Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.455/2017
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                [displayimage]  
 
 
2C_455/2017  
 
 
Arrêt du 17 septembre 2018  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Aubry Girardin et Haag. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
1. A.X.________, 
2. B.X.________, 
tous les deux représentés par Me Cédric Baume, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Service des contributions du canton du Jura, 
 
Objet 
Impôt cantonal et communal 2006 à 2009; déductibilité d'une indemnité en remise
du gain, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Cour administrative, du 10 avril 2017 (ADM 118/2016 - AJ 119/2016). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Les époux A.X.________ et B.X.________ sont contribuables jurassiens.
Depuis le mois de février 2005, A.X.________ a exploité un commerce de vente de
matériel satellite. Dans ce contexte, il a mis en place un système de partage
de carte ("card sharing"), qui permettait à ses clients de regarder sans
abonnement officiel des chaînes de télévision cryptées et payantes détenues par
Société Y.________ et par Z.________. Pour ce faire, les clients achetaient à
A.X.________ des appareils ("Dreambox") qu'il avait modifiés pour qu'ils
puissent recevoir ces chaînes au travers de la dizaine d'abonnements qu'il
avait lui-même contractés. ll disposait pour cela d'un serveur auquel ses
clients se connectaient. Ces derniers lui payaient un abonnement, dont le coût
était inférieur au prix d'un abonnement officiel. La vente des appareils
Dreambox a représenté environ 70% du chiffre d'affaires de A.X.________.  
A.X.________ tenait une comptabilité en bonne et due forme et a remis en annexe
à ses déclarations fiscales 2006 à 2009 des bilans et des comptes de pertes et
profits (art. 105 al. 2 LTF). 
 
A.b. Y.________ et Z.________ ont déposé une plainte pénale à l'encontre de
A.X.________ le 12 juin 2007. Des mesures d'instruction ont été entreprises par
le juge en charge du dossier dès l'été 2007 (art. 105 al. 2 LTF). A.X.________
a coupé l'accès au serveur permettant aux clients d'accéder aux chaînes à la
fin du mois de janvier 2008 (art. 105 al. 2 LTF).  
Le 10 décembre 2010, A.X.________ a été condamné pénalement en première
instance et astreint à verser aux parties plaignantes une indemnité en remise
du gain (art. 105 al. 2 LTF). Il a fait appel de ce jugement auprès de la Cour
pénale du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura qui, le 14 juin
2011, a déclaré A.X.________ coupable de l'infraction de fabrication et de mise
sur le marché d'équipements servant à décoder frauduleusement des services
cryptés (art. 150 ^bis du Code pénal suisse [CP]; RS 311.0) et d'infraction à
la loi fédérale sur les droits d'auteurs (LDA; RS 231.1). Cette Cour a par
ailleurs confirmé que A.X.________ devait verser aux parties plaignantes une
indemnité au titre de remise du gain, fixée à 98'435 fr. 80.  
A.X.________ a recouru contre ce jugement auprès du Tribunal fédéral qui a
admis le recours, l'infraction à l'art. 150 ^bis CP étant prescrite et les
conditions des infractions à la LDA n'étant pas réalisées. Le Tribunal fédéral
a par ailleurs renvoyé la cause à l'instance précédente pour qu'elle statue à
nouveau sur les prétentions civiles des parties plaignantes (arrêt 6B_584/2011
du 11 octobre 2012, partiellement publié in ATF 139 IV 1).  
Statuant sur renvoi le 27 juin 2013, la Cour pénale du Tribunal cantonal a
condamné A.X.________ à restituer aux parties plaignantes les gains perçus, à
hauteur de 63'472 fr. 55, avec intérêt à 5% dès le 10 décembre 2010.
L'obligation de restitution était fondée sur l'art. 423 du Code des obligations
(CO; RS 220). A.X.________ a recouru en vain contre ce jugement auprès du
Tribunal fédéral (arrêt 6B_819/2013 du 27 mars 2014). 
 
B.   
Le 1 ^er juillet 2011, le Service des contributions du canton du Jura a procédé
à la taxation des époux X.________ pour les périodes fiscales 2006 à 2009. Le
revenu imposable des époux comportait la rubrique "activité accessoire
indépendante", qui s'élevait à 28'053 fr. en 2006, à 27'092 fr. en 2007, à
1'836 fr. en 2008 et à 4'389 fr. en 2009 (art. 105 al. 2 LTF).  
Par réclamations du 28 juillet 2011, A.X.________ a demandé au Service cantonal
qu'il déduise de son revenu l'indemnité en remise de gain à laquelle il avait
été condamné (art. 105 al. 2 LTF). La réclamation a été rejetée (décisions sur
réclamation du 5 octobre 2012). 
Le 31 octobre 2012, les contribuables ont déposé un recours contre les
décisions sur réclamation auprès de la Commission cantonale des recours en
matière d'impôts (ci-après: la Commission des recours), qui l'a rejeté le 22
juin 2016. Contre cette décision, les intéressés ont recouru auprès de la Cour
administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: le Tribunal
cantonal), précisant ne contester que l'impôt cantonal, communal et
ecclésiastique (ci-après: impôt d'Etat). 
Par arrêt du 10 avril 2017, le Tribunal cantonal a constaté l'entrée en force
de la décision de la Commission des recours s'agissant de l'impôt fédéral
direct et rejeté le recours s'agissant de l'impôt d'Etat, au motif que
l'indemnité de 63'472 fr. 55 ne pouvait pas constituer une charge déductible du
revenu. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.X.________ et
B.X.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,
d'annuler la décision du Tribunal cantonal du 10 avril 2017, de dire que
l'indemnité de 63'472 fr. 55 constitue une charge commerciale déductible et,
partant, de renvoyer la cause au Service cantonal pour nouvelles décisions de
taxation dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal et l'Administration fédérale des contributions concluent
au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué. Le Service des
contributions a déposé une réponse, concluant au rejet du recours et à la
confirmation de ses décisions de taxation. Les recourants ont déposé d'ultimes
observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
La décision attaquée, qui porte sur l'impôt d'Etat du canton du Jura, est
finale (art. 90 LTF) et a été rendue en dernière instance cantonale par un
tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit
public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe sous le coup d'aucune des exceptions
prévues à l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc
ouverte. La définition des frais déductibles de l'activité lucrative
indépendante au sens des impôts cantonaux et communaux est une matière
harmonisée à l'art. 10 de la loi fédérale du décembre 1990 sur l'harmonisation
des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]) et l'art. 73
al. 1 LHID confirme cette voie de droit. 
Le recours a par ailleurs été déposé en temps utile compte tenu des féries (cf.
art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (cf. art.
42 LTF) par les destinataires de la décision attaquée, qui ont qualité pour
recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière. 
 
2.  
D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office.
Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il ne connaît de la violation des droits
fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal
que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, à savoir exposé de
manière claire et détaillée (cf. ATF 142 I 99 consid. 1.7.2 p. 106; 141 I 36
consid. 1.3 p. 1). Le Tribunal fédéral revoit toutefois librement la conformité
du droit cantonal harmonisé et sa mise en pratique par les instances cantonales
aux dispositions de la LHID lorsque les dispositions de cette loi ne laissent
pas de marge de manoeuvre aux cantons, comme tel est le cas de la question des
frais justifiés par l'usage commercial ou professionnel (arrêt 2C_107/2017 du 6
décembre 2017 consid. 3.1 et les références). 
 
3.  
 
3.1. Pour statuer, le Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ceux-ci n'aient été
établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle
d'arbitraire (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244) - ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction
du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1
LTF), ce que la partie recourante doit démontrer d'une manière circonstanciée,
conformément aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. A défaut, il n'est pas
possible de tenir compte d'un état de fait divergeant de celui qui est contenu
dans l'acte attaqué (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 II 353 consid. 5.1
p. 356).  
 
3.2. Invoquant l'art. 97 al. 1 LTF, les recourants font valoir que l'instance
précédente a arbitrairement omis de tenir compte du fait que les chaînes de
Y.________ et de Z.________ n'étaient pas commercialisées en Suisse à l'époque
des faits et qu'elle en a tiré la conclusion arbitraire selon laquelle le
recourant 1 avait manqué de diligence dans l'exploitation de son entreprise en
s'abstenant de demander une autorisation à leurs propriétaires.  
Cette constatation de fait n'est pas décisive pour l'issue du recours (cf.
infra consid. 4 à 6). Au demeurant, l'affirmation des recourants est en
contradiction avec ce que le Tribunal fédéral a constaté dans l'arrêt 6B_584/
2011 précité concernant le recourant 1, à savoir que les parties plaignantes
proposaient des abonnements à Y.________ en Suisse depuis 1996 (cf. consid. B.a
de l'arrêt). Le grief tiré de l'art. 97 al. 1 LTF est partant rejeté. 
Au surplus, dans la mesure où les recourants fondent leur recours sur des faits
qui ne ressortent pas de l'arrêt attaqué sans se plaindre d'une constatation
manifestement inexacte ou arbitraire, la Cour de céans n'en tiendra pas
compte. 
 
4.   
Le litige porte sur le point de savoir si l'indemnité en remise du gain de
63'472 fr. 55 fr. que le recourant 1 a été condamné à payer en vertu de l'art.
423 CO en 2014 est déductible du revenu de l'activité indépendante qu'il a
réalisé au cours des périodes fiscales 2006 à 2009 litigieuses. Est seul en jeu
l'impôt d'Etat, l'instance précédente ayant constaté l'entrée en force des
décisions de taxation s'agissant de l'impôt fédéral direct. 
 
4.1. Les juges précédents ont retenu que cette indemnité ne pouvait pas
constituer une charge justifiée par l'usage commercial déductible au sens de
l'art. 25 de la loi d'impôt jurassienne (LI; RS/JU 641.11; cf. art. 10 al. 1
LHID). Pour parvenir à cette conclusion, ils ont appliqué au cas d'espèce la
jurisprudence rendue en matière de versements en dommages-intérêts, selon
laquelle de tels paiements ne sont déductibles du revenu de l'activité
lucrative que s'ils résultent du risque propre à l'activité exercée, mais pas
lorsqu'ils ont été causés par un manquement personnel du contribuable. En
l'espèce, comme A.X.________ avait réalisé les conditions de l'infraction punie
à l'art. 150 ^bis CP, même s'il avait échappé à une condamnation en raison de
la prescription, l'indemnité au titre de remise du gain qu'il avait dû payer
résultait d'un comportement pénalement répréhensible, ce qui excluait sa
déductibilité. La même conclusion s'imposait si l'on admettait que le paiement
de cette indemnité ne résultait pas d'un comportement pénalement répréhensible.
Elle était fondée sur l'art. 423 CO, dont la réalisation supposait la
commission d'un acte illicite (gestion dans l'intérêt du gérant et non du
maître). Or, A.X.________ aurait pu éviter de devoir la verser s'il s'était
abstenu de pratiquer le "card sharing" ou s'il avait obtenu des autorisations
de la part des propriétaires des chaînes. Le risque d'être astreint à
réparation n'était donc pas indissociable de son activité lucrative et le
dommage qu'il avait causé aux plaignants l'avait donc bien été par ses
manquements personnels. Enfin, les indemnités litigieuses ne pouvaient pas non
plus être assimilées à des sanctions financières visant à réduire le bénéfice
sans caractère pénal, dont le Tribunal fédéral avait admis le caractère
déductible dans l'arrêt 2C_916/2014 du 26 septembre 2016.  
 
4.2. Les recourants font valoir que ce raisonnement viole l'art. 25 LI. Ils
soutiennent que le risque pour le recourant 1 d'être astreint au paiement de
dommages-intérêts était inhérent à l'activité de "card sharing" qu'il avait
pratiquée, qui représentait l'essentiel de son activité lucrative, et que
l'indemnité pour remise de gain à laquelle il avait été astreint ne présentait
aucun caractère pénal. La déductibilité de cette indemnité résultait aussi de
l'arrêt 2C_916/2014 du 26 septembre 2016 précité. Au surplus, imposer les
recourants sur des revenus que le recourant 1 avait dû restituer s'avérait
contraire au principe d'imposition selon la capacité économique exprimé à l'
art. 127 al. 2 Cst.  
 
4.3. Dans sa réponse, le Service des contributions soutient en substance que la
pratique du "card sharing" n'entrait pas dans le cadre de l'activité de vente
de matériel satellite que A.X.________ avait fait inscrire au registre du
commerce et que, partant, la déductibilité de l'indemnité qui en avait découlé
était exclue. A titre subsidiaire, il relève que la condamnation définitive au
paiement de l'indemnité est intervenue par l'arrêt du Tribunal fédéral du 27
mars 2014, de sorte cette indemnité ne pouvait pas être déduite du revenu des
périodes fiscales 2006 à 2009 (application du principe de périodicité). La
seule possibilité d'envisager une déduction attribuable aux périodes
litigieuses eût été la constitution de provisions. Or, le recourant 1 n'en
avait comptabilisé aucune dans les comptes commerciaux des exercices concernés.
 
 
5.   
Le paiement de l'indemnité en remise du gain à laquelle le recourant 1 a été
condamné est fondée sur l'art. 423 CO, qui traite de la gestion d'affaires dans
l'intérêt du gérant. L'indemnité en remise du gain prévu par l'art. 423 al. 1
CO vise à obliger le gérant à restituer au maître le gain qu'il a réalisé de
mauvaise foi en s'immisçant sans droit dans ses affaires, pour éviter qu'il ne
puisse conserver les profits tirés de son activité illicite (cf. arrêt 6B_819/
2013 du 27 mars 2014 consid. 6.1 et 7.1; ANNE HÉRITIER LACHAT, in Commentaire
Romand, Code des obligations I, 2e éd. 2012, n° 3 ad art. 423 CO). Le maître
peut ainsi demander la restitution du profit illégitime réalisé par le gérant
(cf. ATF 129 III 422 consid. 4 p. 424 s.; arrêts 4A_211/2016 du 7 juillet 2016
consid. 2; 4A_456/2010 du 18 avril 2011 consid. 4). 
Les questions, litigieuses, de savoir si le versement d'une telle indemnité
constitue une charge justifiée par l'usage commercial déductible et si la
jurisprudence rendue en matière de dommages-intérêts ou dans le contexte des
sanctions financières non pénales est applicable au cas d'espèce peuvent rester
ouvertes en l'espèce, pour les raisons exposées ci-après. 
 
 
6.   
Dans le cadre de son activité indépendante, A.X.________ tenait une
comptabilité bonne et due forme, et il a produit à l'appui de ses déclarations
fiscales des bilans et des comptes de pertes et profits. Or, la tenue d'une
comptabilité en bonne et due forme a des conséquences sur l'établissement de
son revenu imposable en lien avec son activité lucrative indépendante: 
 
6.1. En droit cantonal jurassien comme en droit fédéral (cf. le renvoi à l'art.
58 LIFD figurant à l'art. 18 al. 3 LIFD), la détermination du bénéfice net
imposable des contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme
s'effectue selon les règles applicables aux personnes morales (application du
principe d'autorité du bilan commercial). Cela ressort expressément de l'art.
16 al. 3 LI, qui renvoie à l'art. 70 LI consacré à l'établissement du bénéfice
des personnes morales (cf. aussi, au sujet de l'application du principe
d'autorité du bilan commercial aux indépendants qui tiennent une comptabilité
dans la LHID, MARKUS REICH/JULIA VON AH, in Kommentar zum Bundesgesetz über die
Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden [StHG], 3e éd.
2017, n° 23 ad art. 8 StHG). Selon le principe d'autorité du bilan commercial,
les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les
autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles
correctrices particulières. L'autorité du bilan commercial tombe en revanche
lorsque des normes impératives du droit commercial sont violées ou que des
normes fiscales correctrices l'exigent (ATF 141 II 83 consid. 3 p. 85; 137 II
353 consid. 6.2 p. 359 s.). Le principe d'autorité du bilan lie non seulement
l'autorité fiscale, mais également le contribuable lui-même, qui est tenu par
sa comptabilité (autorité formelle du droit comptable, cf. ROBERT DANON, in
Commentaire romand, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2 ^e éd.
2016, n° 74 ad art. 57-58 LIFD).  
 
6.2. Les frais liés à une activité lucrative indépendante, justifiés par
l'usage commercial ou professionnel, sont déductibles. Les provisions en font
partie (art. 25 al. 1 let. a et 27 LI). Selon l'art. 27 al. 1 LI (cf. art. 10
al. 1 let. b LHID et art. 29 al. 1 let. a et b LIFD en droit fédéral), des
provisions peuvent être constituées pour les engagements d'un montant encore
indéterminé ainsi que pour les risques de pertes imminentes qui existent au
terme de l'exercice. L'institution de la provision est notamment utilisée pour
réduire le bénéfice de l'exercice en cours si le montant d'une dépense ou d'une
perte réelle ou au moins probable n'est pas encore connu, mais ne sera pas
réalisé avant une période ultérieure (ATF 141 II 83 consid. 5.1 p. 87).  
 
6.3. L'admissibilité d'une provision au plan fiscal suppose la réalisation de
deux conditions cumulatives. Il faut d'une part qu'elle soit justifiée par
l'usage commercial et d'autre part qu'elle ait été dûment comptabilisée (REICH/
ZÜGER/BETSCHART, in Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer
[DBG], 2e éd. 2017, n° 7 ss ad art. 29 DBG; REICH/VON AH, in op. cit., n° 20 ad
art. 10 StHG; DANON, in op. cit., n° 9 ad art. 63 LIFD).  
Si une provision n'a pas été comptabilisée, sa prise en compte au plan fiscal
est en principe exclue. Selon LOCHER, l'admission au plan fiscal d'une
provision non comptabilisée doit néanmoins intervenir si cette absence de
comptabilisation viole une norme impérative du droit commercial (PETER LOCHER,
Kommentar zum DBG, I. Teil, 2004, n° 17 ad art. 29 LIFD; cf. aussi JÜRG STOLL,
Die Rückstellung im Handels- und Steuerrecht, 1992, p. 231). Une telle
correction du bilan ("Bilanzberichtigung") ne peut toutefois être admise qu'à
titre exceptionnel, étant donné la liberté d'appréciation du contribuable (cf.
REICH/ZÜGER/BETSCHART, in op. cit., n° 7 ad art. 29 DBG). Le Tribunal fédéral a
par ailleurs récemment souligné qu'une correction du bilan ne pouvait pas
intervenir pour compenser une omission comptable imputable au contribuable
(arrêt 2C_784/2017 du 8 mars 2018 consid. 7.3; cf. aussi arrêt 2C_29/2012 du 16
août 2012 consid. 2.1, in RF 67/2012 p. 756, où le Tribunal fédéral a jugé
qu'il fallait faire preuve de la plus grande retenue lorsque des corrections de
bilan ont un but fiscal). Il a en revanche admis qu'il fallait corriger une
provision pour impôt qui avait bien été comptabilisée, mais qui était devenue
insuffisante en raison d'une reprise effectuée dans le bénéfice imposable (ATF
141 II 83 consid. 5.5 p. 89 s.; cf. aussi arrêt 2C_662/2014 du 25 avril 2015
consid. 6.5, in RDAF 2015 II 267). 
 
6.4. En l'espèce, le recourant 1 a fait face à une plainte pénale déposée
contre lui par Y.________ et par Z.________ en juin 2007, en raison de son
activité de "card sharing". Des mesures d'instruction ont été effectuées dès
l'automne 2007 par le magistrat en charge du dossier. Le recourant 1 ne nie par
ailleurs pas qu'il était conscient que son activité de card sharing était
risquée et qu'il était exposé à restitution. Il insiste du reste dans son
recours sur le fait qu'il savait qu'il était exposé à un risque de restitution
(recours p. 10: " le risque considéré au cas particulier est celui d'être
astreint à dédommager l'entreprise émettrice des programmes par satellite. Il
est inhérent à l'activité déployée "). Dans ces circonstances, le recourant
devait faire apparaître ce risque inhérent dans sa comptabilité par la
comptabilisation d'une provision, ce qu'il n'a jamais fait, ni en 2006, ni
postérieurement, et ce alors même qu'il a été confronté concrètement à une
plainte pénale et à des conclusions civiles en restitution du gain dès 2007.
Faute de comptabilisation, il n'est pas nécessaire de trancher le point de
savoir si de telles provisions auraient été admises comme charges justifiées
par l'usage commercial pour chacune des périodes fiscales litigieuses.  
 
6.5. Les recourants font valoir en vain que ne pas tenir compte de la
restitution du revenu serait contraire au principe d'imposition selon la
capacité économique (art. 127 al. 2 Cst.) et que l'application de cette
disposition justifierait une "modification" du bilan des exercices 2006 à 2009.
En effet, lorsque le principe d'autorité du bilan commercial s'applique, il est
déjà tenu compte du principe d'imposition selon la capacité économique en ce
sens que (toutes) les dépenses fondées commercialement peuvent être
comptabilisées au compte de résultat (cf. ATF 143 II 8 consid. 7.1 p. 22). Il
incombait ainsi au recourant 1 de faire valoir une provision dans ses bilans en
lien avec une activité l'exposant au risque concret de devoir rembourser le
revenu réalisé. Le principe d'imposition selon la capacité économique ne permet
pas de pallier cette absence de comptabilisation. Au demeurant, il n'est pas
exclu que le recourant 1 puisse déduire l'indemnité payée en 2014, si les
conditions sont réunies, en particulier s'il exerçait encore son activité
lucrative indépendante (cf. arrêt 2C_189/2016 du 13 février 2017 consid. 6.4.2,
in RDAF 2017 II 446) et si le paiement de cette indemnité peut être admise
comme charge justifiée par l'usage commercial. Ce point n'a toutefois pas à
être examiné dans la présente procédure, qui ne concerne que les périodes
fiscales 2006 à 2009.  
 
7.   
Ce qui précède conduit au rejet du recours. L'arrêt attaqué est confirmé par
substitution de motifs (sur ce point, cf. ATF 139 II 404 consid. 3 p. 415; 138
III 537 consid. 2.2 p. 540). 
Succombant, les recourants doit supporter les frais judiciaires, solidairement
entre eux (art 66 al. 1 et 5 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al.
1 et 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Service des
contributions du canton du Jura, au Tribunal cantonal de la République et
canton du Jura, Cour administrative, et à l'Administration fédérale des
contributions. 
 
 
Lausanne, le 17 septembre 2018 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
La Greffière : Vuadens 

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