Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.361/2017
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 

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1C_361/2017            

 
 
 
Arrêt du 23 novembre 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Fonjallaz et Chaix. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
 A.________ SA, représentée par 
Me Christophe A. Gal, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Association genevoise des locataires (ASLOCA), représentée par Mes Romolo Molo
et Roman Seitenfus avocats, 
intimée, 
 
Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie de la République et
canton de Genève, rue du Stand 26, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
LDTR, transformation d'une société immobilière d'actionnaires-locataires en
propriété par étages, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, du 23 mai 2017 (ATA/577/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 12 juillet 2002, C.________ a acquis l'immeuble situé sur la parcelle
D.________ de la commune de Carouge, dont les 22 appartements étaient destinés
à la location. Le 24 novembre 2011, la société A.________ SA, dont C.________
est l'administrateur-président, a été inscrite au registre du commerce. Le 30
mai 2012, des certificats d'actions ont été vendus à F.________ SA et à
E.________. L'immeuble a été vendu à A.________ SA le 15 juin 2012. Le 25 juin
2012, A.________ SA a modifié ses statuts; la propriété d'un certificat
conférait le droit de louer une partie de l'immeuble, G.________ SA devenant
ainsi une société d'actionnaires-locataires (SIAL). Le 29 juin 2012, l'immeuble
a été soumis au régime de la propriété par étages. En février et mars 2014, la
SI a transféré à F.________ SA et à E.________ la propriété des lots
correspondant aux certificats. 
Le 9 avril 2014, le Registre foncier s'est adressé aux notaires genevois. Il
rappelait que depuis 1995, les opérations visant à liquider des SIAL et à
transformer les détenteurs de certificats d'actions en propriétaires d'unités
d'étages n'étaient pas soumises à autorisation en vertu de la loi genevoise sur
les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR;
RS/GE L 5 20). Toutefois, il était récemment apparu que les exigences de cette
loi - qui soumet à autorisation la vente de logements loués - pouvaient être
contournées. Les transferts devaient donc être soumis à la Direction des
autorisations de construire. Les recours formés contre cette communication ont
été déclarés irrecevables (arrêt 5A_981/2014 du 12 mars 2015). 
 
B.   
Par deux arrêtés du 29 juillet 2015, le Département genevois de l'aménagement,
du logement et de l'énergie (DALE) a refusé les autorisations d'aliéner. Les
cessions intervenues en mai 2012 auraient déjà dû faire l'objet de demandes
d'autorisation. Les appartements avaient été loués et il était indispensable de
conserver cette affectation locative. G.________ SA pouvait encore revendre les
appartements en bloc. 
 
C.   
Ces décisions ont été confirmées successivement par le Tribunal administratif
de première instance (TAPI), par jugement du 5 août 2016, et par la Chambre
administrative de la Cour de justice genevoise, par arrêt du 23 mai 2017, après
avoir appelé en cause l'Association genevoise des locataires (Asloca). Les
appartements concernés entraient dans les catégories de logements où sévissait
la pénurie et avaient été mis en location, de sorte que leur aliénation était
soumise à autorisation. Selon la pratique suivie jusque-là (remontant à
l'époque où le régime de la PPE n'existait pas encore), le DALE tolérait
systématiquement les transformations de SIAL en PPE, le passage de la qualité
d'actionnaire-locataire à celle de propriétaire d'étage constituant un simple
changement de régime juridique. Par note du 9 avril 2014, le DALE avait
suspendu cette pratique en raison de soupçons de fraude à la loi et les arrêts
cantonaux rendus par la suite avaient consacré un changement de pratique
instaurant un contrôle afin de déterminer si l'opération devait ou non être
soumise à autorisation. En l'occurrence, G.________ SA avait vendu ses actions
aux deux acquéreurs le 30 mai 2012; le 15 juin suivant, elle avait acquis
l'immeuble et elle avait été transformée en SIAL le 25 juin 2012. L'immeuble
avait été soumis au régime de la PPE le 29 juin 2012. Les lots de PPE avaient
été transférés aux actionnaires aux mois de février et mars 2014. Le changement
de pratique était ainsi justifié par la nécessité de prévenir les tentatives de
fraude à la loi. Le refus d'autoriser les aliénations était lui aussi justifié
car les intérêts privés ne pouvaient l'emporter sur l'intérêt public au
maintien du parc locatif. Il n'y avait pas de violation du droit fédéral. 
 
D.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA
demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal ainsi que les arrêtés du
DALE, d'autoriser les transferts de propriété (ou de constater que ceux-ci ne
sont pas soumis à autorisation) et d'ordonner leur inscription au Registre
foncier. Subsidiairement, elle conclut à ce qu'il soit ordonné au DALE de
rendre de nouveaux arrêtés autorisant les aliénations; plus subsidiairement,
elle demande le renvoi de la cause à la Chambre administrative pour nouvelle
décision dans le sens des considérants. Elle prend aussi des conclusions en
suppression ou en réduction des émoluments perçus par le DALE. 
La Chambre administrative a renoncé à présenter des observations. Le DALE
conclut au rejet du recours. L'Asloca conclut principalement au rejet du
recours et demande à titre subsidiaire que la cause soit renvoyée à l'autorité
cantonale afin qu'elle établisse une liste des SIAL constituées après le 30
mars 1985 et des SA transformées en SIAL après cette date. Dans ses dernières
observations, la recourante persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision finale prise en dernière instance cantonale dans une
cause de droit public, le recours est en principe recevable comme recours en
matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues
à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure
devant l'autorité précédente; en tant que propriétaire aliénatrice, elle est
particulièrement touchée par la décision de refus confirmée en instance
cantonale. Elle dispose dès lors de la qualité pour recourir devant le Tribunal
fédéral au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. 
 
2.   
La recourante se plaint de constatation inexacte des faits. L'arrêt cantonal
omettrait de mentionner que la pratique du département, consistant à ne pas
soumettre à la LDTR la transformation d'une SIAL en PPE, aurait perduré bien
après l'adoption des dispositions sur la PPE, notamment en 2011 lors de la
liquidation d'une SIAL créée en 2006, et en 2014, dans des circonstances
analogues à la présente espèce, lorsque le département avait expressément nié
l'existence d'une fraude. L'arrêt attaqué passerait également sous silence que
ni le département, ni le TAPI n'ont reconnu l'existence d'une telle fraude dans
le présent contexte. Rappelant par ailleurs les conséquences d'un refus
d'autorisation, la cour cantonale aurait ignoré les incidences s'agissant des
fonds prêtés par les banques, ainsi qu'au niveau fiscal. Enfin, la cour
cantonale aurait méconnu que la nouvelle pratique du département aurait pour
effet d'instituer une rétroactivité pour les dossiers déjà déposés auprès du
Registre foncier. 
 
2.1.   
Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la
décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au
sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire
arbitraire (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 313 s.), et si la correction du vice
est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 137
III 226 consid. 4.2 p. 233 s.). Une décision n'est arbitraire que si le juge
n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a
omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à
modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments
recueillis, il a procédé à des déductions insoutenables (ATF 142 II 355 consid.
6 p. 358). 
 
2.2. Il est vrai que l'arrêt attaqué ne fait nulle mention des décisions
rendues par le DALE ainsi que par la cour cantonale avant l'arrêt attaqué.
Toutefois, l'existence de ces décisions ne constituerait un fait pertinent au
sens de l'art. 97 al. 1 LTF que si les circonstances dans lesquelles ces
décisions ont été rendues étaient comparables à celles de la présente cause.
Or, la recourante n'indique rien de tel. Le DALE relève que sa décision sur
demande de renseignements rendue en 2011 par l'Office de l'urbanisme se limite
à un rappel de la pratique suivie jusqu'alors, et précise qu'il ne connaissait
pas l'ensemble des circonstances du cas. Dans une prise de position devant le
TAPI, le Registre foncier s'était aussi exprimé, le 20 mars 2014, en
considérant que la transformation d'une SIAL en PPE ne pouvait être assimilée
au cas visé dans une directive du département de 2008, laquelle portait sur le
partage d'une société simple ayant acquis en bloc plusieurs appartements. Rien
ne permet d'affirmer - même si, comme le relève la recourante, la SIAL avait
été créée après l'adoption des normes sur la PPE - qu'il existerait des indices
de fraude à la loi dans ce cas également, et la recourante n'apporte aucune
indication à cet égard. La recourante se plaint aussi de ce que la fraude à la
loi n'ait pas été retenue dans la décision du département et dans celle du
TAPI; la question de savoir si la cour cantonale pouvait retenir ce motif
ignoré des instances précédentes ne relève toutefois pas du fait mais du droit.
 
S'agissant des incidences financières du refus d'autorisation, elles n'ont pas
été ignorées par la cour cantonale; elles sont évoquées, de manière générale,
au consid. 8c de l'arrêt attaqué, la cour cantonale ayant retenu que "ces
éléments, même avérés, ne suffiraient pas pour faire primer leurs intérêts
privés, s'agissant uniquement des conséquences des opérations artificielles
sciemment mises sur pied afin de réaliser des fraudes à la loi...". La
recourante elle-même se contente d'allégations générales, sans tenter de
préciser l'importance du dommage qu'elle prétend subir et en se prévalant des
dommages subis par des tiers (notaire, banques), sans avoir la qualité pour ce
faire (art. 89 al. 1 let. c LTF). Dans un grief distinct, la recourante se
plaint d'une violation du droit d'être entendue en reprochant à la cour
cantonale d'avoir renoncé à entendre le témoignage des acquéreurs, du notaire
et des banques ayant participé au financement, ce qui aurait permis d'établir
les conséquences du changement de pratique et d'aménager le cas échéant un
régime transitoire. Si la recourante alléguait l'existence d'un dommage allant
au-delà des conséquences habituelles d'un refus d'aliéner, elle pouvait
manifestement le démontrer par pièces davantage que par des auditions de
témoins. Au demeurant, comme on le verra ci-dessous (consid. 5), l'admission
d'un cas de fraude à la loi pouvait dispenser la cour cantonale d'aménager un
régime transitoire ou de tenir compte du préjudice subi. Le refus d'entendre
personnellement la recourante ou des témoins à ce sujet ne viole pas le droit
d'être entendu. 
Enfin, le grief selon lequel la cour cantonale n'aurait pas retenu un cas de
rétroactivité, ne relève pas du fait mais du droit. 
L'ensemble des griefs relatifs à l'établissement des faits doit ainsi être
écarté. 
 
3.   
Dans ses griefs de fond, la recourante conteste l'existence d'un cas de fraude
à la loi et invoque les règles relatives aux changements de pratique
administrative. Il y a toutefois lieu d'examiner en premier lieu si la
soumission de la transaction litigieuse à la LDTR est en soi conforme à cette
dernière loi, ce que la recourante conteste en se plaignant d'arbitraire et de
violation du droit fédéral. A l'appui du grief d'arbitraire, elle estime que la
liquidation d'une SIAL avec création d'une PPE et transfert des parts de
copropriété aux détenteurs d'actions n'était, conformément à l'ancienne
pratique, pas considérée comme une aliénation au sens de l'art. 39 al. 1 LDTR.
Cette pratique, rappelée dans l'arrêt cantonal, se fonde sur la considération
qu'il n'y a pas modification des détenteurs économiques, les détenteurs de
certificats d'actions (auxquels est rattachée, statutairement, la jouissance
des lots correspondants) devenant propriétaires d'unités d'étages. La
recourante précise que le cas n'est pas assimilable à celui de la liquidation
d'une société simple puisque les parts sont déjà individualisées
statutairement. Le simple changement de régime juridique ne pourrait être
assimilé à une aliénation. 
 
3.1. Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale ou communale sous
l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective,
adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche,
si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas
déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou
de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une
autre solution - même préférable - paraît possible (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p.
5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560). En outre, pour qu'une décision soit annulée
au titre de l'arbitraire, il ne suffit pas qu'elle se fonde sur une motivation
insoutenable; encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat (
ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5).  
 
3.2. Selon l'art. 39 al. 1 LDTR, "l'aliénation, sous quelque forme que ce soit
(notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages,
d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation,
jusqu'alors offert en location, est soumise à autorisation dans la mesure où
l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie
de logements où sévit la pénurie". En vertu de l'alinéa 2 de cette disposition,
"le département refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt
public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général
résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation
locative des appartements loués".  
Le but poursuivi par la LDTR, qui tend à préserver l'habitat et les conditions
de vie existants, en restreignant notamment le changement d'affectation des
maisons d'habitation (art. 1 al. 1 et 2 let. a LDTR), procède d'un intérêt
public important et reconnu (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4 p. 211 s.; 113 Ia 126
consid. 7a p. 134; 111 Ia 23 consid. 3a p. 26 et les arrêts cités). Par
ailleurs, la réglementation mise en place par la LDTR est en soi conforme au
droit fédéral et à la garantie de la propriété, y compris le refus de
l'autorisation de vendre un appartement loué lorsqu'un motif prépondérant
d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. Pour qu'une telle restriction
soit conforme à la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.), l'autorité
administrative doit effectuer une pesée des intérêts en présence et évaluer
l'importance du motif de refus au regard des intérêts privés en jeu (ATF 113 Ia
126 consid. 7b/aa p. 137; arrêt 1C_141/2011 du 14 juillet 2011 consid. 3.2). 
Afin qu'une telle réglementation soit réellement efficace, elle doit
s'appliquer à tous types d'aliénation, comme le prévoit expressément le texte
de l'art. 39 al. 1 LDTR. Entendue comme l'un des aspects du droit de
disposition attachés à la propriété (art. 641 al. 1 CC), l'aliénation constitue
le transfert de propriété d'une personne à une autre. En l'occurrence, les
certificats d'actions de la société ont été acquis en 2012 peu avant que la
société ne devienne propriétaire de l'immeuble; la transformation en SIAL a eu
lieu quelque 15 jours plus tard et l'immeuble a été soumis au régime de la PPE
le 29 juin suivant. En février et mars 2014, la SI a transféré la propriété des
lots correspondant aux certificats. Point n'est besoin de rechercher si, comme
l'affirment le département et l'Asloca, la cession des actions était déjà
soumise à autorisation. En effet, il apparaît clairement que lorsque l'immeuble
a été ensuite soumis au régime de la propriété par étages, le but était de
transférer aux actionnaires-locataires la propriété des lots correspondant aux
certificats. Cela impliquait un changement dans le régime de propriété;
l'opération dans son ensemble avait pour but une individualisation des
appartements, préalable à la sortie du marché locatif (GAIDE/DEFAGO, La LDTR,
2014, p. 414 ch. 3.2), ce qui pouvait sans aucun arbitraire justifier
l'application de l'art. 39 LDTR, quand bien même la pratique antérieure selon
laquelle il n'y avait pas d'aliénation puisque les détenteurs économiques
étaient les mêmes, pouvait également apparaître défendable. 
Le grief d'arbitraire doit dès lors être écarté. 
 
3.3. Invoquant la primauté du droit fédéral, la recourante relève que la
liquidation d'une SI d'actionnaires-locataires est régie par les art. 736ss CO
et que le droit cantonal ne saurait y faire obstacle. L'argument, jugé
insuffisamment motivé par la cour cantonale, doit être écarté.  
Selon l'art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui
est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait
obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des
prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit,
notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou qui
empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon
exhaustive (ATF 143 I109 consid. 4.2.2 et la jurisprudence citée). 
La jurisprudence constante admet que les cantons demeurent libres d'édicter des
mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif, par exemple en
soumettant à autorisation les transformations, démolitions ou aliénations de
logements (ATF 101 Ia 502; 99 Ia 604; 89 I 178). Le Tribunal fédéral a ainsi
rappelé à de multiples reprises que les dispositions cantonales qui soumettent
à une autorisation les aliénations de logements offerts à la location et
imposent un contrôle des loyers ne sont en principe pas contraires aux règles
du droit civil fédéral qui régissent la vente et le contrat de bail (ATF 116 Ia
401; 101 Ia 502; 99 Ia 604; cf. également 1P.705/2000 du 24 septembre 2000), ni
aux dispositions sur la PPE (ATF 113 Ia 126 consid. 9 p. 141). Ces
considérations s'appliquent quel que soit le mode d'aliénation, et donc
également lors de la liquidation d'une SIAL dès lors que la restriction imposée
à l'art. 39 al. 1 LDTR ne porte pas atteinte à l'institution même de la société
anonyme immobilière (cf. ATF 113 Ia 26 consid. 9c p. 142). 
 
4.   
Invoquant les art. 5 al. 3 et 9 Cst., la recourante conteste l'existence d'un
cas de fraude à la loi. Rappelant les conditions auxquelles peut être retenue
l'existence d'une telle fraude, elle reproche à la cour cantonale de ne pas
avoir indiqué quel serait le résultat interdit auquel la recourante serait
parvenue d'une manière apparemment conforme au droit. Selon elle, la LDTR
imposerait un contrôle par voie d'autorisation, mais nullement un résultat tel
qu'une interdiction d'aliénation. Par ailleurs, la cour cantonale n'aurait ni
recherché ni établi l'existence d'une fraude manifeste, s'agissant d'une
pratique admise depuis longtemps et encore confirmée peu auparavant par le
département ainsi que par la cour cantonale, pourtant saisie d'une dénonciation
pour fraude. 
 
4.1. Développé dans le domaine du droit civil (art. 2 CC) et récemment rappelé
dans le domaine du droit administratif en rapport avec la réglementation
relative aux résidences secondaires (art. 75b Cst.), le principe de la bonne
foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., selon lequel les
organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux
règles de la bonne foi. L'art. 9 Cst. peut également être invoqué à cet égard
en tant que droit constitutionnel (cf. ATF 136 I 254 consid. 5.2 p. 261; 126 II
377 consid. 3a p. 387).  
Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'un
justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain
résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de
manière apparemment conforme au droit (ATF 132 III 212 consid. 4.1). La norme
éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée
à la contourner (arrêt 1C_874/2013 du 4 avril 2014 consid. 4.2; ATF 134 I 65
consid. 5.1 p. 72; 131 I 166 consid. 6.1 p. 177 et les arrêts cités; arrêt
1C_158/2015 du 3 mai 2016). La doctrine confirme elle aussi l'application de
ces principes dans le domaine du droit administratif (cf. MOOR/FLÜCKIGER/
MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3 ^ème édition, Berne 2012, § 6.4.4 p.
932; HÄFELIN/ MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7 ^ème édition,
Zurich 2015, p. 163 s.; TSCHANNEN/ ZIMMERLI/MÜLLER, Allgemeines
Verwaltungsrecht, 4 ^ème édition, Berne 2014, p. 182).  
Comme le suggère, en matière civile, le libellé de l'art. 2 al. 2 CC, un abus
de droit doit, pour être sanctionné, apparaître manifeste. L'autorité qui
entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à
la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Il
n'est pas aisé de tracer la frontière entre le choix d'une construction
juridique offerte par la loi et l'abus de cette liberté, constitutif d'une
fraude à la loi. Répondre à cette question implique une appréciation au cas par
cas, en fonction des circonstances d'espèce (arrêt 1C_874/2013 du 4 avril 2014
consid. 4.3 et la jurisprudence citée). A l'instar de tous les griefs d'ordre
constitutionnel, celui-ci est soumis aux conditions de motivation accrues en
vertu de l'art. 106 al. 2 LTF: le recourant doit donc exposer, de manière
claire et détaillée, en quoi consiste la violation du droit constitutionnel
invoqué. A défaut d'une telle motivation, le Tribunal fédéral ne peut
sanctionner d'office une inconstitutionnalité pourtant avérée (ATF 139 I 229
consid. 2.2 p. 232 et les références citées). 
 
4.2. L'arrêt attaqué rappelle que les SIAL, à l'instar des coopératives de
locataires, avaient été instituées à l'époque où la PPE n'existait pas encore
en droit suisse. Cette forme de société s'était développée, spécialement en
Suisse romande, après la seconde guerre mondiale et jusqu'en 1965, date
d'introduction dans le CC du régime de la PPE. Après cette date, nombre
d'immeubles avaient encore été construits et exploités sous cette forme. Selon
l'ancienne pratique, le département tolérait les liquidations de SIAL avec
création d'un régime de PPE, considérant que les détenteurs de certificats
d'actions devenaient simplement "propriétaires en nom".  
Contrairement à ce que soutient la recourante, le contrôle par voie
d'autorisation institué par la LDTR ne constitue pas un but en soi; c'est le
maintien de l'affectation locative des logements qui représente l'objectif
poursuivi par la loi, comme cela ressort clairement des art. 1 al. 1 et 2 let.
c et 25 al. 1 de cette loi, les dispositions relatives à l'aliénation des
appartements destinés à la location (art. 39ss LDTR) étant comprises dans le
chapitre VII prévoyant des mesures visant à lutter contre la pénurie
d'appartements locatifs. Dans ce contexte, il est manifeste que le résultat
prohibé par la loi est bien la diminution du parc locatif par l'aliénation de
logements qui étaient précédemment offerts à la location. 
 
4.3. S'agissant des soupçons de fraude, il y a lieu de relever que pour les
SIAL créées avant 1965, la transformation en PPE apparaissait comme la
conséquence naturelle du changement de régime légal. La tolérance dont a fait
preuve le département par la suite peut également se justifier puisque les
propriétaires sont en principe libres de soumettre leur immeuble au régime
juridique qu'ils désirent en vertu notamment de la garantie de la propriété.
Toutefois, lorsqu'une SIAL est créée et qu'elle est ensuite rapidement
transformée en PPE sans qu'aucune raison plausible ne justifie le choix de la
première forme juridique, l'autorité peut légitimement soupçonner que cette
succession soit uniquement destinée à profiter de la tolérance dont le
département a fait preuve jusqu'ici.  
 
4.4. En l'occurrence, G.________ SA, par son administrateur, a procédé à la
vente de ses actions au mois de mai 2012, alors qu'elle n'était pas encore
propriétaire de l'immeuble; la transformation en SIAL a eu lieu 15 jours plus
tard et l'immeuble a été soumis au régime de la PPE le 29 juin suivant,
l'ensemble de l'opération s'étant ainsi déroulé sur un mois. En février et mars
2014, G.________ SA a transféré la propriété des lots correspondant aux
certificats. Cette succession rapide fait apparaître qu'il s'agit d'un montage
mis sur pied dès l'origine; la recourante ne tente pas d'expliquer (alors que
cette démonstration lui incombait en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF) pour quelle
raison la forme de la SIAL a été adoptée durant une si brève période plutôt que
de soumettre directement l'immeuble au régime de la PPE. Dans ces
circonstances, c'est à juste titre que les autorités cantonales ont vu une
fraude à la loi.  
 
5.   
Dans la mesure où une fraude à la loi pouvait être retenue dans le cas
particulier, il n'y a évidemment pas lieu de s'interroger sur les arguments que
la recourante entend tirer du principe de la bonne foi, en particulier à propos
de l'admissibilité du changement de pratique opéré par le département. En
effet, une telle fraude pouvait aussi bien être sanctionnée sous le régime
précédent, sans que l'autorité n'ait à mettre en place un régime transitoire.
En outre, la décision attaquée ne porte manifestement pas atteinte au principe
de non-rétroactivité proprement dite, puisque ce principe fait obstacle à
l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en
vigueur (ATF 138 I 189 consid. 3.4 p. 193; 119 Ia 254 consid. 3b p. 258 et la
jurisprudence citée). En l'occurrence, le département est intervenu avant que
les transferts n'aient été inscrits au Registre foncier, de sorte que
l'opération n'était pas entièrement achevée à ce moment. Enfin, l'admission
d'une fraude à la loi a comme conséquence l'application de la norme éludée, ce
qui empêche également la recourante de se prévaloir du principe de
proportionnalité, en relation avec le dommage qu'elle allègue subir en raison
du refus d'autorisation. Ce dommage fait partie des risques encourus par celui
qui tente d'éviter l'application d'une norme, et il lui appartient d'en subir
les conséquences. Pour le surplus, les conditions du refus de l'autorisation
d'aliéner sont conformes à l'art. 39 al. 2 LDTR, et d'ailleurs non contestées
par la recourante. 
 
6.   
La recourante demande à être exonérée des émoluments perçus en application de
la LDTR. Cette conclusion n'est toutefois assortie d'aucune motivation; on ne
discerne pas si elle est le corollaire de l'admission du recours sur le fond et
du non-assujettissement à la LDTR, ou si elle constitue une reprise du grief
soumis à la cour cantonale. Faute de toute motivation, elle est irrecevable. La
conclusion subsidiaire de l'intimée (établissement d'une liste des opérations
effectuées après le 30 mars 1985) doit elle aussi être écartée, dans la mesure
où elle va au-delà du rejet du recours. 
 
7.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est
recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à
la charge de la recourante qui succombe, de même que l'indemnité de dépens
allouée à l'Asloca, qui obtient gain de cause (art. 68 al. 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante. 
 
3.   
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée à l'Asloca, partie intimée, à
la charge de la recourante. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département de
l'aménagement, du logement et de l'énergie et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 23 novembre 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz 

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