
B.X.________ des pertes subies par le défunt. Il l'a admis sur d'autres points
qui n'ont plus été contestés par la suite. Le 30 mai 2016, les époux X.________
ont interjeté un recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de
justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice)
contre ce jugement. Par arrêt du 10 octobre 2017, la Cour de justice a rejeté
le recours. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.X.________ et
A.X.________ demandent en substance au Tribunal fédéral, sous suite de frais et
dépens, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 10 octobre 2017 et de
prendre en compte les pertes héritées de feu le père de B.X.________ dans la
détermination de leur revenu imposable, aussi bien pour l'IFD que pour l'ICC
des années 2010 et 2011. Ils se plaignent de violation du droit fédéral. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son
arrêt. L'Administration fiscale conclut au rejet du recours. L'Administration
fédérale des contributions se rallie au dispositif et aux considérants de
l'arrêt entrepris. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et
al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas
sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. Il est donc en
principe recevable comme recours en matière de droit public s'agissant des deux
catégories d'impôts (cf. art. 146 LIFD [RS 642.11], art. 73 al. 1 de la loi
fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons
et des communes [LHID; RS 642.14]; ATF 134 II 186 consid. 1.3 p. 188 s.). Le
recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les
formes requises (art. 42 LTF) par les contribuables destinataires de l'acte
attaqué (art. 89 al. 1 LTF), de sorte qu'il convient d'entrer en matière. 
 
2.   
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'
art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). Le recourant ne peut
critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si
celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou
de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction
du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF;
ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le
recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions
seraient réalisées. Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire
sont irrecevables (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375). Par ailleurs, aucun fait
nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal
fédéral (art. 99 al. 1 LTF). 
 
3.   
 
3.1. Il ressort de l'arrêt entrepris que, dès 2006, en plus de sa précédente
activité indépendante de physiothérapeute, la recourante a poursuivi, en raison
individuelle, l'activité indépendante de son père décédé. Elle a repris les
comptes commerciaux de celui-ci et a fait valoir des pertes issues des
exercices antérieurs à 2006 en déduction de ses revenus et de ceux de son mari
pour les années 2010 et 2011. Pour ces deux années fiscales, les revenus
imposables du couple ont été fixés par l'Administration fiscale (sur
réclamation) à 0 fr. pour l'ICC 2010, à 43'000 fr. pour l'IFD 2010, à 92'828
fr. pour l'ICC 2011 et à 149'300 fr. pour l'IFD 2011. Cette autorité a refusé
de reporter des pertes subies par le père de la recourante dans l'exercice de
son activité indépendante, considérants que la possibilité de reporter de
telles pertes ne pouvait être héritée.  
 
3.2. Dans l'arrêt entrepris, la Cour de justice a jugé que le report des pertes
invoqué par les recourants était lié à la personne du contribuable et que la
seule exception permettant de déroger à cette règle, en l'occurrence celle du
transfert d'une exploitation à une personne morale, n'était pas remplie en
l'espèce. Elle a de ce fait confirmé la position de l'Administration fiscale et
exclu de déduire du revenu des recourants les pertes subies par le père de la
recourante dans l'exercice de son activité indépendante.  
 
3.3. Pour leur part, les recourants sont d'avis que le report des pertes
constitue un droit ayant une valeur économique. Ils estiment en outre que, lors
d'une succession, l'ensemble des actifs et des passifs passe aux héritiers,
ceux-ci obtenant ainsi l'entier des biens, droits et obligations du défunt du
seul fait de sa mort. Les recourants en déduisent que les droits passant aux
héritiers comprennent le droit de reporter des pertes. Ils mentionnent en outre
que les héritiers doivent supporter les dettes du défunt, notamment les dettes
fiscales. Les recourants invoquent ainsi une violation des art. 560 CC, 12 LIFD
et 11 de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes
physiques (LIPP/GE; RSGE D 3 08), qui traitent de l'acquisition de la
succession par les héritiers, respectivement de la succession fiscale fédérale
et cantonale. Les recourants se prévalent en outre des dispositions de droit
fiscal introduites par la loi du 23 mars 2007 sur la réforme de l'imposition
des entreprises II (RO 2008 2893; ci-après: RIE II) et en particulier de l'art.
37b LIFD, ainsi que des art. 11 et 12 de l'ordonnance du 17 février 2010 sur
l'imposition des bénéfices de liquidation en cas de cessation définitive de
l'activité lucrative indépendante (OIBL; RS 642.114).  
 
3.4. Le litige porte donc sur le point de savoir si, pour l'ICC et l'IFD, les
recourants peuvent déduire de leurs revenus des années 2010 et 2011 les pertes
de l'activité indépendante d'architecte subies antérieurement à 2006,
c'est-à-dire avant que la recourante héritière reprenne cette activité de son
père décédé.  
 
I.       Impôt fédéral direct  
 
4.   
 
4.1. L'impôt sur le revenu des personnes physiques a pour objet tous les
revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1
LIFD). Sont notamment imposables le produit de l'activité lucrative dépendante
et celui de l'activité lucrative indépendante (art. 17 et 18 LIFD). Selon l'
art. 25 LIFD, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus
imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33
LIFD.  
 
4.2. Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante (art. 18
al. 1 LIFD) peuvent ainsi notamment déduire les frais qui sont justifiés par
l'usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD). Font en particulier
partie de ces frais les pertes effectives sur des éléments de la fortune
commerciale, à condition qu'elles aient été comptabilisées (art. 27 al. 2 let.
b LIFD). A ce propos, l'art. 31 al. 1 LIFD dispose que les pertes des sept
exercices précédant la période fiscale (art. 40 LIFD) peuvent être déduites
pour autant qu'elles n'aient pas pu être prises en considération lors du calcul
du revenu imposable des années concernées. Lors des périodes 2010 et 2011 sous
revue, c'est l'ancien art. 211 LIFD (RO 1991 1184) qui trouvait application, sa
teneur étant matériellement semblable à celle de l'art. 31 al. 1 LIFD (arrêt
2C_189/2016 du 13 février 2017 consid. 6.3 et les références citées, in
Archives 85 p. 743, RDAF 2017 II 446).  
 
4.3. Il résulte des dispositions précitées et de la jurisprudence que le report
de pertes n'est possible qu'à certaines conditions (cf. arrêt 2C_189/2016 du 13
février 2017 consid. 6.4 et les références citées). Ainsi, seules les pertes
provenant d'une activité lucrative indépendante peuvent être reportées. Ces
pertes peuvent être compensées non seulement avec le revenu de l'activité
indépendante, mais également avec d'autres revenus, comme par exemple, en cas
de taxation commune (art. 9 LIFD), avec ceux de l'époux ou du partenaire
enregistré. Les pertes ne sont toutefois déductibles qu'aussi longtemps que le
contribuable exerce l'activité indépendante les ayant engendrées ou que si,
ayant cessé cette activité indépendante, il en commence ou en poursuit une
autre à la suite de la précédente. Il faut en outre que les pertes commerciales
dont le report est demandé n'aient pas pu être prises en considération lors du
calcul du revenu imposable des années précédentes, le contribuable ne pouvant
pas          choisir à son bon vouloir le moment du report de pertes.
Finalement,     
pour être prises en considération, il faut que ces pertes aient été
comptabilisées. 
 
4.4. Dans son arrêt 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.4, le Tribunal
fédéral a rappelé qu'à compter de la période fiscale suivant celle durant
laquelle l'activité indépendante a été abandonnée, le contribuable ne peut plus
bénéficier du report de pertes (cf. arrêt 2C_101/2008 du 18 juin 2008 consid.
3.3). Par ailleurs, il découle de la possibilité pour le contribuable de
continuer de reporter les pertes subies lorsqu'il exerce une autre activité
indépendante (cf. consid. 4.3 ci-dessus), que ce report de pertes est en
principe lié à la personne du contribuable exerçant une telle activité,
dépendant ainsi généralement du statut d'indépendant et non de l'entreprise
éventuellement exploitée. Citant la circulaire n° 5 du 1er juin 2004 de
l'Administration fédérale des contributions sur les restructurations (ch.
3.2.3.3 p. 25 s.), le Tribunal fédéral a cependant relevé que la règle selon
laquelle le report de pertes est lié à la personne du contribuable exerçant une
activité indépendante connaît une exception dans le cas où une entreprise
individuelle ou une entreprise exploitée sous la forme d'une société de
personnes est transférée à une personne morale aux conditions de l'art. 19 al.
1 let. b LIFD. Dans un tel cas, le report de pertes est lié à l'entreprise
transférée et non au statut d'indépendant: le report de pertes reste possible,
alors que le contribuable qui, par hypothèse, est désormais employé par la
personne morale à laquelle il a transféré son entreprise individuelle a perdu
ce statut.  
 
4.5. Sur le vu de ce qui précède, et en particulier de la règle selon laquelle
les dettes sont liées à la personne du contribuable et pas à l'entreprise
indépendante, on peut retenir que le report de pertes ne passe en principe pas
à l'héritier qui continue l'activité indépendante ayant généré ces pertes. A ce
propos, l'autorité précédente a justement expliqué qu'il n'est en l'occurrence
pas question d'un cas constituant une exception à la règle précitée. Au
surplus, on mentionnera ici, comme l'a déjà fait le Tribunal fédéral dans
l'arrêt 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.3, que les dispositions sur le
report de pertes ne doivent pas être interprétées de manière trop large, dès
lors qu'elles vont à l'encontre du principe de périodicité ancré dans la loi
(cf. art. 40 LIFD).  
 
5.   
Malgré les considérations qui précèdent et qui ont été justement développées
par l'autorité précédente, les recourants sont d'avis qu'en application des 
art. 560 CC et 12 LIFD, les pertes subies par le défunt passent à ses
héritiers, dans la mesure où ceux-ci continuent l'activité indépendante les
ayant générées. Ils font donc implicitement valoir une autre exception au
principe liant le report de pertes à la personne du contribuable. 
 
5.1. Aux termes de l'art. 8 al. 2 LIFD, l'assujettissement prend notamment fin
le jour du décès du contribuable. Les héritiers d'un contribuable défunt lui
succèdent dans ses droits et ses obligations. Ils répondent solidairement des
impôts dus par le défunt jusqu'à concurrence de leur part héréditaire, y
compris les avancements d'hoirie (art. 12 al. 1 LIFD). Il s'agit d'un cas de
succession fiscale des héritiers qui intervient lors de l'acquisition de la
succession au sens de l'art. 560 al. 1 CC (cf. BLUMENSTEIN/LOCHER, System des
schweizerischen Steuerrechts, 7e éd. 2016, p. 91). La succession fiscale, qui
n'est pas une conséquence de la succession universelle du droit privé, mais
constitue un institut propre au droit fiscal (RICHNER/FREI/ KAUFMANN/MEUTER,
Handkommentar zum DBG, 3e éd. 2016, n. 2 ad art. 12 LIFD), implique le
transfert des droits et des obligations de procédure du défunt au jour du décès
(cf. HUGUES SALOMÉ, in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, Noël/Aubry
Girardin [éd.], 2e éd. 2017, n. 3 ad art. 12 LIFD; RYSER/ROLLI, Précis de droit
fiscal suisse, 4e éd. 2002, n. 16 p. 15). Elle vise ainsi à liquider les impôts
dus par le défunt qui n'ont pas encore été taxés ou perçus au jour de sa mort
(cf. HUNZIKER/MAYER-KNOBEL, in Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer,
Zweifel/Beusch [éd.], 3e éd. 2017, n. 1 ad art. 12 LIFD; PETER LOCHER,
Kommentar zum DBG, I. Teil, 2001, n. 1 ad art. 12 LIFD). Cela signifie que la
succession fiscale ne vise qu'à mettre un terme au rapport de droit fiscal
ayant existé avec le contribuable défunt, grâce aux héritiers de celui-ci. Les
héritiers sont ainsi tenus de s'acquitter des impôts dus au jour de la mort du
défunt ("  Zahlungssukzession "; cf art. 12 al. 1 phr. 2 LIFD; HUNZIKER/
MAYER-KNOBEL, op. cit., n. 3 ss ad art. 12 LIFD; PETER LOCHER, op. cit, n. 8 ss
ad art. 12 LIFD) et d'intervenir dans les rapports fiscaux du défunt, quel que
soit le stade de la procédure auquel ils se trouvent au jour du décès (" 
Verfahrenssukzession "; cf. art. 12 al. 1 phr. 1 LIFD; HUNZIKER/MAYER-KNOBEL,
op. cit., n. 9 ss ad art. 12 LIFD; PETER LOCHER, op. cit., n. 4 ss ad art. 12
LIFD; cf. également BLUMENSTEIN/ LOCHER, op. cit., p. 92; RICHNER/FREI/KAUFMANN
/MEUTER, po. cit., n. 5 ad art. 12 LIFD; MARTIN ZWEIFEL, Die verfahrens- und
steuerstrafrechtliche Stellung der Erben, in Archives 64 p. 337 ss, p. 338 s.).
La succession fiscale ne crée donc pas de nouveau rapport de droit fiscal avec
les héritiers (BLUMENSTEIN/LOCHER, op. cit., p. 92; MARTIN ZWEIFEL, op. cit.,
p. 340 s.), mais uniquement une substitution de partie.  
 
5.2. En l'occurrence, à la mort du père de la recourante en 2005, celle-ci lui
a succédé dans ses droits et obligations, conformément à l'art. 12 al. 1 LIFD.
L'épouse survivante ayant répudié la succession, elle n'est en revanche pas
concernée par la succession fiscale (cf. PETER LOCHER, op. cit, n. 4 ad art. 12
LIFD). La recourante est donc devenue débitrice d'éventuelles anciennes dettes
fiscales de feu son père, mais uniquement jusqu'à concurrence de sa part
héréditaire (art. 12 al. 1 phr. 2 LIFD). Elle s'est en outre substituée à
celui-ci en tant que partie dans les procédures fiscales encore pendantes,
étant en particulier tenue de remplir la déclaration d'impôt 2005 du défunt
(art. 12 al. 1 phr. 1 LIFD), afin de permettre la taxation de celui-ci pour
cette année. Une fois cette taxation entrée en force, elle répondra du paiement
de cette dette fiscale. Lors de la déclaration 2005, qui intervient dans le
rapport de droit fiscal du défunt (également chapitre fiscal; " 
Steuerrechtsverhältnis "), il sera possible à la recourante de déduire
d'éventuelle pertes survenues dans l'activité lucrative indépendante de
celui-ci, conformément à l'art. 31 LIFD (respectivement ancien art. 211 LIFD).
En revanche, la recourante ne pourra pas faire valoir de droit issu du chapitre
fiscal de son père décédé dans son propre chapitre fiscal, que ce soit pour
2005 ou pour les années suivantes. L'art. 12 LIFD, contrairement à ce qu'elle
semble penser, ne permet pas le transfert par succession de déductions d'un
rapport de droit fiscal à un autre. Le fait qu'elle continue l'activité
indépendante du défunt n'y change rien. Elle hérite certes des actifs et des
passifs issus de cette activité, conformément aux dispositions de droit privé,
mais est taxée à titre personnel, ne pouvant faire valoir que les déductions,
notamment organiques (c'est-à-dire les dépenses liées à l'acquisition du
revenu), issues de son propre chapitre fiscal. Elle pourra ainsi déduire de son
revenu d'éventuelles pertes issues de ses activités indépendantes exercées
avant le décès de son père, mais pas des activités de ce dernier. Les
références faites par les recourants à des dispositions de droit civil ne sont
pas pertinentes, dans la mesure où le droit fiscal ne permet pas l'acquisition,
par les héritiers, de la possibilité de faire valoir des déductions issues du
rapport de droit fiscal du défunt dans leur propre rapport de droit fiscal.
L'application de l'art. 12 LIFD ne saurait par conséquent créer une autre
exception à la règle liant le report de pertes à la personne du contribuable.  
 
 
6.   
Les recourants, citant l'art. 127 Cst., mentionnent encore le principe de la
capacité contributive et sont d'avis que le cadre légal a été modifié avec
l'entrée en vigueur de la RIE II. 
 
6.1. Il est fortement douteux que la motivation des recourants relative à la
violation de l'art. 127 al. 2 Cst. réponde aux conditions accrues de motivation
de l'art. 106 al. 2 LTF. Quand bien même il faudrait en traiter, force serait
de constater que le Tribunal fédéral a déjà jugé qu'au vu de l'importance du
principe de périodicité, en raison de son ancrage dans la loi, celui-ci doit
être préféré au principe de l'imposition du bénéfice total ("  Totalgewinn ";
cf. arrêt 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.2) lors de la mise en oeuvre
du principe de l'imposition selon la capacité contributive (cf. arrêt 2C_33/
2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.3). Le principe du bénéfice total, à
l'exception de la disposition relative aux restructurations, ne se rapporte
d'ailleurs en règle générale qu'à un seul et unique chapitre fiscal. Par
conséquent, ne pas permettre à un contribuable de déduire des pertes issues
d'un rapport de droit fiscal tiers ne saurait constituer une violation du
principe de l'imposition selon la capacité contributive. Associé au principe de
périodicité, le principe de l'imposition selon la capacité contributive veut en
effet que l'on mesure la capacité contributive lors de la période fiscale et
que le contribuable soit imposé sur cette base (cf. arrêt 2C_33/2009 du 27
novembre 2009 consid. 3.2).  
 
6.2. Quant à la référence des recourants à la RIE II, la plus grande partie de
cette réforme (à tout le moins celle citée par les recourants, en l'occurrence
l'art. 37b LIFD) est entrée en vigueur au 1er janvier 2011 (cf. RO 2008 2893)
et ne pourrait donc s'appliquer qu'à la taxation 2011, à l'exclusion de celle
de 2010. En tout état de cause, l'art. 37b LIFD (de même que les art. 11 et 12
OIBL qui le concrétisent) ne concerne que le cas où les héritiers ne
poursuivent pas l'exploitation de l'activité indépendante du défunt. Il n'est
par conséquent pas pertinent pour la présente cause. Au demeurant, aucune des
dispositions de la RIE II n'a d'incidence sur le report des pertes d'un
contribuable décédé, ces dispositions ne traitant que de l'imposition des
héritiers dans leur propre chapitre fiscal.  
 
7.   
Sur le vu des considérants qui précèdent, le recours doit donc être rejeté en
tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct des années 2010 et 2011. 
 
II.       Impôts cantonal et communal  
 
8.   
Les principes juridiques précités, qui concernent le report des pertes issues
d'une activité lucrative indépendante, trouvent leur parallèle en matière d'ICC
(cf. art. 10 al. 1 let. c et al. 2 LHID [ancien art. 67 al. 1 LHID; RO 2001
1050]; art. 30 let. f de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition
des personnes physiques [LIPP/GE; RSGE D 3 08]). Il en va de même quant à la
succession fiscale, l'art. 11 al. 1 LIPP/GE ayant la même teneur que celle de
l'art. 12 al. 1 LIFD. La jurisprudence rendue en matière d'impôt fédéral direct
est donc également valable pour l'application des dispositions cantonales
harmonisées correspondantes (ATF 140 II 88 consid. 10 p. 101 et les références
citées). Il peut ainsi être renvoyé, s'agissant de l'ICC, à la motivation
développée en matière d'IFD. Le recours doit par conséquent également être
rejeté en tant qu'il concerne les impôts cantonal et communal 2010 et 2011. Au
demeurant, pour 2010, les recourants on été taxés sur la base d'un revenu nul
(cf. consid. 3.1 i.f. ci-dessus). 
 
9.   
Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires,
solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens
(art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct. 
 
2.   
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne les impôts cantonal et communal. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à
l'Administration fiscale cantonale et à la Chambre administrative de la Cour de
justice de la République et canton de Genève, ainsi qu'à l'Administration
fédérale des contributions. 
 
 
Lausanne, le 28 juin 2018 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
Le Greffier : Tissot-Daguette 

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