Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.653/2017
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Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

               

2C_653/2017

Arrêt du 13 mai 2019

IIe Cour de droit public

Composition

MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,

Aubry Girardin, Donzallaz, Stadelmann et Haag.

Greffière : Mme Vuadens.

Participants à la procédure

Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en
matière fiscale SEI, Entraide administrative,

recourante,

contre

A.________,

représentée par Me Adriano D. Gianinazzi, avocat,

intimée,

B.________,

C.________,

personnes intéressées.

Objet

Assistance administrative (CDI CH-FR), notification,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 5 juillet
2017 (A-3421/2016).

Faits :

A. 

Le 20 novembre 2015, la Direction générale des finances publiques françaises
(ci-après: la Direction générale ou l'autorité requérante) a formé deux
demandes d'assistance administrative internationale en matière fiscale auprès
de l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration
fédérale ou l'autorité requise). Elle sollicitait, dans la première demande,
des informations au sujet de A.________ concernant les années 2010 et 2015 en
lien avec un compte bancaire détenu par l'intéressée auprès de D.________. La
seconde demande avait pour objet de confirmer la domiciliation en France de
A.________ et visait à obtenir des informations relatives à l'adresse, aux
revenus éventuellement déclarés en Suisse, aux biens immobiliers éventuels et
au rôle exercé par A.________ au sein de personnes morales, pour les années
2012 à 2014.

Sur ordonnance de l'Administration fédérale, les autorités fiscales genevoises,
ainsi que la Banque ont produit les documents requis. Les noms de deux
sociétés, à savoir B.________ et C.________ (ci-après : les Sociétés)
apparemment sises à l'étranger, à E.________ pour l'une, étaient mentionnées
dans les documents fournis. Il en résultait qu'elles étaient titulaires de
trois relations bancaires sur lesquelles A.________ disposait d'un droit de
signature.

Le 4 décembre 2015, l'Administration fédérale a demandé à la Banque d'informer
les deux Sociétés (art. 105 al. 2 LTF). Le 15 décembre 2015, la Banque lui a
indiqué qu'elle n'avait pas envoyé de notification à B.________ et à
C.________, car les relations bancaires avec celles-ci avaient été clôturées.

Par publications dans la Feuille fédérale du 15 mars 2016, B.________ et
C.________ ont été invitées par l'Administration fédérale à désigner un
représentant en Suisse autorisé à recevoir les notifications les concernant.
Celles-ci ne se sont pas manifestées.

B. 

Par décision du 26 avril 2016, l'Administration fédérale a accordé l'assistance
administrative requise (ch. 1 du dispositif). Elle a décidé de transmettre aux
autorités compétentes françaises diverses informations concernant A.________
obtenues auprès de la Banque, notamment l'indication que l'intéressée était au
bénéfice d'un droit de signature sur trois relations bancaires dont B.________
et C.________ étaient titulaires (ch. 2 let. d du dispositif), ainsi que les
relevés de compte relatifs à ces trois relations bancaires (ch. 2 let. e du
dispositif).

Cette décision a été notifiée en Suisse à A.________. La notification à
B.________ et à C.________ est intervenue par publications du 26 avril 2016
(dans la Feuille fédérale; art. 105 al. 2 LTF).

A.________ a recouru à l'encontre de la décision du 26 avril 2016 auprès du
Tribunal administratif fédéral.

Par arrêt du 5 juillet 2017, le Tribunal administratif fédéral a constaté, en
raison d'une violation du droit d'être entendu liée à un défaut de
notification, la nullité partielle de la décision du 26 avril 2016 en tant
qu'elle prévoyait le transfert d'informations concernant les trois relations
bancaires dont B.________ et C.________ étaient titulaires, cette nullité
valant à l'égard de tous les intéressés (cf. ch. 1 du dispositif de l'arrêt
attaqué). Il a renvoyé la cause à l'autorité inférieure à ce sujet, afin
qu'elle notifie correctement l'existence de la procédure d'assistance
administrative aux deux Sociétés, en leur octroyant un délai pour prendre
position, avant le prononcé d'une nouvelle décision finale (cf. ch. 2). Pour le
surplus, le recours a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité (ch. 3),
sous suite de frais et dépens (ch. 4 et 5).

L'arrêt du 5 juillet 2017 a été notifié aux deux Sociétés pa r voie de
publication dans la Feuille fédérale.

C. 

Contre l'arrêt du 5 juillet 2017, l'Administration fédérale interjette un
recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Contestant l'existence
d'une violation du droit d'être entendu en lien avec les publications dans la
Feuille fédérale pour informer les deux Sociétés de l'existence de la procédure
administrative, elle conclut à l'admission du recours, à l'annulation des ch. 1
et 2 du dispositif de l'arrêt attaqué dans le sens de la confirmation de sa
décision du 26 avril 2016; à titre subsidiaire, elle demande l'annulation des
ch. 1 et 2 du dispositif de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause au
Tribunal administratif fédéral pour nouvel examen dans le sens des
considérants. Elle requiert également l'annulation des ch. 4 et 5 du dispositif
de l'arrêt attaqué concernant les frais et dépens.

Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position. Dans sa
réponse, A.________ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement à son rejet. L'Administration fédérale a renoncé à déposer des
observations complémentaires, se référant entièrement à l'argumentation
développée dans son recours.

Par courrier du 25 février 2019, A.________ a transmis à la Cour de céans un
courrier du Tribunal administratif de Lyon du 20 février 2019 et son annexe.
Elle en concluait que la procédure d'assistance administrative était devenue
sans objet, les procédures fiscales contre elle semblant avoir été abandonnées.
La recourante s'est déterminée sur la portée à donner à ce courrier,
considérant qu'il n'était pas de nature à remettre en cause la procédure
d'assistance initiée.

Considérant en droit :

1.

1.1. La cause a été rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF)
émanant du Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Seul un
recours en matière de droit public est donc envisageable (cf. art. 113 LTF a
contrario).

1.2. Le recours demande l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il constate
la nullité partielle de la décision finale du 26 avril 2016 et qu'il renvoie la
cause à l'Administration fédérale pour qu'elle statue à nouveau après avoir
procédé conformément à ses considérants. La décision attaquée constitue dans
cette mesure une décision incidente (cf. ATF 133 V 377 4.2 p. 481 s), de sorte
qu'un recours au Tribunal fédéral n'est recevable que s'il remplit à la fois
les conditions propres aux décisions incidentes et celles spécifiques à
l'assistance administrative internationale en matière fiscale (cf. arrêts
2C_201/2016 du 3 novembre 2017 consid. 1.2 et 1.3 non publié in ATF 144 II 130,
mais in StE 2018 A 32 Nr. 28 et Pra 2018/126 p. 1163; 2C_959/2018 du 12
novembre 2018 consid. 2).

Sous réserve des cas visés par l'art. 92 LTF non réalisés en l'espèce, les
décisions incidentes qui sont notifiées séparément ne peuvent, aux termes de
l'art. 93 al. 1 LTF, faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral
que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission
du recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant
d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Selon la
jurisprudence, l'administration qui est tenue, par une décision de renvoi, à
rendre une décision qui est, selon elle, contraire au droit, subit un préjudice
irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Tel est le cas en l'espèce,
l'Administration fédérale soutenant que l'arrêt attaqué viole l'art. 14 LAAF.

1.3. Contre les décisions en matière d'assistance administrative en matière
fiscale, le recours en matière de droit public n'est recevable que lorsqu'une
question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit, pour d'autres
motifs, d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF (cf.
art. 83 let. h et 84a LTF). La présence d'une question juridique de principe
suppose que la décision en cause soit déterminante pour la pratique; tel est
notamment le cas lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreux
cas analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique
qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude
caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la
part du Tribunal fédéral (ATF 139 II 404 consid. 1.3 p. 410; arrêt 2C_963/2014
du 24 septembre 2015 consid. 1.3 non publié in ATF 141 II 436, mais traduit in
RDAF 2016 II 374).

En l'occurrence, l'Administration fédérale soutient que l'arrêt attaqué soulève
une question juridique de principe en lien avec les exigences procédurales à
respecter pour informer une personne habilitée à recourir de l'ouverture d'une
procédure d'assistance administrative. La question est réglée à l'art. 14 LAAF.
Le Tribunal administratif fédéral et l'Administration fédérale s'opposent sur
la portée à donner à cette disposition, notamment sur le caractère subsidiaire
de la publication dans la Feuille fédérale. Il est indéniable que cette
problématique est déterminante pour la pratique et qu'elle nécessite d'être
tranchée par le Tribunal fédéral, compte tenu des positions divergentes des
autorités précédentes. Le recours est donc recevable sous l'angle de l'art. 84a
LTF.

1.4. L'intimée soutient que la procédure d'assistance administrative serait
devenue sans objet, parce que le courrier qu'elle a produit montrerait que la
Direction générale des finances publiques aurait annulé les rappels d'impôts
qui avait été établis contre elle. Ce raisonnement ne peut pas être suivi.
Indépendamment du fait que l'intimée n'est pas affirmative (la procédure
fiscale contre elle " semblerait " avoir été abandonnée) et que ce fait ne
ressort pas du tout des documents qu'elle produit, qui se limitent à évoquer de
manière générale et vague des dégrèvements d'impôts, entrer en matière sur
cette question reviendrait à se substituer à l'appréciation de l'autorité
requérante quant à la portée d'un acte juridique de droit interne sur la
pertinence de l'assistance administrative, ce qui outrepasse le rôle de l'Etat
requis (cf. arrêt 2C_241/2016 du 7 avril 2017 consid. 5.6).

1.5. Au surplus, l'Administration fédérale, qui a qualité pour recourir au sens
de l'art. 89 al. 2 let. a LTF (cf. arrêt 2C_1174/2014 du 24 septembre 2015
consid. 1.3 non publié in ATF 142 II 161, mais in RDAF 2016 II 28 et Pra 2016/
79 p. 727), a formé recours en temps utile (art. 100 al. 2 let. b LTF) et dans
les formes prévues (art. 42 LTF). Il convient par conséquent d'entrer en
matière.

2. 

Dans le domaine de l'échange de renseignements, la Suisse et la France sont
liées par la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue
d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la
fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales (ci-après: CDI CH-FR; RS
0.672.934.91). Ce texte est complété, en matière d'échange de renseignements,
par le ch. XI du Protocole additionnel à la CH-FR, qui a été modifié par
l'Accord additionnel du 25 juin 2014 entré en vigueur le 30 mars 2016 (RO 2016
1195), tous deux annexés à ladite convention et publiés au Recueil
systématique.

Sur le plan interne, la loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l'assistance
administrative internationale en matière fiscale (LAAF; RS 651.1), applicable
en l'espèce (cf. art. 24 LAAF), concrétise l'exécution en Suisse des
conventions de double imposition (cf. art. 1 LAAF; ATF 143 II 224 consid. 6.1
p. 228; 628 consid. 4.3 p. 639).

3. 

Le litige est de nature essentiellement procédurale. Il concerne les exigences
en matière de notification que doit respecter l'Administration fédérale pour
aviser les personnes concernées, respectivement habilitées à recourir qui
résident à l'étranger de l'existence d'une procédure d'assistance
administrative internationale en matière fiscale, afin de leur garantir le
droit de participer à ladite procédure.

3.1. L'art. 28 CDI CH-FR règle l'échange de renseignements. Il définit le cadre
général dans lequel l'échange doit avoir lieu et prévoit notamment que les
autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements
vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente
Convention, ou pour l'administration ou l'application de la législation interne
relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des
Etats contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités
locales, dans la mesure où l'imposition qu'elle prévoit n'est pas contraire à
la Convention (par. 1 1 ^ère phrase). Le ch. XI par. 5 du Protocole additionnel
précise que les règles de procédure administratives relatives aux droits du
contribuable s'appliquent dans l'Etat requis, sans pour autant que leur
application puisse entraver ou retarder indûment les échanges effectifs de
renseignements. 

3.2. L'art. 28 ^bis CDI CH-FR, en vigueur depuis le 4 novembre 2010 (RO 2010
5687), pose des règles en matière de notification. Il prévoit que les Etats
contractants se prêtent mutuellement assistance pour la notification des actes
et documents relatifs au recouvrement des impôts visés par la Convention (cf.
par. 1). Un Etat peut faire procéder directement par voie postale à la
notification d'un document à une personne se trouvant sur le territoire de
l'autre Etat. Les notifications sont adressées par envoi recommandé avec accusé
de réception. Le destinataire est réputé avoir été informé de la notification à
la date de présentation du pli (par. 2). Cette disposition a été prévue en lien
avec l'assistance à la notification de créances fiscales à la demande de la
France (commandements de payer relatifs à des créances publiques françaises;
cf. Message concernant l'approbation du nouvel avenant à la convention contre
les doubles impositions avec la France du 6 mars 2009, FF 2009 1399). On peut
donc douter qu'elle s'applique aussi à la notification d'actes relatifs à une
procédure d'assistance administrative. La question n'a toutefois pas besoin
d'être approfondie, dès lors que l'art. 28 ^bis CDI CH-FR ne concerne que des
notifications destinées à des personnes résidant en Suisse ou en France, mais
ne saurait servir de base à une notification directe à des personnes qui, comme
les deux Sociétés visiblement, résident dans un Etat tiers (cf. infra consid.
7.3). 

3.3. A défaut de disposition topique dans la CDI CH-FR, c'est en application
des dispositions procédurales de droit interne qui figurent en l'occurrence
dans la LAAF qu'il convient d'examiner la question litigieuse. La seule réserve
est que les droits procéduraux accordés sur le plan interne ne doivent pas
constituer des obstacles entravant de manière inconsidérée ou retardant
indûment la remise d'informations à laquelle la Suisse s'est engagée en vertu
du droit international (cf. supra consid. 3.1 in fine; ATF 143 II 506 consid. 4
p. 511 en lien avec la CDI CH-US, qui contient une clause similaire au ch. XI
par. 5 du Protocole additionnel précité).

4.

4.1. L'information des personnes concernées et autres personnes habilitées à
recourir est régie spécifiquement à l'art. 14 LAAF. L'art. 14a n'est pas
applicable en l'espèce, dès lors que la présente cause ne concerne pas une
demande groupée. L'art. 14 LAAF est rédigé comme suit :

1 L'AFC informe la personne concernée des partiesessentielles de la demande.

^2 Elle informe de la procédure d'assistance administrative les autres
personnes dont elle peut supposer, sur la base du dossier, qu'elles sont
habilitées à recourir en vertu de l'art. 19, al. 2.

^3 Lorsqu'une personne visée à l'al. 1 ou 2 (personne habilitée à recourir) est
domiciliée à l'étranger, l'AFC invite le détenteur des renseignements à faire
désigner par cette personne un représentant en Suisse autorisé à recevoir des
notifications. Elle lui fixe un délai pour ce faire.

^4 L'AFC peut informer directement la personne habilitée à recourir domiciliée
à l'étranger, pour autant que :

        a.       la notification par voie postale de documents à destination
du              pays concerné soit admise; ou que

        b.       l'autorité requérante y consente expressément dans le
cas                     particulier.

^5 Lorsqu'une personne habilitée à recourir ne peut être contactée, l'AFC
l'informe de la procédure d'assistance administrative par l'intermédiaire de
l'autorité requérante ou par publication dans la Feuille fédérale. Elle invite
la personne habilitée à recourir à désigner en Suisse un représentant autorisé
à recevoir des notifications. Elle lui fixe un délai de dix jours pour ce
faire.

4.2. L'art. 14 LAAF concrétise le droit d'être entendu garanti par l'art. 29
Cst. (arrêt 2C_112/2015 du 27 août 2015 consid. 3.1). Par conséquent, si une
personne habilitée à recourir n'est pas informée de la procédure, parce que
l'autorité compétente n'a pas procédé à une notification adéquate au sens de
l'art. 14 LAAF, il y a violation de son droit d'être entendue.

5. 

Le Tribunal administratif fédéral a considéré que l'Administration fédérale
n'avait pas agi de manière à permettre aux deux Sociétés de prendre position
sur la procédure avant le prononcé de la décision du 26 avril 2016. En effet,
après avoir reçu l'indication de la Banque du 15 décembre 2015 selon laquelle
elle n'avait pas informé les Sociétés de l'existence de la procédure du fait de
la clôture des relations bancaires avec celles-ci, l'Administration fédérale
aurait dû, selon l'instance précédente, entreprendre " quelque démarche (voir
art. 14 al. 3 LAAF) en vue de revenir sur l'approche adoptée par la banque, qui
apparaît avoir renoncé à prendre contact avec les sociétés sans pour autant
soutenir qu'elles n'existaient plus. Cette absence d'explication - qui serait
d'autant plus flagrante s'il fallait, par impossible, retenir un siège suisse
des sociétés - n'est pas compatible avec le caractère subsidiaire [...] de la
notification par voie de publication, compte tenu de la relative simplicité
qu'aurait impliqué une prise de contact avec la banque pour discuter l'approche
adoptée dans le courrier " (arrêt attaqué consid. 5.3.1 p. 11). Sur la base de
cette motivation, l'arrêt attaqué retient une violation du droit d'être entendu
des Sociétés que seule la nullité peut protéger (arrêt attaqué, eo loco). La
nullité partielle de la décision du 26 avril 2016 a ainsi été constatée en ce
qu'elle concernait les indications bancaires relatives aux deux Sociétés et la
cause renvoyée à l'Administration fédérale, afin qu'elle notifie correctement
l'existence de la procédure d'assistance administrative en octroyant aux deux
Sociétés un délai pour prendre position avant le prononcé d'une nouvelle
décision finale.

6. 

L'Administration fédérale soutient en premier lieu qu'en considérant qu'il lui
appartenait d'insister auprès de la Banque, après que l'établissement bancaire
lui avait indiqué, le 15 décembre 2015, qu'à la suite de la clôture de ses
relations bancaires avec les deux Sociétés, elle ne leur avait pas envoyé de
notification, l'arrêt attaqué sortait du cadre établi par l'art. 14 al. 3 LAAF.
Il revenait à lui imposer une obligation ne reposant pas sur le texte de la loi
et à prolonger la procédure de manière injustifiée auprès du détenteur
d'informations.

6.1. La loi s'interprète selon différentes méthodes usuelles (cf. sur ces
méthodes, notamment ATF 143 II 202 consid. 8.5 p. 215; 142 II 80 consid. 4.1 p.
91; 140 II 289 consid. 3.2 p. 291 s.). Selon la jurisprudence, il n'y a lieu de
déroger au sens littéral d'un texte clair que lorsque des raisons objectives
permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la
disposition en cause (ATF 144 II 293 consid. 4.2.4 p. 302 et les arrêts cités).

6.2. En l'occurrence, le texte de l'art. 14 al. 3 LAAF est clair. Lorsqu'une
personne visée à l'al. 1 ou 2 (personne habilitée à recourir) est domiciliée à
l'étranger, l'Administration fédérale invite (en allemand : ersucht; en italien
: chiede) le détenteur des renseignements à faire désigner par cette personne
un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications. Elle lui fixe
un délai pour ce faire. Quant aux al. 1 et 2, ils imposent à l'Administration
fédérale d'informer de la procédure la personne concernée et les autres
personnes dont elle peut supposer, sur la base du dossier, qu'elles sont
habilitées à recourir. En d'autres termes, si l'Administration fédérale doit
essayer d'obtenir du détenteur d'informations (en l'occurrence la Banque) qu'il
prenne contact avec les personnes habilitées à recourir en vue de la
désignation d'un représentant autorisé à recevoir les notifications, cette
autorité ne peut l'y contraindre.

Aucun élément ne permet d'en inférer que le texte clair de la loi ne
correspondrait pas à la volonté du législateur. Dans le Message du 6 juillet
2011 concernant l'adoption d'une loi sur l'assistance administrative fiscale,
le Conseil fédéral a souligné, au sujet de l'art. 14 al. 3 du projet (FF 2011
5815; texte adopté tel quel par les Chambres), que l'information via le
détenteur des renseignements représentait la solution la plus simple et la plus
rapide, surtout pour les renseignements bancaires, puisque toute banque a
normalement la possibilité de se mettre en contact avec ses clients (FF 2011
5794). Cette formulation évoque une solution pragmatique, dictée par le respect
du principe de célérité, mais aucun moyen de contrainte envers le détenteur des
renseignements n'est évoqué. La jurisprudence va dans le même sens, envisageant
l'appel au détenteur de renseignements pour informer la personne habilitée à
recourir de l'ouverture d'une procédure d'assistance comme une démarche que
l'Administration fédérale doit certes tenter en vertu de la LAAF, mais sans
moyen de contrainte. L'idée est que le détenteur d'informations entreprendra
tout ce qui est en son pouvoir pour informer la personne habilitée à recourir
de l'existence d'une procédure d'assistance, eu égard aux relations
contractuelles qui les lient (cf. arrêt 2C_54/2014 du 2 juin 2014 consid. 3.3,
in StE 2014 A 31.4 Nr. 20). La doctrine ne voit pas non plus l'art. 14 al. 3
LAAF comme permettant à l'Administration fédérale d'obliger le détenteur
d'informations (souvent une banque) d'aviser la personne habilitée à recourir.
L'autorité doit seulement s'efforcer d'obtenir de la banque qu'elle informe la
personne habilitée à recourir sur la base des relations contractuelles les
liant (CHARLOTTE SCHODER, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über die
internationale Amtshilfe in Steuersachen, 2014, n° 165 ad art. 14 StAhiG; cf.
aussi Walter Frei, Rechtsschutz in der Amtshilfe, in Zürcher Steuerpraxis 2018
p. 183 ss, p. 192 qui parle de " Bemühungen "). Une fois les relations closes
avec son client, la banque n'a plus d'obligation sous cet angle (cf. Caroline
Gstöhl, Geheimnisschutz im Verfahren der internationale Rechtshilfe in
Strafsachen, 2008, p. 374). Dans sa propre jurisprudence, le Tribunal
administratif fédéral a du reste lui-même souligné " qu'on ne voit guère de
base légale qui permette à l'AFC d'obliger le détenteur de renseignements à
informer la personne habilitée à recourir s'il n'y consent " (arrêt A-688/2015
du 22 février 2016 consid. 2).

6.3. En l'espèce, l'Administration fédérale a demandé, le 4 décembre 2015, à la
Banque les documents requis par l'autorité française. Elle l'a aussi invitée à
informer les personnes concernées de l'existence de la procédure selon une
lettre modèle jointe en copie, qui leur demandait de fournir à l'Administration
fédérale une adresse de notification en Suisse (art. 105 al. 2 LTF). Le 15
décembre 2015, la Banque a répondu que, comme elle n'avait plus de relations
contractuelles avec les deux Sociétés, elle ne leur avait pas envoyé de
notification. Il en découle que l'Administration fédérale a respecté l'art. 14
al. 3 LAAF, en invitant la Banque à informer les personnes habilitées à
recourir en vue de leur faire désigner une adresse de notification en Suisse.
Après que la Banque a indiqué à l'Administration fédérale qu'elle n'avait pas
procédé à l'information requise, car elle n'avait plus de relations bancaires
avec les deux Sociétés, on ne voit pas ce que l'Administration fédérale aurait
pu faire de plus ni de quel moyen de pression elle aurait disposé auprès de la
Banque, afin qu'elle revienne sur sa position. Comme on l'a vu, l'art. 14 al. 3
LAAF part de la prémisse que le détenteur de renseignements est lié à la
personne habilitée à recourir par des relations contractuelles selon lesquelles
il doit l'aviser; si celles-ci sont clôturées, cette obligation n'existe plus.
L'arrêt attaqué ne fait du reste que de mentionner " quelque démarche "
qu'aurait dû effectuer l'autorité recourante, mais sans indiquer laquelle.
C'est donc à tort que les juges précédents ont reproché à l'Administration
fédérale de ne pas avoir insisté auprès de la Banque pour qu'elle informe
elle-même les deux Sociétés de la procédure.

7. 

En l'absence de communication par le biais du détenteur de renseignements au
sens de l'art. 14 al. 3 LAAF, il appartenait à l'Administration fédérale de
garantir d'une autre manière le droit d'être entendu des deux Sociétés à la
procédure, en faisant usage d'un autre mode de notification au sens de l'art.
14 al. 4 et 5 LAAF.

7.1. Elle a informé les deux Sociétés par la voie de publications dans la
Feuille fédérale, le 15 mars 2016. Le Tribunal administratif fédéral a estimé
que cette notification n'était pas suffisante, compte tenu de son caractère
subsidiaire et du fait que les personnes à l'étranger ne consultaient en
principe pas la Feuille fédérale. La recourante soutient au contraire que les
modes de notification prévus aux al. 4 et 5 de l'art. 14 LAAF sont alternatifs
et laissent une certaine marge de manoeuvre à l'autorité, nécessaire pour tenir
compte des spécificités de chaque cas d'espèce.

7.2. Plusieurs modes d'informations sont prévus à l'art. 14 al. 4 et 5 LAAF
pour garantir le droit d'être entendu des personnes concernées par une demande
d'assistance administrative, respectivement habilitées à recourir, et qui sont
domiciliées à l'étranger, à savoir : l'information directe par l'Administration
fédérale à certaines conditions (cf. al. 4), l'information par l'intermédiaire
de l'autorité requérante ou par la publication dans la Feuille fédérale (cf.
al. 5). L'art. 14 al. 5 LAAF s'applique lorsqu'une personne habilitée à
recourir ne peut être contactée. L'information prévue à l'al. 5 suppose ainsi
que la personne habilitée à recourir ne puisse être contactée directement. En
ce sens, la notification au sens de l'al. 5 est subsidiaire à l'information
directe prévue à l'al. 4.

7.2.1. La notification directe selon l'art. 14 al. 4 LAAF implique qu'une
notification par voie postale dans le pays concerné soit admissible ou que
l'Etat requérant y consente expressément (cf. let. a et b). Cette disposition
s'explique par le fait que la notification d'un acte officiel dans un Etat
étranger sans son accord porte atteinte à la souveraineté de ce dernier (cf.
ATF 142 III 355 consid. 3.3.3 p. 358 s.). Il faut donc connaître l'Etat de
domicile ou du siège de la personne habilitée à recourir, afin de déterminer
s'il existe une convention internationale permettant à la Suisse une
notification directe; quant au consentement exprès de l'Etat requérant, il n'a
d'intérêt que si la personne est domiciliée ou à son siège sur le territoire
(SCHODER, op. cit, n° 168 ad art. 14 StAhiG; cf. DIANE OSWALD,
Verfahrensrechtliche Aspekte der internationale Amtshilfe in Steuersachen,
2015, p. 386).

7.2.2. L'art. 14 al. 5 LAAF prévoit pour sa part deux modes de notification
possibles si l'information directe n'est pas envisageable, à savoir la
notification par le biais de l'autorité requérante ou par la publication dans
la Feuille fédérale. Comme le relève à juste titre l'Administration fédérale,
le texte de la loi laisse le choix entre l'un ou l'autre mode de notification à
l'appréciation de l'autorité compétente. La publication dans la Feuille
fédérale n'apparaît pas comme subsidiaire. Cela se justifie par le fait qu'une
notification par l'entremise de l'Etat requérant, si elle peut s'avérer plus
simple et directe, n'est pas forcément possible ni adaptée. Elle implique
premièrement que la personne habilitée à recourir soit domiciliée ou ait son
siège sur le territoire dudit Etat. Deuxièmement, elle suppose que l'autorité
suisse transmette à l'Etat requérant l'identité de la personne habilitée à
recourir, ce qui peut s'avérer délicat selon les informations demandées (par
exemple lors de demande groupée même avant l'introduction de l'art. 14a LAAF:
cf. arrêt 2C_54/2014 précité consid. 3.3). Il appartient donc à
l'Administration fédérale, lorsqu'elle procède à une notification en
application de l'art. 14 al. 5 LAAF, d'opter pour l'alternative la plus adaptée
aux circonstances.

7.3. En l'espèce, tout en se prévalant du caractère subsidiaire de la
notification par le biais de la Feuille fédérale, le Tribunal administratif
fédéral n'indique pas quel autre mode de notification prévu aux al. 4 et 5 de
l'art. 14 LAAF aurait pu et dû être mis en oeuvre en priorité. Il se trouve que
les faits constatés ne permettent pas de le déterminer. En effet, aucun élément
n'établit que l'une ou l'autre des Sociétés aurait eu son siège dans un Etat
lié à la Suisse par une convention autorisant une notification postale directe
(cf. art. 14 al. 4 let. a LAAF). Rien n'indique par ailleurs que leur siège se
trouverait en France, condition indispensable pour que l'autorité requérante
puisse consentir valablement à une notification directe (cf. art. 14 al. 4 let.
b LAAF) ou puisse les informer elle-même (cf. art. 14 al. 5 LAAF). S'agissant
du siège des deux Sociétés, l'arrêt attaqué indique seulement que " les
sociétés paraissent sises à l'étranger (à E.________ pour l'une) même si leur
lieu d'incorporation ne ressort pas clairement du dossier " (arrêt p. 11 par.
1). Il aurait pourtant appartenu au Tribunal administratif fédéral, en tant que
juge du fait, d'établir clairement le siège des deux Sociétés, s'il entendait
en déduire des conséquences juridiques aussi importantes que la nullité
partielle de la décision attaquée devant lui. Lorsque, comme cela est
visiblement le cas, il est difficile, voire impossible, de localiser le
domicile ou le siège d'une personne habilitée à recourir, on ne voit
manifestement pas qu'une publication dans la Feuille fédérale pour informer
celle-ci de l'existence d'une procédure, puisse apparaître comme un mode de
notification inadéquat. Partant, en utilisant ce moyen envers les deux
Sociétés, l'Administration fédérale n'a pas violé leur droit d'être entendues
justifiant de lui renvoyer la cause, " afin qu'elle notifie correctement
l'existence de la procédure d'assistance admin istrative aux sociétés ", sans
que l'arrêt attaqué ne mentionne ni que l'on puisse discerner en quoi
consisterait une notification correcte.

8. 

Le recours doit partant être admis. L'arrêt attaqué sera partiellement annulé,
dans la mesure où il constate la nullité partielle de la décision du 26 avril
2016 de l'Administration fédérale et renvoie la cause à cette dernière, afin
qu'elle notifie correctement l'existence de la procédure d'assistance
administrative aux deux Sociétés (ch. 1 et 2 du dispositif dudit arrêt). Il
doit être confirmé pour le surplus. La cause sera renvoyée au Tribunal
administratif fédéral, afin qu'il examine les griefs au fond formés par
A.________ qu'il n'avait pas traités, en raison de la constatation de la
nullité partielle de la décision du 26 avril 2016. Il lui appartiendra
également de statuer à nouveau sur les frais et dépens (ch. 4 et 5 du
dispositif de l'arrêt attaqué).

9. 

Compte tenu de l'issue du litige, les frais seront mis à la charge de
l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens
(art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 

Le recours est admis.

2. 

Les chiffres 1 et 2, ainsi que 4 et 5, du dispositif de l'arrêt attaqué sont
annulés. Celui-ci est confirmé pour le surplus.

3. 

La cause est renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour qu'il statue dans
le sens des considérants.

4. 

Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

5. 

Le présent arrêt est communiqué à l'Administration fédérale, au mandataire de
l'intimée, aux deux Sociétés intéressées par voie de publication dans la
Feuille fédérale et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.

Lausanne, le 13 mai 2019

Au nom de la IIe Cour de droit public

du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Seiler

La Greffière: Vuadens