Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.975/2017
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2017
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2017


Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente
dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet.
Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem
Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
                                                               Grössere Schrift

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                [displayimage]  
 
 
2C_975/2017  
 
 
Arrêt du 15 mai 2018  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président, Aubry Girardin et Donzallaz. 
Greffier: M. Tissot-Daguette. 
 
Participants à la procédure 
intermobility SA, 
représentée par Me Urs Portmann, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ville de Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Usage du domaine public; stationnement de vélos en libre-service, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la
République et canton de Genève du 3 octobre 2017 (ATA/1348/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
La société intermobility SA, dont le siège se trouve dans le canton de Berne,
est active dans le développement et la commercialisation d'un système
spécifique de vélos en libre-service. Ce système consiste à mettre à
disposition d'utilisateurs des vélos contre le paiement d'un abonnement et d'un
montant variant selon la durée de l'utilisation. Ces vélos sont disposés à des
stations implantées aussi bien sur des domaines privés que sur le domaine
public. Ils communiquent avec un serveur central par ondes radio et téléphonie
mobile (GSM). Un cadenas connecté, que les utilisateurs peuvent déverrouiller
au moyen d'une carte d'abonnement ou d'un téléphone portable, est intégré à
chaque vélo. 
Le 27 mai 2015, une association, dont la société intermobility SA fait partie,
a annoncé dans la presse le lancement à Genève d'une phase de démonstration de
son projet de vélos en libre-service à partir du 1 ^er juin 2015. Le système
devait être pleinement opérationnel au printemps 2016 et proposer 1'100 vélos,
ainsi que 125 stations, répartis sur les communes de Genève (60 stations),
Carouge, Lancy, Onex, Meyrin et Vernier.  
Par courrier du 29 juillet 2015, le Conseil administratif de la Ville de Genève
(ci-après: la Ville de Genève) a informé intermobility SA qu'il tolérait à bien
plaire l'exploitation du réseau de vélos en libre-service sur le domaine
public, à condition qu'aucune station complémentaire ne soit installée à partir
de ce jour-là sur le territoire communal et que toutes les installations, y
compris les vélos, soient enlevées du domaine public à première demande. Elle a
rappelé à la société intéressée qu'un système de vélos en libre-service au
niveau cantonal était à l'étude et qu'elle conservait la possibilité de
présenter une offre (quant à cette procédure, cf. arrêts 2C_82/2016 du 30 juin
2016 et 2C_229/2017 du 9 mars 2018). 
Statuant sur un recours de intermobility SA, le Tribunal administratif de
première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif de première instance) a annulé la décision du 29 juillet 2015 de
la Ville de Genève, celle-ci n'ayant pas respecté le droit d'être entendue de
la société. 
 
 
B.   
Après avoir accordé à intermobility SA le droit d'être entendue, la Ville de
Genève, dans une nouvelle décision du 22 mars 2016, a ordonné à cette société
de supprimer toutes les stations de prêt et d'enlever tous les vélos et
installations lui appartenant, situés sur le domaine public. Elle lui a en
outre interdit de procéder à toute nouvelle création de stations de prêt et/ou
installations de vélos sur le domaine public. Le 27 avril 2017, intermobility
SA a interjeté recours contre la décision de la Ville de Genève du 22 mars 2016
auprès du Tribunal administratif de première instance. Par jugement du 12
décembre 2016, celui-ci a admis le recours de la société intermobility SA. Par
acte du 26 janvier 2017, la Ville de Genève a contesté ce prononcé auprès de la
Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de
Genève (ci-après: la Cour de justice). Par arrêt du 3 octobre 2017, la Cour de
justice a admis le recours et annulé le jugement du Tribunal administratif de
première instance du 12 décembre 2016. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et celle,
subsidiaire, du recours constitutionnel, intermobility SA demande au Tribunal
fédéral, sous suite de dépens, outre l'effet suspensif, d'annuler l'arrêt du 3
octobre 2017 de la Cour de justice et de confirmer le jugement du Tribunal
administratif de première instance du 12 décembre 2016; subsidiairement
d'annuler l'arrêt précité et de renvoyer la cause à l'autorité précédente ou à
la Ville de Genève pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le
sens des considérants. Elle se plaint en particulier de violation du droit
fédéral et d'arbitraire dans l'application du droit cantonal. 
Par ordonnance du 11 décembre 2017, le Président de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif. 
 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son
arrêt. La Ville de Genève conclut au rejet du recours. Dans des observations,
intermobility SA a confirmé ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le présent litige concerne l'utilisation du domaine public par la recourante et
le point de savoir si l'utilisation que celle-ci en fait peut être restreinte,
notamment en application des dispositions de la loi genevoise du 24 juin 1961
sur le domaine public (LDPu/GE; RSGE L 1 05) qui relève du droit public au sens
de l'art. 82 let. a LTF. Le recours est dirigé contre une décision finale (art.
90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art.
86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause ne tombant pas sous le coup de
l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de
droit public est partant ouverte. Au surplus, le recours a été déposé en temps
utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par la
destinataire de l'arrêt attaqué qui a qualité pour recourir au sens de l'art.
89 al. 1 LTF. Il est par conséquent recevable. Le recours constitutionnel
subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF  a contrario).  
 
2.   
La recourante se plaint de ce que la Cour de justice n'a pas procédé "à des
mesures d'instructions requises, en se basant de manière arbitraire sur un état
de fait incomplet, voire erroné". Plus loin, dans son recours, citant l'art. 29
Cst., elle invoque une violation de son droit d'être entendue. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'
art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). Le recourant ne peut
critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si
celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou
de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction
du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF;
ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le
recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions
seraient réalisées. Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire
sont irrecevables (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375). Par ailleurs, aucun fait
nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal
fédéral (art. 99 al. 1 LTF).  
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le
droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une
décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves
pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à
tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 p. 222 s. et les
références citées). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures
d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa
conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation
anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que
ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285
consid. 6.3.1 p. 299 et les références citées). 
 
2.2. En premier lieu, dans la mesure où la recourante se plaint d'une violation
de son droit d'être entendue en raison de l'absence d'instruction de moyens de
preuve par la Cour de justice, elle ne saurait être suivie. Son grief à ce
propos n'est pas suffisamment motivé, la recourante n'expliquant même pas à
quelles mesures d'instruction prétendument requises, la Cour de justice
n'aurait pas donné suite. En outre, et pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une
question de droit, il en va de même en tant qu'elle considère que l'autorité
précédente n'a pas tenu compte de ses arguments. De surcroît, la recourante ne
peut pas être suivie en tant qu'elle se plaint d'un établissement inexact des
faits, la motivation de son recours sur ce point n'étant pas non plus
suffisante. Elle ne démontre en particulier pas en quoi les faits, qu'elle
avance au demeurant de manière appellatoire, auraient une quelconque incidence
sur l'issue de la cause. Dans ces conditions, ses griefs de violation du droit
d'être entendu et d'établissement inexact des faits doivent être écartés. Le
Tribunal fédéral vérifiera la correcte application du droit sur la seule base
des faits retenus par l'autorité précédente.  
 
3.   
 
3.1. Il ressort de l'arrêt entrepris que la recourante a annoncé le déploiement
de son réseau pour le printemps 2016. Au 21 mars 2016, le dispositif concernait
treize stations en Ville de Genève, installées sur les emplacements réservés
aux deux-roues, comprenant chacune entre quatre et cinq vélos en libre-service.
Deux autres stations ont été installées ultérieurement. Ce sont ainsi environ
75 vélos en libre-service du système de la recourante qui sont stationnés sur
le territoire communal genevois. A ces vélos, s'ajoutent ceux du réseau de la
recourante en provenance d'autres communes du canton dans lesquelles ce système
a également été mis en place.  
 
3.2. Fondée sur ces faits et sur la législation cantonale, notamment la LDPu/
GE, la Cour de justice a considéré que l'usage du domaine public fait par la
recourante était un usage accru soumis à autorisation. Elle a par conséquent
annulé le jugement du Tribunal administratif de première instance et confirmé
la décision de la Ville de Genève en jugeant en particulier qu'il convenait de
préserver l'intérêt public, résidant dans la nécessité pour la Ville de
conserver la maîtrise de la chose publique et éviter le développement d'une
multitude de réseaux indépendants, tendant à encombrer les places de
stationnement pour deux-roues.  
 
3.3. La recourante se plaint de violations du principe de l'égalité de
traitement, de l'interdiction de l'arbitraire, du principe de la bonne foi, de
la liberté économique et du principe de proportionnalité. Elle estime en bref
être victime d'une inégalité de traitement, car sa situation serait semblable à
celle d'une personne privée utilisant un vélo et le stationnant sur une place
réservée aux deux-roues. En outre, la recourante se plaint de l'interdiction
qui lui est faite d'utiliser le domaine privé pour stationner ses vélos et se
prévaut d'une application arbitraire du droit cantonal. Elle est d'avis qu'en
ne tolérant plus les vélos sur son territoire, la Ville de Genève a adopté un
comportement contradictoire et empêché la réalisation d'un but d'utilité
publique. Elle prétend à l'octroi d'une autorisation. La recourante considère
pour finir que l'arrêt entrepris viole sa liberté économique et qu'elle n'est
pas proportionnée, la cohabitation de deux systèmes de vélos en libre-service
n'étant pas exclue.  
 
3.4. Le litige porte donc sur le point de savoir si la liberté économique de la
recourante, sous l'angle de l'égalité de traitement entre concurrents, est
restreinte et, le cas échéant, si cette restriction répond à un intérêt public
et est proportionnée. Il s'agira également d'examiner l'existence d'une
éventuelle inégalité de traitement par rapport aux particuliers, ainsi que
d'une application arbitraire du droit cantonal par la Cour de justice.  
On relèvera cependant que l'objet de la contestation porté devant le Tribunal
fédéral est déterminé par l'arrêt attaqué. L'objet du litige, délimité par les
conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF), ne saurait s'étendre au-delà de
l'objet de la contestation. Par conséquent, devant le Tribunal fédéral, le
litige peut être réduit, mais ne saurait être ni élargi, ni transformé par
rapport à ce qu'il était devant l'autorité précédente, qui l'a fixé dans le
dispositif de l'arrêt entrepris (et qui est devenu l'objet de la contestation
devant le Tribunal fédéral; ATF 142 I 155 consid. 4.4.2 p. 156 et les
références citées). Ainsi, et comme l'a d'ailleurs relevé la Ville de Genève
dans sa réponse, l'arrêt entrepris ne concerne nullement la possibilité pour la
recourante de stationner ses vélos sur le domaine privé, mais uniquement
l'utilisation qu'elle fait du domaine public, respectivement l'interdiction
d'utiliser celui-ci pour mettre à disposition des usagers des vélos en
libre-service. Les griefs de la recourante doivent donc d'emblée être écartés
en tant qu'ils concernent l'utilisation du domaine privé. 
 
4.   
Dans un premier temps, il est nécessaire de déterminer si l'usage qu'entend
faire la recourante du domaine publique est effectivement un usage accru ou
s'il ne s'agit que d'un usage commun. 
 
4.1. L'usage commun du domaine public est celui qui permet à tous les usagers
d'utiliser le domaine public et d'y pratiquer des activités sans restriction
pour les tiers (cf. ATF 135 I 302 consid. 3.2 p. 307 et les références citées).
La limite de l'usage commun est dépassée lorsque l'utilisation excède, par sa
nature ou son intensité, le cadre de ce qui est usuel ou conforme,
respectivement entrave l'utilisation par d'autres utilisateurs du domaine
public. Il convient en particulier de tenir compte des circonstances locales
(cf. ATF 135 I 302 consid. 3.2 p. 307 et les références citées). L'usage accru
du domaine public est généralement soumis à un régime d'autorisation, visant
principalement à coordonner les différentes utilisations de l'espace public
(cf. ATF 135 I 302 consid. 3.2 p. 307 et les références citées).  
 
4.2. Selon la recourante, son projet de vélos en libre-service étant
caractérisé par l'absence d'infrastructures sur le domaine public, il ne
saurait être question de permission. Elle estime par conséquent ne faire qu'un
usage commun du domaine public. Elle ne peut cependant être suivie. En effet,
par son exploitation de vélos en libre-service, la recourante utilise un grand
nombre de places de stationnement, qui ne sont alors plus disponibles pour les
autres utilisateurs. La Cour de justice a d'ailleurs retenu que sur les quinze
stations en Ville de Genève, au moins quatre à cinq (voire sept) places de
stationnement étaient occupées de manière quasi-permanente uniquement par des
vélos de la recourante. Celle-ci fait ainsi un usage de ces places qui n'est
pas commun, excédant ce qu'un utilisateur "normal" ferait en y stationnant son
vélo personnel. A l'instar de l'autorité précédente, il convient donc de
retenir que l'activité de la recourante constitue un usage accru du domaine
public. La recourante utilise d'ailleurs le domaine public à des fins
commerciales, puisqu'elle vend des abonnements pour l'utilisation de ses vélos
et qu'elle perçoit une indemnité pour les locations qui excèdent 30 minutes.  
 
 
5.   
La recourante faisant un usage accru du domaine public, il convient de
commencer par examiner si l'application faite par la Cour de justice du droit
cantonal doit être considérée comme arbitraire. 
 
5.1. Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire au sens de l'art. 9
Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme
ou un principe juridique clair et indiscuté ou encore heurte de manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne
s'écarte ainsi de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière
instance que si elle est insoutenable ou en contradiction manifeste avec la
situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en
violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue
par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement
contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause,
cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution -
éventuellement préférable - paraît possible (ATF 141 I 172 consid. 4.3.1 p. 177
et les références citées). En outre, il ne suffit pas que les motifs de la
décision critiquée soient insoutenables; encore faut-il que cette dernière soit
arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 p. 53 et les références
citées).  
 
5.2. Dans l'arrêt entrepris, la Cour de justice a présenté les dispositions
légales cantonales applicables. Elle a ainsi notamment mentionné que, selon
l'art. 12 LDPu/GE, chacun peut, dans les limites des lois et des règlements,
utiliser le domaine public conformément à sa destination et dans le respect des
droits d'autrui. L'art. 13 al. 1 LDPu/GE dispose quant à lui que
l'établissement de constructions ou d'installations permanentes ou non
permanentes sur le domaine public, son utilisation à des fins industrielles ou
commerciales ou toute autre occupation de celui-ci excédant l'usage commun sont
subordonnés à une permission. L'autorité précédente a également cité les art.
55 ss de la loi genevoise du 28 avril 1967 sur les routes (LRoutes/GE; RSGE L 1
10) qui traitent plus particulièrement de l'utilisation des voies publiques,
notamment du fait que toute utilisation des voies publiques qui excède l'usage
commun doit faire l'objet d'une permission ou d'une concession préalable,
conformément à la LRoutes/GE et aux dispositions de la LDPu/GE (art. 56 al. 1
LRoutes/GE). Rappelant ensuite la jurisprudence fédérale rendue en matière
d'usage accru du domaine public (cf. ATF 135 I 302 consid. 3.2 p. 307; consid.
5.1 ci-dessus), la Cour de justice a jugé que l'utilisation faite par la
recourante du domaine public était soumis à permission. Un tel raisonnement ne
prêt pas le flanc à la critique et ne saurait nullement être considéré comme
arbitraire. D'ailleurs, l'art. 13 al. 1 LDPu/GE prévoit expressément le cas de
figure d'une utilisation commerciale du domaine public et soumet cette
utilisation à une permission. C'est donc de manière pleinement soutenable que
l'autorité précédente a appliqué le droit cantonal.  
 
6.   
Se pose ensuite la question de savoir s'il était possible de refuser à la
recourante de pratiquer son activité lucrative ou si cette interdiction
restreint sa liberté économique, notamment au regard de ses concurrents. 
 
6.1.   
 
6.1.1. Aux termes de l'art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al.
1). Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à
une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). La
liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre
professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu. Elle peut
être invoquée tant par les personnes physiques que par les personnes morales (
ATF 143 II 598 consid. 5.1 p. 612; 140 I 218 consid. 6.3 p. 229 et les
références citées). Aux termes de l'art. 36 al. 1 Cst., toute restriction d'un
droit fondamental doit être fondée sur une base légale; les restrictions graves
doivent être prévues par une loi; les cas de danger sérieux, direct et imminent
sont réservés. Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par
un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36
al. 2 Cst.) et proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). L'essence des
droits fondamentaux est inviolable (art. 36 al. 4 Cst.).  
 
6.1.2. La liberté économique comprend le principe de l'égalité de traitement
entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe,
déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont
pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même
activité économique (ATF 143 I 37 consid. 8.2 p. 47; 140 I 218 consid. 6.2 p.
229). On entend par concurrents directs les membres de la même branche
économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire
les mêmes besoins. Ne sont considérés comme concurrents directs au sens de
cette règle que les entreprises situées dans la circonscription territoriale à
laquelle s'applique la législation en cause (cf. ATF 143 II 598 consid. 5.1 p.
612; 132 I 97 consid. 2.1 p. 100; arrêt 2C_441/2015 du 11 janvier 2016 consid.
7.1.2). L'égalité de traitement entre concurrents directs n'est pas absolue et
autorise des différences, à condition que celles-ci reposent sur une base
légale, qu'elles répondent à des critères objectifs et résultent du système
lui-même; il est seulement exigé que les inégalités ainsi instaurées soient
réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi
(ATF 143 I 37 consid. 8.2 p. 47 s. et les références citées).  
 
6.1.3. Selon l'art. 664 al. 1 CC, les biens du domaine public sont soumis à la
haute police de l'Etat sur le territoire duquel ils se trouvent. Par
conséquent, les cantons ou les communes peuvent réglementer l'usage qui en est
fait par les particuliers. Ainsi, ils sont en principe libres de décider par
qui et à quelles conditions le domaine public peut être utilisé. Cependant, la
jurisprudence a reconnu aux administrés un droit conditionnel à l'usage accru
du domaine public à des fins notamment commerciales (ATF 128 I 295 consid. 3c/
aa p. 300 et la jurisprudence citée; arrêt 2C_106/2015 du 26 juin 2015 consid.
4.5). Une autorisation ne peut être refusée que dans le respect des droits
fondamentaux, en particulier de l'égalité (art. 8 Cst.) ainsi que de la liberté
économique (art. 27 Cst.) notamment sous l'angle de l'égalité entre concurrents
(ATF 132 I 97 consid. 2.2 p. 100 s. et les références cites). Lorsque la place
à disposition est limitée, la collectivité publique doit opérer un choix selon
des critères objectifs. Elle peut retenir les demandes les plus aptes à
satisfaire les besoins de toute nature du public, du point de vue de la qualité
et de la diversité (ATF 132 I 97 consid. 2.2 p. 101 et les références cites).
Finalement, il y a lieu de procéder à une pesée des intérêts en présence.  
 
6.2. La recourante estime que sa situation diffère de celle d'une association
genevoise mettant à disposition gratuitement et sans abonnement, pour quatre
heures, des vélos stockés dans des containers disposés sur le domaine public.
Elle estime que sa situation diffère également de celle des marchands de cycles
qui peuvent disposer leurs vélos devant leurs vitrines durant les heures
d'ouvertures. A juste titre, la Cour de justice a effectivement considéré que
ces situations n'étaient pas les mêmes, dès lors que, dans les deux cas cités
par la recourante, les vélos sont disposés sur le domaine public à des endroits
précis, définis par avance, et au bénéfice de permissions. La recourante ne
conteste au demeurant pas l'existence des conditions imposées aux marchands de
cycles et à l'association. Elle est cependant d'avis qu'elle devrait être
traitée différemment de ceux-ci et ne pas être obligée de requérir une
permission pour l'usage qu'elle fait du domaine public. Or, même à considérer
la situation de la recourante comme étant différente de celle des commerçants
précités, cela ne signifie pas pour autant que son activité ne puisse pas être
interdite, dans la mesure où cette activité nécessite un usage accru du domaine
public. Finalement, en relation avec le principe d'égalité de traitement, il
convient encore de relever que la situation de la recourante n'est en rien
comparable avec celle des particuliers utilisant leur propre vélo. Ceux-ci se
contentent de stationner un vélo personnel sur le domaine public, au contraire
de la recourante qui en stationne un grand nombre et qui génère un revenu grâce
aux places de stationnement communales.  
 
6.3. En confirmant la mesure ordonnée par la Ville de Genève à l'encontre de la
recourante, la Cour de justice poursuit un intérêt public. Celui-ci réside en
effet dans la nécessité pour la Ville de Genève de conserver la maîtrise de la
chose publique. On doit reconnaître que sans régulation étatique de
l'utilisation du domaine public pour les vélos en libre-service, l'augmentation
du nombre de vélos prévue par la recourante et la possibilité d'accueillir
d'autres prestataires conduirait à un engorgement des places de stationnement
de deux-roues. La recourante ne saurait en outre être suivie lorsqu'elle
affirme que l'intérêt public réside dans la "favorisation" de la mobilité
douce. S'il s'agit-là effectivement d'un intérêt public tendant à mettre en
place un système de vélos en libre-service (cf. arrêt 2C_229/2017 du 9 mars
2018 consid. 2.4, destiné à la publication), il ne revient pas à la recourante
de favoriser, de sa propre initiative, la mobilité douce. C'est à la Ville de
Genève, autorité publique, de choisir si et comment elle entend poursuivre cet
objectif. C'est d'ailleurs ce qu'elle a fait en cherchant à octroyer une
concession (cf. arrêt 2C_229/2017 du 9 mars 2018, destiné à la publication).  
 
6.4. Finalement, la recourante considère qu'il n'existe pas de raisons
justifiant d'exclure son projet de vélos en libre-service, dès lors qu'il n'y a
pas d'atteinte aux intérêts des autres usagers du domaine public et des
voisins, ses vélos n'étant stationnés sur des parkings publics que dans la
mesure où il y a des places libres. Elle se plaint de ce que la Cour de justice
n'ait pas examiné la proportionnalité de la mesure.  
En l'occurrence, il faut reconnaître que l'autorité précédente n'a pas
expressément reconnu que la mesure en cause était proportionnée. Il convient
toutefois de conclure qu'elle l'a implicitement jugé comme telle. Cette mesure
est en effet sans conteste apte à atteindre le but d'intérêt public. Pour le
surplus, on ne voit pas en quoi une mesure moins contraignante serait
envisageable. La recourante n'en donne d'ailleurs aucun exemple, se contentant
d'affirmer que plusieurs prestataires pourraient cohabiter. Or, dans le but
d'éviter un encombrement des places de stationnement de deux-roues sur le
domaine public et d'éventuels conflits entre prestataires privés de vélos en
libre-service, il est exclu que de tels prestataires, cherchant à obtenir un
gain, viennent occuper un grand nombre de places normalement mises à
disposition gratuitement des utilisateurs particuliers. Il n'est à tout le
moins pas arbitraire de retenir que l'interdiction d'utiliser le domaine public
pour y entreposer un grand nombre de vélos constitue une mesure qui est la
moins restrictive possible pour la recourante. C'est d'autant moins le cas que
celle-ci est toujours susceptible de se voir adjuger le marché des vélos en
libre-service pour la Ville de Genève et sa région (cf. arrêt 2C_229/2017 du 9
mars 2018, destiné à la publication) et que rien ne l'empêche de continuer
d'utiliser, voire d'augmenter le nombre de places de stationnement situées sur
le domaine privé. Finalement, le rapport entre les intérêts privés de la
recourante et l'intérêt public n'est pas déraisonnable, si bien qu'il convient
d'écarter le grief de la recourante à ce propos. Le fait que la Cour de justice
n'ait prétendument pas examiné le point de savoir combien de vélos seraient
effectivement stationnés en Ville de Genève n'est pas pertinent. 
 
7.   
Les éventuelles autres critiques contenues dans le mémoire de recours, faute
d'être motivées conformément aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, n'ont pas à
être examinées plus avant. En particulier le grief de violation du principe de
la bonne foi, élevé contre la Ville de Genève, qui n'a jamais donné l'assurance
à la recourante de pouvoir bénéficier librement des places de stationnement sur
son territoire, mais qui a au contraire averti qu'elle pouvait révoquer sa
tolérance en tout temps, ne peut être qu'écarté. 
 
8.   
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours en matière de
droit public. La recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public est rejeté. 
 
2.   
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la Ville de
Genève et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et
canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 15 mai 2018 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
Le Greffier : Tissot-Daguette 

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Drucken nach oben