Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.1/2017
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
1C_1/2017

Arrêt du 27 mars 2017

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux, Merkli, Président,
Karlen, Fonjallaz, Chaix et Kneubühler.
Greffier : M. Kurz.

Participants à la procédure
A.________ SA,
B.________,
tous deux représentés par
Maîtres François R. Micheli et Marc Joory,
recourants,

contre

Ministère public de la Confédération.

Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale
à la France, remise anticipée de moyens de preuve,

recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral,
Cour des plaintes, du 21 décembre 2016.

Faits :

A. 
Le 17 novembre 2014, le Ministère public de la Confédération (MPC) est entré en
matière sur une demande d'entraide judiciaire formée par un juge d'instruction
près le Tribunal de grande instance de Parisdans le cadre d'une information
pour délits d'initiés, demande tendant notamment à une surveillance
téléphonique active de raccordements attribués à la société A.________ SA
(A.________) et à B.________ (B.________). Le MPC a autorisé la transmission
immédiate des données récoltées tout en interdisant aux autorités françaises
leur utilisation à des fins probatoires et en réservant une décision finale de
refus. Cette décision, avalisée le 19 novembre 2014 par le Tribunal des mesures
de contrainte (Tmc), a été confirmée le 3 novembre 2015 par la Cour des
plaintes du Tribunal pénal fédéral. Par arrêt du 23 novembre 2015 (1C_602/
2015), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par
A.________ et B.________, considérant que les écoutes téléphoniques n'avaient
en définitive pas donné de résultat permettant une transmission immédiate.

B. 
Une demande d'entraide complémentaire a été présentée au MPC le 4 mars 2016,
par laquelle l'autorité française demandait l'intégralité des écoutes
téléphoniques réalisées entre les 14 et 30 novembre 2014 pour les besoins de
nouvelles investigations relatives à d'autres délits d'initiés. Le MPC est
entré en matière le 4 avril 2016. Il a ordonné la transmission des résultats
des mesures de surveillance avant que les personnes concernées n'en soient
informées, aux conditions suivantes:
a) L'utilisation à titre probatoire des données transmises par les autorités
suisses est interdite jusqu'à autorisation donnée par lesdites autorités. Par
utilisation à titre probatoire, on entend toute utilisation pour obtenir,
motiver ou fonder une décision finale sur la cause ou un de ses aspects
(prononcé de peines ou de mesures, confiscation, etc.). L'utilisation pour
obtenir, fonder ou motiver des mesures d'enquête (p. ex. mise en sécurité de
moyens de preuve ou de valeurs patrimoniales révélées par les écoutes,
arrestations provisoires, etc.) ne constitue pas une utilisation à titre
probatoire du présent paragraphe.
b) Si la Suisse devait finalement refuser l'entraide, les autorités françaises
devront retirer immédiatement de leur dossier, puis détruire la documentation
objet des transmissions suisses à la première demande des autorités suisses."
Le 6 avril 2016, le Tmc a autorisé cette exploitation de moyens de preuve. Le
21 avril 2016, le MPC a encore rendu une ordonnance d'exécution de sa décision
d'entrée en matière, estimant justifié de transmettre l'intégralité des
communications (enregistrements vocaux, SMS, retranscriptions, données
techniques, journaux des contacts et des identifications) sur la période visée.
A.________ et B.________ ont été informés de cette mesure le 4 août 2016. Ils
ont recouru auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral contre les
décisions des 4 et 21 avril 2016.

C. 
Par arrêt du 21 décembre 2016, la Cour des plaintes a déclaré le recours
irrecevable. Tant la décision d'entrée en matière que l'ordonnance d'exécution
étaient de nature incidente. Selon les directives de l'Office fédéral de la
justice (OFJ) relatives à l'entraide judiciaire pénale (édition 2009, ci-après:
les directives), les écoutes téléphoniques pouvaient être effectuées et leurs
résultats transmis à l'autorité étrangère de manière anticipée à l'insu des
personnes concernées si les besoins de l'enquête le justifiaient. Certes, le
MPC aurait pu rendre une ordonnance de clôture dès lors que les écoutes avaient
déjà été effectuées auparavant. Toutefois, l'autorité requérante avait requis
que ce volet de son enquête demeure confidentiel. Les conditions posées à une
transmission immédiate permettaient de prévenir tout dommage irréparable. Se
référant à son arrêt du 3 novembre 2015, la Cour des plaintes a considéré que
la validité des garanties fournies sur ce point ne pouvait être remise en
question.

D. 
Par acte du 2 janvier 2017, A.________ SA et B.________ forment un recours en
matière de droit public par lequel ils demandent au Tribunal fédéral d'annuler
l'arrêt de la Cour des plaintes, de constater que la transmission anticipée à
l'Etat requérant des écoutes téléphoniques n'est pas admissible en application
de l'art. 18a EIMP, et que les conditions fixées à l'utilisation de ces
enregistrements ne correspondent pas à la réserve de la spécialité. Ils
concluent aussi à ce que l'OFJ et le MPC soient invités à prendre les mesures
adéquates auprès de l'autorité requérante pour mettre à exécution l'arrêt du
Tribunal fédéral et demandent le renvoi de l'affaire à l'autorité de première
instance. Subsidiairement, ils demandent le renvoi de la cause à la Cour des
plaintes pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Les recourants
requièrent l'effet suspensif et demandent qu'un délai leur soit accordé pour
compléter leur recours.
La Cour des plaintes persiste dans les termes de son arrêt, sans observations.
Le MPC conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, en
précisant notamment que la clôture de la procédure d'entraide est en cours.
L'OFJ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à
son rejet.
Les recourants ont déposé de nouvelles observations le 3 février 2017, en
estimant que la condition du préjudice irréparable serait réalisée et en
persistant dans leurs conclusions. La Cour des plaintes a persisté dans les
termes de son arrêt. Le MPC et l'OFJ ont renoncé à de nouvelles observations.
Le 10 mars 2017, le MPC a fait savoir qu'il avait rendu le même jour une
ordonnance de clôture autorisant la transmission des renseignements litigieux,
sous réserve du principe de la spécialité, levant simul tanément les conditions
d'utilisation posées lors de la transmission anticipée.

Considérant en droit :

1. 
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à
l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide
judiciaire internationale si celui-ci a pour objet la transmission de
renseignements concernant le domaine secret. Il doit toutefois s'agir d'un cas
particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important
notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger
viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces
motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal
fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question
juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la
jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218).
L'art. 93 al. 2 LTF précise que les décisions préjudicielles et incidentes ne
peuvent pas faire l'objet d'un recours, sauf en cas de saisie d'objets ou de
valeurs, pour autant que les conditions de l'art. 93 al. 1 LTF soient réunies.
En matière d'entraide judiciaire, l'existence d'un préjudice irréparable doit
être admise restrictivement, à la lumière des critères énumérés à l'art. 80e
al. 2 EIMP.
En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe au recourant de démontrer que les
conditions d'entrée en matière posées aux art. 84 et 93 LTF sont réunies (ATF
133 IV 131 consid. 3 p. 132).

1.1. Les recourants relèvent que les décisions du MPC ont eu pour effet la
transmission immédiate à l'étranger de renseignements résultant d'écoutes
téléphoniques. Ils estiment qu'une telle remise prématurée pourrait avoir les
mêmes effets qu'une décision finale. Au contraire de l'affaire précédente
concernant les recourants (arrêt 1C_602/2015), des enregistrements d'écoutes
téléphoniques auraient bien été remis de manière anticipée à l'autorité
requérante. Ces enregistrements ayant été réalisés aux mois de novembre et
décembre 2014, le MPC aurait pu rendre directement une ordonnance de clôture.
La remise prématurée serait destinée à priver les recourants de leurs droits
alors que, dans l'Etat requérant, ils n'ont pas non plus accès au dossier faute
de mise en examen. Les recourants estiment par ailleurs que la condition d'un
préjudice irréparable serait réalisée, comme cela est le cas en matière pénale
s'agissant des écoutes téléphoniques. En outre, le principe de la spécialité
n'a pas été rappelé lors de la transmission, ce qui permettrait notamment une
utilisation à des fins fiscales. Les recourants estiment que la question de la
transmission anticipée au regard des art. 18a et 18b EIMP, ainsi que
l'utilisation des renseignements avant une décision de clôture constitueraient
des questions de principe.

1.2. La jurisprudence considère en effet qu'un acte de procédure ayant pour
conséquence la transmission prématurée de renseignements à une autorité
étrangère - lorsque ceux-ci sont requis par la même autorité par le biais de
l'entraide judiciaire - peut avoir les mêmes effets qu'une décision finale de
clôture. Il en va ainsi lorsque, dans le cadre d'une procédure pénale en
Suisse, l'accès au dossier accordé à une partie comporte le risque d'une
transmission intempestive à un Etat requérant (ATF 139 IV 294). Il en va de
même lorsque les enquêteurs étrangers sont admis à participer aux actes
d'entraide sans que des précautions suffisantes ne soient prises pour les
empêcher d'exploiter les moyens de preuve de manière anticipée (ATF 127 II 198
consid. 2b p. 204; on y voit dans ce cas une décision incidente susceptible de
causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 80e al. 2 let. b EIMP).
En l'occurrence, les renseignements requis ont été transmis de manière
anticipée à l'autorité requérante, sans que les recourants n'aient été informés
et mis en mesure de faire valoir leurs objections. Le but de cette transmission
est de permettre une exploitation de ces renseignements dans le cadre de
l'enquête pénale en cours. Le risque d'exploitation de ces moyens de preuve
avant la clôture définitive de la procédure d'entraide est donc
particulièrement évident (cf. également ZIMMERMANN, la Coopération judiciaire
internationale en matière pénale, 4 ^ème éd. Berne 2014 n° 428 en ce qui
concerne les modalités de la vidéoconférence). Ainsi, à l'instar de la
jurisprudence précitée, il y a lieu de considérer que la transmission immédiate
du contenu des écoutes téléphoniques doit être traitée comme ayant les mêmes
effets qu'une décision finale de clôture. C'est dès lors à tort que la Cour des
plaintes a considéré la décision attaquée comme incidente et a examiné si les
recourants subissaient un préjudice irréparable. Par ailleurs, sur le fond, la
question de la transmission immédiate des résultats d'une mesure de
surveillance de la correspondance en vertu des art. 18a et 18b EIMP soulevée
dans le recours constitue, comme l'a relevé le Tribunal fédéral dans son
précédent arrêt et comme l'admet le MPC dans sa réponse, une question délicate
(arrêt 1C_602/2015 consid. 2) qui n'a pas encore été traitée par la cour de
céans, satisfaisant manifestement la condition du cas particulièrement
important au sens de l'art. 84 LTF, vu les intérêts en jeu.

1.3. Le prononcé par le MPC, après le dépôt du recours, d'une ordonnance de
clôture autorisant la remise des renseignements ayant fait l'objet de la
transmission anticipée, ne rend pas pour autant le recours sans objet. En
effet, la jurisprudence fait exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un
intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans
des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la
trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de
principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de
la question litigieuse (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1 p. 24; 136 II 101 consid.
1.1 p. 103). Tel est le cas en l'espèce dès lors qu'il se pose une question de
principe et que les décisions de transmission anticipée, jugées admissibles par
les instances précédentes, sont normalement suivies de décisions de clôture
susceptibles de faire perdre tout objet à un éventuel recours.
Il y a donc lieu d'entrer en matière.

1.4. Procéduralement, la situation est particulière dans la mesure où
l'instance précédente s'est déjà prononcée de façon approfondie sur les
éléments matériels litigieux dans le cadre de l'examen de l'existence d'un
éventuel préjudice irréparable. Cela étant, il ne ferait pas de sens de lui
renvoyer cette cause pour qu'elle statue sur des points de droit qu'elle a déjà
examinés, même si c'était à un autre titre. Le recours respectant les exigences
de la LTF en matière de motivation et les autorités en charge de l'entraide
judiciaire pénale étant soumises à une obligation de célérité expressément
formulée par le législateur (art. 17a EIMP), la cour de céans est en mesure de
statuer sur le fond (art. 107 al. 2 LTF).

2. 
Sur le fond, les recourants estiment qu'une transmission anticipée des écoutes
téléphoniques ne serait pas possible en vertu des art. 18a et 18b EIMP. La
première disposition ne permettrait pas une transmission avant le prononcé
d'une ordonnance de clôture. La seconde ne s'appliquerait pas au contenu des
communications, mais seulement aux données accessoires. Le recourant considère
par ailleurs que la commission rogatoire du 25 janvier 2016 serait
insuffisamment motivée et irrégulièrement formulée. Le MPC estime au contraire
qu'une interprétation littérale, systématique, historique et téléologique des
dispositions précitées, confirmée par une majorité de la doctrine, permettrait
une transmission anticipée aux conditions telles que fixées dans sa décision.
L'OFJ considère que les exigences du droit suisse ne sont pas entièrement
adaptées aux instruments de coopération moderne et que la mesure de
transmission anticipée serait le seul moyen propre à assurer la crédibilité de
la Suisse dans le cadre de la mise en place de mesure d'entraide nécessitant
réactivité et discrétion, sans quoi les enquêtes étrangères pourraient être
bloquées, voire mises en danger.

2.1. Dans le système de l'EIMP, toute transmission d'information à l'étranger
doit en principe être précédée d'une décision de l'autorité suisse d'exécution
se prononçant sur l'octroi et l'étendue de l'entraide judiciaire (art. 80d
EIMP). Cette décision de clôture permet aux personnes touchées par la mesure
d'entraide de faire valoir leurs objections et, le cas échéant, de recourir
(art. 80b et 80e EIMP). Certains actes d'entraide peuvent faire exception à ce
principe fondamental et impliquer une transmission prématurée d'informations à
l'Etat requérant. Il s'agit notamment de l'autorisation donnée aux enquêteurs
étrangers d'assister à l'exécution de la demande (art. 65a EIMP et 26 OEIMP),
de la transmission spontanée d'information (art. 67a EIMP) de l'audition par
vidéoconférence ou par conférence téléphonique, et des divers moyens
d'investigation impliquant la participation en Suisse d'enquêteurs étrangers
(observation transfrontalière, livraison surveillée, enquête discrète et
équipes communes d'enquête). Ces divers actes d'entraide peuvent être admis en
droit suisse moyennant des précautions particulières, dans la mesure où ils
sont expressément prévus par le droit interne ou lorsqu'ils sont imposés par
les dispositions d'un traité international d'application immédiate (ZIMMERMANN,
Communication d'informations et de renseignements pour les besoins de
l'entraide judiciaire internationale en matière pénale: un paradigme perdu ?
in: AJP 2007 p. 62 ss).

2.2. Le droit suisse de procédure pénale (art. 269 ss CPP) prévoit certes que
le résultat des écoutes téléphoniques puisse être exploité avant que
l'intéressé n'en ait connaissance et permet ainsi de surseoir à l'information
et au droit de recours de la personne concernée jusqu'à la clôture de la
procédure préliminaire (art. 279 CPP). Dans le domaine de l'entraide
judiciaire, le principe d'une transmission de renseignements à l'étranger en
temps réel va cependant à l'encontre des règles générales sur la procédure
d'entraide judiciaire rappelées ci-dessus (consid. 2.1; cf. également,
s'agissant de l'engagement d'agents infiltrés étrangers, ATF 132 II 1 consid.
3.3 p. 8; OFJ,L'entraide judiciaire internationale en matière pénale,
Directives 9 ^ème édition 2009 p. 65). Il en va de même lorsque, comme en
l'espèce, l'autorité suisse d'exécution procède préalablement aux écoutes et au
tri des transcriptions et les transmet à l'autorité requérante avant toute
ordonnance de clôture. Un tel mode de procéder devrait dès lors être soit
explicitement prévu par le droit interne en matière d'entraide judiciaire
("admis en droit suisse", art. 63 al. 1 EIMP), soit imposé par une convention
internationale (ATF 131 II 132 consid. 2 p.133). Tel n'est pas le cas en l'état
actuel.

2.3. Le deuxième Protocole additionnel à la CEEJ (RS 0.351.12, entré en vigueur
pour la Suisse le 1 ^er février 2005, ci-après le protocole II) prévoit des
nouveaux instruments de coopération tels que, notamment l'observation
transfrontalière (art. 17), les enquêtes discrètes et équipes communes
d'enquête (art. 19 et 20), soit autant de moyens d'investigation comportant une
transmission de moyens de preuve en temps réel et à l'insu des personnes
visées. La surveillance téléphonique en temps réel ne fait toutefois pas partie
des moyens prévus.
Quant à l'art. III de l' Accord entre le Conseil fédéral suisse et le
Gouvernement de la République française en vue de compléter la Convention
européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, conclu le
28 octobre 1996 et entré en vigueur le 1er mai 2000, il ne concerne que le
principe de spécialité sans constituer une base conventionnelle pour le
transfert anticipé, voire en temps réel, du contenu d'écoutes téléphoniques.
L'art. 18a EIMP a été adopté parallèlement à l'adoption du CPP et à la révision
de la LSCPT, pour tenir compte de l'abrogation de différentes dispositions de
cette loi (FF 2006 1327). Il prévoit, à l'al. 2, que la surveillance par poste
et télécommunications peut être ordonnée par le MPC ou l'OFJ, et doit être
approuvée par le Tribunal des mesures de contrainte compétent (al. 3), sans
toutefois autoriser expressément une remise anticipée des résultats de la
surveillance. L'art. 18a al. 4 EIMP prévoit que les conditions de la
surveillance et la procédure sont régies par les art. 269 à 279 CPP et par la
LSCPT. Cette disposition, qui se trouvait déjà dans la version précédente de la
loi (RO 2001 3096, 3110; FF 1998 3730), se limite à un rappel des règles
formelles de procédure et de compétence, mais n'a pas pour but de permettre une
transmission anticipée de renseignements à l'étranger à l'insu des personnes
ayant fait l'objet de la surveillance téléphonique (FF 2006 1327).
Quant à l'art. 18b EIMP, il a été introduit suite à l'entrée en vigueur pour la
Suisse, le 1er janvier 2012, de la Convention du Conseil de l'Europe sur la
cybercriminalité (CCC, RS 0.311.43). Intitulé "Divulgation rapide de données
conservées", l'art. 30 CCC prévoit en effet la communication des données
concernant le trafic aux fins d'identifier le fournisseur de services et la
voie de communication. Comme cela ressort de cette disposition, la transmission
est limitée aux données informatiques. L'art. 18b EIMP, qui permet d'ordonner
une transmission avant la clôture de la procédure d'entraide, est lui aussi
limité aux données "relatives au trafic informatique", dans le cas spécifique
où il s'agit de déterminer le fournisseur de services situé dans un Etat
étranger. Il ne ressort ni de cette disposition, ni de l'art. 30 CCC, ni du
message y relatif (FF 2010 4309 ss) que cette procédure pourrait s'appliquer à
une surveillance téléphonique. Au contraire, le message relève qu'en raison du
conflit potentiel entre les principes de base de l'entraide judiciaire et les
impératifs d'une transmission d'informations en temps réel, l'art. 18b EIMP se
limite aux données relatives au trafic, sans inclure celles relatives au
contenu (FF 2010 4311 s.). Dans ces conditions, il faut admettre, contre l'avis
majoritaire de la doctrine (cf. AEPLI, BSK-ISTR, n° 35 ad art. 18a IRSG; FABBRI
/FURGER, Geheime Überwachungsmassnahmen in der internationalen Kooperation in
Strafsachen; Ermittlungserfolg im Ausland versus Rechtsgüterschutz in der
Schweiz, RPS 128/2010 p. 394 ss; FABBRI, Geheime Beweiserhebung in der Schweiz
im Rahmen der internationalen Strafrechtskooperation, in: Rechtsschutz bei
Schengen und Berlin, Zurich 2013 p. 39 ss, 58; ZIMMERMANN, op. cit. n° 441, qui
admet un sursis ou une renonciation à la communication selon l'art. 279 al. 1
CPP et met en évidence les difficultés pratiques liées aux modalités d'une
telle communication ultérieure), que la transmission anticipée d'écoutes
téléphoniques n'est pas prévue en l'état actuel du droit suisse et
international (HARARI/CORMINBOEUF, Entraide internationale en matière pénale et
transmission anticipée à l'Etat requérant, in: Mélanges en l'honneur de Claude
Rouiller, Bâle 2016 p. 77 ss, 92). Une application analogique de l'art. 18b
EIMP pourrait certes être envisagée s'agissant des données relatives au trafic
téléphonique, mais il ressort de ce qui précède que le législateur a
expressément voulu écarter toute transmission anticipée de données relatives au
contenu des conversations.
La surveillance téléphonique en temps réel, à tout le moins la transmission
anticipée de telles données, peuvent se révéler d'une grande utilité dans le
cadre d'investigations qui doivent pour un temps demeurer secrètes. A défaut
d'une base légale ou conventionnelle, un tel mode de procéder ne peut toutefois
pas être admis. Il ne pourra l'être qu'à la faveur d'une révision législative.

3. 
Outre l'annulation de l'arrêt attaqué, les recourants demandent au Tribunal
fédéral de constater que la transmission anticipée n'est pas admissible en
application de l'art. 18a EIMP. Sur le vu des considérants qui précèdent, il y
a lieu d'admettre ces conclusions et de réformer l'arrêt attaqué en ce sens,
d'une part que le recours à la Cour des plaintes est déclaré recevable et,
d'autre part, qu'il est constaté que la transmission anticipée n'est pas
admissible.
En revanche, il n'y a pas lieu d' annuler formellement ou de modifier les
décisions du MPC, voire d'ordonner, comme le voudraient les recourants,une
intervention auprès de l'autorité requérante. En effet, selon la jurisprudence,
lorsque des renseignements font l'objet d'une transmission prématurée, il n'y a
pas forcément lieu d'en demander la restitution. Le vice peut en effet encore
être réparé par la suite lorsqu'il apparaît, après avoir permis aux parties
intéressées de faire valoir leurs objections, que les conditions d'octroi de
l'entraide judiciaire sont réalisées et que les renseignements litigieux
doivent de toute façon aboutir en mains de l'autorité requérante (ATF 129 II
544 consid. 3.6 p. 549, 125 II 238 consid. 6a p. 246).
En l'occurrence, le MPC a déjà rendu une ordonnance de clôture autorisant la
remise et l'exploitation des écoutes téléphoniques. Une telle décision, une
fois définitive et exécutoire, pourrait avoir pour effet de guérir les
irrégularités constatées dès lors que les renseignements resteraient en mains
de l'autorité requérante et pourraient être exploités comme moyens de preuve,
la réserve de la spécialité ayant été dûment rappelée.

4. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours est admis au sens des considérants.
L'arrêt attaqué est réformé dans le sens suivant: le recours déposé à la Cour
des plaintes est déclaré recevable et il est constaté que la transmission
anticipée selon l'ordonnance du 4 avril 2016, est illicite au regard de l'art.
18a EIMP. Les conclusions relatives au principe de la spécialité deviennent
sans objet et celle qui tend à une intervention auprès de l'autorité requérante
est écartée. Les recourants, qui obtiennent pour l'essentiel gain de cause, ont
droit à des dépens, à la charge du MPC (art. 68 al. 2 LTF). Il n'est pas perçu
de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La cause doit être renvoyée à la Cour
des plaintes afin qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens, compte tenu
de l'issue de la procédure. Le présent arrêt rend sans objet la demande d'effet
suspensif, sans qu'il y ait à s'interroger sur le sens d'une telle demande
compte tenu de l'objet de la contestation.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis au sens des considérants. Le ch. 1 du dispositif de
l'arrêt attaquéestréformé dans le sens suivant: le recours déposé à la Cour des
plaintes est déclaré recevable et il est constaté que la transmission
anticipée, selon l'ordonnance du 4 avril 2016, est illicite au regard de l'art.
18a EIMP. Le ch. 3 du dispositif de l'arrêt attaqué est annulé. Le recours est
rejeté pour le surplus. La cause est renvoyée à la Cour des plaintes pour
nouvelle décision sur les frais et dépens.

2. 
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est allouée aux recourants, à la charge de
la Confédération (Ministère public de la Confédération).

3. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, au Ministère
public de la Confédération, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à
l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.

Lausanne, le 27 mars 2017

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Merkli

Le Greffier : Kurz

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