Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.472/2017
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                [displayimage]  
 
 
1C_472/2017  
 
 
Arrêt du 29 mai 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Fonjallaz et Chaix. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
 Société suisse de radiodiffusion et télévision, 
 Tamedia Publications romandes SA, 
A.________, 
toutes les trois représentées par Me Ivan Zender, avocat, 
recourantes, 
 
contre  
 
B.________, représentée par Me Yves Grandjean, avocat, 
intimée, 
 
Commission de la protection des données et de la transparence, p.a. Tribunal
régional des Montagnes et du Val-de-Ruz, case postale 2284, 2302 La
Chaux-de-Fonds, 
Préposé à la protection des données et à la transparence Jura Neuchâtel, rue
des Esserts 2, 2345 Les Breuleux, 
Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel, Le Château, rue de la
Collégiale 12, 2000 Neuchâtel, 
 
Objet 
transmission à la presse du rapport d'enquête administrative relatif au Centre
d'accueil des requérants d'asile de Perreux, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de
Neuchâtel, Cour de droit public, du 3 août 2017 (CDP.152-DIV). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A la suite d'une altercation intervenue dans le Centre de requérants d'asile de
Perreux (ci-après: CAPE), une enquête administrative, visant des membres du
Service cantonal des migrations (ci-après: le SMIG), notamment B.________,
directrice du CAPE au moment des faits, a été mise en oeuvre par le Conseil
d'Etat du canton de Neuchâtel et confiée à C.________. Celui-ci a rendu le 2
avril 2013 son rapport d'enquête. A.________, journaliste au Matin Dimanche,
Tamedia Publications romandes SA, éditeur du même journal et RTS Radio
Télévision Suisse (ci-après: les demanderesses) ont demandé à pouvoir consulter
ce rapport d'enquête, ce qui leur fut refusé au mois de mai 2013 par le Conseil
d'Etat. Les demanderesses ont saisi le Préposé cantonal à la protection des
données et à la transparence (ci-après: le Préposé). Après avoir suspendu la
cause jusqu'à droit jugé sur la procédure pénale menée parallèlement (et qui
s'est achevée par un non-lieu), le Préposé a constaté l'échec de la
conciliation et les demanderesses ont saisi la Commission cantonale de la
protection des données et de la transparence des cantons de Neuchâtel et du
Jura (ci-après: la Commission). 
 
B.   
Par décision du 8 décembre 2015, la Commission a admis les demandes et invité
le Conseil d'Etat à transmettre aux demanderesses une version du rapport
caviardée s'agissant des noms des personnes du SMIG et de leur cursus
professionnel. Le rapport avait été élaboré dans le cadre d'une enquête
administrative et non pénale; il s'agissait d'un document officiel au sens de
l'art. 70 al. 1 de la Convention intercantonale relative à la protection des
données et à la transparence dans les cantons du Jura et de Neuchâtel
(CPDT-JUNE, RS/NE 150.30). La relative ancienneté du document ou les
inexactitudes dont il serait entaché ne constituaient pas des motifs de refus.
Les fonctions de la directrice du CAPE et le fait que celle-ci avait entretemps
occupé de nouvelles fonctions ne s'opposaient pas non plus à une consultation,
sous réserve des données personnelles que constituaient le parcours
professionnel des intéressés. 
Par arrêt du 3 août 2017, la Cour de droit public du Tribunal cantonal
neuchâtelois a admis le recours formé par B.________ contre la décision de la
Commission et a réformé celle-ci en ce sens que les demandes d'accès ont été
rejetées. Les griefs d'ordre formel (application de la CPDT-JUNE, qualité de
partie, délai pour saisir la commission) ont été écartés. La cour a par
ailleurs considéré que le rapport avait été établi dans le cadre d'une
procédure administrative et revêtait un caractère officiel. L'intéressée était,
de par sa position comme directrice du CAPE, un personnage public: de nombreux
reportages avaient été consacrés à l'ouverture du CAPE, puis aux violences qui
s'y étaient déroulées; son nom, voire sa photo, avaient très souvent paru dans
la presse. Toutefois, la divulgation des informations figurant dans le rapport
pouvait avoir des conséquences fâcheuses pour l'intéressée, qui était devenue
responsable de l'encadrement dans le centre fédéral pour requérants de Perreux.
Dans ce milieu sensible où la sérénité devait prévaloir, un amalgame fâcheux
pourrait être fait entre le centre cantonal et l'activité actuelle de
l'intéressée. L'anonymisation du rapport n'y changerait rien. L'intérêt privé
de la recourante et l'intérêt de son employeur à ce que l'activité au sein du
centre d'hébergement ne soit pas perturbé devaient prévaloir. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, La Société suisse
de radiodiffusion et télévision, agissant par sa succursale Radio Télévision
Suisse RTS, Tamédia publications romandes SA et A.________ demandent au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de dire qu'elles ont le droit
d'accéder au rapport. La Cour de droit public et la Commission ont renoncé à
formuler des observations. Le Préposé conclut à l'admission du recours,
B.________ à son rejet. Le Conseil d'Etat conclut à la confirmation de l'arrêt
attaqué, subsidiairement à ce que ne soit transmise qu'une version totalement
anonymisée du rapport. Les recourantes et B.________ ont confirmé leurs motifs
et conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
L'arrêt attaqué, relatif à une demande d'accès à un document au sens de la
CPDT-JUNE, constitue une décision finale rendue dans une cause de droit public
(art. 82 let. a LTF). Le recours en matière de droit public est en principe
ouvert. 
 
1.1. Les recourantes ont pris part à la procédure devant l'autorité précédente
(art. 89 al. 1 let. a LTF) et sont particulièrement touchées par l'arrêt
attaqué qui, au contraire de l'instance précédente, refuse de leur donner accès
au rapport du 2 avril 2013. Elles disposent d'un intérêt digne de protection à
l'annulation ou à la modification de cette décision (art. 89 al. 1 let. b et c
LTF).  
 
1.2. Pour le surplus, le recours a été interjeté dans les formes et le délai
utiles contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale. Les conclusions
formulées sont recevables au regard de l'art. 107 LTF, de sorte qu'il y a lieu
d'entrer en matière.  
 
1.3. L'art. 18 de la constitution neuchâteloise (Cst./NE, RS 131.233) consacre
le droit à l'information. Toute personne a ainsi le droit de consulter les
documents officiels, dans la mesure où aucun intérêt public ou privé
prépondérant ne s'y oppose. La loi règle ce droit à l'information. L'art. 51
Cst./NE (devoir d'information) prévoit que les autorités cantonales sont tenues
de donner au public des informations suffisantes sur leurs activités. En
application de ces dispositions constitutionnelles, le canton de Neuchâtel a
conclu avec celui de la République et canton du Jura la CPDT-JUNE, du 9 mai
2012. Il y a adhéré par décret du 4 septembre 2012 avec effet au 1 ^er janvier
2013. Cette convention, qui vient remplacer pour le canton de Neuchâtel la loi
du 28 juin 2008 sur la transparence des activités étatiques, a pour but
d'instaurer une législation commune aux deux cantons dans les domaines de la
protection des données et de la transparence (art. premier). Elle a notamment
pour but de permettre la formation autonome des opinions, de favoriser la
participation des citoyens à la vie publique et de veiller à la transparence
des activités des autorités (al. 3). Selon l'art. 3 al. 3 CPDT-JUNE, la
convention fixe, en matière de transparence, les principes communs applicables,
la politique d'information et ses modalités étant laissées aux soins des
cantons. La convention définit les autorités compétentes et leurs attributions
(art. 4 ss). Elle fixe les principes applicables en matière de protection des
données, y compris les règles de procédure (art. 14 ss), ainsi que, dans son
chapitre IV (art. 57 ss), la réglementation relative au principe de
transparence. Les art. 69 ss régissent spécifiquement l'accès aux documents
officiels.  
Selon l'art. 85 CPDT-JUNE, les exécutifs cantonaux règlent les questions
d'organisation et les modalités d'application de la convention par voie de
règlements adoptés conjointement. Les Conseils d'Etat des deux cantons
concernés n'ont certes pas encore adopté les règlements en question. On ne
saurait toutefois en déduire, comme le fait l'intimée, que la convention serait
inapplicable en l'absence de règles de procédure essentielles. En effet, outre
qu'elle définit clairement les conditions et la portée du droit d'accès aux
documents officiels (art. 69-73), la convention définit les autorités
compétentes (soit le préposé et la commission) ainsi que leurs attributions
respectives; elle fixe aussi, pour le droit d'accès, des règles de procédure
précises (art. 74 ss). L'ensemble de cette réglementation apparaît directement
applicable. Dans les dispositions transitoires de la convention, l'art. 84
précise que les affaires pendantes en matière de protection des données et de
transparence sont transmises pour traitement aux organes nouvellement institués
afin d'être traités par ceux-ci; l'application directe de la convention ne
dépend dès lors nullement de l'adoption des règlements d'exécution. 
 
1.4. L'intimée se plaint de ce que le droit d'être entendu ne serait pas
garanti puisqu'elle n'a pas pu s'exprimer devant le Préposé. Elle relève qu'une
clause de confidentialité aurait dû être signée devant le Préposé, et que
celui-ci y a finalement renoncé. Enfin, la convention ne prévoirait aucun délai
après l'échec de la conciliation pour saisir la commission.  
S'il fallait constater certaines lacunes des dispositions conventionnelles sur
un point ou un autre, celles-ci pourraient être comblées aisément par
l'application des dispositions ordinaires de procédure administrative
auxquelles renvoie d'ailleurs expressément l'art. 43 al. 2 de la convention.
S'agissant du droit d'être entendu, il y a lieu de relever que le Préposé est
une simple instance de conciliation entre le requérant et le maître du fichier,
respectivement le détenteur de documents officiels (art. 41 CPDT-JUNE,
applicable par renvoi de l'art. 78 al. 2). En cas d'échec de la conciliation,
l'affaire est portée devant la commission qui, seule, dispose d'un pouvoir
décisionnel. Il n'est dès lors pas évident que l'intimée devait disposer d'un
droit d'être entendu devant le Préposé, et que la convention soit lacunaire sur
ce point. Quoi qu'il en soit, la procédure devant la Commission (art. 42 al. 2
CPTD-JUNE) puis la procédure de recours ont manifestement satisfait au droit
d'être entendu de l'intimée, et une éventuelle violation antérieure de ce droit
aurait donc été réparée. 
En outre, comme le relève la cour cantonale, on ne voit pas en quoi l'absence
de réglementation à propos de la pratique relative à la déclaration de
confidentialité (pratique d'ailleurs abandonnée par le Préposé) permettrait de
remettre en cause l'applicabilité directe de la convention. Il en va de même de
l'absence de délai pour saisir la commission après l'échec de la conciliation.
Le préposé ne rendant pas de décision formelle à ce sujet, il n'était pas
nécessaire de fixer un délai de saisine, respectivement de recours. 
L'applicabilité directe de la convention ne fait dès lors pas de doute. 
 
2.   
Invoquant les diverses dispositions de l'ordre juridique relatives au principe
de transparence (art. 18 Cst./NE, art. 69 CPDT-JUNE, art. 16 al. 3 Cst., art.
10 CEDH), les recourantes estiment que le rapport constituerait un document
officiel au sens de l'art. 70 CPDT-JUNE et qu'il ne serait pas lié à la
procédure pénale menée parallèlement à l'enquête administrative. L'intimée
soutient la position inverse. 
 
2.1. Contrairement au droit cantonal, revu sous l'angle de l'arbitraire, le
Tribunal fédéral contrôle librement l'application du droit intercantonal (cf. 
art. 95 let. e LTF; arrêt 2C_62/2013 du 10 avril 2013 consid. 1.2). Le grief de
violation du droit intercantonal est toutefois soumis, comme ceux tirés de la
violation de droits fondamentaux, aux exigences de motivation accrues de l'art.
106 al. 2 LTF; aussi, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des
droits ou principes violés et exposer de manière claire et circonstanciée en
quoi consiste leur violation (art. 42 al. 2 LTF; ATF 139 I 229 consid. 2.2 p.
232; 135 III 232 consid. 1.2 p. 234). Ces conditions sont satisfaites en
l'occurrence.  
 
2.2. Selon l'art. 69 al. 1 CPDT-JUNE, toute personne a le droit d'accéder aux
documents officiels dans la mesure prévue par la présente convention. L'accès
aux documents officiels ayant trait aux procédures et arbitrages pendants est
régi par les dispositions de procédure (al. 2). Selon l'art. 70 CPDT-JUNE, sont
considérés comme documents officiels toutes les informations détenues par une
entité et relatives à l'accomplissement d'une tâche publique et ce, quel qu'en
soit le support (al. 1). Sont notamment des documents officiels les rapports,
études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances,
directives, prises de positions, préavis et décisions (al. 2). Ne sont pas des
documents officiels les documents qui n'ont pas atteint leur stade définitif
d'élaboration, qui sont destinés à l'usage personnel ou qui font l'objet d'une
commercialisation, ainsi que les documents d'aide à la décision, telles les
notes internes (al. 3).  
 
2.3. Au vu de ces définitions, il apparaît que le rapport constitue un document
officiel. Il a en effet été établi dans le cadre d'une enquête administrative,
à la demande du Conseil d'Etat, en vue d'éventuelles mesures suite aux
évènements intervenus dans le centre d'accueil dépendant alors de
l'administration cantonale. Il est indubitable que la réalisation, sur mandat
de l'Etat, d'une enquête administrative constitue une tâche publique; quand
bien même l'auteur du rapport évoque des moyens et un temps limités pour
réaliser son mandat, le document avait atteint un stade définitif d'élaboration
et on ne saurait y voir un document à usage personnel, voire une simple aide à
la décision.  
 
2.4. Par ailleurs, si l'auteur du rapport a pu consulter le dossier de la
procédure pénale et a réalisé différentes auditions dans les locaux du
ministère public, il n'en demeure pas moins que l'enquête avait une nature
purement administrative: elle avait été commandée par le Conseil d'Etat pour
ses propres besoins, dans le but notamment de décider d'éventuelles mesures ou
sanctions administratives. L'exception tirée de l'art. 69 al. 2 CPDT-JUNE est
inapplicable.  
Sur ces deux points, d'ailleurs non remis en cause par les recourantes, l'arrêt
attaqué échappe à toute critique. 
 
3.   
Invoquant l'art. 18 Cst./NE, l'art. 72 al. 2 CPDT-JUNE et les dispositions
correspondantes de la loi fédérale (LTrans, RS 152.3), les recourantes
critiquent la pesée d'intérêts réalisée par la cour cantonale. L'intérêt de
l'intimée à éviter des amalgames entre ses activités passée et actuelle ne
ferait pas partie des intérêts pris en compte par la convention. On ne verrait
pas en quoi consisteraient les conséquences fâcheuses évoquées par la cour
cantonale. La révélation d'une enquête administrative menée en 2012 au sujet
d'un centre qui n'est actuellement plus géré par le canton ne serait pas
susceptible de perturber la gestion du centre fédéral. L'intérêt du public à
connaître l'issue de l'enquête administrative serait évident, la problématique
des centres d'accueil étant toujours d'actualité. S'appuyant sur la
jurisprudence cantonale, les recourantes estiment qu'en dépit des conséquences
désagréables redoutées par l'intimée, l'information du public devrait
prévaloir, en l'absence de données sensibles et à l'égard d'une personne
occupant une fonction officielle et déjà apparue dans les médias. 
 
3.1. A l'instar de l'art. 18 al. 2 Cst./NE, l'art. 72 CPDT-JUNE prévoit que
l'accès à un document officiel est refusé lorsqu'un intérêt prépondérant public
ou privé l'exige (al. 1). Selon l'alinéa 2 de cette disposition, un intérêt
public prépondérant est notamment reconnu lorsque l'accès au document peut: a)
mettre en danger la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique; b) compromettre
la politique extérieure de l'autorité; c) entraver l'exécution de mesures
concrètes d'une entité; d) affaiblir la position de négociation d'une entité;
e) influencer le processus décisionnel d'une entité. Selon l'alinéa 3, un
intérêt privé prépondérant est notamment reconnu lorsque: a) le document
officiel contient des données personnelles et que sa communication n'est pas
autorisée par les règles applicables en matière de protection des données, à
moins que la communication ne soit justifiée par un intérêt public
prépondérant; b) l'accès révèle des secrets professionnels, de fabrication ou
d'affaires; c) l'accès révèle des informations fournies librement par un tiers
à une entité qui a garanti le secret.  
Pour qu'un droit d'accès soit limité, différé ou refusé, en application de
cette disposition, l'octroi de celui-ci doit constituer une menace sérieuse
contre des intérêts publics ou privés, dont la réalisation présente une
certaine vraisemblance. Le fait qu'un droit d'accès puisse avoir des
conséquences désagréables n'a pas à être pris en considération (arrêt 1C_428/
2016 du 27 septembre 2017 consid. 2 in ATF 144 II 77, concernant l'art. 7
LTrans; ATF 142 II 324 consid. 3.4 p. 335). 
 
3.2. Reconnaissant que l'intimée était, de par sa fonction dirigeante et ses
nombreuses apparitions dans la presse, une personnalité publique, la cour
cantonale a néanmoins considéré qu'il existait un intérêt tant privé que public
opposé à l'accès au rapport. Elle a laissé indécise la question de savoir si la
seule atteinte à la considération sociale pouvant résulter de la divulgation
des informations - vraies ou fausses - figurant dans le rapport pourrait
justifier un refus. En revanche, elle a estimé que l'activité actuelle de
l'intimée dans le centre d'accueil devenu fédéral pourrait fortement pâtir de
la révélation du contenu du rapport: l'intimée évoluait dans un milieu sensible
ou la sérénité devait être de mise et où il fallait éviter d'ajouter des
tensions à celles déjà inhérentes à la cohabitation sous un même toit d'une
population fragilisée et hétérogène. Un amalgame fâcheux pouvait être fait
entre les agissements décrits dans le rapport et l'activité actuelle, au
détriment de l'intimée et de son employeur.  
 
3.3. Avec raison, la cour cantonale retient que les désagréments liés à la
révélation des faits concernant l'intimée ne suffiraient pas à eux seuls pour
justifier un refus. Une éventuelle atteinte à la considération sociale liée à
de telles révélations apparaît elle aussi insuffisante au sens de l'art. 72 al.
3 CPDT-JUNE; l'intérêt public à connaître les conclusions d'un rapport sur le
fonctionnement d'une institution publique doit l'emporter sur les intérêts
privés des personnes qui peuvent se trouver mises en cause: le principe de la
transparence consacré à l'art. 1 al. 1 CPDT-JUNE) tend particulièrement à
mettre à jour des dysfonctionnements de l'administration ainsi que les mesures
prises par l'Etat pour y remédier.  
A teneur de l'art. 72 al. 1 CPDT-JUNE, l'accès à un document officiel est
refusé lorsqu'un intérêt public prépondérant l'exige, en particulier lorsque
l'accès entrave l'exécution de meures concrètes d'une entité (al. 2 let. c).
Dans son analyse juridique, la cour cantonale ne vise pas précisément cette
éventualité - qui seule pourrait entrer en ligne de compte - et n'explique pas
non plus en quoi la mise à disposition publique du rapport serait susceptible
d'avoir concrètement une influence sur l'exploitation du centre d'accueil
auquel est actuellement rattachée l'intimée. En tout état, l'intérêt public
prépondérant évoqué par les juges cantonaux ne paraît pas suffisant. En effet,
le rapport litigieux date d'avril 2013 et porte sur des faits survenus en 2012
dans un centre d'accueil qui était alors géré par le canton. Depuis lors, le
centre est soumis à une gestion différente puisqu'il est devenu fédéral. Selon
l'arrêt attaqué, l'intimée y occupe toujours une fonction en tant que
"responsable de l'encadrement". On ne voit toutefois pas en quoi il pourrait y
avoir "amalgame" avec une fonction occupée précédemment et dans un cadre
différent. De même, on ne discerne pas en quoi la révélation de
dysfonctionnements survenus dans le centre cantonal plusieurs années
auparavant, et dont le public avait déjà été largement informé à cette époque,
serait à même d'avoir des répercussions sur la gestion du centre fédéral. Les
risques évoqués par la cour cantonale relèvent en réalité de simples
hypothèses, qui ne trouvent pas de fonctionnement dans les éléments du dossier.
Admettre dans un tel cas un intérêt public prépondérant au secret reviendrait à
refuser systématiquement l'accès à tout document mettant au jour des
dysfonctionnements dans les services de l'Etat, lorsque ces documents se
réfèrent à des personnes en particulier. 
Telles que retenues dans l'arrêt attaqué ou invoquées par l'intimée, les
objections au droit d'accès sont étrangères au but et au texte de la CPDT-JUNE.
Il existe au contraire un intérêt public évident à ce qu'un rapport mettant en
lumière certains dysfonctionnements dans la gestion d'un centre géré par l'Etat
puisse être accessible. Le fait que le document remonte à plusieurs années ne
saurait remettre en cause le droit d'accès, pas plus que les éventuelles
inexactitudes qu'il pourrait contenir. Le droit de l'intimée de rectifier de
telles inexactitudes (en se prévalant notamment de la décision pénale rendue en
sa faveur) fait l'objet de dispositions distinctes dont l'application n'est pas
discutée dans le présent cadre. 
 
3.4. Il n'y a enfin pas lieu de s'interroger sur le bien-fondé des mesures
d'anonymisation prises par la Commission, qui concernent l'identité des
personnes du SMIG (dont l'intimée) ainsi que leur cursus professionnel. En
effet, les recourantes se sont abstenues de recourir contre la décision du 8
décembre 2015 et ne peuvent dès lors requérir plus que le rétablissement de
ladite décision.  
 
4.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé
et la décision de la Commission de la protection des données et de la
transparence est confirmée. Les recourantes, qui obtiennent gain de cause avec
l'assistance d'un avocat, ont droit à des dépens, à la charge de l'intimée (
art. 68 al. 1 LTF). Les frais judiciaires sont également mis à la charge de
l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). La cause est renvoyée à la cour cantonale pour
nouvelle décision sur les dépens de l'instance cantonale. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.   
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la décision de la
Commission de la protection des données et de la transparence du 8 décembre
2015 est confirmée. La cause est renvoyée à la Cour de droit public du Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel pour nouvelle décision sur les dépens de
l'instance cantonale. 
 
2.   
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est allouée aux recourantes, à la charge
de l'intimée B.________. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée
B.________. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commission de
la protection des données et de la transparence, au Préposé à la protection des
données et à la transparence Jura Neuchâtel, au Conseil d'Etat et au Tribunal
cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public. 
 
 
Lausanne, le 29 mai 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz 

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